Et si tout pouvait recommencer?
par zazou minoutou

 

Chapitre 6

Lorsque Candy ouvrit les yeux, le soleil inondait déjà la chambre de ses rayons. Elle tourna la tête en direction de l’horloge et s’aperçut avec consternation qu’il était plus de onze heures. « Et bien, se dit-elle, c’est ce qui s’appelle une grasse matinée ! » Il est vrai que la soirée s’était terminée tard et qu’elle avait été riche en émotions. La jeune femme se remémora l’apparition soudaine de Terry, la valse et la dispute qui s’en étaient suivies. Après qu’elle ait abandonné son cavalier au milieu de la piste, Candy avait soigneusement évité de se retrouver seule avec le jeune homme, ce que ce dernier n’avait pas semblé apprécier… Il était même allé jusqu’à danser avec Eliza, chose qu’il avait bien vite regretté quand il comprit qu’elle ne le quitterai plus de la soirée !

Candy se leva et tira les fins rideaux de voile blanc, elle ouvrit les fenêtres et sortit respirer l’air encore frais du matin. Ses pensées la ramenèrent à nouveau au bal. Elle rougit légèrement en repensant à l’excès d’attention dont elle avait fait preuve envers le jeune Andrew.

« Oh mon Dieu, qu’ai-je fais ? Ai-je réellement utilisé Andrew pour me venger de Terry… ? Non, j’apprécie Andrew, c’est un garçon adorable et plein de qualités. »

Ceci, toutefois, ne suffisait pas à lui enlever le sentiment de culpabilité qui l’habitait. Soupirant, elle rentra dans sa chambre afin de se préparer. Au même moment Brigitte frappa à la porte.

« Bonjour Brigitte ! Vous tombez à point : je mourrai d’envie d’une tasse de thé ! »
« Bonjour Mademoiselle, comment vous sentez vous ce matin ? »
« Oh… Comme quelqu’un qui rêve de retourner au fond de son lit et de ne plus en bouger ! »

La jeune servante rit de bon cœur et lui proposa de lui faire couler un bain.

« C’est une excellente idée, cela me fera le plus grand bien ! »

En effet, moins d’une heure plus tard Candy descendait à la salle à manger, fraîche et détendue.

« Bonjour Candy ! »
« Bonjour Albert, bien dormi ? »
« Comme un bébé ! Et toi ? »
« Un peu moins bien sans doute… grâce à toi ! »
« Moi ? Comment ai-je pu t’empêcher de dormir ? »
« A ton avis ? Peut être que la présence d’un certain acteur y est pour quelque chose… »
« Hum… Je ne pensais pas que cela pourrait te troubler à ce point ma chérie… » répondit Albert en la regardant droit dans les yeux.

Gênée, la jeune femme détourna rapidement la tête et fit mine de s’absorber dans l’étude des plats disposés à table.

« Je… J’ai simplement été surprise Albert, cela faisait très longtemps que nous ne nous étions pas vu… »

Au même moment, Archibald et Annie firent leur apparition dans la salle.

« Bonjour tout le monde ! Belle journée n’est ce pas ? » lança le jeune homme
« Bonjour Archie ! Annie… tu ne semble pas en grande forme ce matin ! » la taquina Albert.
« Non, le réveil a plutôt été dur ! »
« Et bien cousine ? Tu ne semble pas dans ton assiette non plus ! » dit Archibald qui était manifestement d’excellente humeur.

« Hum… il faut dire que la soirée a été… éprouvante. » puis se tournant vers son tuteur elle demanda : « alors ? Quelle est la suite des réjouissances ? J’imagine que tu ne t’es pas arrêté en si bon chemin ? »

Albert sourit devant le joli visage de la jeune femme. Comme elle avait changé en peu de temps ! Avait-il encore le droit d’influer sur sa vie ? Cette question n’arrêtait pas de le hanter depuis qu’il avait prit la décision d’inviter Terrence à la réception. Et s’il avait eu tort ? Non pourtant, ces deux là étaient fais pour être ensembles, il en était sûr ! Il les revoyait encore jeunes adolescents lorsqu’ils venaient le voir au zoo où il travaillait, bravant parfois le règlement de leur collège pour pouvoir s’échapper ou se protéger l’un et l’autre. Ils étaient inséparables alors… Pourquoi avait-il fallu que ce stupide accident arrive et que Suzanne soit paralysée ? Il se souvenait du jour où Candy était partie le retrouver à New York, elle était si excitée et si pressée de revoir le jeune homme qu’elle n’avait pas hésité à prendre le premier train du matin, elle qui était d’ordinaire si paresseuse ! Puis il la revoyait à son retour, pâle et faible, essayant de retenir son chagrin devant ses amis déjà attristés par le départ soudain d’Alistair… Enfin c’était Terry qu’il voyait, désespéré à sa manière, il buvait pour oublier et tentait de se réconforter en venant observer la jeune femme de loin… Albert avait bien tenté une fois de discuter avec elle de cette décision qu’il jugeait absurde puisque aucun des deux n’était heureux, mais elle l’avait arrêté en lui signifiant que celle ci était irrévocable et qu’elle ne souhaitait pas y revenir. Comprenant qu’elle tentait ainsi d’enfouir sa douleur, Albert avait accédé à son désir et n’avait plus jamais abordé le sujet… Mais lorsqu’il avait apprit la mort de Suzanne par les journaux, il n’avait pu s’empêcher de penser que le destin leur laissait là une seconde chance, à condition qu’ils veuillent bien la saisir… Il avait donc reprit contact avec son ancien ami et avait décidé au fil de leur correspondance de forcer cette chance qui s’ouvrait devant eux. Etait-ce un mal ? Etait-ce un bien ? Seul l’avenir le dirait et les dés étaient à présent jetés.

« Houhou ! Albert, tu rêves ? Je t’ai posé une question ! »
« Pardon Candy, je réfléchissais. Tu veux connaître la suite de mon petit programme ? »
« C’est donc qu’il y en a un ? »
« En effet ! J’ai pensé que vous aviez tous besoin de vraies vacances, alors… Il marqua une pause et observa avec amusement les trois visages tournés vers lui. J’ai pris la décision de rouvrir notre propriété en Ecosse et de vous y envoyer quelques semaines ! »

Les trois jeunes gens étaient abasourdis.

« Mais Albert… commença Archie, tu m’avais dis que si je réussissais mes examens je pourrais te seconder dans tes affaires pendant tout l’été ! »
« C’est exact et cela ne remet rien en cause, c’est juste différé d’un mois ! Maintenant…si tu estimes que tu peux te passer de vacances… »
« Oh non ! s’empressa de répondre le jeune homme. Enfin… je veux dire… j’ai hâte de travailler avec toi mais… »
« Mais tu as envie de t’amuser ! termina en riant son oncle. C’est bien normal ! Tu as travaillé très dur cette année et tu as réussi tes examens haut la main, considères cela comme une récompense ! »
« Merci Albert. »
« Tu oublies un détail Albert. »
« Lequel Candy ? »
« Patty. Elle doit arriver la semaine prochaine et séjourner chez nous. »
« Je ne l’ai pas oublié ma chère ! Tout est arrangé : au lieu de revenir ici de son voyage en France avec ses parents, elle vous rejoindra directement là bas ! »
« Oh… je vois que tu as tout prévu ! »
« Cela ne te fait pas plaisir ? J’en ai discuté hier soir avec Andrew et il est ravi ! Il partira en même temps que vous et en profitera pour voir sa famille. »
« Et Terry ? Il sera du voyage lui aussi peut être ? » demanda d’un ton acide la jeune blonde qui ne pouvait s’empêcher de flairer un coup monté.
« Terry ? Quelle idée ! Il est rentré à New York, tu penses bien qu’il avait des tas d’obligations à remplir là-bas ! »

A ces mots Candy ouvrit de grands yeux.

« Il est rentré à New York ? Déjà ? Mais… on l’a à peine vu ! »

Réprimant un sourire, Albert répondit d’un ton désinvolte :

« Oh tu sais, il est juste venu en coup de vent : il a gentiment accepté de m’apporter en main propre des documents de mes avocats, et comme cela tombait en même temps que le bal je l’y ai invité, mais il ne pouvait pas rester. »

A présent Candy était toute pâle. « Il est seulement venu pour Albert… Des obligations… Bien sûr, sa femme… comment ai-je pu oublier… »

Désireux de briser le silence dans lequel sa petite déclaration les avait plongé, Albert se tourna vers la jeune brune qui était jusque là restée silencieuse. 

« Au fait Annie, j’espère que tu ne m’en voudras pas d’avoir pris l’initiative d’en parler à tes parents ? »
« Non bien sûr… J’imagine qu’ils n’y ont vu aucun inconvénient étant donné qu’ils devaient s’absenter pour les affaires de mon père. »
« En effet. Ils passeront en fin de journée afin de te dire au revoir et de t’apporter tes bagages. »
« Merci Albert. »
« Bien, j’ai pas mal de travail qui m’attend. Reposez vous bien et soyez prêts à partir ce soir à sept heures ! Je vous verrai à ce moment là ! »
« Un instant Albert ! »
« Oui ? Qu’y a t-il Candy ? »
« D’après ce que j’ai pu comprendre tu ne nous accompagnes pas en Ecosse ? »
« Non en effet et à mon grand regret ! Je ne peux m’absenter pour le moment. Comprenant où elle voulait en venir il poursuivit : je vous aurais bien laissé partir seuls mais votre tante s’y est formellement opposée… »
« Qui va nous chaperonner alors ? » demanda Archibald intrigué.
« Votre tante s’est elle-même portée volontaire ! Je crois même qu’elle est ravie au fond de ce petit voyage ! »
« Merci Albert, c’est tout ce je voulais savoir » dit Candy.
« Bien alors je m’en vais. Bonne journée ! »



Chapitre 7

Le bateau était à présent prêt à lever l’ancre. Candy et ses amis étaient sur le pont et observaient la foule restée sur le quai. Albert se trouvait parmi elle. Il leur faisait signe de la main tout en affichant un grand sourire. Pourtant, au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver un peu de culpabilité en songeant au tour qu’il jouait à sa protégée. « Pardon Candy, je sais que tu dois m’en vouloir en ce moment mais c’est pour ton bien…Je te souhaite d’être heureuse… »

Sur le navire Candy tentait de refouler ses souvenirs. Elle ne voulait pas penser à cette dernière traversée en direction de l’Europe… Elle était accompagnée de Georges le fidèle assistant de William Albert André et elle était alors aussi malheureuse qu’aujourd’hui. Pourtant, c’était sur ce même bateau qu’elle avait rencontré Terry pour la première fois… Elle ne se doutait pas qu’elle pourrait reprendre si vite goût à la vie après la mort d’Anthony. Anthony, Terry… Les deux garçons qu’elle avait aimés… Elle les avait tous deux perdus de la manière la plus douloureuse qui soit… La jeune fille sentit les larmes lui monter aux yeux. Non, elle ne devait pas pleurer ! Pas devant ses amis qui ne comprendraient pas ce qu’elle avait et qui s’inquièteraient. Elle respira profondément et agita de plus belle sa main afin de dire au revoir à Albert. Contrairement à ce que pensait ce dernier, Candy était loin de lui en vouloir. Son esprit si bon et si généreux ne pouvait concevoir qu’Albert ait pu volontairement la placer face au jeune acteur. Elle imaginait naïvement qu’il s’agissait d’un hasard si elle s’était retrouvée face à lui.
Le Mauritania s’éloigna peu à peu du quai. Autour d’eux les gens commençaient à regagner leurs cabines afin de s’apprêter pour le souper. Candy poussa un léger soupir.

- Ca va ? lui demanda Annie. Tu n’as pas l’air dans ton assiette.
- Non, tout va bien ! C’est juste la pensée qu’il va falloir supporter Nil et Eliza pendant les prochaines semaines… J’ai l’impression de me retrouver à l’époque du Collège ! 

Annie et Archibald sourirent.

- C’est vrai, dit ce dernier en soupirant à son tour, mais cette fois au moins nous n’aurons pas de règlement stupide à respecter ni de bonnes sœurs sur le dos !
- Oh ! Tu crois ça ? Tu oublies la Tante Elroy ! répliqua malicieusement Candy. Je me demande qui est la pire : elle ou Sœur Grey ?
- Bah ! répliqua le jeune homme, ne t’inquiète donc pas pour notre Tante ! Elle va profiter de son séjour pour revoir toutes ses anciennes connaissances et nous ne la verrons presque pas !
- Et puis, ajouta Annie, nous même nous ne serons pas souvent au manoir puisque Andrew s’est proposé de nous faire visiter la région.
- C’est exact ! intervint ce dernier.

Candy esquissa à nouveau un sourire. Visiter la région… Elle se souvenait de ses dernières vacances en Ecosse comme si c’était hier… Elle avait passé tout son temps libre avec Terry, deux longs mois à rire, se taquiner, se promener et se découvrir… Ses amis ne savaient pas que chaque parcelle de l’endroit où ils allaient était chargée de souvenirs à la fois si joyeux et si douloureux…
Son regard se porta sur la mer. Le soleil était presque couché et l’eau avait pris une teinte plus sombre. Ce bleu profond… La couleur des yeux de Terry… Que faisait-il en ce moment ? Il devait être arrivé à New York. Sans doute était-il auprès de Suzanne à présent... Peut-être dînaient-ils tous les deux en tête à tête. Elle imaginait le regard ébloui et empreint d’amour de la jeune femme se posant sur Terry… Ou alors…s’ils étaient sur le point d’aller se coucher… Cette pensée lui fit l’effet d’un coup de poignard en plein cœur et elle dut se mordre les lèvres pour refouler à nouveau ses larmes.
Près d’elle Annie proposait de regagner leurs cabines. Sans dire un mot, Candy suivit le petit groupe, non sans jeter auparavant un dernier regard sur le bleu de la mer. Une fois seule, la jeune femme se passa de l’eau sur le visage et, face à la glace, elle se fit la promesse d’être forte.

Le souper se déroula dans le calme. Attablés avec la Grand-Tante, Daniel et Eliza se tinrent correctement. Malgré tout Candy souhaitait voir arriver rapidement la fin du repas. Elle se sentait fatiguée et n’aspirait qu’à une chose : poser sa tête sur l’oreiller et dormir afin de ne plus penser… Aussi, dès la dernière bouchée avalée, elle s’excusa auprès de tout le monde et se retira. Une fois dans sa cabine elle se déshabilla et se glissa entre les draps frais. Le sommeil ne fut pas long à l’emporter mais, au lieu d’y trouver la paix, ses souvenirs revinrent la hanter de plus belle… D’abord les plus heureux : sa rencontre avec Terry, leurs nombreuses escapades au Collège, les rendez-vous sur la colline retrouvée. Puis leurs vacances en Ecosse, parenthèse idyllique dans la vie de la jeune fille… Leur premier drame avec le piège d’Eliza qui avait marqué son renvoi, le sacrifice de Terry auquel se succédèrent de nombreux rendez-vous manqués jusqu’à leurs retrouvailles à New York, bref moment de bonheur avant de découvrir la douleur d’une séparation définitive cette fois… Les larmes que la jeune femme avait retenues depuis la veille coulèrent dans son sommeil et inondèrent son doux visage. Candy se revit courant dans les escaliers de l’hôpital. Elle courait de peur de perdre le peu de courage qu’il lui restait après avoir dit à Terry qu’elle rentrait chez elle. Elle courait et pourtant le jeune homme l’avait rattrapé, elle avait senti ses bras autour de sa taille, son souffle dans son cou… Comme elle avait eu envie de se retourner, de se blottir dans ses bras et d’essuyer les larmes qui, elle le savait, inondaient son beau visage… Son Terry pleurait comme la première fois où ils s’étaient rencontrés, mais cette fois il ne s’était pas caché car il n’avait plus honte. Prononcer ces derniers mots, se détacher de son étreinte et finalement partir sans se retourner, sans un regard en arrière, en abandonnant derrière elle son cœur, son âme… La nuit glaciale l’avait enveloppée et lui semblait que l’hiver ne s’était jamais terminé pour elle…
Candy revivait tout cela dans ses rêves. Elle se réveilla en sursaut cherchant son souffle entre deux sanglots. Elle s’efforça de reprendre une respiration normale puis se leva. Elle était en nage et elle éprouvait le besoin de respirer un peu d’air frais. Elle enfila un manteau et sortit. Ses pas la ramenèrent sur le pont. Elle s’accouda à la rambarde, à cet endroit où se tenait Terry quelques années plus tôt…

Chapitre 8

De son côté Terry n’arrivait pas à trouver le sommeil. Il ne cessait de se tourner et de se retourner dans son lit. Excédé il se leva et décida d’aller marcher un moment. 

Chacune de ses pensées le ramenait à Candy : ses longs cheveux blonds, ses délicieuses tâches de rousseur et surtout ses magnifiques yeux verts qui le transperçaient jusqu’au plus profond de son cœur. Elle seule savait le toucher d’un simple regard. Il suffisait qu’elle pose les yeux un instant sur lui pour qu’il se sente fondre. Il n’imaginait pas la revoir un jour… Lorsqu’il pensait à elle, ce qui arrivait fréquemment, il la voyait heureuse ainsi qu’elle le lui avait promis. Peut-être était-elle mariée et avait-elle des enfants… Cette seule pensée suffisait à glacer son cœur. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher, chaque fois qu’il voyait Suzanne, d’imaginer que c’était Candy qui était là devant lui. Oh ! comme il aurait été heureux si cela avait été elle qui chaque matin lui souhaitait de passer une bonne journée ! Sa vie en aurait été ensoleillée et il n’aurait pas eu en permanence cette expression sinistre qui décourageait quiconque de venir lui parler. Et chaque soir avec quel bonheur il serait rentré chez lui si celle qu’il aimait l’y attendait… 
Les seuls moments où il ne souffrait pas étaient ceux passés sur scène. Il pouvait alors quitter le masque qu’il s’était forgé pour prendre celui d’un personnage dont les tourments le détournaient de ses propres souffrances.

Puis Suzanne était tombée malade. A force de rester enfermée, attendant le retour de son époux, la santé de la jeune femme s’était peu à peu détériorée. Ses membres s’étaient atrophiés et chaque mouvement lui coûtait. Son corps n’avait plus assez de force pour combattre la moindre infection. Terry s’était senti coupable. Il avait fait le choix de rester auprès de la jeune infirme pour prendre soin d’elle, sacrifiant ainsi son amour, et pourtant, malgré ce choix, Suzanne souffrait. Bien sûr au début elle avait été folle de joie d’avoir Terrence auprès d’elle. Elle croyait sincèrement que le jeune homme en viendrait à oublier Candy et qu’il tomberait amoureux d’elle. Elle avait hâté le mariage et Terry ne s’y était pas opposé. Après tout, c’était pour ça qu’il était resté… La jeune femme y avait vu là un premier signe d’amour. La cérémonie s’était déroulée dans l’intimité : seule Mme Marlowe et Mme Baker étaient présentes. Eléonore était contre cette union mais elle savait que rien de ce qu’elle dirait ne pourrait faire changer d’avis son fils. 

Puis il y avait eu la nuit de noces. Suzanne était aux anges : Terry allait enfin l’embrasser et la faire sienne ! Ce fut sa première désillusion… Le jeune homme accomplit son devoir mais sans aucune chaleur, sans aucun sentiment. Pire, une fois l’acte consommé, il s’était levé et était parti fumer dans le salon. Elle avait attendu une grande partie de la nuit qu’il la rejoigne mais en vain : Terrence n’était pas revenu. Il avait crû pouvoir faire face mais cet acte si beau que devait être l’amour s’était transformé en corvée et l’amertume l’avait envahi. Au petit matin il était parti au théâtre. Tous avaient été surpris de le voir venir répéter de si bonne heure le lendemain de son mariage. Robert Hattaway, le directeur de la troupe, avait fait taire les chuchotements. Il avait adressé au jeune homme ses félicitations au nom de toute la troupe, puis il avait ordonné à chacun de reprendre les répétitions.
Lorsque Suzanne s’était réveillée Terry était parti depuis longtemps. Sa première journée d’attente avait alors commencé, semblable à toutes celles qui suivraient. Sa seule distraction était les visites de sa mère. Celle-ci venait chaque jour et lui proposait de sortir, d’aller se promener, mais la jeune femme refusait invariablement car elle avait l’espoir que peut-être, aujourd’hui, son époux rentrerait plus tôt. Bien sûr cela ne s’était jamais produit… 
Elle avait alors commencé à espérer tomber enceinte. Un enfant l’occuperait et surtout il l’aimerait, elle en avait tellement besoin… Et puis peut-être que Terrence s’attacherait d’avantage à elle si elle lui donnait un enfant… Mais là encore ses attentes avaient été déçues. Il faut dire que le jeune homme mettait peu d’empressement à remplir son devoir conjugal. Il rentrait tard la plupart du temps ou prétextait des textes à travailler et partait s’enfermer dans son bureau. Il s’était également lancé dans l’écriture mais Suzanne n’avait pas accès à ses compositions. 

Un jour il lui avait annoncé qu’il s’absentait pendant quelques temps, un voyage urgent à faire en Europe, mais il ne lui avait pas donné plus de détails. Elle avait eu peur qu’il n’aille en réalité rejoindre Candy et elle avait vécue dans l’angoisse jusqu’à son retour trois semaines plus tard. Lorsqu’elle lui avait demandé s’il avait fait un bon voyage et si tout s’était déroulé comme il le voulait, il lui avait simplement répondu que oui. Et sur cette réponse laconique il était reparti au théâtre. 

A partir de ce moment l’état de Suzanne n’avait cessé de s’aggraver. Terry tentait de passer davantage de temps auprès d’elle mais la voir le regarder avec tant d’amour ne faisait qu’accroître sa culpabilité… Rongé par le remord il s’enfermait de plus en plus souvent dans son bureau où il restait prostré des heures. Là son esprit le ramenait vers Candy. Il tentait de toutes ses forces de la chasser de son esprit, de ne plus penser à elle mais c’était comme essayer de s’empêcher de respirer… Il n’y parvenait que l’espace de quelques secondes.

Suzanne s’était finalement éteinte un soir de février. Il neigeait et Terry songeait à cette nuit où il avait vu Candy partir. Sa silhouette avait lentement disparue dans la nuit, les flocons avaient recouvert les traces de ses pas, effaçant la preuve qu’elle avait été là, près de lui. Suzanne l’avait appelé, interrompant sa rêverie. Il s’était approché d’elle, pensant qu’elle voulait un verre d’eau, mais la jeune femme lui avait prit la main et, le regard plein de larmes, elle lui avait demandé pardon. Surpris, il n’avait pas su quoi répondre. Elle avait alors souri tristement avant de fermer les yeux pour toujours. Terry était resté un long moment auprès d’elle, tenant toujours sa main dans la sienne. Puis les larmes s’étaient mises à couler sur son visage. Suzanne était morte. Cela aurait dû être une libération pour lui et pourtant… Il se sentait honteux de ne pas avoir su la rendre heureuse. Il ne lui avait jamais manifesté la moindre affection et pourtant elle était restée là, espérant jour après jour. Il avait l’impression d’avoir trahi sa promesse envers Candy. 

La douleur le submergea soudain. Il se mit à hurler ce qui alerta les domestiques. Ils s’empressèrent d’appeler le médecin, Mme Marlowe et Mme Baker. Tous pensaient que c’était la perte de la jeune femme qui le mettait dans cet état, tous sauf sa mère avec qui il n’avait pas besoin de parler pour se comprendre. Elle s’était sentie impuissante face à la douleur de son fils. Le médecin lui avait administré un calmant. Il s’était alors tu, se plongeant dans un silence encore plus angoissant que ses cris.

L’enterrement avait eu lieu quelques jours plus tard. Terry y avait assisté mais il n’avait pas versé une larme. Il avait l’impression d’être mort à l’intérieur et se demandait pourquoi est-ce qu’on le mettait pas à son tour dans un cercueil. Sa mère était restée auprès de lui. A la fin de la cérémonie elle l’avait raccompagné à son appartement et s’était installée dans la chambre d’amis. Elle craignait de le laisser seul. 

Pendant plusieurs jours le jeune homme ne sortit pas de son bureau. Eleonore lui amenait à manger mais il touchait à peine à la nourriture. Chaque matin elle déposait également le courrier sur sa table de travail. Les lettres s’amoncelaient sans qu’il n’en ouvre une seule. Jusqu’à ce jour où une lettre sur le dessus de la pile avait attiré son attention. L’écriture lui était familière. Il regarda le cachet et son cœur bondit quand il vit qu’elle venait de Chicago. D’une main tremblante il la décacheta… C’était Albert qui lui écrivait. Il la lut d’une traite et, lorsqu’il l’eut terminé, un léger sourire passa sur son visage fatigué et amaigri. Albert, son vieil ami… L’ami de Candy… Il n’avait pas le droit de renoncer à la vie… Albert s’était chargé de le lui rappeler déjà une fois… Il ferma un instant les yeux et lorsqu’il les rouvrit il lui sembla que le courage lui était revenu. Il prit une feuille, un stylo et entama une longue lettre dans laquelle il épancha son cœur. Une fois sa missive terminée il se leva et sortit du bureau. Sa mère, assise dans le salon, le regarda d’un œil interrogateur. Il se dirigea vers sa chambre, se déshabilla et prit une longue douche. L’eau qui coulait sur son corps effaçait peu à peu le souvenir de ces derniers jours. Une fois rasé et habillé il revint dans le salon et annonça à sa mère qu’il allait au théâtre. Celle-ci acquiesça et le regarda partir. Puis elle-même se leva et rassembla ses affaires. Elle ne savait pas ce qui avait sauvé son fils mais elle sentait qu’à présent il était sur la bonne voie.

Tout en ressassant ces souvenirs, Terry avançait sur le pont. L’air était frais et avait un goût salé. Une fine nappe de brume l’enveloppait, elle était moins épaisse que lors de cette nuit de la saint Sylvestre il y avait de cela des années, mais la sensation était la même : l’impression d’être seul dans l’univers. Pourtant il ne l’était pas… En tournant dans une allée il tomba sur une jeune femme qui se tenait à la rambarde, ses cheveux blonds se soulevant doucement au gré du vent. Le jeune homme s’arrêta. 
C’était elle. Et elle non plus ne dormait pas…

Chapitre 9

Candy était plongée dans ses pensées. Ses rêves avaient réveillé en elle des souvenirs qu’elle avait enfouis au fond de sa mémoire, des souvenirs qu’elle s’interdisait d’évoquer. Mais revoir Terry, se retrouver sur ce bateau… c’était trop pour elle. Elle se sentait à nouveau submergé par la souffrance comme ce triste soir où elle avait dû reprendre le train en direction de Chicago.
Pourquoi le destin lui avait-il joué ce tour cruel ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle se retrouve à nouveau face à lui ? Qu’elle lui parle, qu’il la touche… Tout son corps en avait frémi de plaisir et de désir. Oui, elle désirait qu’il la tienne dans ses bras, qu’il la serre contre lui… Et elle-même éprouvait un besoin inexplicable de le toucher…
Entendre sa voix, voir l’éclat de ses yeux, son sourire à la fois charmeur et taquin, un sourire qu’elle ne connaissait que trop bien… 
Oui, le voir ce soir là avait ravivé tout cela et il lui semblait que tout le travail qu’elle avait accompli sur elle-même ces quatre dernières années venait d’être réduit à néant…

Terry la regardait. Elle était si belle, plus belle encore que dans ses souvenirs. Ces souvenirs qu’il évoquait chaque fois que la douleur devenait trop forte, chaque fois que l’envie le prenait de sauter dans le premier train en direction de Chicago… 
Il se laissait envahir par son image, toujours la même d’abord : celle de leur première rencontre sur ce même bateau. Puis il laissait ses pensées vagabonder d’un souvenir à l’autre. Lorsqu’il sentait les battements de son cœur s’apaiser, lorsque le calme revenait peu à peu dans son esprit, il rouvrait lentement les yeux. L’image de la jeune fille s’éloignait alors doucement. Le jeune avait l’impression de redescendre sur terre, de réintégrer le monde, de faire à nouveau parti de la vie…

Perdue dans des pensées qui se bousculaient, Candy n’entendit pas les pas qui se rapprochaient d’elle. Son regard était fixé sur les quelques étoiles qui parvenaient à percer le fin brouillard.
- Candy ?

La jeune femme sursauta. Elle se tourna vers la voix qui l’avait tiré de sa rêverie.

- Candy, que fais-tu là ? Tu vas prendre froid !
- Andrew ! Tu m’as fais peur ! 
- Je suis désolé. Est-ce que tout va bien ?
- Oui, ça va… Tu ne dors donc pas à cette heure tardive ?

Le jeune homme se mit à rire. Il s’accouda près d’elle à la rambarde et la regarda d’un œil malicieux.

- J’étais plongé dans un roman captivant et je n’ai pas vu le temps passer ! Je viens tout juste de l’achever et j’ai eu envie de me dégourdir les jambes avant de me coucher. Et toi, quelle est ton excuse ?

Candy sourit tristement.

- Oh pour moi c’est beaucoup moins passionnant ! J’ai fait un mauvais rêve et j’avais besoin de prendre un peu l’air avant de me replonger dans les bras de Morphée…

Un cauchemar… cela explique ces jolis yeux brillants… Tout en parlant il avait approché sa main de la joue de la jeune femme.
- Tu pleurais n’est ce pas ? 
- Non… du moins plus depuis que je suis réveillée…répondit-elle dans un souffle.
- Candy, est ce à cause de lui… Terrence Grandchester ?

La jeune femme sentit les larmes monter à nouveau.

- Oui… 

Elle ne savait pas pourquoi elle était aussi franche avec lui, elle le connaissait depuis moins de deux jours et pourtant, elle sentait qu’elle pouvait se confier à lui.
Andrew ne put s’empêcher de la trouver magnifique à ce moment là : elle était à la fois si belle et si vulnérable… Il éprouva soudain pour elle un grand élan de tendresse. Il avait envie de la protéger, d’empêcher les larmes d’obscurcir ces si jolis yeux qui, il le savait, s’éclairaient de mille feux lorsqu’elle riait.
Doucement il s’approcha d’elle et la prit dans ses bras. Surprise, la jeune femme resta immobile.

- Candy, je n’aime pas voir la tristesse dans tes yeux, lui murmura-t-il à l’oreille.

Il s’éloigna d’elle et, la tenant par les épaules, lui dit en plongeant son regard dans le sien :

- Tu es tellement plus jolie lorsque tu ris que lorsque tu pleures.

Ces mots firent sourire la jeune femme.

- Ah… Je vois que j’ai réussi à te dérider !
- Andrew…
- Ne dis rien ! Il lui posa un doigt sur la bouche. Tu vas me dire que tu m’apprécies mais que ton cœur appartient déjà à quelqu’un.

Candy baissa les yeux et acquiesça d’un léger signe de la tête.

- Je sais tout cela. Et je sais que le fait de le revoir a ravivé tes souvenirs. Je ne te demande rien Candy, rien sauf une chose : j’ai remarqué ta tristesse ce soir lorsque nous avons quitté le port. Et j’ai aussi remarqué que tu faisais tout pour le cacher… Je ne sais pas pourquoi tu ne te confies pas à Archibald ou Annie, mais ce que je sais c’est que tu ne peux pas garder tout cela pour toi. Alors voilà ce que je te demande : laisse moi être ton ami.

Ils restèrent un moment face à face à s’observer, puis les larmes se remirent à couler sur le visage de la jeune femme.
Andrew…
Elle fit un pas vers lui et se retrouva à nouveau dans ses bras. Là, elle laissa son chagrin s’écouler.

- Cela fait si mal Andrew, si mal…
- Je sais Candy.

Le jeune homme lui caressait les cheveux tout en lui glissant des paroles réconfortantes. Au bout d’un moment ses pleurs se calmèrent. Elle se détacha de la chaleur réconfortante du garçon et sourit.

- Merci Andrew, cela faisait longtemps que quelqu’un ne m’avait pas consolé.
- Les amis sont faits pour ça Candy, mais pour qu’ils puissent te consoler il faut qu’ils puissent connaître ton chagrin.
- C’est vrai…
- Pourquoi gardes-tu tout cela pour toi Candy ?
- Oh pour différentes raisons…
- Je peux les connaître ?

Candy jaugea son ami du regard. Il était réellement inquiet pour elle et il voulait l’aider. L’espace d’un instant elle se revit plus jeune pleurant dans les bras d’Albert. C’était juste après la mort d’Anthony. Il l’avait consolé comme Andrew venait de le faire.

- Et bien… Archibald a beaucoup souffert en perdant son cousin, puis son frère, je ne veux pas lui infliger un chagrin supplémentaire en lui montrant ce que je ressens… D’autant qu’il n’a jamais beaucoup apprécié Terry ! ajouta-t-elle avec un petit sourire. Quand à Annie et Patty, que tu rencontreras bientôt, elles ont toujours été fragiles, je me sens donc obligée d’être forte devant elle, pour les protéger… Enfin il y a Albert. Il m’a tellement donné, il a toujours été là pour moi, même sans que je le sache. Et c’est à cause de moi s’il a dû renoncer à la vie qu’il s’était choisi, il a repris la tête de la famille uniquement pour me protéger… Je ne me sens donc pas le droit de lui montrer ma souffrance, pas après tout ce qu’il a fait pour moi…
- Mais Candy, ce sont tes amis, ils comprendraient…
- Sans doute, mais en faisant cela j’aurais l’impression d’être… ingrate.

Le jeune homme la regarda d’un œil admiratif.

- Tu es trop bonne Candy, bien trop bonne ! Et tu as le droit de ne pas être parfaite ! En tous cas, dorénavant, tu as le droit de ne pas l’être avec moi !

Candy se mit à rire. Elle se sentait en confiance avec le jeune homme et il lui était tellement facile de parler de tout cela avec lui. Au même moment le vent se leva et la fit frissonner. Andrew la prit par les épaules et lui dit :

- Allons, assez bavardé pour ce soir ! Viens, il est temps de regagner nos lits douillets.
- Merci Andrew.
- De rien jeune demoiselle, répondit-il en déposant un baiser sur sa tempe.

Et tous deux s’éloignèrent.

Terry n’avait pas bougé de la coursive où il se trouvait. Il avait assisté de loin à toute la scène mais de là où il était il n’avait pu entendre aucune parole.
Une profonde douleur avait envahi son cœur, plus forte que tout ce qu’il avait connu jusqu’à présent. 
Candy… Sa chère Candy dans les bras de ce maudit écossais ! S’il avait su il lui aurait broyer la main lors du bal !
Il sentait la haine emplir lentement son cœur. Amer, il se demanda combien de rendez-vous nocturnes elle avait eu depuis qu’ils s’étaient quitté au Collège… Puis, de rage, il attrapa une chaise qui traînait près de lui et la fracassa sur le pont. Et les yeux brillants de colère il retourna dans sa cabine d’où il ne sortit plus jusqu’à la fin de la traversée. Il savait en effet qu’il ne pourrait se contrôler s’il se trouvait face à eux et il préférait éviter tout esclandre sur le navire.

Chap. 10

Le Mauritania accosta une semaine plus tard après une brève escale à Southampton où Candy revit avec émotion le port où elle avait embarqué clandestinement avec le jeune Cookie pour rejoindre l’Amérique. Elle se demanda ce qu’était devenu son jeune ami, elle espérait de tout cœur qu’il avait pu réaliser son rêve de devenir marin et qu’il était heureux.
Lorsqu’ils descendirent à terre à Edimbourg, un domestique se présenta à eux. Il était, avec sa femme, chargé de l’entretien de la résidence des André. La venue de ces derniers en Ecosse étant rare, le vieil homme se montrait empressé auprès d’eux, ce dont Nil et Eliza ne tardèrent pas à profiter.

Où qu’ils aillent ils ne changent pas ces deux là ! fit remarquer Candy alors qu’Eliza criait au vieil homme de faire attention à ses cartons à chapeaux. 

Andrew les quitta là. Quelqu’un était également venu le chercher et les jeunes gens convinrent d’un rendez-vous pour le lendemain. Ce fut le seul moment où Eliza daigna s’occuper d’autre chose que de ses bagages.

- Qu’allez vous faire demain ? demanda-t-elle d’un ton mielleux.
- Patty doit arriver en fin de matinée, nous allons l’accueillir puis nous irons sans doute nous promener… répondit Candy.
- Ce n’est pas à toi que je parle ! la coupa la jeune fille. Elle se tourna vers Andrew et lui dit : pourrai-je venir avec vous ? Mes cousins me tiennent toujours à l’écart et je passe la plupart de mon temps seule…
- Et bien…
- Eliza, si nous te tenons à l’écart comme tu dis c’est parce que tu te montre odieuse avec nous ! s’exclama Archibald.
- Non c’est faux ! Oh Andrew tu vois comme ils me détestent tous !!
- Eliza, intervint Candy, si tu veux venir avec nous je n’y vois aucun inconvénient mais il y a une condition…
- Et laquelle ? demanda Eliza avec humeur. 

Elle n’appréciait pas qu’Andrew ne prenne pas la parole et qu’il laisse Candy parler à sa place. Qu’avait-ils donc tous à être en admiration devant cette orpheline ? Elle ne l’avait jamais compris…


- Et bien tu dois nous promettre de te tenir correctement. Nous sommes chez Andrew et il est connu et respecté par ici, alors ce serait dommage de lui faire honte avec une mauvaise conduite.
- Qu’est ce que tu insinues là ??? Que je n’ai aucune manière ? Je n’ai pas été élevé dans un orphelinat moi ! Et je n’ai pas grandi dans une écurie !

Archibald l’arrêta d’un geste.

- Tu vois, dit-il, c’est de ça que nous parlions. Cesse de crier et de rabaisser les autres – en particulier Candy – et nous t’emmènerons. 

La jeune fille donna son accord du bout des lèvres puis s’empressa de regagner la voiture qui était venue les chercher, non sans lancer une dernière œillade à Andrew. Les jeunes gens se séparèrent à leur tour.

Au moment de monter dans la calèche qui devait les amener à la villa le regard de Candy fut attiré par une autre voiture. Quelqu’un se tenait derrière les rideaux tirés et les observait. Mais le tissu retomba prestement lorsqu’elle essaya de distinguer le visage du curieux. Son cœur se serra sans qu’elle ne sache pourquoi, puis elle monta dans la voiture et n’y pensa plus, tout à la joie d’être en vacances avec ses amis.

La fin de l’après midi se déroula paisiblement et le soir venu chacun alla se coucher de bonne heure. Pourtant Candy n’arrivait pas à trouver le sommeil. Elle ne pouvait s’empêcher de penser au château qui se trouvait pas très loin de la résidence…

La silhouette entraperçue dans la calèche était bien sûr celle du jeune acteur. Il était descendu parmi les derniers passagers et s’était immédiatement engouffré dans la voiture qui était venue l’attendre comme il l’avait demandé. De là il avait pu observer le petit groupe non sans jalousie face à la complicité évidente de Candy et du jeune écossais. Il maudissait en lui-même cette nuit où il avait tardé à la rejoindre sur le pont.
Lorsque la jeune fille avait tourné son regard vers lui, il s’était empressé de se cacher sans savoir pourquoi. Après tout il était venu là pour la voir et tenter de la reconquérir… Mais il ne savait pas comment s’y prendre.
Une fois chez lui il congédia la cuisinière : il voulait réfléchir tranquillement et, comme à son habitude, il s’isola dans sa chambre et dans le noir. 

Il était minuit passé et Candy ne dormait toujours pas. De guerre lasse elle se leva et se dirigea vers la fenêtre où elle resta un moment à scruter le paysage. De là où elle était, elle distinguait les contours du château. La lune se dressait fièrement au dessus des arbres éclairant la nature d’une lumière blanche. L’eau du lac qui se trouvait entre les deux bâtisses était calme et des reflets argentés la faisaient briller telle un miroir. Soudain un nuage vint obscurcir l’astre et tout fut plongé dans le noir. La demeure des Grandchester n’était plus qu’une vague forme. Pas une lumière n’y brillait, ce qui était normal pensa la jeune fille, puisque personne n’y habitait.
N’y tenant plus elle s’habilla rapidement et sortit de sa chambre. Elle fit le moins de bruit possible pour gagner le rez-de-chaussée et sortir par la porte de service de la cuisine. Une fois dehors elle se sentit plus à l’aise et partit en courant sur le chemin qui menait au lac. Puis elle bifurqua vers la demeure ancienne et se retrouva à bout de souffle devant les grilles du château. 
Bien sur toutes les fenêtres étaient fermées et tous les rideaux tirés. Qu’avait-elle espéré ? Que Terry serait là, comme par magie ? 
Les nuits étaient très fraîches au mois de mai, pourtant elle resta un moment à rêvasser devant la façade. Puis, lorsque l’humidité commença à traverser ses vêtements, elle fit demi tour et regagna lentement le manoir.

Fin du chapitre 10


© zazou
2007