Et si tout pouvait recommencer?
par zazou minoutou

 

Chapitre 3

Candy était dans sa chambre, assise sur son lit, vêtue d’un simple peignoir et attendant qu’Albert daigne lui amener cette fameuse robe qu’il voulait lui offrir. Lorsque les deux amies étaient revenues au manoir, elles y avaient retrouvé le chef de famille qui, comme il l’avait promit, était rentré de bonne heure.

« Ah ! Mesdemoiselles ! Je commençais à me demander où vous étiez passées et s’il fallait ou non envoyer quelqu’un vous chercher !! »
« Voyons Albert, tu nous prends pour des gamines ? » rétorqua Candy.
« Oh pardon ! J’oubliais que vous êtes majeures aujourd’hui ! Bon anniversaire mes petites ! »
« Merci Albert ! » répondirent en chœur les deux jeunes femmes.
« Albert, il ne devait pas y avoir Archie et ce mystérieux cavalier ? » demanda Candy
« Si… mais comme je me doutais que tu ferais la curieuse je leur ai demandé de venir au dernier moment ! »
« Tu m’exaspères ! J’espère au moins qu’il mérite tout le suspens qui l’entoure ! »
« Tu verras bien ! Bon maintenant les filles il est temps d’aller vous pomponner ! Annie, je t’ai fais préparer une chambre, fais comme chez toi. Candy, toi tu vas dans ta chambre habituelle, tu prends un bon bain chaud, tu te fais belle et je te rejoins dans une heure avec ta tenue ! Allez, exécution ! »
« Oui capitaine ! Message reçu ! »

Voilà pourquoi Candy se retrouvait en train d’attendre Albert. Lorsque enfin on frappa à la porte, la jeune fille bondit de son lit pour ouvrir… et stupéfaite, elle ne put prononcer un mot : Albert se tenait devant elle, un paquet dans les bras, et il était habillé… en pirate !!

« Et bien Candy, tu as perdu ta langue ? »
« Que… que fais-tu déguisé en corsaire ? »
« Je viens apporter mon butin à la jolie demoiselle ! Tiens, c’est pour toi » dit Albert en lui tendant le grand rectangle blanc. Candy prit le paquet et le posa sur son lit, puis elle souleva le couvercle.
« Mais… c’est ma robe de Juliette ! »
« Oui… enfin pas exactement… je n’avais plus celle que je t’avais envoyé à St Paul, alors je l’ai faite refaire sur mesure… mais c’est le même modèle en effet, et manifestement la réplique est parfaite ! »
« Oui c’est la même ! Mais pourquoi ? Que signifient ces costumes ? »
« Et bien il me semble que nous sommes au mois de mai n’est-ce pas ? Et comme tu le sais c’est la fête du printemps et des fleurs… Bien sûr, normalement, le festival se déroule le 1er mai mais je voulais te faire la surprise pour ton anniversaire ! Alors voilà, j’ai organisé un bal masqué et la salle va être décorée de fleurs ! »
« Merci Albert, c’est une très belle surprise ! D’autant que n’avais pu assister entièrement au bal qui avait été donné ce soir là à St Paul… »
«  C’est ce que j’ai appris… c’est pour cela que j’ai voulu en faire le thème de ton anniversaire. »
« Et Tante Elroy, comment a-t-elle prit l’idée des déguisements ? »
« Et bien… pas très bien au début ! Elle était même assez réticente, et puis après une longue argumentation appuyée par Archibald, Annie et même Daniel et Eliza… »
« Daniel et Eliza ? Tu plaisante là ? Ils n’ont tout de même pas encouragé une surprise pour mon anniversaire ?! »
« Pas exactement ! Je suis allé chez les Legrand pour leur présenter mon projet mais simplement sous forme de bal masqué, je n’ai nullement mentionné ton anniversaire, ni la surprise que cela devrait être pour toi ! Alors forcément ils ont approuvés mon idée et ont insisté auprès de notre tante Tante ! »
« Alors ça va être une jolie surprise pour eux aussi ! »
« C’est vrai, bien que ce n’était pas mon but ! Bon maintenant trêve de bavardage ! Ton Roméo va t’attendre ! Habille toi vite ! J’ai demandé à Brigitte de venir t’aider à te coiffer… ah ! La voila ! Bien je vous laisse. Brigitte, faites en sorte que Melle soit éblouissante ! A tout à l’heure ma chérie ! »

Candy était nerveuse. Pourquoi, elle ne le savait pas. Elle se tenait devant la porte du petit salon où Albert lui avait donné rendez vous et son cœur semblait avoir décidé de s’emballer à toute vitesse.

« Que m’arrive-t-il ? Ce n’est pourtant pas la première soirée à laquelle j’assiste ! Est-ce le fait de rencontrer ce mystérieux jeune homme ? Est-ce parce que cette soirée est en mon honneur ? Ou est-ce cette robe ? Mon Dieu, Albert, ne pouvais tu pas me trouver un autre costume ? Cette robe me rappelle tant de souvenirs… »

Lorsque Brigitte l’avait aidée à passer le fin tissu, Candy avait cru un instant entendre le bruit du feuillage qui l’entourait naguère. Elle avait sursauté, s’attendant à tout instant entendre s’élever une voix moqueuse…

« Mademoiselle ! Cela ne va pas ? Vous êtes toute pâle ! »
« Ca va aller Brigitte, merci, c’est… c’est l’émotion : cette grande soirée qui se prépare ! »
« Je comprends Mademoiselle, cela va être une magnifique soirée, et vous allez en être la Reine ! »
« Arrêtez Brigitte ! Vous me donner le trac !! Tiens, je ne vois pas la perruque qui va avec le costume… c’est curieux. »
« Oh ! Monsieur a jugé que c’était inutile ! Il a dit qu’avec vos cheveux d’or vous n’aviez besoin d’aucun postiche et que vous alliez être le premier ange habillé en Juliette ! »
« Il a dit ça ? Il est tombé sur la tête ! Bref, que va-t-on faire de mon indomptable crinière Brigitte ? »
« Ne vous inquiétez pas Mademoiselle, je vais m’en occuper » Tout en parlant Brigitte s’activait déjà sur la tête de Candy. « Voilà, je vais en relever une partie en chignon grâce à ce filet : regardez, les fils d’argent sont quasiment invisibles et vous font comme des diamants… ensuite, le reste de vos cheveux va rester libre, Mon Dieu… Vous ressemblez réellement à un ange ! »
Candy se regarda dans le miroir : ses boucles blondes tombaient en cascade autour de son visage, de petites perles d’argent semblaient y scintiller et ses yeux… ses yeux paraissaient comme plus profonds…
« Est-ce vraiment moi ? Je ne me reconnais pas, ai-je donc tant changé depuis ce jour de mai au collège ? »
Non, Candy n’avait pas changé. Elle avait simplement mûri, ses traits s’étaient adoucis et ses yeux reflétaient la mélancolie de son âme. Elle ne se rendait pas compte non plus des changements de son corps qui avait atteint sa maturité de femme, la robe qui autrefois avait servi à la « couvrir » épousait à présent parfaitement les formes pleines de son buste et de ses hanches, et c’était ce mélange, à la fois sensuel et angélique qui faisait de la jeune femme une apparition.

Candy en était là dans ses réflexions quand la porte du salon s’ouvrit :

«  Ah Candy ! Albert m’envoyait justement te chercher. Tu es magnifique ! Entre donc ! »

Annie s’écarta afin de laisser passer son amie. Celle ci pénétra dans la pièce, légèrement intimidée. Les trois hommes présents restèrent sans voix ; la jeune fille ne savait plus quelle contenance prendre. Heureusement Annie vola à son secours :

«  Et bien, est-ce ainsi que l’on accueille la reine de la soirée ? »

Albert fut le premier à reprendre ses esprits.

« Pardon ma chérie, mais tu nous as… ébloui ! Tu es superbe, encore plus belle que ce que j’avais imaginé ! »
« Arrête Albert tu vas me faire rougir ! »
« Trop tard ma jolie, tu es déjà toute rouge ! » plaisanta Archibald qui s’était levé et approché d’elle «  Bon anniversaire chère cousine ! »
« Merci Archie »
« Permets moi maintenant de te présenter ton cavalier ! »
Candy se tourna vers le jeune homme qui était resté en retrait.
« Candy, voici Andrew McDouglas, Andrew, je te présente ma cousine Candy Neige André »

Le jeune homme s’inclina dans un salut parfait, mais lorsqu’il se releva Candy put apercevoir un éclair de malice dans ses yeux d’un vert profond.

« Mademoiselle, je suis ravi de vous rencontrer. Votre cousin m’avait vanté vos charmes et votre grande beauté mais je ne puis que constater qu’il était resté très en dessous de la vérité. Aussi je serai ravi de vous servir de cavalier, si vous y consentez bien entendu. »
« Mr MacDouglas, tout le plaisir et l’honneur en seront pour moi »

Les jeunes gens restèrent un moment à bavarder de tout et de rien, attendant l’arrivée des premiers invités. Peu de temps après ils furent rejoins par la Tante Elroy qui avait revêtu un costume évoquant l’une des grandes reines d’Angleterre : la Reine Victoria, puis arrivèrent Tom et Betsy habillés en Pierrot et Colombine. Tous deux avaient le trac mais ils furent vite mis à l’aise par leurs amis. Enfin le majordome vint les prévenir que les premières voitures commençaient à franchir les grilles du manoir. Tous, à l’exception de Candy et de son cavalier, se rendirent dans la salle de bal afin de recevoir leurs hôtes. Albert tenait en effet à ce que sa pupille ne fasse son apparition qu’une fois tous les invités arrivés. La jeune fille avait trouvé cette idée ridicule mais Albert n’avait pas voulu en démordre et avait laissé les deux jeunes gens en tête à tête. 

« Et bien j’imagines que cette « tactique » vise à nous permettre de mieux nous connaître Mr MacDouglas ! »
« C’est bien ce que je pense Mademoiselle, bien qu’Archibald ne m’en ai nullement informé ! »
« Oh je suppose que c’est la dernière trouvaille d’Albert ! Il est bourré d’idées farfelues ! »
« Et bien je dois avouer que jusqu’à présent ses idées me plaisent ! Si nous en profitions pour mieux nous connaître puisque c’est le but ? »
« Oui pourquoi pas Mr McDouglas ! D’autant que nous en avons pour un petit moment à bavarder ! »
« Très bien ! Alors que diriez vous de commencer par laisser tomber ces formules d’usages et nous appeler par nos prénoms respectifs ? »
« Volontiers ! J’ai toujours détesté cette manie qu’on a de se montrer correct entre personnes du même âge ! »
« C’est pareil pour moi… Sauf que ma mère me tuerait si elle m’entendait parler comme cela ! Elle s’est donné tant de mal pour m’apprendre les bonnes manières ! »
« Vraiment ? J’aurai pourtant cru que c’était inné chez toi ! »
« Désolée Candy, mais j’ai grandi dans la cour des fermiers de ma famille ! Mon père courrait à travers toute l’Europe pour faire affaire et ma mère devait jongler entre mon éducation et la bonne marche de nos terres, ce qui fait que j’étais un enfant assez libre et que j’aimais partager mon temps entre la lecture et les jeux des enfants des fermiers. A l’âge de 14 ans mes parents ont décidés de remédier à cela et m’ont envoyé en pension dans un collège à Edimbourg. Une fois mes études terminées j’ai voulu voir cette Amérique que l’on nous présentait comme le nouveau monde… et je suis tombé amoureux de votre pays ! C’est pourquoi j’ai décidé d’y poursuivre des études de droit. Mais assez parlé de moi ! A ton tour : je sais déjà par Archibald que tu exerces en tant qu’infirmière et que tu as été au collège à Londres avec lui et sa charmante fiancée ! » 
« Et bien… c’est vrai que je ne suis pas portée non plus naturellement vers les bonnes manières… mais moi c’est parce que j’ai grandi dans un orphelinat, pas très loin d’ici d’ailleurs. Les gens prennent en général un air attristé lorsque je dis cela, pourtant il s’agit de l’une des périodes les plus agréables de ma vie ! J’ai eu deux mamans au lieu d’une et une vingtaine de frères et sœurs avec qui jouer ! »
« C’est en effet un avantage ! » fit remarquer le jeune homme.
« Oui ! J’ai eu la chance de grandir entourée d’affection et d’amour et c’est ce qui m’a permit de tenir le coup dans des périodes… plus difficiles ! Puis j’ai été « adoptée » par les Legrand qui font parti de la famille André et que tu auras la chance de rencontrer tout à l’heure… »
« Les Legrand… ah oui ! Archie m’en a parlé ! Ils ont un fils… Daniel, je crois, qui ne fait pas spécialement honneur à sa famille… »
« C’est le moins que l’on puisse dire ! Il passe son temps à boire et à jouer de l’argent… Albert ne sait plus comment camoufler ses écarts ! Enfin ! Mon passage dans leur famille n’est pas le meilleur de mes souvenirs, bien que ce soit grâce à eux que j’ai rencontré Albert, Archie, Alistair et Anthony ! »
« Hum… je connais Albert : c’est ton oncle, Archibald…, mais pas les deux derniers ! Seront-ils là ce soir ? »
« Non, malheureusement.» répondit Candy dont le regard venait de se voiler. « Anthony, notre cousin, est mort d’une chute de cheval il y a 7 ans, quand à Alistair c’était le frère d’Archibald, il est parti se battre pour l’Angleterre au début de la Grande Guerre et il n’en est jamais revenu… »
« Oh ! Je suis désolé Candy. Archibald ne m’en avait jamais parlé.»
« Je le sais, il ne les évoque jamais, c’est sa façon de lutter contre la douleur et le chagrin de les avoir perdu… »
« Et toi, ta « façon » c’est de soigner les autres n’est-ce pas ? » demanda doucement le jeune homme.
« En quelque sorte oui ! J’aime le fait de pouvoir soigner les gens et sauver des vies, lorsque je suis à l’hôpital je me sens moi même plus vivante que jamais et je ne pense à rien d’autre qu’apaiser la douleur de ceux qui souffrent devant moi… »
« C’est une très belle vocation et il faut un grand courage pour exercer un tel métier. »
« C’est vrai que ce n’est pas gai tous les jours mais on en est récompensé lorsqu’un malade se rétablit et quitte l’hôpital pour rentrer chez lui ! »

Andrew regardait la jeune femme qu’il avait face à lui, notant comme son visage s’était animé lorsqu’elle s’était mise à évoquer son métier. Il se sentit soudain subjugué par sa personnalité, plus encore qu’il ne l’avait été par sa beauté lorsqu’elle était entrée dans la pièce. 

« Une telle jeune fille existe-t-elle réellement ? Et se peut-il que son cœur soit encore à prendre comme me l’a laissé entendre Archie ? »
« Candy, connais tu l’Ecosse ? »
« Heu, un peu oui, j’y ai passé un été quand j’étais encore au collège. Pourquoi cette question ? »
« Quel dommage ! J’aurai tellement aimé te faire découvrir par moi même mon pays ! Mais cela ne m’empêchera pas de t’ inviter à séjourner dans ma demeure ! Je suis sûr que ma grand-mère t’ adorerait ! »
« Vraiment ? Apprécierait-elle par hasard les jeunes femmes rebelles ? »
« Exactement ! Elle même était assez peu conventionnelle à son époque ! Elle a d’ailleurs épouser le palefrenier de ses parents au grand désespoir de sa famille ! Mais mon grand père s’est battu et a monté son propre élevage de chevaux de courses qui s’est par la suite transformé en véritable affaire. Mon père, leur seul enfant, l’a reprit à sa mort, exauçant le vœux de ma grand-mère. Il l’a « déçu » dirai-je, sur un seul point : il a épousé une jeune femme de bonne famille, ma mère, héritière de plusieurs grands domaines. »
« En quoi cela l’a-t-il déçue? »
« Elle aurait souhaité qu’il connaisse un grand amour comme le sien, mais mon père avait hérité du caractère calme de sa famille maternelle et il s’est laissé séduire par celui tout aussi calme et rangé de ma mère ! Jusqu’ici aucun des deux n’a eu à sans plaindre et sans parler de grande passion mes parents s’aiment.» 
« C’est déjà beaucoup me semble-t-il ! Mais toi manifestement tu as hérité de ta grand-mère ! »
« Qu’est ce qui te fais dire cela ? »
« Et bien, tout d’abord lorsqu’ Archibald nous a présenté j’ai cru noter une pointe de malice dans tes yeux, je n’ai pas compris pourquoi sur le moment puis tu m’as confié le peu de cas que tu faisais des bonnes manières et du protocole…ensuite tu m’as raconté que tu adorais jouer avec les enfants des fermiers durant ton enfance et enfin tu as préféré parcourir le monde plutôt que de t’intéresser à tes affaires familiales. Ah ! Et j’oubliais : tu éprouves une grande admiration pour ta grand-mère ! Est-ce que je me trompe ? »
« Non, tu as raison sur toute la ligne ! Tu m’impressionnes : belle, souriante, généreuse et maintenant intelligente ! Arrête où je vais te demander en mariage avant la fin de la soirée ! »

A ces mots Candy sentit son visage s’enflammer, heureusement au même moment Albert fit irruption demandant aux deux jeunes gens de l’accompagner.

« Tout le monde est là ! Je vais faire un petit discours pour souhaiter la bienvenue aux invités, puis je vous annoncerez. Candy si tu es déjà toute rouge avant d’être le centre d’intérêt de la soirée je me demande ce que cela va être dans un instant ! »
« Très drôle Albert ! Continue comme cela et je fais demi-tour ! Et tu n’auras plus qu’à te débrouiller tout seul avec ta réception ! »
« Et bien ma chérie, on dirait que tu as perdu ton sens de l’humour ! Bon restez là, vous entrerez quand vous entendrez vos noms. A tout de suite ! »

Albert prit une profonde inspiration et ouvrit la porte qui donnait sur la salle de bal, au même moment il ne put s’empêcher de penser :  « Mon Dieu, faites que j’ai eu raison de forcer ainsi le destin ! », puis il se lança.

Fin du chapitre 3

Chapitre 4

« Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, tout d’abord je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux que je n’ai pas eu l’occasion de saluer personnellement. Ensuite je vous remercie tous d’avoir répondu si nombreux à mon invitation. Comme vous le savez cette soirée est très spéciale pour moi puisqu’elle marque la majorité de ma pupille. Je me souviens encore de la première fois où je l’ai vu : elle n’était alors qu’une toute petite fille et elle pleurait à chaudes larmes le départ de sa meilleure amie. Ses larmes si sincères m’ont émues. J’ai voulu lui remonter le moral en lui jouant un air de cornemuse et elle n’a rien trouver de mieux que de me demander si j’étais un extra-terrestre ! » Toute la salle se mit à rire. « Je dois vous avouer que j’affectionnais particulièrement à cette époque le costume traditionnel écossais, et ma tenue vestimentaire l’a profondément intriguée ! Toujours est-il qu’après lui avoir expliqué les pourquoi et les comment d’un tel accoutrement, elle s’est mise à rire d’une façon qui m’a réchauffé le cœur : c’était un rire vrai, le rire d’une enfant en bonne santé et joyeuse, chose que j’avais eu tendance à oublier avec la longue maladie de ma défunte sœur… Par la suite toutes nos rencontres se sont déroulées de la même façon : elle était triste, je la consolais et elle me redonnait goût à la vie grâce à son rire qui est toujours resté le même depuis toutes ces années. Aussi c’est avec émotion que je la vois aujourd’hui entrer dans l’âge adulte car pour moi elle restera à jamais « la petite fille qui pleurait et qui riait » ! C’est pourquoi je vous demande de faire un honneur à la Reine de cette soirée et à son cavalier : Melle Candy Neige André et Mr Andrew McDouglas ! »

Toute la salle se mit à applaudir tandis que s’ouvraient à nouveau les portes de la salle, puis lorsque Candy apparut des exclamations fusèrent de toutes parts : « Mon Dieu qu’elle est belle ! », « Quelle grâce ! », « Elle ressemble à un ange ! ». Mais la jeune femme n’entendit pas les remarques qui résonnaient d’un bout à l’autre de la salle, tout occupée qu’elle était à serrer Albert dans ses bras.

« Que tu es bête de me faire pleurer de cette façon Albert ! Avais tu besoin de faire un tel discours ? »
« C’est pour que tu n’oublies pas à quel point je t’aime ma chérie ! A partir d’aujourd’hui tu es libre de faire tes propres choix et je n’ai plus aucune autorité sur toi ! »
« Tu sais très bien que tout cela relève simplement de la législation ! Dans mon cœur tu resteras toujours mon grand frère et mon ami ! »
« Alors j’en suis le plus heureux ! Mais sèche tes larmes maintenant et enfile ton masque… LE BAL MASQUE COMMENCE !! » s’écria-t-il.

Sur quoi tout le monde applaudit et la musique se mit à résonner. Candy et Andrew rejoignirent leurs amis tandis qu’Albert se lançait dans une nouvelle discussion avec ses connaissances.

« Alors Miss Ecurie on fait la pleurnicheuse ? C’était un joli petit numéro que tu nous as fais ! »
Candy se raidit en entendant cette voix haut perchée qu’elle aurait reconnu entre milles.
« Je suis désolée Eliza que tu ne saches pas faire la différence entre un « numéro » comme tu dis et des sentiments sincères. »
« Pff ! Les sentiments c’est pour les filles de ferme comme toi ! Nous autres aristocrates nous savons nous tenir en société et masquer nos sentiments ! »
« Tiens donc ! Cela signifierai-t-il que tu es capable d’en éprouver ? » lui demanda Candy d’une voix mielleuse.
« Evidemment ! Seulement je sais me tenir moi ! »
« Ah ! C’était donc de la correction que tu affichais ! Et moi qui t’ai toujours prise pour une fille froide et sans cœur ! Je me serai donc trompée ! Bon tu m’excuseras mais je voudrai manifester ma joie à mes amis, alors étant donné ton aversion pour mon « attitude » je crois que tu ne devrais pas rester dans les parages ! »

Les yeux d’Eliza brillèrent de colère et de haine, néanmoins, ne trouvant rien à répondre elle fit demi-tour et s’éloigna.

«  Et bien !! » s’exclama Andrew «  voilà quelqu’un qui ne te porte pas dans son cœur ! »
« Non en effet ! Cela n’a jamais été la grande entente entre elle et moi ! Mais je t’avais prévenu que mon passage dans la famille Legrand ne faisait parti de mes meilleurs souvenirs ! »
« Oh je vois ! Je comprends qu’entre cette vipère et son alcoolique de frère ça ne devait pas être la grande joie ! »
« Exactement ! Mais assez parlé d’eux, j’y suis habituée depuis le temps et j’ai eu plus d’une fois l’occasion de me venger ! C’est merveilleux de voir tout le monde déguisé ! On ne sait pas qui est qui ! »
« C’est vrai que c’est excitant ! Mais toutes ces émotions m’ont données soif ! Pas vous ? » demanda Betsy d’un air innocent.

Tous acquiescèrent.

« Bien, alors que diriez vous d’aller nous chercher à boire messieurs ? » demanda à son tour Annie avec un grand sourire.
Archibald regarda les deux jeunes femmes et voyant qu’elles affichaient la même expression il soupira, résigné :
« Très bien, on y va ! Vous voulez parler entres filles n’est ce pas? »
« Pas du tout Archie ! On meurt de soif c’est tout ! » s’exclama la jolie brune.
« Je dois avouer que je boirai bien quelque chose moi aussi… » avança Tom.
« Ok, alors allons y ! »

Tandis que les garçons s’éloignaient, Annie et Betsy se tournèrent vers leur amie :

« Alors raconte nous ! Comment s’est passé ton tête à tête avec Andrew ? » demanda Annie.
« Et bien… Disons très bien. Andrew est un garçon charmant… »
« Ca c’est le moins que l’on puisse dire ! » s’exclama Betsy «  J’en regretterai presque d’être mariée ! »
« Et puis il est agréable et très sympathique… »
« Donc il te plait ! »
« Annie ! Enfin, je le connais à peine ! »
« Oui je sais, mais il t’a fait bonne impression non ? »
« Et bien… oui… »
« Fantastique ! J’avais tellement peur de me tromper ! »
« Comment cela ? »
« Et bien : Albert voulait qu’on te trouve un cavalier pour la soirée mais il a bien insisté pour que ce soit quelqu’un que tu puisse apprécier et il m’a fait confiance pour trouver un jeune homme susceptible d’être à ton goût… Et manifestement j’ai réussi ! »
« Félicitation Annie ! Tu vas pouvoir te reconvertir en marieuse alors ! » lâcha Candy à la fois amusée et contrariée par les intrigues mises en œuvre par ses amis.
« Marieuse ? Est ce que vous en êtes déjà là ? »

Candy rougit en repensant aux paroles d’Andrew, ce qui malheureusement n’échappa pas à ses deux compagnes.

« Candy ! Tu ne nous as pas tout dis ! » s’exclama Betsy.
« Oh vous m’embêtez à la fin ! Que voulez vous que je vous dise de plus ? » répondit la jeune fille, les joues en feu.
« Candy… je suis ta meilleure amie oui ou non ? » reprit Annie.
« Oui… mais c’est tellement stupide ! Il a lancé ça comme ça ! »
« Lançé quoi ? » demandèrent les deux jeunes filles en chœur.

Candy leur parla de l’invitation du jeune homme à se rendre chez lui en Ecosse, puis de la remarque sur la demande en mariage qu’il avait émit juste avant l’arrivée d’Albert.

« Et bien ! Il ne perd pas de temps lui au moins ! » plaisanta Betsy.

Annie quant à elle fixait son amie.

« Et alors ? Comptes tu accepter son invitation ? »
« Annie ! Je t’ai dis que je le connaissais à peine ! Est ce que tu me vois traverser l’Atlantique pour rencontrer sa famille ? »
«  Tu as pris d’avantage de risques pour Terry alors que tu le connaissais à peine… » répondit la jeune femme en regardant son amie droit dans les yeux.
Candy se souvenait parfaitement de cette nuit où le jeune homme blessé était apparu dans sa chambre suite à une erreur de dortoir. Celle ci en effet n’avait pas hésité à se rendre dans une pharmacie de la ville afin d’acheter de quoi le soigner, enfreignant alors dangereusement le règlement et risquant un renvoi.
« Ce… c’était différent… Il avait besoin d’aide… »
« Attention les garçons reviennent ! » leur dit Betsy.
« Alors mesdemoiselles, vous avez eu le temps de discuter ? demanda Archibald en tendant une coupe de champagne à sa fiancée.
« Oui, nous étions en train d’évoquer le bon vieux temps ! » répondit précipitamment Candy, « le collège… et tout ça ! »
« Sans oublier ce merveilleux été que nous avions passé en Ecosse ! N’est ce pas chéri ? Nous avions tous tellement regretté de voir arriver la fin des vacances ! » enchaîna Annie en adressant son plus beau sourire à son amie qui rougissait de plus en plus.
« C’est vrai c’est un beau pays et j’en garde un très bon souvenir ! » dit Archie sans se rendre compte du trouble de sa cousine.
« Et bien, j’ai déjà proposé à Candy de me rendre visite là bas lorsqu’elle en aurait l’occasion, mais mon invitation est valable pour vous tous et je serai ravi de vous faire découvrir d’autres facettes de mon pays ! »
« Comme c’est gentil Andrew ! » répondit Annie « n’est ce pas Candy ? Toi qui rêvait tant d’y retourner !»

Candy sourit et regretta en son for intérieur le sursaut d’audace de son amie habituellement si timide.
Sentant son malaise, Andrew invita sa cavalière à danser. C’est avec soulagement qu’elle se laissa entraîner vers la piste.

« Je savais que c’était ton anniversaire mais pas que c’était également ta fête ! »
« Que veux tu dire ? »
« Et bien tout le monde semble s’acharner sur toi ce soir ! »
« Oh ! Ils veulent tous bien faire ! Ils ont peur que je finisse vieille fille ! En revanche je suis désolée que cela soit tombé sur toi ! Tu n’aurais pas dû accepter d’être mon cavalier ! »
« Au contraire j’en suis ravi ! J’ai une cavalière exquise et je m’amuse comme un petit fou ! Il y a juste une chose que je trouve étrange : c’est Annie, je ne l’aurai jamais cru capable de… s’acharner, il n’ y a pas d’autre mot ! Elle paraissait tellement timide les fois où je l’ai vu ! »
« Je te rassure : elle l’est ! Mais je pense que c’est son costume de Marie Antoinette qui lui monte à la tête ! Tu n’as pas remarqué comme elle mène Archibald par le bout du nez ce soir ? Son costume de Louis XVI lui va à ravir d’ailleurs : il ne se rend compte de rien ! »
« C’est vrai ! Je n’avais pas fait le rapprochement ! Mais si je comprend bien nous devrions être d’humeur romantique si l’on en croit nos propres costumes… Roméo et Juliette…amoureux pour l’éternité… ! »

Les joues de la jeune femme s’enflammèrent une fois de plus, néanmoins elle adressa un grand sourire à son cavalier et lui répondit d’un ton taquin :

« Attention ! Rappelles-toi comment finit l’histoire ! »
« Hum ! C’est vrai que ce n’est guère tentant, mais s’il faut en arriver là…. Je suis prêt ! » répondit le jeune homme sur le même ton.

Candy éclata de rire. Elle se sentait merveilleusement bien et appréciait de plus en plus son partenaire. 

« Quel charmeur ! » se dit-elle «  il me rappelle Terry par certains côtés, en beaucoup plus ouvert bien entendu ! Quand je pense au temps qu’il m’avait fallu avant de l’apprivoiser… ! » A cette pensée, Candy sentit son cœur se serrer. Terry… décidément c’était toujours à lui qu’elle revenait. Elle soupira tout en jetant un coup d’œil autour d’elle : tout le monde semblait bien s’amuser, et c’est vrai qu’il était difficile de reconnaître qui se cachait derrière chaque masque. Soudain son regard se posa sur un jeune homme qui se tenait immobile, dans l’ombre d’un pilier. Il portait un masque comme tous les invités, ses cheveux étaient cachés sous un grand chapeau et ses épaules recouvertes d’une longue cape d’un bleu profond. Candy ferma les yeux, se sentant prise de faiblesse. 

" Ce n’est pas possible, mon Dieu, non ! Mais cette silhouette, cette façon de se tenir, je n’ai pas rêvé ! » 

Elle rouvrit les yeux afin de vérifier qu’elle ne s’était pas trompé mais le jeune homme avait disparu.

« Candy, est ce que tout va bien ? Tu es toute pâle tout à coup ! »
« Ca va, ne t’inquiète pas ! » articula-t-elle avec effort « C’est juste la chaleur et le monde… »
« Veux tu que nous allions prendre l’air un moment ? »
« Oui, volontiers. »

Les deux jeunes gens se dirigèrent vers les portes fenêtres qui donnaient sur le jardin. Une fois à l’extérieur, Candy retira son loup, respira l’air frais et sentit son cœur retrouver un rythme normal. Son regard se porta à l’autre bout de la pelouse en direction des massifs de roses, leur vue la rasséréna : après la mort d’Anthony elle avait fréquemment cru apercevoir le jeune homme, il était donc normal qu’il en soit de même pour Terrence !

 « Tu oublie que Terry n’est pas mort » lui souffla une petite voix dans sa tête « et en quatre ans c’est la première fois que tu as affaire à ce genre d’apparition !» 
« C’est vrai, pensa Candy, pourtant ce n’est pas possible qu’il soit là ce soir : il doit être à New York en pleine représentation… ou auprès de Suzanne… »
« Candy, es tu sûre que tout va bien ? »
« Oui Andrew, cela va mieux. En revanche est ce que cela t’ennuierai d’aller me chercher quelque chose à boire ? »
« Non bien sûr ! Je reviens tout de suite ! »
« Merci. »

Une fois le jeune homme parti, Candy descendit les quelques marches qui la séparait de la pelouse, elle fit quelques pas et s’arrêta près d’un banc de pierre.

« Terry… Oh Terry ! Pourquoi me torture tu ainsi ? »

Soudain elle entendit des pas derrière elle, adoptant un ton joyeux elle s’écria en se retournant : 

« Tu as été rapide Andr… » 

Les mots s’évanouirent dans sa gorge tandis que ses yeux plongeaient dans le regard bleu azur du jeune homme qui lui faisait à présent face.

« Désolé Candy mais ce n’est que moi ! » dit le garçon d’un ton sarcastique.

Fin du chapitre 4

Chapitre 5

« Te… Terry ! Mais… que fais tu ici ? »
« J’ai reçu une invitation alors je suis venu ! » répondit-il moqueur. «  Apparemment cela ne n’enchante guère ! Pourtant j’ai pris soin de ne pas déranger tes roucoulades avec ton bellâtre ! »

Irritée par le ton du jeune homme Candy répondit froidement : 

« Détrompes toi Terrence, je suis contente de te voir : cela fait si longtemps ! Comment va Suzanne ? T’accompagne-t-elle ? » 

C’est avec difficulté qu’elle avait prononcé ces mots, regrettant déjà de l’avoir fait et appréhendant sa réponse. Terry de son côté était bouleversé : elle se tenait là devant lui, si belle, si semblable à ce jour lointain de mai au collège St Paul, et en même temps si différente ! Comme il avait eu mal en l’entendant prononcer le nom de celui qu’il considérait déjà comme son rival ! Il avait automatiquement adopté une attitude défensive en se moquant d’elle alors qu’il mourait d’envie de la prendre dans ses bras et de la serrer contre lui… Et maintenant elle lui demandait des nouvelles de Suzanne comme si de rien n’était, comme si aucun mauvais souvenir n’était chargé dans ce seul prénom… «  Candy… est-il possible que tout cela te soit si indifférent ? M’as-tu oublié ? Ton cœur est-il déjà prit par ce maudit écossais ? »

Le jeune homme n’eut pas le temps de répondre, le « maudit écossais » en question revenant avec deux verres.

« Candy, voici ton verre. » dit Andrew tout en jetant un coup d’œil à l’homme qui se tenait aux cotés de sa cavalière, son visage lui était familier mais il n’arrivait pas à y mettre un nom. 
« Merci Andrew ! Oh, permets moi de te présenter un vieil ami : Terrence Grandchester, nous étions au collège ensembles. Terry voici Andrew McDouglas. »
« Oh ! Terrence Grandchester ! Vous êtes acteur n’est ce pas ? » dit Andrew en tendant la main vers le jeune homme « Je suis ravi de vous rencontrer ! Je vous ai souvent vu sur scène et je suis à chaque fois épaté par votre talent ! Vous semblez tellement vous fondre dans vos personnages et ressentir tous leurs tourments ! »
« Merci » répondit Terry avec un sourire crispé.
« Tu m’avais caché que tu avais une grande vedette pour ami ! » reprit Andrew en s’adressant à la jeune femme qui n’avait pas quitté Terry des yeux.
« C’est que… nous nous étions perdu de vue depuis des années… »
« Et vous êtes venu pour son anniversaire ! Vous étiez en tournée dans la région ? Il ne me semble pourtant pas en avoir entendu parler ! Je suis un grand amateur de théâtre et je me tiens régulièrement au courant des pièces à l’affiche ! »
« Non je ne suis pas en tournée » répondit Terry «  Albert m’a prévenu de la réception qu’il donnait et m’y a invité. »
« Albert ? Je ne savais pas que vous aviez gardé contact ! » s’exclama Candy, réellement surprise par la cachotterie de son ami.
« A vrai dire Albert m’a écrit il y a un petit peu plus d’un an, et depuis nous correspondons régulièrement. »
« Ainsi Albert ne lui a rien dit, pensa Terry, elle ne sait pas pour Suzanne… Pourquoi alors m’a-t-il invité, quel est son but ? » Albert lui avait écrit peu après la mort de Suzanne qu’il avait apprit par les journaux, il lui avait exprimé toute sa sympathie, ce qui avait touché le jeune homme et avait ainsi renoué leur ancienne amitié. Dans ses lettres Albert évoquait très peu la jeune femme, se contentant de lui dire qu’elle allait bien et qu’elle se consacrait à ses malades, Terry de son côté ne lui avait jamais posé de question directe craignant que son vieil ami comprenne que ses sentiments étaient restés intacts. C’est au mois de février qu’il lui avait fait part de ses projets concernant l’anniversaire de sa protégée et qu’il avait évoqué le plaisir qu’ils auraient tous à le revoir. « Candy serait si heureuse que tu sois présent pour son anniversaire » lui avait –il écrit, ce que Terry avait naïvement interprété comme un signe de la part de son ami, lui indiquant par là que la jeune femme était toujours libre… « Comme j’ai été stupide ! Comme si Candy m’avait attendu pendant quatre ans ! »
De son côté Candy n’arrivait pas à calmer le trouble qui s’était emparé d’elle : « Il est venu exprès de New York ! Pourquoi ? Et où est Suzanne ? Pourquoi n’est-elle pas avec lui ? »

Andrew s’était arrêté de parler, sentant la tension qui s’était installée depuis que le jeune homme avait fait son apparition. Il ne savait comment briser le silence dans lequel s’étaient plongés les deux jeunes gens, lorsque Archibald et Annie sortirent à leur tour.

« Archibald, Annie ! Nous sommes là ! » s’exclama soulagé le jeune homme
« Ah Andrew ! Nous nous demandions où vous aviez disparus ! » répondit Archibald en retour.

Au même moment Terry leva la tête dans leur direction.

« Mon Dieu… » articula lentement Annie, les yeux agrandis par la surprise.

Un nouveau silence venait de s’installer.

« Décidément, se dit Andrew, il me semble que la venue de ce jeune homme plonge tout le monde dans la consternation… Mais pourquoi ? »

Finalement ce fut Archie qui parla le premier :

« Terrence Grandchester…. Après toutes ces années te revoilà ! Que nous vaut l’honneur de ta visite ? »

A ces mots, Terry afficha une fois de plus son éternel sourire moqueur et répondit sur le même ton : 

« Je passais par là et j’ai vu de la lumière, alors je suis entré… »

Les deux jeunes hommes s’affrontèrent un instant du regard. D’une légère pression de la main, Annie fit signe à son cavalier de ne pas insister.

« Et bien… Tu as bien fait. Il ne faut jamais rater une occasion de s’amuser, n’est ce pas ? »
« En effet, je n’en rate jamais une…. » répondit Terry d’un ton pensif.

Son regard s’était de nouveau posé sur Candy. Souriant malicieusement, il lui demanda :

« Alors Miss Tache de Son, t’es tu encore changée dans les fourrés ? »
« Non, Monsieur le Duc de Grandchester, ce soir je suis autorisée à assister et à profiter pleinement de la fête ! » répondit Candy, heureuse de retrouver le ton habituellement taquin de son camarade. 
Soudain une voix retentit derrière eux : «  Pour en profiter, il faudrait peut être y participer ! Qu’en dites vous jeunes gens ? »

Pris par leur conversation, le petit groupe n’avait pas entendu Albert approcher.

« Désolé Albert, c’est de ma faute je crois. »
« Je m’en doutais. Je suis heureux de te voir Terry. » répondit Albert en serrant la main de son vieil ami.
« Moi aussi Albert, cela fait du bien de retrouver les gens que l’on aime. »

A ce moment là, les premières mesures d’une valse retentirent à l’intérieur. Candy sursauta et chercha le regard de Terry. Celui-ci avait les yeux fixés sur elle et lui souriait.

« Je crois que vous me devez une danse chère Juliette ! Si mes souvenirs sont exacts, nous avions dû écourter la dernière… »

La jeune femme lui rendit son sourire, puis se tourna vers son cavalier :

« Est ce que cela t’ennui… »
« Non,pas du tout. Vous avez l’air d’avoir pas mal de choses à vous dire… »
« Merci Andrew. »

Tous se dirigèrent à nouveau vers la salle de bal, mais au moment d’en franchir les portes, Archibald retint son oncle.

« Je voudrai te parler Albert. »
« Est-ce vraiment le moment ? »
« Oui c’est urgent. »
« Très bien, allons dans mon bureau. Annie, Andrew, vous voulez bien nous excuser ? »
« Bien sûr Albert, nous en profiterons pour danser si Andrew veut bien m’inviter ! »
« Oui, évidemment, à tout à l’heure… Annie… »

Le jeune homme s’inclina et prit le bras qu’elle lui offrait.

« Qu’est ce que cela veut dire Albert ? Pourquoi est-il ici ? »
« Calme toi Archibald, je l’ai invité. »
« Ca je l’avais compris mais ce que je voudrais savoir c’est pourquoi ! »
« Pour l’anniversaire de Candy ! Cela me semble évident ! »
« Ah oui ? Quatre ans après qu’on n’ait plus eu aucune nouvelle… et sachant tout ce qui s’est passé ? »
« Justement. J’en ai eu assez de faire comme s’il ne s’était rien passé. De faire comme si Candy ne souffrait pas depuis tout ce temps ! Ne vois-tu pas comme nous avons été lâches pendant toutes ces années ? »
« Bien sûr que je m’en rend compte ! Mais tu connais Candy comme moi : elle refuse d’aborder le sujet ! »
« C’est pour cela que j’ai pris l’initiative de le faire venir. Ainsi, ils devront enfin faire face à leurs sentiments…s’ils existent toujours…. »
« Oh vraiment ? Et Suzanne, fait-elle partie de tes plans ? »
« Tu me déçois Archibald… »
« Pardon ? »
« Tout jeune étudiant ne devrait-il pas se tenir au courant de la presse New Yorkaise ? »

Archibald regarda un instant son oncle, cherchant le piège. Puis il répondit :

« C’est ce que je fais ! Je consulte chaque jour la bourse… »

Albert soupira. « Il n’y a pas que la bourse et le droit dans la vie Archibald ! Ne consultes-tu donc jamais les pages mondaines ? »
« Heu non… Pourquoi ? »
« Parce que sinon tu saurais que Suzanne est morte il y a environ un an des suites d’une maladie. »

Le jeune homme resta sans voix. Albert en profita pour poursuivre :

« Dès que j’ai appris la nouvelle j’ai écris à Terry afin de lui exprimer mes condoléances. Manifestement il avait besoin de quelqu’un à qui se confier puisqu’il m’a répondu par une longue lettre m’expliquant tout ce qu’il avait traversé depuis qu’il était avec Suzanne. Et depuis nous sommes restés en contact. »
« Et Candy ? Est-elle au courant ? »
« Je ne crois pas. Je ne reçois que la presse locale au manoir, tout le reste arrive à mon bureau. »
« Comptes tu lui en parler ? »
« Ce n’est pas à moi de le faire. »
« Et pourquoi tout ce mystère sur sa venue… Et toute cette comédie avec Andrew ? »
« Hum… Disons que j’avais envie de pimenter la soirée… »
« C’est réussi ! » 

En disant ces mots le jeune homme se dirigea vers le mini bar et se servit un scotch.

« Je croyais que tu ne buvais jamais d’alcool fort ! » fit remarquer Albert.
« Je crois que j’en ai bien besoin ce soir ! » répondit-il en avalant d’un trait son verre. « Bon… et dis-moi, quelles sont les intentions de Terrence vis à vis de Candy ? »
« Je n’en ai aucune idée ! »
« Comment cela ? Tu m’as dis qu’il s’était confié à toi ! »
« Oui sur les problèmes qu’il a eu avec l’alcool, le théâtre, la maladie de Suzanne… mais il a bien prit soin de ne jamais prononcer le nom de Candy dans nos lettres. »
« C’est qu’il l’a oubliée alors ! » s’emporta le jeune homme. « Tu penses bien qu’il a dû se consoler depuis longtemps avec une autre jeune actrice innocente ! »

Albert se leva et se dirigea vers la fenêtre de son bureau. Là il resta un moment sans parler. Puis il se retourna et regarda son neveu droit dans les yeux.

« Dis moi Archibald, as tu déjà entendu Candy prononcer le nom de Terry en quatre ans ? »
« Heu… non. »
« Bien… Et penses-tu sincèrement qu’elle l’ait oublié ? »
« Non… »
« Et crois tu que Terrence aurait prit la peine de faire tout ce chemin s’il ne ressentait plus rien pour elle ? »
« Non bien sûr… »

Archibald serra les poings. Il ne savait pas s’il devait se réjouir ou non de la venue du jeune acteur. Candy avait tellement souffert déjà par le passé… Est ce que Albert ne risquait pas de lui infliger une souffrance de plus en agissant ainsi ? N’aurait-il mieux pas valu que Terrence ne réapparaisse jamais dans la vie de la jeune femme ? 

« Et Andrew dans tout cela ? »
« Je ne sais pas… maintenant que je le connais cela m’embête un peu de l’avoir utilisé… c’est vraiment un garçon très bien. Mais qui sais… peut être que nous nous trompons et que Candy ne ressent plus rien pour Terry. »

Pendant ce temps, dans la salle de bal, Candy tournoyait au rythme de la musique. Les battements de son cœur se mêlaient aux notes et ses pensées tourbillonnaient dans sa tête : « Terry… c’est Terry ! Il est là près de moi… Il me tient dans ses bras ! Mon Dieu je dois rêver ! Je ne vais pas tarder à me réveiller… Et pourtant… » 
Au même moment le jeune homme lui sourit.

« Et bien Miss Taches de Son, tu es bien pensive tout à coup ! Tu as perdu ta langue ? »
« Pas du tout ! Et quand vas-tu arrêter de m’appeler comme ça ? Je te ferais remarquer que je n’en ai presque plus ! »
« Tu plaisantes ! Tu en as plein le bout du nez ! Mais c’est vrai qu’on les remarque moins ! »
« Ne t’as t’on jamais appris que l’on devait être galant avec une dame ? »
« Si bien sûr, c’est d’ailleurs ce que je fais lorsque j’en rencontre une… ! »
« Oh toi ! Ce que tu peux être agaçant ! » s’écria Candy en donnant un léger coup sur l’épaule de son partenaire qui se mit à rire.
« Décidément tu n’as pas changé ! Tu prends toujours la mouche aussi facilement ! »

Candy sentit l’étreinte du jeune homme se raffermir sur sa taille.

« Alors dis-moi Candy, qui est le Roméo de pacotille qui te sert de cavalier ce soir ? »
« Oh ! Je te défends de parler ainsi d’Andrew ! C’est un jeune homme charmant et très sympathique ! »
« Vraiment ? » répondit Terry en fronçant les sourcils. « Et d’où sort-il ? »
« C’est un ami d’Archibald. Ils étudient le droit ensembles. »
« Oh je vois ! Tu t’intéresse aux premiers de la classe maintenant ? Je croyais pourtant qu’en faisant parti de la famille André tu étais à l’abris du besoin ! »
« Que veux tu dire par là ? »
« Juste qu’il pue le fric et les bonnes manières ! »

Candy sursauta violemment à ces mots : 

« Parce que toi, bien sûr, tu as tout du mendiant Mr le Duc de Grandchester ! »
« Je travaille moi pour gagner ma vie ma chère ! »
« Et il ne t’es jamais venu à l’esprit que faire des études pouvait amener à travailler par la suite ? »
« Oh je t’en prie Candy ! Ila tout du dandy ! Tiens comme ton cher Archibald ! C’est le style à passer son temps entre l’Université, les voyages en Europe, les sorties dans le monde… en attendant de rentrer dans les affaires familiales ! »
« Comment peux-tu te permettre de juger quelqu’un que tu ne connais même pas ! Tu ne sais rien de lui ! Tu ne lui a même pas parlé ! »

De rage la jeune femme s’était arrêtée de danser. Surpris Terry la lâcha. Candy en profita pour s’éloigner, puis se retournant elle lui lança :

« Toi non plus tu n’as pas changé Terry ! Tu es toujours aussi arrogant ! »

Le jeune homme la regarda disparaître dans la foule des danseurs. Un triste sourire apparut alors sur son visage. « Ainsi tu n’apprécies plus mes moqueries Candy… Qu’y a-t-il d’autre qui ait changé ? »

Fin du chapitre 5


© zazou
2007