Interactivité

 
par Miss Rétro et M. Pop

 

Vendredi 2 mars 2001, 15 h 30

C'est ainsi qu'après un périple à 120 km/h de trois heures que le grand M. Pop, au péril de sa vie, arrive enfin à destination chez l'oncle de Sainte-Foy. Après les salutations d'usages auprès de sa famille et l'envahissement du sous-sol où loge le cousin Jess, le grand responsable de sa déchéance au pays de Candy, M. Pop prend son courage à deux mains, essuie quelques gouttes de sueur, fouille dans sa poche, prend un petit bout de papier sur lequel est inscrit un numéro de téléphone, compose ce numéro et attend…

Après avoir fait la grasse matinée tout l’après-midi, Miss Rétro se dit qu’il est peut-être temps de prendre une douche. Une heure plus tard, l’abominable créature finit de se donner une allure présentable et camoufle son apparence de vieille sorcière à l’aide de poudre de perlinpinpin… Mais que faire avec les cheveux ? Oh ! Et puis zut !

Vendredi 2 mars 2001, 17 h

(Le dialogue a été LÉGÈREMENT romancé pour les besoins du récit)

DRRRING!

Allo?

Bonjour ma p'tite dame! Je suis un touriste perdu dans la vieille Capitale et je recherche une jeune fille pouvant me servir de guide. Y'en aurait-il une parmi votre stock qui porterait le nom de Marie?

Ça se pourrait! C'est moi! À quel poisson... euh! client ai-je l'honneur?

Christian, alias Dr Pop, diplômé en psychologie du sexe et bientôt en ingénierie, pour vous divertir...euh! servir! Pardon… Un autre lapsus…

Dr Pop! Je vous en prie! Je vous attendais. Alors, vous êtes enfin en ville?

Comme tu le vois!

T'es prêt pour le grand choc culturel?

Et comment!

Alors, es-tu libre ce soir?, lui susurra-t-elle.

Ça devrait. Ma mère veut aller dîner au restaurant avec le grand-père et je dois leur servir de chauffeur. En échange, j'aurai la voiture de ma maman pour la soirée. Où es-tu?

Mais t'as pas une voiture?

Bin oui! Seulement, c'est demain soir la fête à mon oncle et je suis venu avec ma mère qui vient pour la fête à son frère. Fait qu'on a choisi le covoiturage.

J'ai une idée. Je t'invite à te saouler avec moi au Fou Bar. C'est sur la rue Saint-Jean, près de l’endroit où j'habite. Ce serait super! T'es d'accord?

Pourquoi pas! Je viendrai vers 20 h.

C'est d'accord! Je t'attendrai. J'ai trop hâte de te voir en personne!

Ne t'en fais pas! Moi aussi!

À ce soir!

Salut!

Miss Rétro raccroche le combiné. « HAHAHAHAHAHAHAHAHA!!! Il est cuit !!! », fait-elle en émettant son rire diabolique. Pis elle effectua sa danse macabre en évoquant ses démons familiers, pour qu’ils puissent l’assister dans sa tâche.

Vendredi 2 mars 2001, 19 h 30

Miss Rétro enfile son manteau fétiche, une pure antiquité héritée de son père alors qu’il était encore étudiant à l’école de sorcellerie, et disparut dans la nuit noire, en direction du Fou Bar. À destination, la fausse nymphette s’assied et, en sirotant sa bière, sort son grimoire magique.

Le repas était bon, pas trop cher. Mais M. Pop a encore un détail à régler: que faire des deux hôtes indésirables qui sont avec lui? Tout bonnement, il décide de les ramener au domicile de l'oncle et de fuir avec l'énorme véhicule en direction du Vieux-Québec. Au bout de cinq minutes de route, il localise le Fou Bar, logé dans un édifice de la rue Saint-Jean. Il va ensuite garer le véhicule deux rues plus loin. Puis, il en sort, un sac en papier à la main contenant des journaux, marche jusqu'au bar et entra. Après un bref regard dans l'établissement, il localise rapidement la jeune créature à la perruque en forme de vadrouille qui lit un bouquin intitulé: « Les hommes sont de Mars, Les femmes sont de Vénus, les enfants sont à la garderie pis le chien est mort » ! Courageusement, il l'interpelle.

Vendredi 2 mars 2001, 20 h

Miss Rétro voit un individu louche se pencher vers elle en l’appelant par son surnom. « Ah. Voilà ma victime », se dit-elle. Mais il ne devait se douter de rien. « Oui, oui, c’est moi ! Enchantée de te voir enfin, Christian », fait la sorcière en lui serrant la main. Elle lui sourit pour le mettre en confiance et l’invite à s’asseoir.

Pardon, je suis déjà un peu pompette! J’ai commencé à boire sans toi…, lance-t-elle au milieu de ses éclats de rire.

C’est pas grave… Je peux pas trop boire de toute façon : j’ai la voiture et je dois prendre des antibiotiques.

Dommage! Je vais boire à ta santé alors, dit-elle en finissant sa deuxième bière.

Tu voulais voir, grande curieuse d’étudiante en journalisme, à quoi ressemblait notre journal étudiant ? Ben en voici quelques exemplaires… Là, voilà ma chronique automobile, dit-il en les sortant du sac et en commençant à les feuilleter.

Oh, je vois… Maniaque d’auto, hein? Tu vas rire de moi : je n’ai même pas de permis de conduire ! Mais comme j’habite en ville, c’est bien inutile. (Et j’ai mon balai…)

Parfaitement d’accord ! Mais je réside en banlieue, alors…

La conversation s’étire pendant au moins deux heures, ponctuée d’éclats de rire, de « moi aussi », de projets pour le lendemain, de facéties ridicules et de sous-entendus douteux (!!!), jusqu’à ce qu'émoustillée par un certain sujet et passablement éméchée, Miss Rétro renverse malencontreusement son verre, qui se fracasse sur le sol. Heureusement, il était vide! « Ah! Gaffeuse ! », en profite M.Pop, le verbo-moteur, pour se moquer de la malheureuse. À ce moment, Miss Rétro a depuis de longues minutes oublié qu’elle était venue dans le seul but de transformer M. Pop en crapaud. Complètement sous son charme (il semble être un puissant magicien qui s’ignore) et sous l’effet de l’alcool, elle lui propose d’aller prendre l’air. Il accepta avec joie, n'en pouvant plus de soutenir des regards désapprobateurs de la part de ses voisins du bar!

M. Pop en profite pour lui montrer la monstrueuse, gigantesque, diplodocusienne bagnole de sa mère, critiquant son inutilité en ville et sa consommation extravagante de carburant. Miss Rétro le mène à pied jusque devant sa porte pour lui montrer où elle crèche. Et pour finir : un petit tour dans la machine infernale au son de Beethoven. «Bon, ben ! À demain !», fait la sorcière en se sauvant bien vite avant de se transformer en citrouille !

Samedi 3 mars 11 h 30

Encore sous le choc, et le charme, de la dernière soirée, M. Pop décide d'aller au front et de confronter à nouveau Miss Rétro la sorcière dans un ultime duel. Sauf que là, il se retrouve à pied! Par chance, c'est un maniaque d'automobile et un partisan du transport en commun. Profitant donc d'une magnifique journée ensoleillée, il attrapa au vol le premier bus pour le Vieux-Québec afin de se diriger vers le purgatoire du plaisir…

Samedi 3 mars, 12 h

Miss Rétro digère son dernier repas en lisant sur le net les dernières recettes de cocktails à base de sang de chouette ventrue. C’est alors qu’on frappe à la porte. Comme prévu, c’est M. Pop ! Il est tombé dans le piège et Miss Rétro se dit que cette fois, il n’y échappera pas !!! Elle décide pour commencer de l’étourdir par une grande promenade dans les rues de la ville… Alors, pour commencer, la Place d’Youville et, Québec étant en partie construite sur un cap rocheux (d’où la vieille séparation historique, quoique n’ayant plus vraiment cours de nos jours, entre la Haute-ville des bourgeois et la Basse-ville des ouvriers. Mon habitat d’adoption, le Faubourg St-Jean-Baptiste était le seul quartier ouvrier situé en Haute-ville, mais pardon, c’est l’historienne qui parle ici…), Miss Rétro décide de prendre un des nombreux escaliers qui relient les deux parties de la ville, afin d’admirer (?) le magnifique ouvrage de béton hérité des années 70 : l’autoroute Dufferin-Montmorency ! Oh merveille ! Certaines sections de l’autoroute ont pour issue directe une charmante paroi rocheuse !!!

M. Pop, en tant que futur ingénieur, est estomaqué : « Ça n’a aucun bon sens !!! Ils devaient prévoir la construction de tunnel et ont dû manquer de budget, non ? C’est horrible ce gaspillage ! » Miss Rétro a un autre point de vue : « Ben, artistiquement parlant, on dirait de l’art conceptuel. Pour moi, cette autoroute symbolise le cul-de-sac de nos sociétés occidentales, vouées à la consommation de biens commerciaux et comme dirait le Grand Schtroumpf… » Miss Rétro s’arrête avant de recevoir un coup de marteau du Schtroumpf Costaud. Mais il est vrai que sous l’autoroute, des artistes ont créé un jardin de statues et que de jolis graffitis (et aussi quelques tags) apportent une touche de couleur à la structure grisâtre. Quelques jeunes arbres et arbustes promettent d’égayer l’endroit le printemps venu. Le lieu abrite aussi une faune avicole intéressante en cet après-midi ensoleillé de mars.

Les deux jeunes gens poursuivent leur chemin en passant devant un magnifique jardin, pour l’instant encore enneigé. Miss Rétro raconte à sa victime l’histoire du Mail St-Roch, en Basse-ville. À l’origine, la rue St-Joseph, dans le quartier St-Roch, était jonchée de commerces florissants, grâce, entre autres, à la proximité relative du port. Mais elle sombra dans le déclin à partir des années soixante avec l’essor des centres commerciaux de la banlieue. Pour sauver la rue St-Joseph, on eut l’idée d’y mettre un toit. Ainsi naquit le Mail St-Roch, une rue transformée en centre commercial. Mais cette idée ne sauva pas le quartier, qui devint miteux. 25 ans plus tard, dans l’espoir de revitaliser le quartier St-Roch, on enleva une partie du toit du mail. Partout maintenant, ce n’est que chantiers et entreprises qui s’installent… St-Roch s’embourgeoise tranquillement, en comptant ses nouveaux condos de luxe.

Samedi 3 mars, 13 h

Maintenant à l’intérieur de la partie du mail qui subsiste, Miss Rétro et M. Pop ont un petit creux. Quoi de mieux qu’une bonne poutine, notre « merveilleux » mets national ? Description : des frites noyées d’une savoureuse sauce brune et agrémentée de « fromage en grains », c’est à dire du fromage frais qui se détache en « petites boulettes » et qui se mange tout seul. Dans le casse-croûte, la conversation débouche sur un sujet classique (« Crois-tu au coup de foudre ? Moi, non. » « Moi non plus. » et ainsi de suite) et un vieil homme observe les deux amis d’un œil égrillard en s’imaginant des trucs innommables !!! Il fait quelques allusions qui font rougir instantanément le teint blanc de M. Pop. Miss Rétro en profite pour en rajouter, prise au jeu et ayant abandonné l’idée de jeter un mauvais sort à sa victime : « Woin, le rouge te va bien ! » Heureusement, le repas est fini, alors les deux rigolos peuvent changer de sujet et quitter ce lieu de perdition en direction d’autres cieux.

Samedi 3 mars, 13 h 30

Près du port, la rue St-Paul est le paradis pour les amateurs d’antiquités. Miss Rétro arrête devant chaque vitrine ou presque : « Ah ! Je voudrais avoir ça ! C’est mon rêve ! », dit-elle en pointant chaque objet qu’elle aperçoit. M. Pop est obligé de la tirer par la manche pour l’empêcher d’entrer dans chaque magasin : « Hélà! Qui veux-tu voir le mois prochain chez toi? Un banlieusard ou un huissier? » Après un certain temps, ils se retrouvent dans le quartier Petit-Champlain et après avoir évité de se faire photographier malencontreusement par les hordes de touristes de tous horizons, ils poursuivent leur courageuse remontée vers la rue St-Jean. « Pfiou ! Y a trop de monde ! », glisse M. Pop. « Attends. Quand on sera sortis des vieux murs, ce sera plus facile de circuler », assure Miss Rétro.

Samedi 3 mars, 15 h

Les voilà près de la rue Couillard et Miss Rétro a une idée : « Allons prendre un café chez Temporel ! » Dans le petit établissement, devant une tisane magique pour Miss Rétro et un cappuccino « extra mousse » pour M. Pop, les deux dingues retardent le moment ultime de la séparation en devisant sur certains passages d’une émission humoristique ayant marqué leur enfance. M. Pop en connaît par cœur plusieurs gags et les rejoue pour le plus grand plaisir de Miss Rétro. « Tu devrais faire du théâtre ! Je suis sûre que tu serais super ! », ne peut s’empêcher de dire la jeune fille, vraiment impressionnée devant une telle mémoire. Ah! Si seulement ce jeune homme avait plus de temps pour ça…

Samedi 3 mars, 16 h 15

Mais le temps file. Miss Rétro raccompagne M. Pop à l’arrêt d’autobus qui se situe à deux coins de rue de sa demeure. Le temps de lui faire ses plus tendres adieux, l'autobus surgit au coin de la rue. Un peu attristés, les deux compères se quittent en se promettant de remettre ça… si Dieu le veut!

© Miss et Pop Mars 2001