Retrouvailles dans le tourbillon
Par Mercurio

(généreusement traduit de l'anglais par Gérald )

NOTE DE LA WEBMISTRESS

La fiction suivante présente un contenu qui, par sa nature, s'adresse à un public, disons, "ADULTE"... Afin d'éviter toute réaction négative envers cette fiction, veuillez donc prendre en considération cet avertissement...

 

CHAPITRE TREIZE

L’alouette et le rossignol.

 

A Nila, pour tout ce que ton amitié signifie pour moi.

 

Comment je t’aime? Que j’en compte les manières.

Je t’aime jusqu’à la profondeur, à la largeur et à la hauteur

Que mon âme peut atteindre, quand elle sent hors de vue

Les buts que sont l’Etre et la Grâce idéale.

Je t’aime jusqu’au niveau des besoins

Les plus paisibles du quotidien, à la lumière du soleil et de la chandelle.

Je t’aime librement, comme les hommes se battent pour le Droit ;

Je t’aime purement, comme ils se détournent de l’Orgueil.

Je t’aime avec la passion que je mettais

Dans mes anciennes douleurs, et avec la foi de mon enfance.

Je t’aime d’un amour que j’ai cru perdre

Avec mes saints perdus, - je t’aime avec le souffle,

Le sourire, les larmes, de toute ma vie ! - et, si Dieu permet,

Je ne t’aimerai que mieux après ma mort.

 Elizabeth Barrett Browning.

Candy s’assit sur le lit, effleurant ses lèvres avec la lettre qu’elle avait lue pour la centième fois. Elle ferma les yeux, tandis que ses sentiments assiégeaient son âme fatiguée. Etrangement, toutes les inquiétudes, les peurs, tous les ressentiments qui l’avaient tourmentée durant les deux jours précédents avaient été relégués au second plan. Soudain, la seule chose importante pour elle était la certitude que Terrence allait quitter Paris pour affronter la mort sur le front occidental…

“Après-demain,…” pensa-t-elle, les mains tremblantes, “tu vas partir après-demain! Dans deux jours, tu seras de nouveau enterré dans une de ces horribles tranchées noires, à attendre ton tour d’être envoyé au feu. “

Candy ne pouvait éviter les images sinistres et les bruits terrifiants qui envahissaient son esprit, tandis que les larmes commençaient à baigner son visage. Elle se souvint de sa propre expérience, le soir où Duval était mort, le bruit des détonations, les cris des blessés, et la vision terrifiante du corps ensanglanté de Terry, la nuit où il était arrivé à l’hôpital.

“Dieu tout-puissant! Je savais que ça allait arriver… mais au fond de mon âme j’espérais… Seigneur, je vous ai prié tellement de fois pour la fin de cette guerre, pour qu’il ne soit jamais envoyé dans cet enfer… Et maintenant “ continua-t-elle entre ses sanglots silencieux, “ … et maintenant il repart là-bas… Comment vais-je vivre, en sachant que lui, qui est toute mon âme, risque à nouveau sa précieuse vie ? “

La jeune femme déplia une fois de plus le papier, et relut les dernières lignes…

“S’il te plaît, ma chère Candy, retrouve-moi demain à midi, au Jardin du Luxembourg. Je t’attendrai près de la fontaine centrale, devant le palais. “

“Il veut me voir!” se répéta-t-elle avec excitation, “ Terry veut me voir avant de partir !… … Mais qu’est-ce que je vais faire quand je l’aurai devant moi ? Qu’est-ce que je vais pouvoir dire après ce qui s’est passé entre nous l’autre nuit ? “

La Seine est une frontière naturelle entre deux zones différentes, les deux visages de Paris. Le monde des affaires et de la vie nocturne est sur la rive droite, alors que sur la rive gauche se trouve le Quartier Latin, domaine de la Sorbonne, des artistes et des intellectuels. Des étudiants et des rêveurs, Chopin et Liszt, Baudelaire et Picasso sont quelques-uns des personnages qui ont peuplé la rive gauche par le passé. Une perle au cœur de cette version parisienne de l’Académie platonicienne est le Palais du Luxembourg, magnifique et luxueux bâtiment entouré d’un vaste jardin qui a assisté à quatre siècles d’histoire de France.

 

Le jardin du Luxembourg a été créé par Marie de Médicis au début du XVIIe siècle. C’est un immense terrain de 224 500 mètres carrés autour du palais, qui couvrait à l’origine une surface plus grande, mais qui au fil du temps a subi un certain nombre d’amputations. Malgré ces changements, la beauté du jardin n’a pas diminué. Il a pour la première fois été ouvert au public par le prince Gaston d’Orléans, au XVIIe siècle. Même si, après cette date, les portes du jardin ont parfois été fermées aux visiteurs ordinaires, c’est aujourd’hui, et depuis le XIXe siècle, l’un des parcs favoris de la cité, l’un des sites les plus importants de la capitale française, un terrain de jeu élégant pour beaucoup d’enfants, un lieu de rendez-vous pour les amoureux, la promenade habituelle des étudiants, et l’un des décors du plus grand roman de Victor Hugo.

A droite, le boulevard Saint-Michel ; à gauche, la rue Guynemer ; derrière, la rue de Vaugirard et, juste devant, la rue Auguste Comte. La Sorbonne se trouve un pâté de maisons plus loin. Voilà l’emplacement de ce lieu historique, orné d’une immense fontaine polygonale où les petits visiteurs s’amusent traditionnellement avec des bateaux à voile. De belles allées bordées d’arbres et de délicates statues, des endroits paisibles et frais où l’on peut s’asseoir sur une balustrade Renaissance, sur un banc solitaire, ou au bord d’une fontaine, on trouve cela et plus au jardin du Luxembourg.

A chacun de ses pas, les plis de sa jupe flottaient en un fantôme blanc de lin et d’organdi. Ornés d’un ruban blanc, ses cheveux couvraient son dos en spirales dorées qui réfléchissaient le soleil, et parfois le vent rare de l’été poussait une boucle fugitive contre ses joues. La nervosité était clairement visible sur son visage, ses iris verts fixés sur un lieu encore indistinct au bout de la longue allée où elle marchait.

Candy écrasait son sac à main blanc de ses doigts inquiets, en se remémorant la conversation qu’elle avait eue avec Julienne la nuit précédente, essayant de se donner du courage et sachant qu’à chaque pas elle se rapprochait de la fontaine centrale.

“Qu’est-ce que je vais faire maintenant, Julie ? “ avait mélancoliquement demandé la jeune femme.

La brune avait répondu par une autre question:

« Tu l’aimes, non ? »

“De tout mon cœur “ avait été la réponse immédiate de Candy.

“N’est-il pas évident qu’il t’aime en retour?” demanda à nouveau Julienne.

“Il ne l’a jamais dit… mais… l’autre soir, il était tellement jaloux ! “ murmura pensivement la jeune blonde.

“Alors, je ne vois pas pourquoi tu devrais te demander ce que tu as à faire,” dit son aînée en souriant.

“J’ai peur, Julie,” avoua la jeune femme, “Je ne sais pas ce que je pourrais dire, comment réagir. “

Julienne sourit doucement, en prenant la main de Candy pour lui donner du courage.

“N’y pense pas,” murmura-t-elle avec une expression de conspiratrice dans les yeux, “ Suis ton cœur, Candy, il suffit de suivre ton cœur. Chaque battement te dira ce qu’il faut faire quand le moment sera venu. “

“Je suis tellement nerveuse que je ne peux pas coordonner mes idées là-dedans, “ dit la jeune fille, en désignant sa tête avec un gloussement nerveux.

“Alors, fais-moi confiance et je te dirai ce que tu dois faire maintenant,” expliqua son aînée.

“Quoi?”

“Bois ça,” ordonna doucement Julienne, en donnant à Candy une tasse qu’elle avait laissée posée sur le petit bureau près du lit, “ Ça va t’aider à bien dormir. Demain, tu vas mettre une belle robe et aller à ce rendez-vous. Que l’amour fasse le reste. “

Candy avait suivi le conseil de son amie et, lorsque le thé eut produit l’effet attendu, elle tomba dans un sommeil sans rêves.

“Que l’amour fasse le reste… que l’amour fasse le reste.” répétait Candy dans sa tête, en continuant sa traversée du parc.

C’était un samedi matin, et l’endroit était plein de gens, en particulier de mères et de nourrices avec de petits enfants. A mesure qu’elle marchait au milieu des enfants qui couraient, son cœur s’accélérait, avec des battements si forts qu’elle croyait qu’ils pouvaient s’entendre dans tous les coins de l’immense jardin, et même à l’intérieur du palais. Soudain, elle se rendit compte qu’elle était déjà arrivée à son but. Elle aperçut l’immense fontaine, et se demanda où il pouvait être exactement. Elle regarda le vaste monument polygonal et les nombreux gens assis et marchant autour de lui. Elle aurait probablement des centaines de mètres à faire avant de pouvoir repérer Terrence au milieu des autres visiteurs.

Cependant, une soudaine impulsion lui dit de ne plus bouger pour un moment, et de laisser les voix de son âme lui dire où il était. Elle resta debout silencieusement pendant quelques secondes, puis commença à marcher comme si une force intérieure la conduisait vers sa destination. Elle ne fit pas d’effort pour le trouver. Il était là, debout, l’allure aussi fière que d’habitude, avec ses épaules larges qui la faisaient se sentir petite, le pied droit tapotant légèrement le sol.

“Il commence à désespérer,” pensa-t-elle avec un léger sourire. Elle resta un moment sans bouger, admirant sa silhouette, et elle oublia à ce moment ses derniers restes de rancune pour les mots prononcés deux nuits auparavant.

Ses yeux étaient perdus sur la surface aquatique, suivant la trace d’un de ces petits bateaux à voiles qui laissaient un sillage agité sur le liquide cristallin. Quiconque aurait vu le jeune homme en uniforme vert sombre, debout et immobile près de la fontaine, aurait pensé que c’était une des statues du parc, tant il avait l’air impassible et calme. Personne n’aurait pu percevoir son terrible tourment intérieur.

Il était nerveux. Dieu du Ciel ! En fait, il était encore plus nerveux qu’à une première. Est-ce qu’elle serait au rendez-vous ? Et si elle ne venait pas ? Comment allait-il continuer à vivre ? Sa poitrine était un chaudron bouillant, et inconsciemment son corps cherchait un soulagement en tapotant le pavé d’un mouvement discret du pied. Si elle avait l’intention de venir, elle était déjà en retard… mais peut-être qu’elle avait décidé de ne pas y aller… l’attente lui faisait mal.

C’est alors qu’une douleur rapide et aiguë frappa sa poitrine une seconde, et l’instant d’après un parfum de rose atteignit ses narines. Terry sut alors que son cœur avait décelé la présence de Candy derrière son dos. Redoutant encore de se mentir à lui-même, il refusa de se tourner pour voir si elle était vraiment là.

“Salut,” dit une voix douce, et il sut que son cœur n’avait pas menti.

Le jeune homme se tourna lentement et, quand il vit la frêle jeune femme devant lui, ses yeux se perdirent dans la blancheur de sa silhouette, mais il ne put pas dire un mot. La jeune fille remarqua sa grande tension, et l’encouragea d’un sourire qui produisit des miracles en lui.

“Salut, Candy,” répondit-il, souriant en retour et reprenant au moins une partie de son self-control habituel, “ Je… je suis vraiment content que tu sois venue. “

“Eh bien, je n’avais pas d’autres projets pour aujourd’hui… Alors… Je me suis dit que ce pourrait être une bonne idée d’accepter l’invitation d’un certain soldat, “ répondit-elle, essayant par son ton léger de détendre l’atmosphère.

“Merci,” fut sa seule réponse, mais Candy sut qu’il l’avait dite du fond du cœur.

“Maintenant, pourrais-tu me dire quels projets tu as pour la promenade ? “ demanda-t-elle avec une expression espiègle, se sentant plus à l’aise en présence du jeune homme. Une chaleur familière avait commencé à envelopper son âme auprès de lui.

“ “Euh… Je… Je me demandais,” marmonna-t-il, “si tu aimerais marcher dans le jardin. C’est un endroit superbe, et il y a tellement d’endroits qui valent la peine d’être vus. Tu y as déjà été ? “

“Oui, je suis venue ici avec Julie et… et d’autres amis,” expliqua Candy, en évitant de mentionner Yves, “ mais on était pressées ce jour-jà, alors je n’ai pas pu voir grand-chose. “

“Alors, je vais tout te montrer,” proposa-t-il, “T’ai-je déjà dit que quand j’avais douze ans, mon père m’a envoyé ici en classe d’été?”

“Non, jamais,” répondit-elle avec surprise, “ C’était gentil de sa part. “

“Je dois admettre qu’au début je ne voulais pas venir,” expliqua-t-il, “ A l’époque, j’en voulais trop à mon père de m’avoir abandonné, mais maintenant je le remercie de cette expérience. Je suis venu ici plusieurs fois pendant cet été. “

“Ça a dû être intéressant ! “ commenta la jeune femme, “ C’était vraiment gentil à vos professeurs de vous amener ici. “

“Oh, non, ce n’était pas eux, “ avoua Terry, arborant son sourire diabolique pour la première fois depuis trois jours, “ Je venais ici tout seul, “ ajouta-t-il en se grattant les tempes d’un air entendu.

“Tu faisais le mur, tu veux dire!” dit Candy d’un ton accusateur.

“Si tu veux le voir comme ça… Je dirais plutôt que j’explorais par moi-même. “

Candy rit joyeusement, et le soleil se leva pour Terry. Le couple commença à déambuler paresseusement autour de la fontaine.

“Combien d’année ont passé, depuis la dernière fois où nous nous sommes promenés ensemble comme ça, Candy?” pensa Terry tandis qu’ils contournaient les pelouses du palais, pleines de fleurs multicolores. “ Le temps que nous avons passé au zoo de Blue River… Ces jours insouciants sont tellement loin… et pourtant, ton sourire est toujours aussi clair, si plein de lumière et de fraîche douceur. Qu’est-ce que tu as, Candice Neige, qui fait que quand je suis auprès de toi, un puissant torrent d’énergie me remplit de la tête aux pieds ? Tu apportes de la lumière à ma peinture sombre, et tu en fais un beau clair-obscur. “

Ils continuèrent à marcher, bavardant de mille choses futiles, et riant des détails les plus bêtes, tandis que leurs pas les amenaient dans une allée bordée d’arbres.

“Il n’y a que toi qui saches me faire ressentir ça, Terry, “ se dit Candy, feignant d’être totalement absorbée dans la contemplation de la statue de Pan. “ Comme si je n’avais jamais eu peur, ne m’étais jamais sentie seule, comme si une part qui manquait en moi avait finalement trouvé sa place et qu’une chaleur intime enveloppait mon cœur, en me protégeant du plus froid des hivers. Tu es le feu qui tient mon âme au chaud. “

Ils continuèrent leur promenade jusqu’à atteindre la statue de Marie de Médicis, et décidèrent de se reposer sur un banc voisin.

“Cet endroit est vraiment superbe,” dit la jeune fille avec animation, “ Chaque centimètre est plein de beauté et d’harmonie ! Et regarde ces chênes, là-bas. Ils ne sont pas magnifiques ? “

“Dis-moi, Candy,” s’enquit le jeune homme, amusé par l’enthousiasme de sa compagne, “Comment gardes-tu cette aptitude à t’étonner de tout?”

“Je ne fais rien… c’est juste que ce monde est tellement incroyable!” répondit-elle en souriant, “ Partout où je regarde, je trouve un million de raisons de l’admirer et de remercier Dieu de nous avoir donné la vie. Tu ne penses pas, Terry ? “

“Eh bien, ma capacité d’apprécier les choses est entravée par les bruits de mon estomac!” fit-il remarquer avec un clin d’œil, “ Tu n’as pas faim ? “

“Maintenant que tu le dis,” répondit-elle, “Je pense que ce serait génial d’aller dîner. “

“Alors, je t’invite. Je connais un bistrot pas loin où on sert de la bonne cuisine, “ suggéra-t-il.

“Tu vas prendre le risque de m’inviter?” plaisanta-t-elle. “ Tu sais que mon appétit et moi pourrions te conduire à la ruine. “

“Je prends le risque,” dit-il en souriant, et, se levant, il offrit son bras à la jeune femme.

Candy hésita une seconde, mais finit par accepter cette galanterie et plaça sa main sur son bras, en dépit des chocs électriques qui parcoururent ses muscles au premier contact. Peu après, ils franchissaient la porte de l’est et prenaient le boulevard Saint-Michel.

Le soleil de l’après-midi baignait la rive gauche, reflétant sa lumière sur les auvents rouge et blanc des petits restaurants et bars le long du boulevard. En d’autres temps, de vraies hordes de jeunes gens, surtout des étudiants, auraient envahi ces endroits pour prendre un casse-croûte à cette heure de la journée. Mais, cet été-là, beaucoup d’étudiants avaient quitté Paris pour renforcer les troupes françaises du front occidental. Les restaurants, autrefois prospères, étaient donc pratiquement vides, et les employés languissaient d’ennui.

Terry emmena Candy dans un de ces petits bistrots du boulevard Saint-Michel, avec des chaises métalliques peintes de couleurs vives et des nappes blanches impeccables. Les tables étaient disposées à l’intérieur et à l’extérieur du restaurant. Sur chacune, un vase de cristal bleu avec une rose rouge agrémentait l’atmosphère et, à l’intérieur, un jeune homme jouait de temps en temps d’un vieux piano pour accompagner le repas. Le jeune couple s’installa à l’intérieur du bistrot et, malgré les plaisanteries de Candy sur son appétit, elle ne commanda qu’un repas léger.

Terry avait le visage appuyé sur la main gauche, le coude sur la table, et de sa main libre il maniait paresseusement la fourchette, trop occupé à regarder la femme blonde en face de lui pour prêter attention à son repas. La jeune fille, comprenant parfaitement l’attention qu’il lui portait, essayait de se concentrer sur son assiette, mangeant rapidement et fixant les yeux sur sa salade comme si c’était la chose la plus fascinante du monde. Puis, quand elle osa enfin lever les yeux, elle vit une paire de phares bleus qui la fixaient d’une lumière insistante.

“Candy,” commença-t-il, rompant le silence, et la jeune femme sentit son cœur s’arrêter au son de sa voix, “Je suis désolé,” dit-il seulement.

“Pardon?” demanda-t-elle en laissant son assiette de côté, sans encore pouvoir croire ce qu’elle avait clairement entendu.

“Je dis que je suis désolé,” répéta le jeune homme, une expression sérieuse sur ses traits fins, “Je t’ai demandé un rendez-vous aujourd’hui parce que je voulais m’excuser de mon comportement l’autre soir.”

“Et…” fut tout ce qu’elle parvint à dire.

“Et donc, je m’excuse, Candy,” continua-t-il, et, obéissant à une vieille habitude, il lui prit la main, “ Je suis vraiment désolé pour toutes les choses horribles que j’ai dites… Je n’ai même pas le droit de partager ce moment avec toi. Peut-être que tu n’aurais pas dû venir du tout, que je reçoive vraiment ce que je méritais… “ dit-il d’une voix rauque, et elle sentit sa main écraser nerveusement la sienne, “ Mais j’ai eu le bonheur que tu viennes… Merci, Candy ! “

“J’accepte tes excuses, Terry,” répondit-elle sans pouvoir le regarder directement dans les yeux, “Je n’ai pas été très gentille non plus… N’en parlons plus. Faisons comme si ça n’était jamais arrivé, et si nous étions de nouveau les bons amis que nous avons toujours été. “

“OK… De bons amis, alors… comme toujours, “ marmonna-t-il en tournant les yeux vers l’homme qui jouait du piano dans un coin du restaurant, tandis que les doigts de l’acteur commençaient à caresser légèrement le dos de la main de Candy. Le contact de sa peau et ses paroles de conciliation étaient si encourageants qu’il avait commencé à retrouver sa hardiesse habituelle.

Le silence régna un bref moment. Ni lui ni elle n’ouvrirent les lèvres pour parler, cependant que le musicien au coin achevait sa chanson. Le jeune artiste prit un verre de vin que le patron du bistrot lui avait fait passer, comme d’habitude, et se reposa un moment. Un autre jeune homme, assis à la table voisine de Candy et Terry, se leva soudain et s’approcha du pianiste. Tous deux semblaient bien se connaître, et parlèrent vivement avec une grande familiarité. Dans un autre coin du bistrot, un couple entre deux âges dînait et, à quelques mètres d’eux, un homme en uniforme sirotait lentement une bière. Les serveurs bavardaient entre eux, essayant de chasser leur ennui en échangeant des plaisanteries et des anecdotes. C’est alors que le pianiste se leva et s’adressa au faible public.

“Chers amis,’” dit-il d’un ton familier, “Mon copain Jacques Prévert, ici présent, que certains d’entre vous connaissent déjà, a écrit un autre de ses magnifiques poèmes, et je me suis permis d’écrire de la musique pour en faire une chanson. J’espère qu’elle va vous plaire, et que vous vous en souviendrez quand Jacques sera devenu un poète célèbre. Parce que, croyez-moi, je suis sûr qu’il deviendra célèbre un jour. “

Le jeune pianiste s’assit devant l’instrument et, de ses doigts habiles, commença à caresser les touches d’ivoire. Une cascade de notes mélancoliques s’échappa des cordes du vieux piano et envahit la pièce, atteignant les oreilles de Candy. La douce et triste mélodie de la chanson la fit se concentrer sur les paroles, mais, malgré l’année qu’elle avait passée en France, son oreille n’était pas encore suffisamment exercée pour les comprendre.

“La musique est belle,” murmura-t-elle doucement, “C’est dommage que je ne comprenne pas bien les paroles,” avoua-t-elle, “ Mais je suis sûre que le poème qui a inspiré une chanson pareille doit être tout aussi beau. “

“Il l’est,” répondit Terry, qui tenait toujours la main de la jeune blonde, “Mais très triste.”

“Qu’est-ce qu’il dit?”

“Eh bien, il semble que le poète parle d’un amour passé qu’il ne peut pas oublier. Tu veux que je te le traduise ? “ demanda-t-il, plongeant son regard bleu dans le sien.

“S’il te plaît.”

“Voyons… ça dit:

Oh je voudrais tant que tu te souviennes

Des jours heureux où nous étions amis,

En ce temps-là la vie était plus belle,

Et le soleil plus ardent qu’aujourd’hui.

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,

Les souvenirs et les regrets aussi,

Et le vent du nord les emporte

Dans la nuit froide de l’oubli,

Tu vois, je n’ai pas oublié

La chanson que tu me chantais.

Candy écoutait les paroles de Terry, et son cœur s’arrêta une seconde. Il semblait que chaque vers du poème ait été fait pour décrire ses propres sentiments, avec les mots même qu’elle ne pouvait dire.

“C’est tellement mélancolique,” murmura-t-elle en sentant sa main brûler sous le contact du jeune homme.

“Et ça continue. Ecoute, voilà le refrain :

C’est une chanson qui nous ressemble,

Toi tu m’aimais et je t’aimais,

Nous vivions tous les deux ensemble,

Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.

Mais la vie sépare ceux qui s’aiment,

Tout doucement, sans faire de bruit,

Et la mer efface sur le sable,

Les pas des amants désunis. “

Les dernières notes moururent dans le piano, et Terry aussi se tut. Son âme avait tant de fois, par le passé, pleuré des mêmes regrets que dépeignait le poème, qu’il ne pouvait s’empêcher d’être stupéfait de la coïncidence. Il regarda le jeune poète qui, assis, l’air blasé, fumait une cigarette dans un coin du bistrot. C’était encore un adolescent, probablement aussi jeune que Terry l’avait été le soir d’hiver où il avait perdu la femme de sa vie… Mais maintenant il était là, tenant sa main, et le simple fait qu’elle soit venue au rendez-vous lui donna la force de continuer.

“Candy,” l’interpella-t-il alors qu’une idée venait à son esprit, “Il y a une promesse que tu m’as faite et que tu n’as pas encore tenue. “

“Oh, vraiment?” demanda-t-elle, revenant de son monde intérieur.

“Oui, tu as dit que tu danserais avec moi quand je serais remis de mes blessures, en souvenir du bon vieux temps. Tu t’en souviens ? »

“Je pense que oui,” répondit-elle avec un sourire timide.

“Alors… voudrais-tu vas danser avec moi maintenant ? »

“Ici?” s’étonna-t-elle, regardant autour d’elle d’un air incrédule.

“Pourquoi pas? Il y a de la place pour danser, de la musique, toi et moi. Qu’est-ce qu’il te faut d’autre ? » demanda-t-il avec une grimace espiègle, et, une seconde après, il ajouta d’un ton plus sérieux, « Demain je serai parti, et Dieu sait quand tu auras l’occasion de tenir ta promesse, si ce n’est pas maintenant. »

Candy sentit un coup au cœur quand il mentionna son prochain départ, et il ne lui importa plus de se sentir embarrassée si elle dansait avec Terrence devant les quelques clients du restaurant. Cependant, elle ne répondit pas.

“Je gage que tu ne veux pas entacher l’honneur des André. Albert n’aimerait pas ça,” la pressa-t-il avec un clin d’œil ironique, voyant qu’elle restait silencieuse.

“Non, non, bien sûr, “ finit-elle par répondre, “ j’accepte. “

Terry se leva et alla vers le pianiste, qui se reposait à nouveau.

"Excusez-moi, Monsieur," dit-il en français à l’homme, "Voudriez vous jouer une autre fois la chanson de votre ami?"

"Pour la belle dame qui est avec vous, Monsieur," répondit le pianiste avec un sourire, "Moi, je jouerais jusqu’à la fin du monde," conclut il, et, sans autre commentaire, il se mit à jouer en regardant le couple se lever et commencer à danser.

Tandis que la voix légèrement rauque, mais mélodieuse du musicien recommençait à emplir l’air, Candy oublia dans un moment magique toute la terrible nervosité qui occupait son cœur chaque fois qu’elle était auprès de Terrence. Il la tenait doucement, leurs corps se mouvant au rythme lent de la chanson, et elle pouvait sentir son souffle lui caresser les tempes. Une douce chaleur rampa le long de sa peau, pénétrant par chaque pore et atteignant les profondeurs de son cœur. De telles choses n’arrivent pas si l’âme n’est pas totalement exposée, comme les leurs l’étaient en ce moment.

“Maintenant, je comprends un autre couplet,” murmura Terry à l’oreille de Candy.

“Qu’est-ce qu’il dit,” demanda-t-elle dans un soupir, tandis que la sensation envahissante d’être enlacée par le jeune homme faisait trembler son épine dorsale.

“ Il dit :

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle

Les souvenirs et les regrets aussi

Mais mon amour silencieux et fidèle

Sourit toujours et remercie la vie

Je t'aimais tant, tu étais si jolie

Comment veux-tu que je t'oublie

En ce temps-là, la vie était plus belle

Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui

Tu étais ma plus douce amie

Mais je n'ai que faire des regrets

Et la chanson que tu chantais

Toujours, toujours je l'entendrai

“Je crois que je comprends bien ce qu’il veut dire dans ce dernier couplet,” risqua-t-elle, émue par les mots qui lui rappelaient une autre chanson qu’elle gardait dans un coin doré de son esprit.

“Dis-moi,” murmura-t-il.

“Je crois qu’il veut dire qu’il se souviendra toujours de cette chanson dans son cœur, parce qu’il tient à son amour pour elle, “ répondit-elle en se détachant de l’étreinte de Terry, alors que la voix du chanteur mourait avec les notes du piano.

Le jeune couple revint à sa table et le pianiste les suivit de ses yeux sombres, enviant le soldat qui avait la chance de posséder l’amour de cette femme. Car, voyez-vous, il était évident pour le jeune musicien qu’elle l’aimait de chaque battement de son cœur. La jeune blonde et le soldat se rassirent à leur table et finirent leur repas en silence, tandis que leur pouls récupérait lentement de la douce exaltation que la proximité physique avait élevée en eux, augmentée par la musique et les paroles du poème.

Candy repoussa son assiette, et ses iris de malachite errèrent sur la rue qu’elle pouvait voir à travers les fenêtres du bistrot. Un camion plein de soldats, avec le drapeau britannique, passa à ce moment, et de nouveau la jeune femme se rappela la douloureuse vérité du moment historique qu’ils vivaient.

“A quelle heure pars-tu demain?” demanda-t-elle en essayant de retenir les larmes qu’elle sentait déjà dans son âme, tout en buvant son vin.

“A neuf heures,” répondit-il d’une voix inexpressive.

“Je voudrais venir te dire au revoir,” murmura-t-elle, en continuant à regarder par la fenêtre.

“Mais tu seras au travail à cette heure, “ objecta-t-il en tentant de rencontrer son regard vert.

“Je m’arrangerai, ne t’inquiète pas, “ répondit distraitement la jeune blonde, avec de grands efforts pour garder son calme.

“J’ai une meilleure idée,” osa suggérer Terry en écrasant nerveusement la serviette dans sa main droite, “Et si tu passais le reste de l’après-midi avec moi?”

La jeune femme tourna la tête, et fit enfin face aux immenses lagons bleus qui la regardaient avec une lumière des plus sérieuses. Il implorait du regard, et elle comprit qu’un homme comme lui ne faisait pas cela très souvent.

“Ce serait génial,” dit-elle, en lui offrant l’un de ses précieux sourires.

Paris en été voyait toujours déferler les touristes, mais, depuis le début de la guerre, les vieilles rues n’étaient plus aussi envahies de visiteurs que par le passé. Normalement, les bateaux qui promènent les touristes sur la Seine et autour des îles sont toujours pleins le samedi après-midi, mais ce jour-là seuls quelques passagers goûtaient ce charmant plaisir.

Une jeune femme aux longs cheveux bouclés tenait la rambarde du bateau à deux mains, la moitié de son corps svelte penchée par dessus bord, et ses yeux regardaient l’écume blanche à la surface de la rivière. Le jeune soldat auprès d’elle semblait assez amusé par son brillant bavardage. A leur gauche, la vision majestueuse des lignes gothiques de Notre-Dame était de plus en plus claire à mesure que le bateau approchait l’île de la Cité, l’une des deux îles au milieu de la rivière, sur laquelle cette célèbre cathédrale est bâtie.

La fille blonde ne s’arrêtait pas de parler. C’était comme si un torrent de mots, né quelque part dans sa frêle personne, échappait à son contrôle. Ses yeux réfléchissaient la naïveté d’une enfant en même temps que les ombres bleues de la Seine, mais quelque chose dans son expression rayonnante disait aussi qu’elle ne regardait pas l’homme comme l’aurait fait une enfant. Quant au soldat, il écoutait sa bavarde compagne d’une oreille attentive, et parfois répondait par quelques mots ou un commentaire railleur, qui entraînait toujours une grimace de la jeune blonde. Ils formaient tous les deux un spectacle si harmonieux que toute âme sensible aurait été ravie rien qu’à les regarder.

“Albert a répondu à ma lettre. Je t’avais dit ? “ demanda distraitement Terry.

“Non! Qu’est-ce qu’il dit?” s’enquit Candy avec excitation.

“Il semblait très content que je lui aie écrit. Il m’a dit qu’il était heureux que j’aille bien après l’opération, et il m’a même confié quelques-uns de ses plans. Il est évident que c’est toujours l’homme sympathique et compréhensif que j’ai rencontré autrefois, “ expliqua le jeune homme.

“Ce n’est pas bien d’être en contact avec tes amis ? “ demanda-t-elle, abandonnant la rambarde et s’asseyant sur le banc voisin.

“Oui, je dois l’admettre,” répondit-il en la suivant et en s’asseyant auprès d’elle, “ je ne l’aurais pas fait sans toi, merci. “

“Oh, pas du tout, je sais combien ça aide de recevoir de bonnes nouvelles de chez soi quand on est loin. “

“Ils te manquent tous. N’est-ce pas ? “ demanda-t-il dans un murmure.

Candy, les deux mains derrière la nuque, soupira bruyamment en regardant les vagues de la rivière.

“Oui,” admit-elle, “Il y a plus d’un an que je suis partie. Je n’avais jamais été si longtemps loin de chez moi. “

“Et certainement, ça n’a pas été une croisière d’agrément, mais un travail difficile. Je le sais, parce que je l’ai vu de mes propres yeux, “ dit-il, et sa voix dénotait une profonde admiration pour la femme qui lui faisait face.

“Mais je ne me plains pas,” se hâta-t-elle d’expliquer, “ J’ai rencontré des tas de gens formidables ici, et j’ai eu la chance de faire la paix avec Flanny. “

“Elle a beaucoup changé depuis que je l’ai vue pour la première fois à Chicago. Je me souviens qu’elle pouvait tuer un homme d’un seul regard, et ce n’était pas par la beauté de ses yeux, “ remarqua Terry avec une grimace.

“Tu es cruel!” rétorqua Candy, “ C’est une grande infirmière, et tu devrais l’admirer. Je suis très fière d’être son amie. “

“Je suis sûr qu’elle a toujours été une bonne infirmière, mais autrefois elle était encore pire que Nancy, et maintenant elle est… comment dire ?… Moins effrayante ? “

“Tu n’arrêtes jamais, n’est-ce pas?” dit Candy en riant, “ En tous cas, je suis contente d’avoir rencontré Flanny ici… et il y a aussi Julie, et bien sûr le docteur Duval. Sans lui, je ne serais pas là à te parler… “ ajouta-t-elle d’un ton mélancolique.

“Le docteur qui t’a sauvé la vie, n’est-ce pas?” demanda Terry, sentant intérieurement ce qu’il devait à cet homme qu’il n’avait jamais rencontré. “ Moi aussi je lui dois la vie, car il a sauvé la sienne, “ pensa-t-il.

“Oui, j’aurais voulu que tu le rencontres, Terry. C’était l’un des plus grands messieurs que j’aie jamais connus, “ dit-elle avec force.

“J’en suis sûr. Je pense que tu as raison, malgré toute la douleur et la mort, cette guerre a amené quelques bonnes choses, “ continua-t-il, “ Sans elle, je n’aurais jamais pu te revoir… “ murmura-t-il.

La jeune fille baissa les yeux, ressentant de nouveau la même nervosité qui avait gagné sa poitrine en dansant avec Terry dans le bistrot. Elle détourna la conversation.

“Eh bien, la Seine n’est pas le lac Michigan,” gloussa-t-elle, “Mais c’est beau aussi.”

“Tu as beaucoup de souvenir liés à ce lac,” s’enquit-il avec curiosité.

“Tellement, Terry, c’est mon enfance, mon adolescence, l’aube de ma vie. Des gens qui étaient tellement importants pour moi sont maintenant loin, dans un endroit que je ne peux pas atteindre parce que c’est au-delà de ce monde. Leur souvenir sera toujours lié à ce lac. Par exemple, quand j’ai rencontré Alistair, il m’a ramenée chez les Legrand et sa voiture a eu un accident sur un pont près du lac. Nous sommes tous les deux tombés dans l’eau, avons été trempés jusqu’aux os, eu quelques meurtrissures et nous sommes beaucoup amusés, “ dit la jeune fille avec un sourire triste.

“Tu ne m’as jamais raconté ça, “ dit-il, intéressé par l’histoire.

“Maintenant tu le sais. J’ai rencontré Albert près du lac aussi, et Archie, et… “ elle s’arrêta brusquement.

“Et Anthony.” Le jeune homme compléta la phrase, non sans une pointe de jalousie. Peu importait combien de choses soient arrivées entre lui et la jeune blonde, Anthony était un souvenir qu’il ne pouvait effacer de son cœur. Il le savait, et la partie la plus raisonnable de son être l’acceptait avec stoïcisme, mais son côté viscéral éprouvait encore du ressentiment envers la vie, car il aurait voulu être le seul dans le cœur de Candy. Mais Anthony n’était pas son souci principal pour le moment. Un autre nom, qui n’avait pas été mentionné de la journée, constituait un danger plus grand.

“Oui, Anthony,” avoua la jeune fille, mais elle ne continua pas la conversation, sachant ce que Terry éprouvait pour le malheureux garçon qui avait été son amour d’adolescence.

“Tu sais, Candy,” remarqua Terry en regardant la rivière, “ Un jour, je voudrais pouvoir contempler le lac Michigan avec toi. “

Elle tourna la tête et vit le jeune homme plonger ses iris bleus dans les profondeurs de la Seine. Elle ravit sa vue de son profil parfait, et laissa échapper un soupir étouffé.

“Moi aussi,” dit-elle simplement, sans ajouter d’autre commentaire. Néanmoins, du point de vue de Terry, c’était assez pour se sentir encouragé.

"Regarde Candy,
C'est la plus ancienne couleur de la terre,
La nuance du Ciel et de l'Eau…"

La douce brise en passant me rapporta le paisible murmure de Terry puis s'évanouit,
Nous regardâmes pendant un long moment dans la même direction sans que nous n'osions poser nos yeux l'un sur l'autre.

Peut être ne prononça-t-il aucun mot,
Mais ses paroles vinrent en rêve à mes oreilles,
Comme la musique de sa voix sereine.

Regarde Candy,
C'est la plus ancienne couleur de la terre,
La nuance du Ciel et de l'Eau…"

Kyoko Mizuki

 

Les quais de la Seine forment un long boulevard, divisé par les ponts qui relient les deux rives. Lorsque le bateau eut fini son tour, il laissa les passagers sur le quai des Augustins, et le jeune couple longea cette avenue jusqu’à atteindre le pont Saint-Michel, qui relie le Quartier Latin à l’île de la Cité. Il était cinq heures et demi, et peu à peu les couleurs du crépuscule commençaient à peindre l’horizon. Terry et Candy regardaient la rivière en s’appuyant à la balustrade de pierre. A quelques mètres d’eux, un joueur d’orgue de barbarie faisait tourner son instrument pour quelques pièces, tandis que sa petite fille jouait au ballon près de lui.

Candy regardait le ciel quand elle sentit un énorme ballon rouge lui frapper les jambes. La jeune femme se retourna pour voir ce qui se passait, et rencontra une paire d’yeux noirs incroyablement grands, qui la regardaient avec une curiosité naïve. Candy se pencha et s’accroupit, prenant dans ses mains la balle qui rebondissait.

“C’est à toi?” demanda Candy en français, avec un de ses sourires éblouissants.

“Oui,” répondit la fillette qui devait avoir trois ou quatre ans.

Candy tendit les bras vers l’enfant pour lui donner le ballon, et ne put résister à la tentation naturelle de toucher les joues lisses de la petite fille. Les grands yeux de l’enfant la regardèrent avec une admiration étonnée, comme s’ils voyaient une apparition céleste.

"Comment tu t’appelles?" demanda Candy, mue par son instinct maternel.

“Giannina…” dit la fillette en syllabes étonnamment bien articulées.

Avec la candide confiance des petits enfants, la fillette tira l’une des boucles blondes de Candy, et sourit largement en remarquant que les cheveux s’enroulaient à nouveau quand elle les lâchait. Candy comprit ainsi que la fillette était étonnée par sa chevelure, qu’elle trouvait particulièrement drôle. L’enfant et la femme pouffèrent de concert, amusées par leur découverte mutuelle.

“Je suis sûr qu’elle sera une mère tendre et aimante,” pensa Terry qui regardait la scène en silence, ”… je voudrais que ses enfants puissent être aussi les miens. »

“Giannina! Giannina!” appela le joueur d’orgue, et la fillette courut aussitôt vers son père.

Candy se releva en regardant la petite fille s’éloigner, sa main dans celle de son père. Avant de disparaître complètement à l’angle du pont, l’enfant se retourna et agita la main en direction de Candy. La jeune blonde répondit en agitant aussi la main et en souriant.

“Elle est vraiment mignonne,” remarqua Candy lorsqu’elle ne put plus voir la petite fille.

Terry ne répondit que par un léger sourire, et continua de regarder l’horizon. Ils restèrent tous deux silencieux un long moment, pendant que le crépuscule continuait de peindre son chef d’œuvre quotidien. Néanmoins, le calme apparent du visage du jeune homme n’était que le masque qui cachait l’agitation de ses pensées. Une question lui poignait le cœur, et il savait que le temps passait… s’il devait la poser, il fallait que ce soit tout de suite.

“Tu sais, Candy,” commença-t-il, le cœur battant violemment.

“Oui, Terry,” répondit-elle.

“Je suis désolé, en quelque sorte, d’avoir quitté l’hôpital sans avoir vu Bonnot une dernière fois. J’ai peur de ne pas avoir pu le remercier comme il fallait, “ remarqua Terry d’un ton naturel… Eh bien, il avait fini par mentionner le nom de son rival… seule la chance pouvait prévoir la suite.

“Yves n’est plus à Paris,” répondit Candy d’un ton triste, “il a été envoyé dans le nord en même temps que tu quittais l’hôpital. “

“Oh, vraiment?” demanda Terry, stupéfait de la nouvelle, “ Et… et je pense que tu n’en es pas très heureuse, “ suggéra-t-il, blessé par l’expression inquiète de Candy lorsqu’elle avait mentionné le départ d’Yves.

Les derniers mots coulèrent dans les oreilles de Candy en vagues lentes. Elle comprenait que la question de Terry demandait plus qu’il ne voulait laisser voir… Mais… Comment était-elle censée répondre ?

“Ça ne me rend pas heureuse de savoir qu’un ami risque sa vie sur le front “ finit-elle par dire, sans savoir si elle avait choisi les mots justes.

“Je pense… qu’il va te manquer,” risqua-t-il.

“Eh bien…” elle hésita un moment, “oui…” et elle se tut. Elle se maudit de ne pas avoir pu finir la phrase à laquelle elle avait pensé : “ pas autant que toi, Terry, “ mais les mots avaient été en quelque sorte bloqués dans sa gorge.

A nouveau tous deux se turent. La jeune femme, regrettant son manque de courage ; l’homme, commençant à penser qu’il avait finalement été vaincu par le médecin français.

C’est alors que les lumières du crépuscule atteignirent le sommet de leur beauté dans une orgie de couleur et d’éclat, et les derniers rayons du soleil se mêlèrent aux premiers scintillements de l’étoile du soir. Les âmes de Candy et de Terry étaient captivées par la magie du moment. Leurs regards se perdirent sur la surface bleue de la rivière, qui semblait rencontrer le fond bleu du ciel en un point éloigné de l’horizon. C’était la couleur la plus ancienne de la création, peinte en tons iridescents au-dessus de Paris, par l’artiste suprême de l’univers.

“Magnifique… la plus ancienne couleur de la terre… tout simplement magnifique, “ pensa-t-elle, et en ce moment ses pensées coururent sur le lien fin et invisible qui unissait son cœur à celui de Terry.

“Oui, c’est incroyablement beau,” répondit-il à voix haute, et l’instant d’après tout deux se regardaient d’un air étonné. Ils ne dirent rien, mais ils comprirent qu’à cet instant ils avaient de nouveau expérimenté, pour la troisième fois de leurs vies, le lien mystérieux qui les unissait avec une force indestructible.

L’espace d’un soupir, une vaste collection d’images adorées se déploya dans l’esprit de Terry. Il revit le Queen Mary dans la nuit brumeuse, et la lumière de deux émeraudes vertes le regardant avec une bonté qu’il n’avait jamais vue auparavant chez une étrangère. Il se souvint des rencontres furtives qu’il recherchait consciemment durant son séjour au collège. Il revécut chaque moment de cet été vibrant, et ressentit de nouveau la douce chaleur de l’étreinte de Candy. Il éprouva le désir, les séparations répétées, le sentiment de perte totale et l’immense douleur de ses regrets. Il goûta une fois de plus la saveur douce-amère des retrouvailles une nuit enneigée, le réveil dans la chambre d’hôpital, l’extase de chaque jour partagé aux côtés de cette femme à laquelle son âme était magiquement reliée. Et puis, il se rendit compte qu’il allait la perdre pour toujours… à moins d’essayer une dernière ressource : la vérité… mais à nouveau, un terrible nœud dans sa gorge l’empêcha de parler.

Ils se regardaient sans pouvoir articuler un mot. Le bruit des passants était étouffé par le battement de leurs cœurs. Candy sentit que la lourdeur qui pesait sur sa poitrine envahissait ses tempes et lui donnait le vertige. Terry, de son côté, était paralysé comme dans un de ses rêves. Avant qu’il ne puisse l’éviter, une larme solitaire roula sur sa joue. Et, miraculeusement, comme si la fraîche sensation de son humidité l’avait réveillé, il trouva finalement le courage d’ouvrir les lèvres.

“J’ai été idiot,” marmonna-t-il.

Au premier son de sa voix, les larmes de Candy se libérèrent et elle tourna la tête, cherchant un point imaginaire dans le néant de l’eau. Son visage était convulsé par les profondes émotions qui l’agitaient..

“Tellement idiot, Candy,” continua-t-il d’une voix rauque, “Toutes ces années, depuis cette nuit du Nouvel An où nous nous sommes rencontrés pour la première fois, chaque minute, chaque jour, chaque saison, dans chaque rêve et dans tous les battements de mon cœur, oh, Candy, c’est toi la seule personne que j’aie jamais aimée, “ dit-il avec un profond sanglot.

Elle se tourna à nouveau pour le voir, et, cette fois, ses yeux d’émeraude ne purent échapper à son regard bleu. Cependant, elle était incapable de parler.

“Je sais maintenant que j’ai fait l’erreur de ma vie, le soir où je t’ai laissée partir, à New York, “ avoua-t-il, et ses paroles la surprirent.

“Tu as fait ce qu’il fallait,” finit-elle par dire.

“Non!” corrigea-t-il avec un geste ferme de la tête, “ Le temps m’a appris que j’avais tort. J’ai appris durement qu’il n’était pas moral de trahir mes sentiments envers toi. “

“Mais elle avait besoin de toi, elle avait besoin de toi!” répéta-t-elle entre ses sanglots.

“Oui, mais je ne pouvais pas lui donner ce dont elle avait besoin. Parce que c’est à toi que l’avais déjà donné, depuis la première fois où j’avais posé mes yeux sur toi. Tu ne vois pas que je ne sais que t’appartenir ? Ça ne sert à rien de continuer à le nier. Je ne me suis jamais, jamais libéré de toi, Candy. Tu es gravée en moi, ton souvenir coule dans mes veines et bat dans mon cœur. C’est toi, et personne d’autre, que j’ai toujours aimée… même si je n’ai jamais su comment te le montrer sérieusement. “

“Terry!” s’étouffa-t-elle, avec l’impression que son âme allait sortir par sa bouche.

“Candy, tu n’imagines pas combien j’ai essayé de l’aimer, mais chaque fois que je regardais dans mon cœur, je ne pouvais y sentir que mon amour pour toi. Il n’y a pas de place en moi pour un autre amour que pour toi. Ce n’était pas juste de prétendre pouvoir être un bon mari pour elle, alors que mon âme était destinée à la tienne depuis l’aube des temps. C’est moi qui aurais dû comprendre cela et, quand qu’il était encore temps, rompre avec ce mensonge et me battre pour l’amour que nous partagions. J’ai vraiment été idiot, et ces derniers jours je n’ai pas été beaucoup plus intelligent. Au lieu de te dire ce qu’il y avait là-dedans, “ dit-il en touchant sa poitrine, “ je me suis conduit comme un crétin déraisonnable et stupide, plein de jalousie et de vanité, “ acheva-t-il en baissant honteusement la tête.

“Terry, je t’en prie, arrête ça, “ implora-t-elle, “ Si c’était une erreur de nous séparer, alors j’ai ma part de responsabilité aussi. C’est moi qui ai décidé de partir la première. Si ma décision ne t’a apporté que de la douleur, alors c’est moi qui suis à blâmer. “ admit-elle. “ Si cette séparation t’a fait souffrir, au lieu de t’aider à te sentir mieux… alors je t’ai fait du mal, et je le regrette amèrement ! “ conclut-elle avec la plus triste des expressions sur le visage.

“Ce n’est pas ça, ce n’est pas ça,” se hâta-t-il de dire en levant les yeux, “ c’est moi qui t’ai caché ce qui se passait… J’allais tout te dire, mais je n’ai pas trouvé le courage de te l’expliquer avant que tu n’apprennes tout par toi-même… et ensuite, j’ai aggravé les choses en promettant le mariage à une femme que je ne pouvais pas aimer. J’ai trahi notre amour, je t’ai abandonnée… Oh, Candy ! Je sais bien que les mots ne suffisent jamais à compenser le mal qu’on a causé, mais j’ai besoin de te demander pardon… Est-ce… Est-ce que tu pourras jamais me pardonner, Candy ? “ demanda-t-il avec un regard des plus sérieux.

Elle resta immobile pendant des secondes sans fin, et il sentit la mort ramper dans son cœur.

“Est-ce que j’ai jamais pu t’en vouloir?” murmura-t-elle, et la gloire de l’espoir ouvrit ses portes pour lui.

“Candy!” s’étrangla-t-il et, avec un courage retrouvé, il s’approcha de quelques pas, “Candy, l’autre soir à l’hôpital, je t’ai vue dire adieu à Yves, et j’étais sûr de t’avoir perdue pour toujours. En fait, même en ce moment, j’accepte de ne pas pouvoir rivaliser avec un homme qui ne t’a jamais blessée comme moi… Je… Je tremble de peur en pensant qu’il pourrait déjà tenir une place spéciale dans ton cœur… cette place qui était la mienne autrefois, et que je n’ai pas su garder… Hier, j’étais sûr d’avoir été exilé de ton cœur pour toujours, mais quelque chose me disait que je devais essayer, au moins une fois, de te dire la vérité sur mes sentiments éternels pour toi… Je sais que je ne le mérite pas, je sais que je ne devrais pas dire ça mais… Si… tu me pardonnes… Serait-il possible que tu acceptes cet aveu ?… Je sais que ce qu’il y a eu autrefois entre nous est fini… Mais, malgré toutes mes erreurs, je t’aime encore… maintenant et pour toujours… “

“Terry… Je…” fut tout ce qu’elle put articuler. Les paroles de l’homme continuaient à remplir ses oreilles, l’entraînant dans un royaume de rêves magiques.

“Non, ne dis rien, pas encore…” pria-t-il, “Je t’ouvre mon cœur, mais je n’espère pas que tu m’aimes en retour. Si tu me dis qu’Yves a conquis ton affection, je le comprendrai tout à fait… Mais si tu hésites encore sur tes sentiments, alors, Candy, dis-moi ce que tu veux que je fasse pour reconquérir ton amour… Je ferai tout ce que tu veux… Est-ce que je… Si j’essaie… si je deviens quelqu’un de meilleur… est-ce que je pourrais espérer que tu reviennes ? Est-ce que je pourrais espérer pouvoir encore te reconquérir, même si Yves t’aime ? “

Candy baissa la tête, et Terry sentit que l’enfer même s’ouvrait sous ses pieds. Mais cette sensation ne dura qu’un instant, avant qu’il ne voie la jeune fille, la tête toujours baissée, tendre le bras droit vers lui en ouvrant la paume. Puis elle leva son visage plein de larmes et, sans pouvoir produire d’autre son, ses lèvres s’ouvrirent pour prononcer deux mots simples qu’elle avait répétés chaque jour durant les mois passés à l’hôpital, chaque fois qu’elle l’aidait à se lever. Mais maintenant, ces mots acquéraient une nouvelle et profonde signification.

“Viens là,” dit-elle dans un murmure.

Le jeune homme avança lentement vers elle, sans encore croire en la signification du geste de Candy. Lorsqu’il fut assez proche, elle l’étreignit chaleureusement, posant sa tête sur sa poitrine, tandis que les mains de Terry trouvaient leur place sur sa taille dans un tendre embrassement. Ils se turent quelques minutes, goûtant silencieusement leur proximité, tandis que leurs corps s’adaptaient lentement à la douce chaleur des bras de l’autre.

Au premier contact, la jeune femme sentit clairement une violente rougeur couvrir son visage lorsque l’homme l’enlaça dans son étreinte. Néanmoins, peu à peu, l’embarras initial fit place à d’autres sentiments, plus intimes et plus profonds. Enfin, après des années de regret, son cœur avait retrouvé sa place. Pour Candice Neige, sa place était là, dans les bras de l’homme qu’elle aimait, et il ne lui fallut que quelques minutes pour le comprendre.

La jeune fille croyait en ce moment qu’elle pourrait passer des siècles comme cela, enlacée au corps de Terrence, les mains du garçon passant lentement dans son dos et ses cheveux, son haleine de cannelle parfumant l’air et tenant sa joue et son cou au chaud. Elle laissa échapper un soupir, et à cet instant elle réalisa qu’elle ne lui avait pas dit ce qu’elle avait dans le cœur.

“Terry,” lui murmura-t-elle, toujours collée à sa poitrine.

“Hummm?” marmonna-t-il, tiré de la plaisante transe de ses rêves.

“Je crois que tu m’as posé une question à laquelle je n’ai pas encore répondu, “ continua-t-elle à murmurer.

“Je connais déjà la réponse… quoique je puisse à peine y croire,” répondit-il en chuchotant à son oreille.

“Mais ce genre de choses doivent être dites, “ insista-t-elle.

“Alors, fais-le comme ça, “ dit-il, en prenant son visage dans une de ses mains, de son geste le plus tendre, et en l’aidant à le regarder dans les yeux. Il fixa les deux émeraudes qui avaient hanté ses rêves depuis son adolescence, mais, avant de s’y noyer, il pencha la tête jusqu’à ce que les lèvres de Candy soient proches de son oreille. « Tu n’as qu’à murmurer les mots dans mon oreille, pour que je sois le seul à les entendre » demanda-t-il.

La jeune femme sourit doucement, profondément émue par sa demande. Elle n’avait jamais dit « Je t’aime » à un homme adulte, quoiqu’elle ait été amoureuse plus d’une fois. Candy ferma les yeux pour se donner du courage, mais son éternelle rougeur apparut de nouveau, rendant les choses plus difficiles.

“Je t’aime, je t’ai toujours aimé,” répéta-t-elle à son oreille, et il sentit que le pavé n’existait plus. Pour tous les deux, le monde entier semblait avoir disparu, ne laissant que les sensations de ses bras l’étreignant, écrasant son corps contre le sien, des mains de Candy doucement accrochées à son cou, de son visage enfoui dans ses boucles blondes, de la chaleur de leurs corps, des battements de leurs cœurs, de leurs larmes coulant en silence, de la lavande et des roses se mêlant dans l’air, de deux voix répétant dans un murmure : je t’aime.

“Il n’y a pas eu un jour, une nuit,” continua-t-elle, murmurant à son oreille sans rompre leur étreinte, “un matin ou un soir où je n’aie pas pensé à toi pendant toutes ces années, Terry. J’ai essayé d’oublier, j’ai essayé de surmonter cet amour en moi. Je croyais que c’était un péché, parce que je pensais que tu étais déjà marié avec elle. J’ai combattu cet amour, mais il a été plus fort que ma propre volonté. Yves est juste un bon ami, qui a eu le malheur de tomber amoureux de moi, mais je ne réponds pas à ses sentiments, et la nuit où je suis allée au bal avec lui je lui ai dit la vérité. Maintenant, il sait que c’est toi l’homme dans mon cœur. Aucun homme sur cette planète ne pourrait jamais causer en moi les sentiments que tu éveilles. Je suis ta Candy, à toi, rien qu’à toi, je n’ai jamais cessé d’être à toi malgré le temps, malgré tout. Oh, Terry, mon Terry ! “ dit-elle, et elle s’arrêta, enfouissant son visage dans sa poitrine, incapable d’en dire plus sous le poids de ses émotions. Et cela valait mieux, car l’homme qui la tenait dans ses bras avait déjà fondu, et n’aurait pu résister à plus de tendresse.

Il continuèrent à s’étreindre pendant un moment sans fin, débordés par le bruit de mille serrures qui s’étaient soudain ouvertes dans leurs cœurs, lorsqu’ils avaient enfin trouvé la clé perdue de leurs âmes dans les bras l’un de l’autre. Au contact de leur chaleur réciproque, une série de petites explosions se mit à enflammer leurs corps, et, avant qu’ils ne puissent comprendre la nature de ce mystère, un torrent de désirs anciens et nouveaux réclama satisfaction, et Terry fut le premier emporté par le sortilège de leur embrassement.

Il resserra l’étreinte et sa tête se pencha très lentement, sa joue caressant la joue lisse de Candy, respirant profondément son parfum. Il prit son visage dans la main gauche et souleva son menton, pour qu’ils puissent se voir dans les yeux. Candy sentit tout son corps frissonner sous son regard profond, mais, sans savoir pourquoi, elle ne baissa pas la tête, se noyant dans les yeux bleus de Terry. Il ne dit pas un mot, mais elle comprit qu’il allait l’embrasser à l’instant, et elle savait aussi que cette fois elle ne refuserait pas. Elle avait désiré un baiser de ses lèvres pendant si longtemps qu’elle ne pouvait plus le nier. Lorsque l’âme a révélé ses secrets, la chair doit suivre cet aveu.

Il baissa lentement la tête, raccourcissant la distance jusqu’à ce que sa peau puisse sentir la brise chaude de la respiration de Candy. Puis il ferma les yeux et resta immobile un moment. Il était si enivré d’elle qu’il craignait de la voir disparaître s’il osait toucher ses lèvres. Cependant, la nature fut plus forte que ses peurs, et vainquit rapidement la dernière trace d’hésitation en lui. Il avait enfin terminé le long voyage commencé un matin d’automne, lorsqu’il avait quitté Londres, et ses lèvres retrouvèrent celles de Candy après des années de regret et de douloureuse séparation.

Candy reçut la caresse, étonnée de la tendresse déployée dans son premier contact. De brefs baisers, légèrement humides, plurent sur ses lèvres. Il effleurait à peine la chair douce de sa bouche, comme si elle était faite d’écume ou de porcelaine fragile. Une série de courts chocs électriques commença à secouer leurs corps, sous la légère caresse de leurs lèvres sensibles. Pour une raison qu’il ne pouvait comprendre, Terry se sentait comme un enfant perdu dans les charmes de Candy, mais pas assez courageux pour verser en elle toute la passion réfrénée dans le fond de son cœur.

Soudain, elle se surprit à lui répondre, et la douce chaleur de leur étreinte devint un feu toujours plus ardent. Avant qu’elle ne puisse s’en rendre vraiment compte, le baiser de Terry devint plus pressant et elle répondit, poussée par un instinct féminin qu’elle ne se connaissait pas. Inconsciemment, elle écarta les lèvres et il réagit aussitôt, l’embrassant non comme l’adolescent qui lui avait autrefois volé un baiser, mais comme l’homme qui la désirait depuis des années. Il envahit sa bouche et l’explora librement en une conquête intime et profonde. Elle n’opposa aucune résistance, même longtemps après que son dernier souffle d’air se soit évanoui. Candy comprit qu’il prenait possession d’elle en un seul baiser, et que par ce geste passionné il lui disait qu’il était revenu la réclamer corps et âme. Elle sut alors qu’elle était née pour ce moment doré. Elle était une femme parce qu’il était né homme.

Un baiser, quand il est donné avec un véritable amour, est l’étincelle qui enflamme les incontrôlables torrents de la passion. Des flots d ‘énergie électrique courant à travers le corps humain, reliant la chair à l’esprit et à l’âme, semblent éveiller dans nos veines la force dominatrice de la nature. C’est ce qui arriva dans les corps de Candy et de Terry, au moment où ils cédèrent l’un à l’autre dans ce baiser prolongé. Soudain, Candy cessa d’être une jeune fille et devint une femme, et, en tant que femme, elle comprit que les roues de la passion tournaient déjà en elle, et ne s’arrêteraient pas avant qu’ils ne puissent assouvir leur soif mutuelle dans un embrassement intime.

Terry, de son côté, ne pouvait réfléchir autant, déjà entraîné par la sensation affolante d’explorer le corps de Candy. Quelle extase incroyable que ses lèvres sur les siennes, savourant le goût parfumé de sa bouche humide, goûtant sa fragrance de fraise, toujours la même depuis l’après-midi où il l’avait embrassée pour la première fois ! Quel immense plaisir que chaque mont et vallée écrasés contre ses muscles tendus ! Quelle douce sensation que sa peau tremblant sous ses baisers qui suivaient une trace humide sur ses joues soyeuses, jusqu’au creux laiteux de son cou ! Il sentit avec délice que la respiration de Candy devenait irrégulière, signe évident de l’effet qu’il avait sur elle. Jamais de sa vie il n’avait goûté des sensations si fortes et si agréables. C’était une sorte d’ivresse, mais plus profonde et incroyablement plus puissante que celle que le vin peut offrir.

Candy eut un hoquet en sentant les caresses de Terry sur son cou. De nouvelles sensations l’envahirent. Mais son gémissement spontané fit réagir Terry. Il reprit bientôt ses esprits et se rendit compte qu’ils étaient encore au milieu de la rue, et qu’il les entraînait tous deux par-dessus le bord d’une falaise. Il n’y aurait pas de retour s’il ne s’arrêtait pas tout de suite.

Il ôta ses lèvres du cou de Candy, très lentement, abandonnant à regret cet étang de nacre dont le goût l’attirait. Il enfouit son visage dans les boucles de la jeune fille et murmura à ses oreilles :

“Pardonne-moi, mon amour, je t’aime tellement que j’oublie que nous sommes dans un endroit public, et que tu es une dame… Ma seule excuse est l’attente que j’ai endurée pendant toutes ces années. Candy, tu as été ma plus grande obsession, et maintenant j’ai du mal à croire que tu m’aimes encore… Je me suis… laissé emporter. “

Elle recula lentement, jusqu’à faire face au jeune homme. Lorsque leurs yeux se rencontrèrent à nouveau, il y eut un doux sourire de compréhension sur son visage, qui frappa Terry par sa maturité.

“Tout va bien, Terry, il n’y a rien à pardonner” murmura-t-elle, baissant les yeux en un geste timide, “Je… moi aussi j’avais besoin d’être… près de toi, “ avoua-t-elle.

Terry adressa à la jeune femme un regard de reconnaissance en dénouant l’étreinte. Tenant la main de Candy dans la sienne, il se mit à marcher lentement. Elle le suivit, ravie par l’incroyable joie d’aller main dans la main avec l’homme qu’elle aimait. Ils ne sentaient réellement pas le trottoir sous leurs pieds.

Ils s’étaient éloignés du pont et flânaient lentement sur l’avenue, dans un silence complet. Soudain, les mots semblaient inutiles entre eux. La tranquille rumeur de la Seine suivant son cours impassible, et les bruits de la ville étaient couverts par la musique triomphante de leurs sentiments. Il lâcha sa main et lui passa un bras autour des épaules. Elle lui prit instinctivement la taille, et ils continuèrent à marcher un long moment.

Mais l’horloge de la cathédrale finit par sonner six heures et, d’une façon ou d’une autre, les fit revenir du pays de rêve qu’ils avaient partagé pendant un temps impossible à mesurer. C’était ce moment mystérieux de la journée où l’on ne peut dire si le soleil vient de se coucher ou s’il va se lever.

Terry rompit le silence. “Candy, demain je vais devoir… » il s’arrêta, une trace d’hésitation dans la voix.

Les paroles de Terry coulèrent dans les oreilles de Candy, amenant un nouveau goût d’amertume au moment qui avait été parfait jusqu’alors.

“Demain tu pars pour le front. C’est ça ? » demanda-t-elle brusquement.

“Oui,” répondit-il, “mais je t’écrirai chaque jour, et quand cette guerre sera finie…”

“Chut!” dit-elle en lui plaçant l’index sur les lèvres, “ Terry, la guerre m’a appris que nous ne pouvons compter que sur aujourd’hui… “ puis elle s’arrêta, une ombre noire traversant son beau visage, “ Ne promets rien maintenant, seul Dieu sait ce que nous allons devoir vivre quand tu seras parti. “

Terry vit les yeux de Candy soudain obscurcis par la perspective des nouveaux dangers auxquels il devrait faire face, quand il serait de retour au front. Le jeune homme sentit son cœur se serrer devant ce visage inquiet, et son esprit se mit à chercher désespérément une réponse au nouveau dilemme qu’ils affrontaient. Terry écrasa la main de Candy dans la sienne et la conduisit à un banc voisin où ils s’assirent.

“Candy,” commença-t-il d’un ton plein de crainte, “ Je comprends clairement que dans les conditions présentes il peut sembler futile de te faire des promesses… mais je pense qu’il faut… que je dois te demander ça maintenant. “

“Terry!” s’étouffa-t-elle sans pouvoir continuer.

“Candice Neige,” continua-t-il, regardant ses yeux avec adoration tout en tenant sa main d’un geste nerveux, “tu viens d’avouer que tu m’aimes encore. Puis-je déduire de tes paroles que tu accepterais ma promesse de mariage ? Me considèrerais-tu digne d’un tel honneur ? “

“Oh, Terry!” dit-elle en soupirant, tandis que deux grosses larmes coulaient sur ses joues, “Oui, oui, mille fois oui! Dieu sait qu’être ta femme a toujours été mon rêve le plus cher… Mais je ne sais pas si nous devrions en parler maintenant, que notre avenir n’est pas assuré. J’ai peur, Terry, j’ai peur du destin, qui s’est déjà opposé à notre amour. Si quelque chose t’arrivait au front, je… je… “

“Arrête, je t’en prie,” dit-il, incapable de résister et la faisant taire par de nouveaux baisers ardents, enflammé par le sens des paroles de la jeune femme. “ Ne parle pas comme ça, “ marmonna-t-il entre deux baisers, “ Je m’en sortirai… mais pour le moment… que tu m’aies avoué ton amour… c’est trop… pour moi… Je ne peux pas supporter… tant… de bonheur. “

Puis il ne put plus parler, buvant à nouveau les saveurs de sa bouche dans un baiser profond. Candy l’accueillit avec joie. Rien ne pouvait être meilleur au monde que d’être près de lui. Ils restèrent un moment scellés aux lèvres l’un de l’autre, pendant que Vénus éclairait l’horizon sur la Seine. Lorsqu’il se séparèrent pour reprendre haleine, Terry souleva son menton et posa son front sur le sien.

“Ecoute,” expliqua-t-il, “Cette fois, nous allons tromper la destinée. Je serais l’homme le plus heureux du monde si je pouvais t’avoir dans mes bras cette nuit, mais je tiens à faire les choses dans les règles. Tu viens de dire que tu allais m’épouser. Alors, tiens ta promesse… Epouse-moi aujourd’hui ! “

Les yeux de Candy s’ouvrirent largement. Elle n’était pas sûre de bien comprendre ce qu’il disait.

“Mais, Terry, tu sais que c’est impossible, “ répondit-elle, le regard triste, “ Tu es soldat, et c’est contre les lois militaires que les simples soldats se marient en temps de guerre. Et puis, même si c’était possible, on ne pourrait pas tout organiser ce soir. “

Terry sourit largement.

“Il y a un moyen,” dit-il, “ je connais quelqu’un qui peut nous aider. J’ai juste besoin de savoir si tu es d’accord. “

“Tu le sais déjà,” répondit-elle.

“Mais je veux l’entendre de tes lèvres, “ demanda-t-il avec un sourire éblouissant.

“Alors, la réponse est oui, j’accepte de t’épouser aujourd’hui, si un tel miracle peut arriver. “

“Il peut arriver . “ insista-t-il, “ Et maintenant, donne moi un autre baiser, j’en ai été privé trop longtemps et je ne peux pas me rassasier de tes lèvres. “

La voiture s’arrêta au 35 de la rue Fontaine. Le Moulin Rouge n’était qu’à quelques pâtés de maisons de la vieille et élégante demeure de style néoclassique où le taxi les avait amenés. Ils étaient juste au cœur de Montmartre, le centre de la vie nocturne sur la rive droite. Le jeune homme sortit de la voiture et, au lieu d’aider la jeune femme en lui prenant la main, il la saisit par la taille et la souleva, jusqu’à ce qu’elle touche à nouveau le sol serrée dans ses bras.

“Terry, arrête ça!” gronda-t-elle lorsqu’il l’embrassa à plusieurs reprises sur les joues et les tempes, mais comme en même temps elle pouffait joyeusement, l’homme ne prêta pas attention à ses faibles protestations.

“Pourquoi?”riposta-t-il avec un sourire démoniaque, tout en lui embrassant le lobe de l’oreille.

“Parce que nous sommes arrivés. Tu ne vas pas frapper à la porte pour voir s’il y a quelqu’un dedans ? “ demanda-t-elle en essayant de résister aux agaceries que subissait son oreille.

“D’accord,” concéda-t-il au bon sens de la jeune femme, “mais ne crois pas que je m’arrêterai la prochaine fois, “ insinua-t-il, et elle devint rouge comme une tomate.

Le jeune homme prit le marteau de la porte dans sa main et frappa fermement. Il ne fallut pas longtemps pour que quelqu’un de l’autre côté réponde d’une voix douce et masculine, et les verrous de la porte commencèrent à s’ouvrir. Un homme proche de la cinquantaine ouvrit, et, lorsque le jeune couple eut expliqué la raison de sa visite, le domestique les invita à entrer.

Tous deux s’assirent dans le salon sobrement décoré, le jeune homme tenant la main de la jeune fille. Une minute plus tard, un homme de grande taille apparut dans la pièce.

“Père Graubner. Merci de nous recevoir chez vous,” dit Terry en se levant lorsque le prêtre entra.

“C’est un plaisir de vous voir tous les deux,” dit l’homme d’un air interrogateur, “ mais nous ne sommes pas chez moi. Je ne suis qu’invité. C’est la maison de Monseigneur Benoît, le desservant de la basilique du Sacré-Cœur, pas très loin d’ici. “

“Je vois, la belle église blanche sur une colline, avec un millier de marches à monter, “ commenta Candy tandis que le prêtre la saluait.

“Eh bien, ma jeune dame,” gloussa le prêtre à cette remarque, “ Il n’y a que 237 marches, mais vous avez raison : pour un homme qui a le cœur fragile comme moi, il semble qu’il y en ait un millier. Mais asseyez-vous, mes chers amis. Voulez-vous quelque chose à boire ? “

Une vieille femme apporta du vin pour le prêtre et du thé pour le couple, et, une fois que tous trois furent seuls, Terry expliqua le véritable motif de leur visite. A mesure qu’il parlait, les yeux noirs du prêtre allaient de l’expression rayonnante du jeune homme au visage rougissant de la fille, puis revenaient au jeune homme. La vérité est qu’un homme comme Graubner, si expérimenté et connaissant si bien la nature humaine, n’avait pas besoin d’une explication. Il suffisait de regarder les visages du couple et de savoir en quel temps ils vivaient pour comprendre ce qui se passait. Mais Graubner laissa Terry finir son histoire. Puis, le visage très grave, il lui répondit :

“Cher ami, vous rendez-vous compte de ce que vous me demandez de faire? Vous savez bien que ce serait contre les lois militaires de faire une telle chose, et nous, les prêtres, nous avons des ordres sévères pour respecter ces dispositions. “

“Nous le comprenons, Mon Père,” répondit Terry, “mais vous savez aussi que l’amour est une autorité plus haute. “

“Vous me demandez de désobéir à mes supérieurs?”demanda Graubner en fronçant les sourcils.

“Pas exactement, Mon Père,” risqua Candy, “ Nous vous demandons d’oublier vos ordres quelques minutes… Je suis sûre que personne ne s’en apercevrait, “ conclut-elle avec un sourire qui aurait fait fondre le fer.

Le vieil homme, incapable de cacher son amusement plus longtemps, rit bruyamment pendant un bon moment après la remarque de la jeune fille. Le couple se regardait, étonné par le soudain changement de l’humeur du prêtre.

“Um Himmels Willen!” s’exclama Graubner, plié en deux de rire, “ Je... je comprends maintenant pourquoi vous vous aimez tant tous les deux. Vous êtes un couple de rebelles. Vous ne vous souciez jamais des règles, mes enfants ? “ demanda-t-il entre deux hoquets, “ Mais… bon… Jésus-Christ était un rebelle aussi… Alors, Dieu les bénisse tous. “

“Est-ce à dire que vous acceptez?” demanda Candy surprise.

“Bien sûr, mon enfant!” répondit le prêtre avec un sourire, “ En fait, j’aurais pu vous épargner toute cette explication, je connaissais la raison de votre visite depuis le moment où j’avais vu vos visages. “

“Alors, vous nous avez fait marcher,” commenta le jeune homme avec un sourire espiègle, “Et vous n’avez jamais pensé nous refuser cette faveur… Vous seriez un bon acteur, Mon Père. “

“Je n’ai pas pu m’en empêcher, » répondit le vieil homme, « Mais, cher Terrence, vous savez bien que je ne m’inquiète pas tellement des ordres de mes supérieurs, quand ils s’opposent à mes principes. Les enfants, vous avez une idée du nombre de ces mariages que j’ai célébrés depuis le début de la guerre ?… J’ai perdu le compte ! “ conclut-il, et le couple rit de la malice du prêtre.

Monseigneur Benoît était à Rome pour voir le pape, et Erhart Graubner avait donc la maison pour lui tout seul et pour tout le temps nécessaire. La demeure était grande, confortable, et avait une chapelle privée. C’est dans cet endroit paisible et silencieux, orné d’élégantes colonnes ioniques, parqueté à la versaillaise, avec deux discrets vases de cristal contenant des narcisses frais sur l’autel, et un crucifix d’argent pour seule image pieuse sur les murs bleu clair, que Candice et Terrence se marièrent le soir du 1er septembre 1918.

Ils étaient à des milliers de kilomètres de chez eux, aucun de leurs amis ou parents n’était là, on n’avait pas eu le temps d’acheter une luxueuse robe blanche pour la mariée, le marié ne portait pas de smoking, il n’y avait ni garçon ni demoiselles d’honneur, ni musique ni gâteau, et les anneaux avaient été portés par un autre couple vingt-cinq ans auparavant. Néanmoins, le jeune aristocrate et sa fiancée ne semblaient pas du tout remarquer ces irrégularités. Une seule et unique vérité importait : la même destinée qui les avait forcés à se séparer avait rattrapé ses erreurs, leur permettant de se retrouver dans le tourbillon de la guerre, et l’amour avait fait le reste. Toute considération au-delà de ce fait était inutile.

Malgré l’incommodité du moment, Graubner n’avait jamais vu, de toute sa vie de prêtre, une mariée plus belle ou un marié plus brillant que ceux qui lui faisaient face ce soir-là. La jeune blonde était baignée dans la lumière des chandeliers, qui faisait briller ses cheveux d’or et ses yeux d’un vert profond en d’innombrables étincelles, et le jeune homme à son côté, encore trop stupéfait de cette bénédiction inattendue, ne pouvait concentrer son attention sur rien d’autre que la nymphe blanche qu’il épousait.

La cérémonie fut brève et assez informelle, mais elle resterait gravée dans le cœur des amoureux pour le restant de leurs vies. Leurs gestes, leurs mots, le silence et les regards qu’ils échangèrent au moment où ils prononcèrent leurs vœux ne seraient jamais oubliés, même s’ils vivaient cent ans… même si la mort les séparait.

“Moi, Candice Neige André, promets de t’aimer, Terrence Graham Grandchester, dans la pauvreté ou la richesse, la santé ou la maladie, pour le restant de ma vie et jusqu’à ce que la mort nous sépare » dit-elle, les larmes coulant sur sa joue rosée, et il dut faire de grands efforts pour se retenir de la prendre dans ses bras. Mais il eut la force d’attendre un peu, le temps de prononcer ses propres vœux.

“Moi, Terrence Graham Grandchester, promets de t’aimer, Candice Neige André, dans la pauvreté ou la richesse, la santé ou la maladie, pour le restant de ma vie et jusqu’à ce que la mort nous sépare “ répondit-il, sachant que c’étaient les mots les plus importants qu’il prononcerait de sa vie.

La jeune femme regardait Terry, comprenant qu’à partir de ce moment ses projets, ses espoirs, sa demeure, son nom et toute sa vie seraient inextricablement attachés à l’arrogant aristocrate qu’elle avait autrefois rencontré en Angleterre. Cet homme, qui était devenu son crépuscule et son aube, lui était finalement lié comme aucun autre être humain ne le serait. Candy sentit que la grande aventure de sa vie avait vraiment commencé.

“Alors, au nom de la Sainte Eglise, je vous déclare mari et femme, “ dit le prêtre, et le couple ne lui laissa pas le temps d’en dire plus, car le marié n’attendit pas sa permission pour embrasser la mariée. Mais le père Graubner ne se plaignit pas.

En embrassant sa femme pour la première fois, Terrence sentit qu’il était libéré du poids pesant que ses épaules avaient porté pendant de longues années. Enfin, avec la femme qu’il aimait dans ses bras, il avait trouvé son véritable foyer et son âme pouvait être en repos.

En temps de guerre, il est courant que les pauvres deviennent misérables et que ceux qui étaient riches descendent de quelques marches dans l’échelle sociale, et quelquefois affrontent différents problèmes économiques qui les conduisent à la ruine. Cela avait été le cas de Madame Guibert. Son mari, un riche homme d’affaires, était mort quinze ans avant le début de la guerre. Sans lui pour administrer leurs biens, la fortune des Guibert avait dramatiquement décru après 1914. Madame Guibert, qui était une gestionnaire optimiste, avait donc décidé de transformer sa grande maison en hôtel pour gagner les francs que l’héritage de son mari ne pouvait fournir.

La maison des Guibert avait été construite au XVIIe siècle. Elle avait un style d’Ancien Régime, avec des poutres de chêne au plafond et d’épais murs de pierre. La demeure se trouvait au cœur du Quartier Latin, rue Monsieur-le-Prince, non loin du Luxembourg. L’endroit était soigneusement tenu, confortable et charmant, et Terry l’avait choisi par hasard le jour où il avait quitté l’hôpital. Il n’avait pas imaginé alors que ce serait l’endroit où lui et sa femme passeraient leur nuit de noces.

Lorsqu’un des clients entra dans la maison suivi d’une jeune femme blonde, Madame Guibert, qui tenait la réception comme d’habitude, ne fit aucun commentaire. Après avoir tenu un hôtel pendant près de quatre années de guerre, elle était habituée à ces scènes, et elle les prenait comme elles étaient : la chose la plus naturelle du monde. Néanmoins, lorsqu’elle sentit l’aura particulière qui entourait ce couple, elle ne put éviter un soupir en se rappelant les jours de sa jeunesse où elle avait été follement amoureuse, comme la jeune femme qui montait l’escalier avec une ravissante rougeur sur ses joues blanches.

“Que ce soit beau pour elle, Sainte Mère,” dit-elle en se signant.

(lecteurs avertis seulement)

Aussi profondément que tombe, du socle d’une statue

L’abeille avalée par la jacinthe,

Je m’enterrerai brûlant en toi,

J’étancherai comme elle en plongeant mon désir,

Les yeux dans tes yeux, les lèvres sur tes lèvres !

Serre-moi fort là où glisse la ceinture,

Enferme toute mon âme dans des éternités de plaisir,

Encercle-moi à jamais ! Mais non - vieille mesure,

Les bras entourent leur rose sur mon rosier.

- Robert Browning

 

La chambre était presque noire, seule une timide chandelle, sur la table de nuit, éclairait l’endroit qui sembla soudain si chaleureux quand elle entra. Je fermai doucement la porte et attendis une seconde avant de me tourner vers elle.

A la faible lumière de la chandelle, je pus la voir libérer ses cheveux du ruban blanc qu’elle portait, faisant tomber dans son dos une cascade dorée de boucles invraisemblables. J’avais rêvé tant de fois de ce moment, mais la vision de la femme devant moi dépassait mes rêves les plus fous.

Je regardai autour de moi dans la chambre, et tout ce que je pouvais y voir sembla parfait. L’endroit était chaleureux et confortable, et il y avait une fenêtre à coulisse, avec une belle vue sur les rues encombrées, qui au matin permettrait aux rayons de soleil d’entrer dans la chambre. A gauche, il y avait un bureau de cèdre avec un bouquet de roses rouges. Le lit portait une couverture tricotée qui était une vraie œuvre d’art. Mais je ne pus apprécier ces détails au premier regard, tant j’étais nerveuse et effrayée. Je n’avais jamais été terrorisée et heureuse en même temps, comme à ce moment.

Je marchai vers la fenêtre en lui tournant le dos. Je n’ignorais pas ce qui, en substance, allait se passer entre nous cette nuit… mais au-delà de cette connaissance de base, fournie par mes cours à l’école d’infirmières, j’étais totalement naïve. Comment une femme était-elle censée réagir dans de telles situations ? Comment pouvais-je affronter une telle intimité si ses baisers seuls faisaient fondre tout mon corps ?

Essayant de trouver un soulagement pour mon esprit tourmenté, je défis le ruban qui retenait mes cheveux. Une seconde après, je sentis que ses mains sur mes épaules me tournaient dans sa direction, et je ne fus plus capable de réfléchir.

Je franchis la distance entre nous et touchai ses épaules de mes mains. Lorsque je pus la regarder en face, je remarquai qu’elle baissait timidement les yeux. Je me rappelai soudain que ce serait sa première fois et, même si la pensée submergeait mon cœur d’une immense joie, elle m’inquiétait aussi énormément. Je ne voulais pas effrayer cette petite sirène, que j’avais adorée et désirée depuis le collège et qui était, par un retournement incroyable et heureux de la destinée, ma jeune épouse.

Je soulevai son visage, prenant son menton d’une main et entourant sa taille mince de mon autre bras. Je l’embrassai légèrement et résistai de toute ma force à l’envie de continuer et de libérer enfin mes désirs intimes.

“Petite Taches de son“, dis-je tendrement, “ ceci peut être une expérience merveilleuse et unique pour nous deux. N’aie pas peur, je prendrai soin de toi. Nous découvrirons ensemble les extases secrètes que l’amour ne réserve qu’à quelques êtres fortunés comme toi et moi, “ murmurai-je à son oreille.

Elle leva ses yeux vert d’eau, de petits aquariums pleins de lumière et d’ombres tremblantes, pour regarder dans les miens.

Lorsque j’entendis ses paroles dans mon oreille, je sentis mes peurs s’évanouir lentement au son de sa voix, qui n’avait jamais été aussi tendre qu’à ce moment. Soudain, je sus que je ne risquais rien dans son étreinte. Avec une nouvelle confiance, je regardai dans ses yeux bleus et compris que lui aussi était nerveux.

“Tout ira bien, Terry,” parvins-je à dire de ma voix la plus douce, essayant de le faire se sentir plus à l’aise, et je me surpris à ajouter, “ Je désire être avec toi, autant que tu désires être avec moi.

Ces douces paroles firent presque exploser mon sang, mais je devais contrôler mes désirs naturels qui me poussaient à la prendre ici et maintenant. Je savais qu’il me fallait être patient et tendre. Je me contentai de l’étreindre très légèrement, tandis qu’elle posait sa tête sur ma poitrine. Je pouvais entendre sa respiration délicate, envahissant mes sens par son mélange de roses et de fraises sauvages.

Ma joue sentit le contact soyeux de ses cheveux d’or, et je désirai plus que jamais caresser ces vagues capricieuses. Pouvoir éprouver cette envie et la satisfaire en même temps était une nouveauté pour moi, et je crois donc m’être absorbé dans le labyrinthe d’or brillant, aussi émerveillé que la fillette du pont l’avait été par la merveilleuse chevelure de Candy.

“Je vais te dire un secret,” murmurai-je en caressant ses longues boucles, “ quand j’étais adolescent, parfois je croyais que tu n’étais pas réelle. “

“Qu’est-ce que j’étais alors ? Une elfe ? “ pouffa-t-elle contre ma poitrine.

“Non… une fée avec des cheveux blonds incroyablement bouclés, “ expliquai-je, et mes paroles lui firent lever la tête et me regarder directement dans les yeux. Elle ne dit pas un mot, mais ses yeux souriaient.

“Mais plus tard,” continuai-je, “j’ai compris que je me trompais. “

“Alors, tu t’es rendu compte que j’étais juste une fille… “ conclut-elle.

“Faux,” répondis-je en posant mon index sur son petit nez, “ Je me suis rendu compte que tu étais un ange… mon ange, “ dis-je en étouffant mes derniers mots sur ses lèvres, et je remarquai qu’elle s’habituait à mes baisers, car elle répondit presque aussitôt.

Et une fois de plus il m’embrassa… A combien de baisers en étions nous? Je ne pouvais plus le dire. Depuis notre deuxième baiser, sur le pont, il avait recherché mes lèvres tant de fois qu’il était impossible d’en tenir le compte… Néanmoins, je comprenais qu’à chaque nouvelle rencontre avec sa bouche troublante, mon cœur en apprenait de plus en plus avec cet homme que j’avais, de façon inattendue, pris pour époux… Bientôt, ses caresses devinrent plus ardentes, et je pus sentir mon corps réagir naturellement à ses demandes. J’étais tellement affolée par ses baisers sur mon cou que je ne remarquai pas quand il commença à déboutonner ma robe.

Depuis notre étreinte sur le pont Saint-Michel, je n’avais pas retouché à son cou, conscient du puissant pouvoir de cette caresse et craignant toujours de perdre le contrôle de mes impulsions. Mais là, au milieu de la chambre obscure, nous goûtions pour la première fois le plaisir d’une intimité complète. Qu’est-ce qui pouvait m’empêcher de partager avec ma femme toute la passion que j’avais en réserve pour elle ?

Puis mes mains atteignirent les boutons dans son dos, et je finis par conclure que la profession de couturier était certainement la plus infâme de toutes. Comment peut-on imaginer de dessiner une robe avec plus de vingt petits boutons ? En dépit de mon agacement, je dois admettre qu’il me plaisait énormément de savoir que j’allais dévoiler une beauté dont j’avais toujours rêvé.

Une fois défait le dernier de ces maudits boutons, mes mains coururent sur son dos, sentant le tissu fin de sa combinaison et la peau douce dénudée, jusqu’à ce que j’atteigne le cou que je goûtais encore. Je pus sentir son corps trembler quand mes doigts abaissèrent lentement les épaules de sa robe, et qu’elle finit par comprendre que j’allais la déshabiller.

Je sentis ses lèvres se séparer de ma gorge, et ses yeux se levèrent pour regarder dans les miens. Je me sentis hypnotisée par ses profondeurs bleu-vert, au point que mes défenses habituelles étaient au plus bas. Je savais qu’il avait toujours eu ce pouvoir sur moi, mais cette nuit il utilisait ses armes de séduction avec toute sa force. Il passa les mains sur mes épaules et je réalisai qu’il me déshabillait déjà. C’était comme s’il me caressait en même temps qu’il faisait lentement tomber la robe à mes pieds.

Même si je n’étais pas vraiment nue devant lui, je me sentais si préoccupée de moi-même en cet instant que chaque partie de mon corps semblait désagréablement imparfaite à mes yeux. Néanmoins, les premières sensations d’embarras disparurent dès qu’il me força doucement à me regarder directement. Je pus alors lire dans ses yeux qu’il n’était pas déçu. Mais le long voyage au-delà des limites de la pudeur ne faisait que commencer. C’était lui qui me guidait, et je savais que je le suivrais partout où il m’emmènerait.

Avec incrédulité, je le vis me prendre les mains et les porter à sa poitrine.

“S’il te plaît, fais-le pour moi,” pria-t-il. Je sus alors qu’il voulait que je déboutonne sa chemise et, quand il vit ma perplexité, il m’encouragea avec son sourire espiègle qui me rend toujours folle, “ Ce ne sera pas la première fois que tu fais ça, ma douce infirmière, “ plaisanta-t-il.

“Les circonstances sont différentes,” protestai-je faiblement.

“Oui… mais imagine le contraire.”

Je la regardai défaire d’un air sérieux chaque bouton de ma chemise, goûtant de toute mes forces l’une des expériences les plus érotiques que j’aie jamais eues. Bientôt, je fus à moitié nu et la guidai pour caresser mon corps. A ses avances timides sur ma poitrine, je compris combien elle s’était conduite de manière professionnelle durant le temps où elle m’avait soigné. Je sentais qu’elle aussi me désirait, mais elle était si délicieusement timide qu’elle ne pouvait éviter le retour de cette rougeur presque constante. Etrangement, sa timidité ne fit que me séduire encore plus.

“Tu n’imagines pas ce que tu me fais, Candy,” gémis-je d’une voix rauque, “ Tu m’as ensorcelé, femme. Quel genre de sort as-tu jeté sur moi ? “

“Je t’ai aimé, Terry, c’est tout,” répondit-elle doucement. Ses doigts glissaient doucement sur mon torse et mes épaules, me faisant frissonner à leur contact, “ de tout mon cœur. Chaque jour de ces années, j’ai pensé et rêvé à toi sans arrêt. “

A ce moment, je ne pus plus me contenir et l’entraînai dans mes bras, écrasant ses courbes tentatrices contre moi, et m’emparant de l’humidité de sa bouche avec le droit nouvellement acquis d’un époux.

Nous sommes tombés sur le lit, roulant au hasard jusqu’à ce que je sois sur elle, mon poids écrasant son corps délicat. Mes mains se sentirent libres des liens qui les avaient retenues jusque là, et commencèrent à explorer les lignes douces de sa géographie, apprenant et retenant par mes sens ce que mes yeux avaient déjà appris par cœur depuis le premier jour où ils s’étaient posés sur elle. Je désirais Candy depuis la première fois où je l’avais vue dans la brume. Cette première nuit après que nous ayons brièvement fait connaissance, j’étais allé me coucher en pensant à la délicate fleur sauvage que je venais de rencontrer. Jamais, auparavant, une fille ne m’avait semblé aussi sûre d’elle et audacieuse que cette petite blonde avec des yeux aux étincelles vertes meurtrières. Je me souvenais du tissu mince de sa robe qui flottait autour des courbes douces de son corps d’adolescente. Mon esprit audacieux ne pouvait s’empêcher de penser intensément aux délices que couvrait la robe. Cette nuit-là, je m’endormis en imaginant que je dévoilais la gloire de sa nudité, réclamant pour moi le droit de posséder toutes ses faveurs.

Mais maintenant, la même beauté, avec le corps plus mûr et glorifié d’une femme adulte, était prisonnière dans mes bras, sa respiration s’alourdissant, ses bras frottant passionnément mon dos et mes flancs, sa bouche ouverte et consentante à mon audacieuse exploration. Je l’attirai doucement sur mon flanc gauche. Mes lèvres quittèrent involontairement les siennes, pour assaillir avec une égale passion sa mâchoire et sa gorge. Je voulais dévorer ce long cou laiteux.

Qu’est-ce qui se passe quand Terry me tient dans ses bras ? Je ne peux pas encore le dire, en dépit des années… je sais seulement qu’il devient le maître de ce jeu sensuel par son toucher incendiaire, et qu’inconsciemment je l’accompagne et suis heureuse de participer.

Quand nous sommes arrivés sur le lit, j’ai senti que nous entrions dans un monde que je n’avais jamais imaginé. A partir de là, tout était découvert. Rien de ce que j’avais lu ou vu n’avait préparé mon esprit et mon corps à cette rencontre de peaux et d’âmes. Il navigua sur mon cou et ma gorge jusqu’à atteindre mes épaules, et je sentis qu’il descendait lentement les bretelles en dentelle de mon corsage. Bientôt, il laissait une trace humide sur mes épaules et mes bras nus, et tout mon corps tremblait. En même temps, je pouvais sentir ses mains courir sur moi, touchant de leurs paumes et de leurs doigts avides des endroits que j’avais crus intouchables, pétrissant mes jambes et mes cuisses sous le jupon comme le potier fait de l’argile.

Soudain, il desserra son étreinte passionnée et ses mains remontèrent. Il souleva son torse, et à nouveau les épées bleues de ses yeux pénétrèrent mon esprit. Lentement, il dénoua les rubans qui tenaient ma combinaison, et je me rappelai soudain que c’était le dernier vêtement que j’avais pour couvrir la nudité de ma poitrine.

Puis ma bouche atteignit la limite des collines blanches que découvrait l’encolure de sa combinaison. Je réalisai alors qu’elle ne portait pas de corset, comme la plupart des femmes de cette époque. Je souris intérieurement à cette découverte. Ma Taches de son était une rebelle même dans ces détails, affrontant toujours les codes sociaux avec une audace impavide. Et pour moi, cette simple révolte féminine signifiait que la beauté de sa poitrine haute, que j’avais secrètement admirée pendant les mois d’hôpital, toujours couverte par son uniforme d’infirmière, n’était pas le résultat d’un corset bien serré mais sa qualité naturelle.

Ma main ne put résister au désir fiévreux que j’avais depuis si longtemps, d’englober de mes doigts et de ma paume le sein provocant de la femme que j’aimais. Au moment où je le fis, ce fut comme si la gloire ouvrait ses portes et me laissait voir les rayons d’or du paradis. Son sein était doux et ferme en même temps ; il remplissait parfaitement ma paume, comme s’il n’avait pas été fait pour une autre. Elle gémit de plaisir.

Il ne fallut pas longtemps à mes mains pour défaire les lacets de sa combinaison. Un moment, je cessai mon assaut passionné sur son corps pour regarder avec adoration le spectacle céleste de mes mains la déshabillant, me révélant pour la première fois la vision ravissante de ses seins nus. Je pus remarquer une légère trace de nervosité sur son visage, et je me sentis de nouveau effrayé devant cette vierge qui m’avait été offerte sans que je le mérite. Je la regardai dans les yeux et, tenant son visage délicat dans mes mains, je lui dis d’une voix tremblante :

“Tu es la plus belle créature que j’aie jamais vue, mon amour. N’aie pas honte de ta beauté. Je t’en prie, laisse-moi partager avec toi les charmes cachés de l’amour physique. Je te promets que ça nous plaira à tous les deux. “

Certains disent que je suis jolie, mais j’ai toujours eu quelques doutes sur leur jugement. Pourtant, en ce moment, Terry me faisait me sentir aussi belle et désirée qu’une déesse grecque, et soudain je n’étais plus embarrassée. Même quand il commença à couvrir mes recoins les plus sensibles de ses baisers, buvant mon âme même à mes seins, ou quand ses mains terminèrent le rituel en nous débarrassant tous deux du reste de nos vêtements.

Ce n’était pas la première fois que je le voyais nu, mais les circonstances avaient été très différentes auparavant. Dans la salle d’opération, je n’avais pensé qu’à sauver sa vie, mais maintenant, au milieu de l’obscurité, à peine éclairée par la chandelle, c’était une vision à couper le souffle. Et j’étais là, à regarder sa beauté masculine, admirant pour la première fois la vision céleste de nos différences, pendant qu’il me regardait comme si j’étais la seule femme sur terre.

Je touchai son visage de ma main et écartai quelques-unes des mèches châtain qui couvraient son front chéri. Je ne sais pas ce que j’ai fait à ce moment, mais j’ai dû transmettre mes pensées à son cœur le temps d’un soupir, parce qu’il m’a souri, et son visage a rayonné d’un éclat que je ne lui avais jamais vu. J’ai jeté mes bras autour de son cou : nous commencions à explorer sérieusement nos corps, en une aventure commune que nous n’aurions jamais osé imaginer en entier.

Nous nous sommes avoué sans fin notre amour mutuel, par nos paroles émues, par nos lèvres, par les nouvelles caresses que nous apprenions, par chaque battement de nos cœurs dont le rythme s’accélérait violemment, par nos gémissements incompréhensibles, tous nos soupirs et toutes les pensées que nous pouvions deviner l’un en l’autre. Dans ce ravissement magique, où il n’y avait plus de frontières entre son corps et mon corps, la façon dont ses mains moulaient mes courbes, et les miennes ses muscles élancés, n’était que la conséquence logique de notre union spirituelle.

Je regardai ma femme, et me demandai à quel moment mon ange s’était transformé en l’Aphrodite provocante qui partageait mon lit pour la première fois. Elle était encore plus belle que dans mes rêves les plus ambitieux, et j’étais à la fois furieusement attiré et effrayé par sa beauté invraisemblable. Allait-elle disparaître si je la touchais à nouveau ? J’hésitai. Mais sa douce caresse sur mon front me dit que même si je ne croyais pas en ma chance, je vivais quelque chose de réel. Mon cœur explosait de joie, et je n’eus pas d’autre solution que de libérer ce feu envahissant par mes caresses, ce qui est le seul moyen que Dieu ait créé pour exprimer ces choses au-delà des mots humains.

J’explorai chacun des accidents que cette géographie bienheureuse m’offrait comme un cadeau généreux. Mes mains et mes lèvres mesurèrent et goûtèrent chaque parcelle de son univers laiteux, tandis que mon pouls atteignait un rythme auquel je n’aurais jamais cru pouvoir survivre. Les plaisirs que j’avais connus auparavant étaient misérables et ridicules, en face de cette extase suprême faite de courbes délicieuses et de vallées palpitantes. Bientôt, il n’y eut plus que de doux gémissements féminins à mon oreille, des pétales de rose sous mes doigts, de vastes horizons de peau soyeuse, une fontaine d’odeurs parfumées qui fit s’élever mes désirs les plus intimes quand mes mains caressèrent le joyau entre ses cuisses.

Ce que j’avais désiré de son corps n’était rien comparé à ce qu’il m’offrait en cette première nuit. Même si j’avais pensé fondre dans son étreinte, je finis par réaliser que je surmontais le premier choc, et que mon cœur commençait à exiger que je le caresse de plus en plus audacieusement à chaque fois. Avec des doigts tremblants, encore trop novices mais pleins d’amour, je touchai chaque parcelle de son corps ferme, en m’émerveillant au doux contact de sa peau.

Personne ne m’avait jamais dit comment une femme devait plaire à son mari. D’un autre côté, j’ignorais aussi la longue liste d’interdictions que notre société a créées pour limiter l’expérience sensuelle des femmes. Je me contentai donc d’obéir au conseil simple et intelligent qu’une amie m’avait donnée : suivre mon cœur. Je fis ainsi instinctivement ce que l’amour me dictait, découvrant à chaque nouvelle caresse les endroits qui allumaient le feu en lui.

Quant à ses avances, plus audacieuses à chaque seconde, elles m’amenaient au bord du plaisir, et je pouvais sentir une chaleur inconnue monter de mon ventre, envahir mon corps, et me faire ruisseler du désir urgent de l’avoir encore plus près de moi, au-delà de l’étreinte, au plus près qu’un homme peut l’être d’une femme.

Je n’eus pas à lui dire ce que je voulais. Une fois encore, il lut dans mon esprit.

Cette femme que j’avais rencontrée quand nous n’étions que des adolescents. Cette femme que depuis, j’avais follement aimée. Cette femme que j’avais perdue par ma stupidité, et que je venais de reconquérir par une grâce divine que j’étais sûr de ne pas mériter, allait être à moi et rien qu’à moi, car j’étais décidé à être non seulement le premier mais le seul.

Je regardai avec un feu tendre dans ses yeux d’émeraude, et elle me retourna ce regard avec un amour égal. Elle savait que j’allais la posséder et, dans la passion que révélait son beau visage, il y avait aussi un étrange mélange de solennité et de joie.

“Sois à moi,” murmurai-je à ses oreilles, buvant à nouveau le parfum enivrant de ses cheveux. “ Sois ma femme, mon épouse, ne sois qu’un avec moi. “

“N’air pas peur, prends-moi maintenant,” répondit-elle, et je pénétrai lentement sa chair, pour découvrir avec joie que son corps ne luttait guère en me recevant.

Elle eut un hoquet au premier contact, je pense que c’était la douleur de la première fois. Un moment, j’en eus une peur mortelle. Je n’avais jamais été avec une vierge, et je me sentais horriblement coupable de l’avoir blessée, ma Candy, qui était mon affection la plus précieuse.

“Pardonne-moi, mon amour,” l’implorai-je en l’étreignant tendrement et en embrassant ses lèvres une fois de plus.

“Ne t’excuse pas. Je veux juste que tu m’aimes, Terry, “ murmura-t-elle entre mes baisers.

Je restai immobile un moment sans fin, la laissant s’habituer au contact suprême entre nos corps, mais je sentis bientôt que sa tension avait disparu, laissant place au besoin nouveau de mon corps dans le sien. La poussée de ses hanches me fit comprendre que la première douleur avait été insignifiante pour elle, et qu’elle avait hâte de progresser dans notre embrassement intime.

Ce qui manquait depuis une éternité trouva tout simplement sa place lorsqu’il me prit dans la plus intime des étreintes. Alors, je pus comprendre ce que signifiait être une femme, la raison ultime de l’amour que je ressentais pour lui depuis si longtemps. Ce qui avait été un mystère pendant mon adolescence, toutes ces peurs, ces doutes et ces inquiétudes, ce qui n’avait été que regret dans les années qui avaient suivi notre séparation, toute la douleur et la souffrance, tout s’évanouit dans un hoquet et je fus entière. Il était à moi, avec moi, en moi, et un torrent de plaisir dominateur commençait à atteindre son paroxysme.

Ce fut alors comme si une lumière aveuglante couvrait mes yeux. Les moments suivants me ravirent. Je n’avais jamais ressenti une joie et une angoisse aussi intenses en même temps, comme si mon âme mourait et renaissait à chaque mouvement de mon cors contre le sien. Des vagues d’un délice enivrant couvrirent nos corps avec une force croissante, et un feu brûlant fit monter de plus en plus la chaleur en nous.

C’était donc ce que signifiait faire l’amour. C’était quelque chose au-delà de la simple relation sexuelle, et je n’avais jamais éprouvé un tel miracle auparavant. Elle était là, livrée à mes caresses intimes, sur elle, autour d’elle, en elle. Le visage de Candy transfiguré par la passion, m’appelant, ses jambes et ses bras autour de moi. Etonnamment, savoir que notre étreinte lui plaisait était encore plus agréable que mon propre plaisir.

Elle se raidit en une extraordinaire explosion d’énergie électrique, criant mon nom, et je sentis un courant inconnu parcourir mon épine dorsale au même moment. C’était comme si, pendant un instant magique, nos corps avaient été entraînés dans le torrent d’un rêve liquide, dérivant jusqu’à atteindre les douces prairies d’une terre lointaine, pris dans une bulle d’épuisement paisible.

Je m’abattis sur elle avec un gémissement rauque et enfouis ma tête au creux de son cou. Elle libéra mon corps de la prise ferme de ses jambes, et nous restâmes couchés, encore noués l’un à l’autre. C’est alors que je sentis une angoisse inexplicable couler de ma poitrine, comme une boule dans mon cœur qui remontait dans ma gorge en cherchant une sortie. La boule atteignit mes poumons et mes cordes vocales avec une force irrésistible, et ne libéra pas mon âme avant que je n’explose en sanglots bruyants.

J’étreignis mon petit trésor avec une force renouvelée, craignant qu’elle ne disparaisse comme un rêve. Je me souviens d’avoir pleuré bruyamment sans honte.

“Candy, Candy, Candy!” répétais-je encore et encore entre mes sanglots, sentant que mes pleurs n’allaient pas s’arrêter, serrant son corps contre moi, tandis qu’elle répondait à mon explosion par une voix rassurante et de tendres caresses.

“Je pensais t’avoir perdue pour toujours,” avouai-je, en larmes, “ J’errais dans la vie, tellement seul et perdu sans toi… Il fait tellement noir sans toi. “

Elle sourit doucement, comme elle seule sait le faire, de ce sourire particulier dont je sais qu’elle le garde pour moi et personne d’autre en ce monde.

“Moi aussi je me suis sentie très seule sans toi, Terry. Il fait tellement froid sans toi, “ murmura-t-elle, “ mais maintenant plus rien ne nous séparera jamais. Je suis ta femme. “

Ses paroles et sa tendre attention calmèrent ma soudaine angoisse, et à sa place une paix tranquille envahit mon cœur. Je tombai dans le sommeil le plus profond et paisible que j’aie jamais goûté, un sentiment de plénitude inconnue prenant possession de moi. Après une éternité d’attente, mon âme avait retrouvé sa moitié perdue.

Une seconde après qu’il atteignit le ciel, je l’y rejoignis, et tout ensuite fut une douce chute, comme une plume flottant dans l’air et venant reposer sur l’eau paisible d’un lagon musical. Il pleura dans mes bras, et je pleurai avec lui. Tant de fois je m’étais dit que notre amour était mort, qu’il n’y avait plus d’espoir de revoir Terry, même si nous étions tous les deux vivants… Et nous étions là, nos deux univers se heurtant en un miracle unique… Ensuite, tout fut paix et plénitude.

J’avais abandonné la condition de jeune fille pour atteindre un état supérieur. J’étais une femme… Sa femme.

Enfin leur long baiser se sépara, avec une fine douceur:

Et, comme les dernières gouttes tombent lentement

Des feuilles étincelantes quand tout l’orage a fui,

Ainsi battirent séparément les pouls de chaque cœur.

Leurs seins s’ouvrirent, de la première éclosion

Des fleurs mariées épanouies de tous côtés

Depuis la tige tourmentée ; mais leurs bouches, brûlées au rouge,

Adoraient encore l’autre, couchés séparément.

Le sommeil les fit sombrer plus profond que la marée des rêves,

Et leurs rêves les regardèrent couler, et s’éloigner.

Lentement leurs âmes refirent surface, à travers l’éclat

De l’eau lumineuse et les épaves sombres du jour ;

Jusqu’à ce que, d’un émerveillement de bois et de torrents inconnus

Il se réveille, et s’émerveille plus encore : car elle était là.

- Gabriel Rossetti

Le son doux d’une ancienne mélodie envahit les rêves de Candy. Elle reconnut les notes, et son cœur s’emplit d’un miel délicieux. Par le passé, le simple souvenir de cette chanson l’aurait fait pleurer, mais, après avoir goûté l’ambroisie suprême de l’amour, les souvenirs tristes semblaient enterrés dans une tombe lointaine d’où ils ne pourraient revenir la blesser.

Elle ouvrit ses yeux de malachite et put discerner une silhouette masculine assise à côté d’elle. Son âme bondit de joie quand elle finit par comprendre qu’il jouait du vieil harmonica qu’elle lui avait donné autrefois. Il l’avait gardé pendant toutes ces années, avec le même soin qu’il avait préservé son amour pour elle.

“Salut,” lui dit-il, dans l’obscurité, quand il comprit qu’elle était réveillée.

“Salut,” répondit-elle avec un sourire qu’elle n’avait jamais eu de toute sa vie.

“C’est comme si nous étions dans une bulle magique et qu’il n’y avait pas d’autre souci que cet amour. N’est-ce pas ? “ demanda-t-il en jouant avec ses boucles qui couvraient l’oreiller blanc en un séduisant désordre.

“Est-ce que j’ai jamais été ailleurs qu’ici, dans tes bras ? Je ne m’en souviens pas, “ dit-elle, se tournant sur le flanc et étendant ses propres bras pour l’enlacer. Il reçut sa femme, l’entourant de ses caresses sur ses cheveux capricieusement bouclés et la peau nue de son dos, de ses hanches et de ses cuisses. Elle enfouit son visage au creux de sa poitrine.

“Mais nous devons toujours garder à l’esprit que, hors de cette chambre, il y a un monde qui semble être contre nous, “ murmura-t-il à son oreille, “ D’étranges énergies au-delà de toute volonté humaine, qui nous entraînent loin l’un de l’autre, encore et encore. Mais il y a eu aussi une force qui nous a rapprochés, le pouvoir de l’amour qui est en nous, qui s’est révélé plus fort que le temps et la destinée. “

“La sorte d’amour qui dure éternellement, mon bien-aimé, “ dit-elle en levant la tête, ses lèvres cherchant à nouveau le chemin de sa bouche. Leurs lèvres se rencontrèrent à mi-chemin, et, tandis que le baiser s’approfondissait, le silence régna un moment dans la chambre obscure.

“Quand je t’ai perdue,” essaya-t-il de commencer à expliquer au milieu de la pluie de baisers, “Je…”

“Chut!” dit-elle en l’embrassant à nouveau, “ Ne parle pas de ça… on n’en a pas besoin, “ et elle le réduisit au silence par le charme voluptueux de ses caresses, “ Fais-moi encore l’amour, “ fut la dernière chose qu’elle dit, sur un ton qui était un mélange de prière et d’ordre. Terry n’avait pas besoin d’autre encouragement.

Epuisée, elle s’abattit sur lui de tout son poids, reposant sa tête dorée sur sa poitrine. Ses joues goûtèrent le contact de sa peau douce sur les muscles bien dessinés de Terry, et sa main droite traça la ligne de la cicatrice sur ses côtes, sur son flanc gauche. Sa respiration se ralentissait peu à peu, mais il était encore trop fatigué par sa récente extase. Il se contenta de rester immobile, goûtant le sentiment bienheureux du poids de Candy sur son corps, la pression divine de ses seins sur sa poitrine, la longueur de ses jambes bien formées entrelacées aux siennes, ses mains dessinant des merveilles sur son torse, et le contact intime de leurs corps.

“Avant tout ça,” finit-il par dire en haletant, “ Je voulais te dire quelque chose, mais tu ne m’as pas laissé faire. “

“Il n’y a pas de raison de parler du passé, mon amour, “ murmura-t-elle.

“Je crois que si, “ insista-t-il.

“Je ne vois pas laquelle,” dit-elle avec un soupir, commençant à avoir envie de dormir.

“Il y a des choses qui me sont arrivées et que je veux partager avec toi. Ça ne t’intéresse pas de les connaître ? “ demanda-t-il.

“Tout ce qui te concerne m’intéresse, mais pas si en parler doit te faire du mal, “ fit-elle remarquer doucement.

“Je me sentirais mieux après l’avoir dit… de plus, je ne veux pas que tu apprennes des choses sur moi par des bavardages. Je ferais mieux de te dire tout ça moi-même. Et je crois aussi qu’il y a de bonnes choses dans mon histoire, que j’aimerais beaucoup partager avec toi, “ ajouta-t-il.

“Si c’est vraiment important, vas-y, je t’écouterai, “ céda-t-elle, reposant la tête sur sa poitrine avec un soupir de résignation.

Il leva les bras pour entourer son petit corps sous les couvertures et, en lui caressant doucement le dos, commença son histoire :

“Candy, il y a une partie de ma vie dont je ne me sens pas fier. Quand nous avons rompu, j’ai d’abord cru que je pourrais surmonter cette perte. Je me faisais des illusions, mais j’ai vite découvert que je n’étais pas aussi fort que je le croyais. Toutes les fois où j’étais avec Suzanne, je ne pouvais penser qu’à toi, et le souvenir de notre amour était si douloureux que je me suis mis à boire beaucoup.

Avant de pouvoir m’en rendre compte, j’étais devenu alcoolique et j’avais abandonné mon travail, laissé New York et Suzanne derrière moi. Candy, je me disais que la vie n’était pas digne d’être vécue sans toi et, dans ma déchéance honteuse, j’essayais de fuir mes problèmes au lieu de les affronter. Comme j’avais perdu mon travail, j’ai commencé à jouer dans un spectacle itinérant qui était le pire du pire. Tu aurais eu honte de moi si tu m’avais vu à cette époque… “

Candy leva alors la tête de la poitrine de son mari, et regarda droit dans ses yeux. Elle se demanda intérieurement si elle devait le laisser continuer sa douloureuse confession, ou lui révéler qu’elle connaissait déjà cette histoire… Mais elle s’arrêta, pensant qu’il serait peut-être encore plus difficile pour lui d’apprendre qu’elle l’avait vu pendant cette triste période.

La jeune femme le regarda d’un air si tendre qu’il se sentit encouragé, et décida de continuer son histoire.

“Un jour, la troupe est allée à Chicago, ma chère, et c’est peut être le fait de savoir que tu habitais là, joint aux tonneaux de whisky que je vidais journellement, qui m’a fait avoir une vision de toi un certain soir. “

“Quoi?” demanda Candy, sans pouvoir croire ce qu’elle venait d’entendre.

“Un soir, pendant la représentation, “ expliqua Terry en regardant les yeux étonnés de sa femme, “ J’ai vu ton visage au milieu du public. Ce n’était que mon imagination, mais… “

“Tu m’as vue!” s’exclama-t-elle abasourdie, en soulevant le torse sur ses bras, “ Je ne peux pas croire que tu m’aies vraiment vue, comme le disait ta mère ! “ dit la jeune femme, sans pouvoir réprimer sa stupéfaction.

Ce fut au tour de Terry d’être surpris. Les paroles de Candy lui révélaient soudain la terrible vérité qu’il ne voulait pas admettre.

“Qu’est-ce que tu veux dire par là? Et qu’est-ce que ma mère a à voir avec ça ? “ demanda-t-il, déboussolé. “ Tu ne vas pas me dire, maintenant, que tu étais là pour de bon. Non ? “

“Oh, Terry, tu m’as vraiment vue!” dit-elle, émue, jetant ses bras autour de son cou. “ Oui, Terry, j’étais là, mais je n’aurais jamais cru que tu aies pu me voir dans l’obscurité, mon amour, et tu dois savoir que je n’ai jamais eu honte de toi. Bien sûr, j’étais triste de te voir dans cet état, et un peu fâchée que tu gâches ton précieux talent, mais au fond de moi je savais que tu allais finir par vaincre tes démons, et tu l’as fait ! “

Candy raconta à Terry sa version de l’histoire, et expliqua aussi sa rencontre avec Eléonore Baker. A son tour, le jeune homme parla de l’effet que l’apparition de Candy avait eu sur lui, et des décisions qu’il avait prises après ce moment. Le couple avait du mal à croire comme les pièces du puzzle s’assemblaient parfaitement, formant l’image émouvante du poème d’amour qu’ils partageaient.

Ils continuèrent à parler de l’incident, et bientôt la conversation passa à d’autres moments du passé, où ils avaient été très près de se retrouver, et à ce qui les avait empêchés de se revoir. Ils revécurent les évènements et les sentiments qu’ils avaient vécus en ces moments, et, pour la première fois, commencèrent à comprendre le mystère du lien invisible qui les unissait.

La fois où elle s’était précipitée pour le voir, à Southampton, mais n’avait pas pu arriver avant le départ du bateau, et où il avait entendu une voix à distance, sans croire l’appel de son cœur. L’hiver suivant, où elle était arrivée à la colline de Pony quelques minutes après qu’il en soit parti. La douleur insistante dans leurs cœurs depuis qu’ils étaient arrivés en France, l’inquiétude croissante durant cette soirée de neige où ils s’étaient retrouvés, et l’angoisse de Candy la nuit où il avait été blessé… ils commençaient à tout comprendre.

“Tu as toujours été là, “ dit-elle en désignant son cœur, “ Je peux te sentir, comme je sens mes propres battements. Tu vois ? Et maintenant, je sais que même si le destin t’a enlevé à moi tellement de fois, tu n’es jamais vraiment parti. Maintenant que tu es là de nouveau, je comprends que c’est ça notre destin. “

“Candy!” soupira-t-il en caressant doucement sa joue du bout de ses doigts, “ Cet amour a toujours été notre destin. Tu as toujours été en moi, dans mes rêves, peut-être même avant que je te rencontre, et depuis tu as toujours été là “ et il ajouta, avec un sourire d’une profonde joie, “ La voix sur le bateau, la présence sur la colline de Pony, le visage dans ce théâtre minable, le coup dans mon cœur… et maintenant la femme dans mes bras ! “

Le jeune acteur étreignit vigoureusement son épouse chérie, embrassant légèrement le lobe de son oreille et répétant en murmurant qu’elle était son ange gardien. Elle répondit par un ronronnement étouffé qui alluma de nouveau les feux en lui.

“Candy, s’il te plaît,” implora-t-il dans un murmure, “dis-moi encore que tu m’as aimé malgré les années, et que tu as rêvé de moi autant que j’ai rêvé de toi… dis-moi que tu m’as attendu tout ce temps ! “

La jeune femme répondit par une piste de baisers sur sa poitrine et son cou, en remontant vers ses lèvres.

“J’ai pensé à toi, rêvé de toi, et je n’ai jamais été qu’à toi, “ dit-elle entre les baisers, “ En fait, il faut que tu saches quelque chose, “ ajouta-t-elle en levant sa tête ravissante pour le regarder droit dans les yeux, “ J’étais furieuse contre toi, la nuit où j’étais sortie avec Yves, pour une seule raison. Tu as dit que tu voulais effacer de mes lèvres les baisers que j’avais reçus du Français, et je me suis sentie offensée, parce que jusqu’ici une seule personne m’a embrassée… toi, “ avoua-t-elle. “ Terry, les seuls baisers dont je connaisse le goût, ce sont les tiens, “ réussit-elle à dire avant que la passion de son époux ne l’entraîne à nouveau dans le feu inextinguible de leur amour.

“Vas-tu partir? Ce n’est pas encore l’aube :

c’était le rossignol, et non l’alouette,

Qui a percé le creux craintif de ton oreille;

La nuit il chante sur ce grenadier :

Crois-moi, mon amour, c’était le rossignol. »

“C’était l’alouette, le héraut du matin,

Et non le rossignol: regarde, mon amour, quels rayons envieux

Percent les nuages qui s’écartent à l’est :

Les chandelles de la nuit s’éteignent, et le jour joyeux

Se dresse sur la pointe des pieds, au sommet brumeux des montagnes.

Je dois partir et vivre, ou rester et mourir.”

-William Shakespeare

Elle ouvrit à nouveau les yeux, sentant les rayons timides du soleil commencer à caresser son visage. Le jour se levait à l’horizon, et Candy se réveilla du rêve qu’elle avait vécu dans les bras de Terry. Elle se délia lentement de son étreinte et, sentant un coup de vent furtif qui présageait l’arrivée de l’automne, elle se leva pour fermer la fenêtre. Elle mit tranquillement sa combinaison de soie et, les pieds nus, la jeune femme se dirigea vers la fenêtre. A l’extérieur, une petite alouette chantait sur la corniche.

Candy remplit ses narines de l’odeur du jour nouveau, et sentit clairement les paisibles explosions de son cœur. Par ce matin bienheureux, elle s’était réveillée Mme Terrence Grandchester, et la vérité absolue de la nuit passionnée qu’ils avaient passée ensemble éclaira son âme depuis l’autel de son nouveau corps. Mais le matin et le chant de l’alouette étaient aussi les tristes signes de la séparation qu’elle avait redoutée si longtemps, et cet événement dramatique n’était qu’à quelques heures de devenir réel.

“Candy!” l’appela une voix masculine endormie depuis le lit, et elle répondit immédiatement à l’appel de Terry.

“Dors, ce n’est pas encore l’heure,” dit-elle en s’approchant du lit et en reprenant sa place dans ses bras.

“Vas-tu dire que c’est le rossignol que j’écoute, ma douce Juliette?” murmura-t-il avec un léger rire.

“J’aimerais bien,” répondit-elle, en commençant à éprouver la lutte terrible entre son désir d’être forte et son immense tristesse.

“Que vienne la mort, et qu’elle soit bienvenue! C’est la volonté de Juliette… Dans quel état est mon âme ? parlons, ce n’est pas le jour. “ récita-t-il en tortillant une de ses boucles d’or autour de son index.

“Ne dis pas ça, Terry,” reprocha-t-elle avec un sourire mélancolique, “On n’est pas au théâtre.”

“Je le sais, parce que je ne me suis jamais senti aussi heureux après avoir joué. Ceci est une joie d’une nature plus grande, “ expliqua-t-il.

“Oui, je sais ce que tu veux dire,” approuva-t-elle, “mais maintenant, essaie de dormir au moins encore une heure.”

“J’ai une meilleure idée,” répondit-il avec un sourire espiègle dans ses grands yeux bleus, “ allons prendre un bain ensemble. “

“Quoi?”

Il ne répondit pas à la jeune femme et, sans plus de façons, se leva du lit en s’étirant de tout son long.

“TERRY!” hurla la jeune femme en lui jetant un oreiller, tandis qu’une furieuse rougeur couvrait ses joues.

Le jeune homme attrapa le projectile et, après une seconde de délibération interne pour trouver la raison de cette agression, il comprit que le jeune femme était scandalisée par sa proposition désinvolte, et par la vue de sa nudité dans la lumière du matin. Il trouva cette réaction fort amusante, et son côté toujours taquin se réveilla en lui, le mettant de la meilleure humeur du monde.

“Pourquoi ma femme serait-elle intimidée de me voir ? “ demanda-t-il en s’approchant du lit avec des mouvements félins. Le jeune homme prit le visage de Candy dans ses mains, avec une grimace diabolique. “ Dis-moi, Candy. N’est-ce pas avec toi que j’ai partagé mes secrets les plus intimes la nuit dernière ? Est-ce que tu vas redevenir timide avec moi ? “

“Je ne suis pas timide,” rétorqua-t-elle en levant fièrement le nez.

“Alors, prends un bain avec moi,” la défia-t-il, “Montre-moi que tu es encore la fille audacieuse que j’ai toujours connue. “

“Eh bien… Je…” hésita-t-elle, “Je ne crois pas avoir envie de prendre un bain maintenant.”

“Des excuses,” répondit-il, “Mais ça ne marchera pas.”

Et sur cette dernière affirmation, le jeune homme prit sa femme dans ses bras. Elle lui hurla de la lâcher, mais, comme elle mêlait ses protestations d’un rire franc, il ne prêta pas attention à ses demandes.

Dans la salle de bains, Candy essaya de résister un moment, mais il gagna aisément la partie, car son adversaire n’avait pas vraiment envie de refuser l’invitation. Il ne lui fallut que quelques agaceries et baisers pour lui faire reprendre confiance et admettre que la nudité n’était pas uniquement réservée aux jeux du lit. Bientôt, la combinaison de soie blanche fut par terre, et ils furent dans la baignoire, à s’asperger et jouer comme deux enfants.

“Tu étais toujours aussi vilaine quand Mademoiselle Pony voulait te faire prendre un bain ? “ demanda-t-il en riant.

“Je vais faire comme si je n’avais rien entendu,” répondit-elle avec une moue.

“Je crois que tu étais une de ces petites filles têtues qui détestent l’eau et le savon. C’est pour ça que tu as toutes ces taches de son. C’est en punition d’avoir été vilaine. “

“Oh, tu peux être vraiment embêtant quand tu veux ! Tu savais ça ? “ dit la jeune blonde en lui soufflant de la mousse au visage.

“Hé! Ça, c’était pas gentil! Je crois que je vais faire ce que ces braves dames qui t’ont élevée ont dû faire, “ laissa-t-il tomber en prenant un air sérieux.

“Quoi?”

“Te donner une bonne raclée,” dit-il. Elle recula en position de défense, essayant de sortir de la baignoire avant qu’il ne puisse bouger. Mais le jeune homme fut plus rapide et l’attrapa par le bras, l’attirant à nouveau contre lui.

“Compte pendant que je te bats, “ dit-il en commençant à embrasser ses épaules et son dos mais elle perdit vite le compte.

Ils continuèrent à jouer et à se caresser autant qu’ils purent, mais, comme le temps ne s’arrête pour personne, homme ou femme, et en dépit de leur répugnance, le jeune couple finit par quitter la baignoire. Utilisant le langage silencieux qu’ils avaient mis au point, tous deux se préparèrent à quitter l’hôtel. Elle proposa au jeune homme de l’aider à se coiffer, et, utilisant un rasoir qu’il avait sur lui, elle lui coupa les cheveux pour les réadapter aux règlements militaires.

Il était assis devant le miroir pendant qu’elle travaillait d’une main rapide. Tandis que les mèches de soie brune tombaient à terre, le jeune homme ne détachait pas les yeux des étoiles d’émeraude reflétées dans le miroir. Pour la première fois de la matinée, il commençait à penser sérieusement à la séparation imminente, se sentant terriblement frustré de ne pas avoir plus de temps à partager avec la personne qu’il aimait le plus au monde. Cependant, il se promit d’être fort de façon à ce que les choses soient moins difficiles pour elle.

Lorsqu’elle eut fini, Terry se regarda avec une certaine contrariété, et la jeune femme rit doucement de sa répugnance à porter les cheveux si courts. Pendant qu’il se rasait dans la salle de bains, elle ramassa les mèches brunes et attacha une boucle à un ruban qu’elle avait ôté de son jupon.

Candy eut un profond soupir, éprouvant à la fois étrangeté et excitation à la sensation nouvelle de jouer, au moins un bref moment, le rôle de l’épouse dont elle avait rêvé si longtemps. Puis la jeune femme s’approcha de la table de nuit, prit une des roses rouges dans le vase de cristal et respira le parfum, pensant à l’avenir qui l’attendrait quand la guerre serait finie et qu’elle et son mari pourraient rentrer chez eux.

Quelques minutes plus tard, ils partaient pour la gare.

Terrence regardait sa femme, sans encore pouvoir croire ce qu’il avait vécu les heures précédentes. Chaque fois qu’il repassait les faits dans son esprit, il se sentait triomphant et comblé, et, comme il l’avait décidé, il faisait de son mieux pour envisager la séparation prochaine avec la plus optimiste des attitudes. Néanmoins, il ne put éviter un coup au cœur, lorsqu’il entendit l’employé de la gare appeler les passagers du train de neuf heures pour Verdun.

“Je t’écrirai tous les jours, même si le courrier ne peut pas partir aussi souvent, “ murmura-t-il en l’étreignant vigoureusement, “ Promets-moi que tu feras attention à toi, mon ange. “

“Promis… Et toi, s’il te plaît, fais plus attention cette fois, » pria-t-elle, le visage enfoui dans sa poitrine.

“Ne t’inquiète pas, ma chérie, ça ira,” répondit-il, et en disant cela il chercha son regard, “Ecoute, Candy, et écoute bien… Quand la guerre finira, ça va être la pagaille et la confusion partout. Ne m’attends pas. Prends le premier bateau pour l’Amérique avec ton équipe médicale, et attends-moi à New York. Tu as mon adresse et celle de ma mère. Quand je reviendrai, j’irai te chercher et je passerai le reste de ma vie à te rendre heureuse. C’est promis. “

“Tu me rends déjà heureuse,” corrigea-t-elle.

L’employé de la gare pressa de nouveau les passagers.

“Terry,” chuchota Candy en portant les mains à sa nuque. “ Garde ça… “ dit-elle en passant à son cou sa croix d’or, “ Je l’ai sur moi depuis que j’ai quitté la maison Pony, quand j’avais douze ans. Elle te protègera et, comme elle m’est toujours revenue… elle te ramènera sûrement dans mes bras, très bientôt, “ murmura-t-elle d’une voix rauque, luttant désespérément pour refouler ses larmes.

“Alors, toi, s’il te plaît, garde ça pour moi, “ dit-il en lui donnant son anneau d’émeraude, “ Cette nuit cruelle à New York, quand tu m’as quitté sans me laisser te regarder dans les yeux, je me suis senti tellement perdu que pendant des mois j’en ai eu des cauchemars. “ expliqua-t-il d’une voix douce qui émut Candy jusqu’au fond du cœur.

“Mon amour,” murmura-t-elle, et elle l’aurait étreint plus étroitement si elle n’avait pas dû continuer à le regarder pendant qu’il continuait son explication.

“Après la fois où je t’avais vue dans le théâtre itinérant, j’étais revenu à New York, et je cherchais un cadeau pour l’anniversaire de ma mère quand j’ai vu cet anneau. “ Le jeune homme continua, “ Au moment où j’ai découvert la pierre, je me suis rendu compte qu’elle avait exactement la couleur de tes yeux. Je n’ai pas hésité et je l’ai achetée sur le moment, pour avoir un souvenir des yeux de la femme qui avait été ma lumière… ces yeux que je n’avais pas pu voir une dernière fois. Mais maintenant, après ce qui est arrivé, je ne pense plus en avoir besoin, parce que j’ai le souvenir adoré de tes yeux me promettant ton amour pour un homme qui ne croit pas encore mériter une telle joie. Je veux que tu le gardes pendant que je serai loin, et quand nous nous reverrons, je te rendrai ta croix et tu me rendras cet anneau. De plus, je risque de le perdre sur le front un de ces jours. Il sera plus à l’abri dans tes mains. “

La jeune femme prit l’anneau et le plaça dans sa bourse avec les mèches brunes de Terry. L’instant d’après, elle leva les yeux pour le regarder, encore profondément émue par l’histoire qu’il lui avait racontée.

“Je t’aime tellement que je crois que je vais exploser,” lui dit-elle, et l’instant d’après ils s’embrassaient à nouveau comme s’ils ne l’avaient pas fait depuis des siècles.

“Terry,” s’étouffa-t-elle, en l’étreignant si étroitement qu’il pensa ne plus jamais pouvoir respirer. La jeune femme entourait son cou de ses bras et, les yeux fermés, fit secrètement une prière.

Le train commençait à bouger et le jeune homme, se séparant de l’étreinte de Candy, sauta à bord.

“Souviens-toi,” furent ses derniers mots, “ Nous ne faisons qu’un maintenant. Je suis à toi… tu es ma femme. Ne l’oublie jamais. Nous ne ferons jamais qu’un. “

La jeune femme agita la main pour approuver ses paroles, et le train s’éloigna, accélérant de plus en plus. En quelques secondes, il n’était plus qu’un point à l’horizon, et la jeune femme sur le quai versait ses larmes les plus amères.

“Tu as été très courageuse, maintenant tu peux pleurer autant que tu en as besoin, mon enfant,” dit une voix profonde derrière elle. Une main large et chaude se posa de façon protectrice sur l’épaule de Candy.

“Le père Graubner!” s’étrangla la jeune femme en se jetant dans ses bras, “ J’ai l’impression que l’armée m’arrache une partie de mon âme, “ cria-t-elle au milieu de ses sanglots.

“Et c’est le cas, pour sûr, “ répondit l’homme en lui tapotant le dos dans un geste de réconfort, “ Mais cette guerre sera bientôt finie, et il te reviendra très vite… tu verras. “

Le prêtre et la jeune femme restèrent un long moment sur le quai. Graubner était allé à la gare pour saluer Terry, mais, en apercevant à distance les adieux émouvants du couple, il avait pensé que ce serait un blasphème de les interrompre, et il avait préféré attendre le départ du jeune homme pour offrir à son épouse tout le support moral dont elle aurait besoin.

“Ça fait tellement mal!” répondit-elle tristement.

“Alors, pleure un peu plus, jusqu’à ce que tu n’aies plus de larmes… Après, il sera temps de commencer à prier. Je le ferai avec toi, “ promit-il.

Au-dessus d’eux, d’épais nuages couvraient le ciel et un léger brouillard commençait à s’étendre sur Paris.

Notes de l’auteur:

Ce chapitre devait être le cadeau d’anniversaire de Candy, mais je n’ai pas pu le finir à temps. Je ne le regrette pourtant pas, car je suis assez contente du résultat.

Ce que vous avez lu est mon tribut respectueux à l’amour de Candy et Terry, et j’espère n’avoir offensé personne. Le mérite de ces lignes ne me revient pas entièrement. Je dois beaucoup à Nila Bourassa pour m’avoir inspiré certaines parties de ce chapitre, et aussi à Michelle (Michie), qui est ma critique la plus sévère et la plus utile. Beaucoup de scènes ont été améliorées et mises en valeur grâce à ses inestimables suggestions.

Et maintenant, nous ne sommes qu’à deux chapitres de la fin. Le voyage a été long pour nous tous, et spécialement pour Candy et Terry. Prions avec notre héroïne et notre cher prêtre que Dieu puisse protéger Terrence pendant qu’il risque sa vie sur le front occidental.

Merci aussi à Elaine, Sophie et Misanagi pour toute leur aide.

MERCURIO

NOTES CULTURELLES :

Jacques Prévert avait dix-huit ans et vivait à Paris au moment où Candy et Terry se sont mariés dans cette histoire. Il est, comme chacun sait, devenu un célèbre poète et scénariste de films. Certains de ses poèmes sont devenus des chansons. Celle que notre héros traduit dans ce chapitre, « Les Feuilles Mortes », est devenue très célèbre dans les années 1950.

 

© Mercurio 2001