Et si tout pouvait recommencer?
par zazou minoutou

 

Chapitre 11

Le lendemain Andrew vint les chercher au manoir comme il avait été convenu la veille. Dès son arrivée Eliza tenta d’accaparer le jeune homme comme elle en avait l’habitude chaque fois qu’un beau parti se présentait. Elle était généralement rapidement éclipsée par sa cousine qui, sans lever le petit doigt, avait tous les hommes, jeunes ou vieux, à ses pieds. Cela agaçait la jeune femme au plus haut point. D’autant que lorsque Candy repoussait gentiment leurs avances, ces derniers semblaient encore d’avantage fascinés par la jeune héritière. Rares étaient ceux qui se tournaient alors vers Eliza. D’une part sa fortune était moins importante que celle des André, d’autre part elle les recevait si mal, vexée de passer en « second choix », que les quelques prétendants qui se présentaient repartaient rapidement d’où ils venaient ! De plus, mais cela Eliza n’en était pas consciente, ils étaient tous extrêmement déçus de ne pas retrouver les qualités qui les avaient attirés chez la belle infirmière rebelle.

Ainsi Eliza rageait d’être toujours célibataire et elle devait se contenter de la compagnie de quelques petits profiteurs qui gravitaient autour d’elle dans l’espoir de se faire passer la corde au cou et ainsi d’améliorer leur condition. Beaucoup étaient des « amis » de son frère, c'est-à-dire des hommes qui traînaient dans les bars et si Eliza consentait à les fréquenter c’était parce que l’espace d’un moment elle éprouvait le sentiment d’être désirée par quelqu’un. Ce sentiment ne durait guère et lui laissait ensuite un goût amer…

Une fois de plus l’attention du jeune homme se tourna immédiatement vers Candy. Andrew vit qu’elle avait l’air fatigué et il devina aisément que le voyage n’en était pas la cause. Celle-ci lui adressa un sourire complice, ce qui le rassura un peu. De toutes façons aucune discussion n’était possible avec Eliza qui persistait à s’accrocher à lui ! Le petit groupe partit donc, laissant au manoir la Tante Elroy qui souhaitait se reposer avant de rendre visite à ses connaissances dans l’après-midi et Daniel qui avait refusé de se joindre à eux.

Au port ils apprirent que le navire aurait un peu de retard, aussi ils décidèrent de flâner un moment dans les rues animées. C’était en effet jour de marché et la ville résonnait de cris et de rires. Les marchands attiraient les acheteurs en vantant la qualité de leurs produits, les ménagèrent plaisantaient volontiers tout en effectuant leurs achats et quelques enfants jouaient avec des billes ou des cerceaux à proximité des étalages. Candy se sentit immédiatement à l’aise dans cette ambiance bonne enfant. Elle ne cessait d’observer la foule avec un plaisir évident, s’approchait parfois pour écouter les mérites d’un produit ou encore se régalait les yeux des bonnes choses proposées. Archie, Annie et Andrew appréciaient également la ballade et affichaient un sourire qu’il n’avaient pas eu depuis longtemps : le sourire des joies simples. Seule Eliza ne participait pas à cette bonne humeur générale, mais aurait-il pu en être autrement ?

Candy s’arrêta soudain devant un étal qui proposait toutes sortes de tartans. Cela lui rappela son Prince des Collines et elle décida d’en acheter un afin de le ramener à Albert. Personne ne comprit le pourquoi de cette attention mais cela semblait lui tenir à cœur. La vieille dame qui tenait le stand avait tissé elle-même le tartan choisit par la jeune fille et elle lui expliqua toute l’histoire de ce tissu emblématique de l’Ecosse, ainsi que les méthodes de tissage sans pour autant lui révéler le secret qui se transmettait de mère en fille dans sa famille et qui permettait d’obtenir un tissu de cette qualité. Tous remercièrent la vieille dame, puis le temps ayant filé, ils retournèrent au port où le navire était en train d’accoster.

Lorsque Patty apparut sur le pont, Candy et Annie ne purent retenir leurs larmes. Il y avait longtemps qu’elles ne s’étaient vues et si leur quotidien bien rempli rendait les séparations plus faciles, les retrouvailles permettaient de mesurer combien l’absence s’était faite sentir dans leur cœur. Les jeunes filles se jetèrent dans les bras l’une de l’autre en riant et pleurant à la fois. Puis Patty retrouvant la première les bonnes manières, vint saluer Archibald. Les premières minutes étaient toujours une épreuve pour les deux jeunes gens car cela ravivait le souvenir d’Alistair. Cela expliquait pourquoi les visites de la jeune fille avaient été si rares pendant ces quatre ans. Archibald nota que la jeune fille avait minci. Son regard était toujours aussi doux et rêveur et lui rappelait toujours autant son cher frère disparu. Patty quant à elle fut comme chaque fois attristée par la mélancolie qu’elle lisait lorsque le jeune homme posait son regard sur elle. Elle s’en voulait de raviver ainsi cette douleur à chacune de ses visites. Elle-même n’avait réussi à surmonter son chagrin que très récemment mais elle se doutait qu’il n’en allait pas de même pour le jeune étudiant.

Archibald finit par se reprendre et présenta la jeune fille à son ami. Puis elle salua Eliza qui se tenait aux cotés du garçon. Ce dernier proposa d’aller prendre des rafraîchissements à l’auberge la plus proche avant de se mettre en route pour le manoir. La proposition fut acceptée à l’unanimité, la chaleur se faisant de plus en plus sentir depuis qu’on arrivait aux alentours de midi.

La salle où ils prirent place était claire et spacieuse, quelques voyageurs déjeunaient déjà tandis que d’autres avaient eu la même idée que le petit groupe. La dame qui prit leur commande se montra très aimable et discuta un moment avec eux. Elle avait connu Andrew alors qu’il était encore un petit garçon car ses parents avaient travaillé autrefois pour la famille MacDouglas. Depuis ses parents étaient morts et elle-même avait quitté les terres pour épouser le tenancier de l’auberge. La patronne leur prédit également un temps magnifique pour les prochains jours et leur conseilla d’en profiter car cela ne durait pas toujours au mois de mai. Puis elle les abandonna pour aller servir d’autres clients.

Les jeunes gens rentrèrent déjeuner au manoir, puis une discussion s’éleva pour mettre au point le programme des prochains jours. Tous avaient envie de profiter du beau temps, aussi décidèrent-ils de partir le lendemain en pique nique. Pour l’après midi en revanche il fut décidé qu’Andrew amènerait ses amis chez lui, il tenait en effet à leur présenter ses parents et surtout sa grand-mère.

Après le repas ils se mirent en route. Cette fois Eliza ne les accompagna pas : elle n’avait aucune envie de passer l’après-midi à écouter les histoires d’une vieille grand-mère qui ne l’intéressait pas, si elle voyait qu’une possibilité de séduire le jeune homme s’ouvrait à elle il serait bien temps de faire des ronds de jambe devant sa famille, mais d’ici là c’était hors de question !

Il leur fallut une bonne heure pour parvenir à la demeure des MacDouglas qui se trouvaient dans les terres. La route avait été agréable. Andrew avait rapidement gagné la confiance de la timide Patty et il s’était révélé un excellent guide en leur montrant des paysages de toute beauté et en leur racontant l’histoire de sa région.

Les parents de Andrew habitaient une vieille demeure qui surplombait un ravissant petit village de paysans, le jeune homme leur apprit que sa famille possédait toutes les terres alentours et que le village était exclusivement composé de gens travaillant pour eux. En effet dès qu’ils pénétrèrent dans le bourg, les gens vinrent saluer le jeune maître. Les hommes se montraient respectueux envers lui tandis que les femmes laissaient voir une véritablement affection pour le garçon. D’ailleurs il saluait chacune de ses rencontres par leur nom et demandait des nouvelles de chaque membre de la famille. La traversée du village prit donc un peu de temps, tous voulaient que le petit groupe s’arrête et vienne se rafraîchir chez eux mais Andrew déclinait chaque offre poliment en expliquant que ses parents l’attendaient. Il s’arrêta plus longuement devant l’échoppe d’un maréchal-ferrant, la jolie jeune femme qui se trouvait devant poussa un cri en le voyant et rentra précipitamment dans la maison avant d’en ressortir avec un jeune homme à moitié endormi.

- Scott ! s’écria Andrew en sauta à bas de la carriole, toujours en train de dormir mon vieux !!

- Andrew, toujours en ballade à ce que je vois !! répondit son ami sur le même ton.

Puis les deux garçons s’embrassèrent en riant. Andrew se tourna ensuite vers la jeune femme et la prit également dans ses bras.

- Rosalinde ! Tu supportes donc toujours ce sacré voyou ? Quand vas-tu comprendre qu’il ne te mérite pas ?

- Ah Andrew, que veux-tu, depuis qu’il m’a fait sa demande à la vieille chapelle je me dis qu’il mérite bien que je reste avec lui, ne serait-ce que pour le courage qu’il lui a fallu !

- Tout cela est donc à cause de moi ! Parce que je l’ai encouragé à se déclarer

- Et oui Andrew, tu es responsable de mon mariage et de ça ! répondit-elle en pointant un doigt sur son ventre qui offrait un renflement qui commençait à devenir significatif.

- Oh Rosalinde ! Scott ! Et vous ne me disiez rien ? Je suis très heureux pour vous !

- Eh ! reprit Scott un sourire béat aux lèvres, c’est que t’es pas souvent là ! Il parait que tu es arrivé hier…

- Oui en effet, je suis arrivé à Edimbourg en fin de journée et je ne voulais pas vous déranger à une heure tardive.

- Nous déranger ? Tu plaisantes j’espère ? s’exclama Rosalinde. Puis son regard se porta vers les jeunes gens restés dans la voiture. Andrew, tu ne devrais pas faire attendre tes amis… Elle était gênée à présent de s’être montrée si familière avec le jeune homme, pensant que l’une des ravissantes demoiselles présentes dans la voiture puisse être sa fiancée.

- Oh pardon ! s’exclama Andrew en se tournant vers ses camarades. Je vous présente mes amis d’enfance : Scott et Rosalinde, nous faisions les 400 coups quand nous étions enfants et ils se sont mariés à l’automne.

Candy descendit de la voiture, suivie par les autres.

- Bonjour, je m’appelle Candy et je suis ravie de vous rencontrer ! Toutes mes félicitations pour le mariage et le bébé !

- Candy est infirmière, dit Andrew, et elle est la cousine d’Archibald dont je vous ai déjà parlé.

- Ah oui ton ami de l’université ! Nous sommes ravis de faire votre connaissance, dit Scott en lui serrant la main.

Puis Andrew présenta Annie et Patricia. Ils restèrent encore un moment à parler avant de se séparer non sans promettre qu’ils reviendraient les voir avant leur départ.

- Tes amis sont vraiment adorables, dit Candy lorsqu’ils se furent éloignés. Et ils ont l’air tellement amoureux ! Ils se couvaient littéralement du regard !

- Oui et pourtant ils ont bien failli ne jamais être ensemble !

- Comment cela ? s’étonna Annie.

- Le fils d’un ami des parents de Rosalinde avait fait sa demande et la famille avait accepté, expliqua le jeune homme. La pauvre Rosalinde qui était amoureuse de Scott depuis longtemps ne voyait pas comment refuser ce mariage puisqu’elle n’avait pas d’autre parti à présenter à ses parents. Cela s’est passé l’été dernier, je venais d’arriver chez mes parents quand j’ai vu Scott arriver chez moi avec une mine défaite. La nouvelle du prochain mariage venait de se répandre et il était désespéré !

- Et tu l’as convaincu de se déclarer à Rosalinde c’est bien ça ? demanda Candy.

- Exactement ! Lui aussi était amoureux d’elle depuis longtemps mais il n’imaginait pas que ses sentiments puissent être réciproques ! J’ai dû l’en convaincre longuement !

- Quelle jolie histoire ! dit Patty. Et qui finit bien !

De grandes grilles se présentèrent face à eux et la voiture pénétra dans une cour dégagée au bout de laquelle se dressait une vieille maison de maître qui avait fière allure. Un domestique se précipita au devant d’eux en les saluant et informa son jeune maître que sa mère les attendait dans le salon.

La maison était spacieuse et décorée avec goût. Mme MacDouglas les accueillit chaleureusement. Elle s’excusa de l’absence de son époux qui en voyage d’affaire en Angleterre. La conversation tourna autour des chevaux puis de l’Amérique où elle n’avait jamais eu l’occasion d’aller à son grand regret. Andrew demanda à sa mère si sa grand-mère était réveillée et celle-ci lui répondit que oui, excitée à l’idée de rencontrer des amis de son petit fils elle avait largement écourtée sa sieste. Les jeunes gens se rendirent donc dans le petit salon qui jouxtait la chambre de la grand-mère. Celle-ci éprouvait de plus en plus de difficultés pour se déplacer et ne sortait donc guère de ses appartements.

- Nanny ! s’exclama le jeune homme en s’approchant de la vieille dame. Il parait que tu ne t’es pas convenablement reposée cette après midi ?

Un sourire éclaira le visage de la grand-mère quand son petit fils franchit la porte. Candy reconnut le regard espiègle dont avait hérité le jeune homme.

- Andrew ! J’ai passé l’age d’être grondée comme une enfant ! Surtout par mon propre petit fils !

Le garçon embrassa affectueusement la vieille dame puis présenta ses amis. L’après midi fila à toute allure tant la conversation fut joyeuse et animée. Mme MacDouglas tint à les retenir pour dîner et lorsque vint le moment de partir, les jeunes gens furent sincèrement tristes de quitter les deux dames. Les domestiques avaient équipé la voiture de lanternes et de couvertures, la mère d’Andrew recommanda à son fils d’être prudent. Elle n’aimait pas l’idée de les voir prendre la route la nuit mais ils avaient promis à la Grand- Tante de rentrer le soir même. Le retour fut plus calme qu’à l’aller. Tous étaient fatigués de leur journée et le balancement de la carriole les berçait.

Lorsqu’ils arrivèrent au manoir des André tous allèrent rapidement se coucher. Andrew passait également la nuit à la villa et il partageait la chambre d’Archibald, toutes les autres étant occupées.

Candy, qui avait peu dormi la nuit précédente, se jeta sur son lit et sombra rapidement dans le sommeil. Or si elle avait prit la peine d’observer le paysage comme la nuit précédente, elle aurait vu de la lumière briller dans la résidence du Duc de Grandchester…

Fin du chapitre 11

Chapitre 12

Terry avait passé une mauvaise journée. Pour commencer il n’avait guère dormi la nuit précédente : il était resté dans le noir à ruminer de sombres pensées. D’habitude, quand il était dans cet état, écrire lui faisait du bien, cela lui permettait de mettre à plat ses pensées et de les organiser. Après cela il se sentait plus serein. Mais depuis qu’il avait revu Candy tout se bousculait dans sa tête et il n’arrivait plus à fixer son attention sur le papier. Son esprit s’égarait, il revoyait des images d’elle, sentait son parfum de rose, entendait son rire… et la page restait blanche…

Il s’était finalement endormi au petit matin et quand il avait ouvert les yeux la matinée était déjà bien entamée. Il s’était habillé en vitesse et s’était précipité sur le port où il savait que le bateau de Patricia devait arriver d’après les indications que lui avait donné Albert. A peine arrivé à destination il avait vu le petit groupe se diriger vers le marché, il les avait suivi de loin et avait pu voir le sourire épanoui de la jeune fille. Elle était tout près et elle riait. Parmi tous les bruits de la foule c’était ce son qui résonnait dans ses oreilles. Il les avait observé toute la matinée cherchant le bon moment pour faire son apparition, mais contrairement au théâtre, où tout était écrit d’avance, il lui fallait improviser et il s’en était senti incapable… En début d’après-midi il les avait vu partir en carriole. Renonçant à les suivre il s’était de nouveau enfermé chez lui guettant par la fenêtre le moment de leur retour. Quand il avait enfin vu les lumières de la voiture approcher de la villa il s’était installé à sa table de travail et avait entrepris la rédaction d’une lettre. Celle-ci était destinée à Candy et il était bien décidé à tout faire pour qu’elle la lise un jour.

****

La jeune fille ouvrit les yeux de bonne heure. Elle avait fait un rêve et même si elle ne parvenait pas à s’en souvenir elle conservait un sentiment de plénitude. Elle avait hâte de partir en pique-nique, aussi elle descendit à la cuisine et proposa son aide pour préparer le repas qu’ils allaient emporter. Sarah, la vieille domestique, sourit face à son enthousiasme et lui répondit qu’elle ne pouvait rien faire tant qu’on ne lui aurait pas livré le pain.

- Oh…dit Candy déçue. Puis retrouvant tout son entrain elle proposa d’aller le chercher elle-même.

- Mais enfin Mademoiselle, vous n’y pensez pas…

- Bien sûr que si Sarah ! Je sais qu’il y a une vieille bicyclette dans la remise, mon cousin s’en servait autrefois, j’aurais vite fait de descendre au village et d’en revenir !

- Mais…

- Ne vous inquiétez pas Sarah ! A tout à l’heure !

Et la jeune femme partit en courant.

Le trajet jusqu’au village ne fut pas long en effet. Le boulanger fut étonné de voir arriver cette jolie jeune fille de si bon matin, elle était tellement souriante et gentille qu’il lui offrit un petit pain au lait qu’il venait de cuire agrémenté d’une barre de chocolat.

- Vous allez voir, lui dit-il, mes petits enfants en raffolent !

Candy le remercia et lui dit que cela avait été un plaisir de venir faire cette course, et puis cela évitait à son apprenti de monter inutilement jusqu’à la villa.

- Pas vraiment Mademoiselle, Peter devra y monter de toutes façons, il a une autre commande à livrer.

- Ah bon ? Mais donnez moi tout dans ce cas, je ne suis pas très pressée !

- Oh mais ce n’est pas pour chez vous Mademoiselle ! C’est pour le château qui se trouve à proximité.

- Le château ? Vous voulez dire… celui des Grandchester…. ?

- Oui c’est cela ! Le propriétaire est arrivé il y a deux jours, il ne vient pas souvent… Il faut dire que cela fait un bout de chemin depuis l’Amérique hein !

Candy avait pali, pendant quelques secondes elle n’avait pu prononcer un mot, puis d’une voix blanche elle demanda :

- L’Amérique ? Mais… je croyais que le Duc vivait en Angleterre…

- Oh le vieux Lord oui ! Mais il n’est plus venu depuis des années ! C’est son fils qui vient parfois, il est acteur à ce qu’il parait…Cela m’étonne un peu venant d’un aristocrate mais bon… de nos jours plus rien ne me surprend !

La jeune fille sourit poliment, elle prit congé du vieux boulanger et regagna lentement s bicyclette.

« Terry…Terry était ici… Etait-ce possible ? Et il serait arrivé deux jours auparavant, c'est-à-dire en même temps qu’eux…Non, cela ne se pouvait pas… Et pourtant… Il fallait qu’elle en ait le cœur net ! »

Prise d’une soudaine inspiration elle fit demi-tour et proposa au boulanger de se charger de la commande du château. D’abord surprit il refusa prétextant que c’était le travail de son apprenti, mais elle se montra si charmante et persuasive qu’il finit par accepter. Après tout cela lui rendrait bien service d’avoir Peter de disponible.

Candy reprit donc sa route lourdement chargée. Pourtant elle pédala à toute vitesse. Parvenue à la villa elle confia le pain à une Sarah interloquée et repartit en trombe sur son deux-roues. Tout son être tendait vers un seul objectif : parvenir au château et vérifier de ses yeux la présence de Terry en Ecosse… ou non….

Lorsqu’elle parvint aux grilles de la demeure son cœur cognait très fort dans sa poitrine. Elle marqua un bref arrêt avant de pousser les grilles d’un geste résolu. Devant la lourde porte elle hésita : le jeune apprenti boulanger devait passer par la porte de service pour effectuer ses livraisons, est-ce que quelqu’un lui répondrait si elle frappait à la porte principale ? Elle venait de tourner les talons dans le but de gagner l’arrière de la bâtisse où se trouvaient les cuisines quand elle entendit les gonds grincer. Elle se retourna et retint son souffle.

****

Malgré le fait qu’il se soit couché à une heure tardive Terry s’était également réveillé de bonne heure suite à un rêve particulièrement agréable. Mais contrairement à la jeune femme il s’en souvenait parfaitement. Il avait encore en tête la sensation de chaleur qu’il avait ressenti en la tenant dans ses bras, il revoyait l’éclat de ses yeux quand elle lui avait murmuré « je t’aime », enfin il ne pouvait chasser de son esprit la douceur de ses lèvres qu’il avait senti en l’embrassant. Oui cela avait été un très beau rêve et il était bien décidé à ce qu’il devienne réalité !

Il ne connaissait pas le programme du petit groupe pour la journée mais il avait la ferme attention de se trouver sur leur chemin et de se joindre à eux !

Aussi quelle ne fut pas sa surprise de trouver Candy devant sa porte lorsqu’il sortit de chez lui… Il lui sembla que tout ce qui suivit se déroula au ralenti : elle se retourna, posa les yeux sur lui, sa bouche se mit à bouger. Il ne comprenait pas ce qu’elle disait mais elle était là ! Devant lui !

****

Lorsqu’elle se retourna Candy eut un choc en voyant Terry sortir sur le perron. Ses yeux s’agrandirent sous l’effet de la stupeur, son regard croisa le sien et elle ne put que murmurer « C’est bien toi… »

****

Quand Terry retrouva ses esprits, seules quelques secondes s’étaient écoulées mais il lui semblait que cela faisait des heures, non des années qu’il vivait ce moment ! Il se força à respirer, une fois, deux fois, puis il prit la parole :

- Candy… ça alors ! C’est gentil de venir me rendre une petite visite ! Et en plus tu ne viens pas les mains vides…

Il ne savait pas ce qu’elle faisait avec ce panier rempli de pain et de brioches dorées mais il s’en fichait, tout ce qui comptait c’était qu’elle soit là…

- Heu oui… je suis venue apporter ça à ta cuisinière… ça vient de la boulangerie…

- Oh ! Tu as donc changé de métier ? Celui d’infirmière ne te convenait plus ? demanda-t-il d’un ton taquin

Piquée au vif, Candy retrouva toute sa fougue.

- Bien sûr que non ! Mais j’ai appris que Monsieur était de passage alors je voulais te saluer !

- C’est très aimable à toi Taches de Son ! Je m’apprêtais moi-même à vous rendre une petite visite de politesse…

- Vraiment ? C’est trop d’honneur pour nous ! Mais heureusement que je suis passée ou tu en aurais été pour tes frais…

- Ah ? Vous partez ?

- Oui, nous avons décidé d’aller pique-niquer…

- C’est une bonne idée avec ce temps, je dois le reconnaître ! Sais-tu vers où vous allez ?

- Non, mais Andrew nous a dit qu’il y avait plein de petits endroits charmants dans le coin…

- C’est exact et si vous avez besoin d’un guide, n’hésitez pas… Je connais assez bien la région !

- Andrew nous accompagne mais si tu veux venir tu es le bienvenu…

- Ah oui ? Je ne voudrais pas être de trop…

Candy soupira. Elle était fatiguée de cette joute verbale où chacun essayait d’en dire le moins possible pour ne pas révéler ses sentiments. Ils n’y avaient que trop joué auparavant et elle en avait assez.

- Terry, tu es invité à te joindre à nous, nous partons dans une heure, prends un cheval et retrouves nous à la villa si tu en as envie.

Puis sans lui laisser le temps de répondre elle lui lança « A tout à l’heure » et s’éloigna.

« A tout à l’heure… » répéta le jeune acteur « Elle est donc si sûre que je viendrai…. » et un sourire passa sur son visage.


Fin du chapitre 12

Chapitre 13

Lorsque Terry arriva, les jeunes gens étaient regroupés devant l’écurie. Le vieux Sam finissait de charger les provisions dans la carriole que conduirait Archibald. Annie et Patty portaient de jolies robes claires agrémentées d’une ombrelle. Un peu plus loin se tenaient Candy et Andrew, tous deux en habits d’équitation. Andrew lui présentait le cheval qui serait le sien pendant la journée et qu’un palefrenier avait amené le matin même avec celui de son maître.

Terry ne put qu’admirer la silhouette parfaite de la jeune fille mise en valeur par un pantalon blanc et une veste ajustée d’un vert profond. Ses cheveux étaient relevés et maintenus par un chapeau de la même teinte que la veste. Elle se retourna en l’entendant arriver et il fut une fois de plus subjugué par ses yeux dont l’éclat était rehaussé par la couleur de sa tenue. Andrew n’était pas en reste : il avait choisi pour sa part un habit traditionnel écossais dont les dominantes vertes se mariait parfaitement au costume de Candy.

Terry eut un pincement au cœur en les voyant à nouveau si proches et ainsi assortis.

Si tous furent surpris de voir Terry, personne ne fit de commentaire. Seul Archibald lui lança un regard furieux. Il se doutait que tout cela faisait parti des plans d’Albert, bien qu’il n’aurait jamais imaginé qu’il puisse aller jusque là. Il avait espéré après la soirée que l’acteur disparaîtrait de leur vie. Après tout Candy l’avait ignoré pendant une bonne partie du bal et il pensait naïvement que cela signifiait qu’elle n’éprouvait plus rien pour lui. Apparemment ses connaissances en matière de psychologie étaient à revoir… Il s’en rendit compte lorsque Annie lui murmura à l’oreille « J’étais sûre qu’il serait en Ecosse ! » Lui-même n’avait rien vu venir.

Candy expliqua brièvement qu’elle avait croisé le jeune homme le matin même et qu’elle l’avait invité à se joindre à eux. Patty fit remarquer qu’Eliza allait être fortement déçue de ne pas s’être levée pour les accompagner. En effet la veille elle s’était rendue en visite avec la Grand-Tante et elle y avait rencontré un charmant aristocrate, fils d’une bonne famille anglaise. Comme celui-ci n’avait jamais rencontré Candy, la jeune fille s’était dit qu’elle avait une chance d’attirer son attention. Elle avait ainsi déployé tous les charmes dont elle était capable et le jeune homme s’était vu contraint de l’inviter à jouer au cricketle lendemain.

Daniel pour sa part ne s’était pas montré de la journée et personne ne savait quel était son programme, ce qui était aussi bien du point de vue de tous.

Peu de temps après le petit groupe se mit en route. Andrew ouvrait la marche sur un superbe Anglo-arabe de couleur fauve. Puis venait la voiture accompagnée par Candy qui tentait de se donner une contenance en bavardant avec ses amis. Enfin suivait Terry qui montait un Pur-sang arabe d’une blancheur éclatante. Grâce à sa position de fin de file il pouvait observer à loisirs celle qui occupait ses pensées : la courbe de son dos qui se terminait par une taille fine, sa nuque blanche sur laquelle flottaient quelques mèches blondes indisciplinées et, par intermittence, son profil qu’il jugeait digne des déesses antiques. Il fut interrompu dans sa rêverie par un regard de Patricia, celle-ci venait en effet de le surprendre en pleine contemplation ce qui le fit rougir. Or, à son grand étonnement, la jeune fille lui adressa un sourire complice. Après quoi elle se pencha vers son amie et lui dit quelques mots. Candy se retourna et lui jeta un coup d’œil, elle répondit à sa camarade puis fit ralentir sa monture jusqu’à se retrouver à la hauteur du jeune homme.

- Est-ce que tout va bien Terry ?

- Bien sûr ! répondit le jeune homme intrigué. Pourquoi cette question ?

- Patty me disait qu’elle te trouvait songeur…

Au fond d’elle Candy brûlait de l’interroger sur la nouvelle absence de Suzanne mais prononcer son nom lui était trop douloureux et, comme lors de sa soirée d’anniversaire, elle redoutait sa réponse. Elle espérait de tout son cœur que la jeune femme ne se trouvait pas en Ecosse car la voir, et plus encore, la voir en compagnie de Terry, serait au dessus de ses forces. Pourtant, si elle avait été au château elle doutait que Terry soit parti toute la journée en la laissant seule… Mais si elle ne se trouvait pas en Ecosse où était-elle alors ? Cela faisait deux fois que l’acteur se déplaçait seul… L’avait-il laissé à New York ? Si oui pourquoi ?

Au fond de son cœur brillait l’espoir qu’il ait pu la quitter mais sa conscience lui disait que c’était mal d’émettre un tel souhait. Et puis elle connaissait le jeune homme : jamais il ne serait revenu sur sa parole ! Du moins elle l’espérait…

Quel que soit l’angle sous lequel elle observait les faits la conclusion qui lui venait à l’esprit était qu’elle n’était pas sûre de pouvoir résister une nouvelle fois au chagrin de le voir repartir vers Suzanne.

La colère s’empara d’elle : de quel droit revenait-il la faire souffrir ?

- Bon puisque tout semble aller pour le mieux pour toi c’est parfait ! lui dit-elle d’un ton acerbe.

Elle éperonna son cheval et au petit trot elle rejoignit Andrew qui l’accueillit avec le sourire.

Terry ne comprit pas son brusque changement d’humeur, il n’avait rien dit qui puisse lui déplaire. Sentant la moutarde lui monter au nez il partit au galop et les dépassa. Des larmes de rage naissaient dans ses yeux : après tout ce temps, après tout ce qu’il avait enduré il avait espéré pouvoir enfin connaître le bonheur avec celle qu’il aimait depuis cette nuit brumeuse de la Saint Sylvestre. Et alors qu’il s’était attendu à ce qu’elle soit heureuse également de le revoir voilà qu’à chaque entrevue elle prenait la mouche et s’empressait de rejoindre son petit écossais! Qu’a cela ne tienne, ils pouvaient bien aller au diable tous les deux !

Il ralentit son allure et effaça d’un geste brusque les traces que les larmes avaient laissées sur son visage.

Parvenu au bord d’un petit ruisseau il descendit de sa monture et envoya un coup de pied dans un caillou qui se trouvait devant lui. C’est alors qu’il entendit un bruit de galop se rapprocher. Il se retourna et vit surgir Andrew sur le sentier qui menait à la berge. Parvenu à sa hauteur le jeune homme sauta à terre mais avant qu’il ait pu prononcer un mot Terry lui décocha un coup de poing dans la mâchoire. Il recula sous l’effet de l’impact mais nullement surprit par le geste de l’acteur auquel il s’attendait plus ou moins. Il riposta de la même manière. Ceci eut pour effet de libérer la colère que retenait Terry envers son rival et le combat s’engagea entre les deux partis. L’acteur avait beau être en excellente condition physique il s’aperçut rapidement que son adversaire avait le dessus : Andrew calculait parfaitement chacun de ses coups contrairement à lui qui frappait avec une énergie rageuse.

A bout de souffle il s’arrêta et considéra son adversaire.

- Pourquoi m’as-tu suivi ? lui demanda-t-il.

- Parce que je voulais te parler.

- Et pourquoi me frappes-tu alors ?

- Parce que tu as commencé !

Terry le regarda un instant puis éclata de rire.

- C’est vrai : c’est moi qui a commencé !

- Oui et je pense que j’en connais la raison.

A ces mots le jeune acteur retrouva immédiatement son regard dur et froid et Andrew fut une fois de plus surpris de voir à quelle vitesse l’expression de ses yeux pouvait changer.

- Vraiment ? Tu crois donc me connaître après m’avoir vu seulement deux fois ? Cela me semble bien présomptueux de ta part…

- Je ne prétends pas te connaître, en revanche je sais que mon amitié avec Candy n’est pas étrangère au ressentiment que tu éprouves pour moi.

- Il n’y a plus rien depuis longtemps entre Candy et moi ! s’exclama le jeune homme vexé d’être ainsi mis à nu par un parfait étranger.

- Vraiment ? répondit Andrew sur le même ton ironique que l’acteur quelques instants plus tôt.

Terry résista à l’envie de lui balancer à nouveau son poing dans la figure. S’efforçant de garder son calme il lui rétorqua :

- Qu’avais-tu à me dire de si important alors ?

- Qu’il faut que tu parles à Candy de manière franche. Archibald m’a raconté ce qu’il s’est passé entre vous au Collège, puis à New York, j’ai vu Candy pleurer à cause de toi…

- Ah oui ? Les rares fois où je vous ai vu ensemble elle n’avait pourtant pas l’air très malheureuse !

Il sentait la colère le reprendre mais au prix d’un immense effort il écouta la réponse du jeune homme.

- Tu connais Candy mieux que moi, tu sais à quel point c’est une fille forte et fière…Elle évite tant qu’elle peut de montrer aux autres qu’elle souffre.

- Qu’elle souffre ? Tu n’as pas bien regarder : elle ne cesse de m’envoyer balader !

- Je crois qu’elle ne sait pas ce qu’elle doit attendre de toi…

- Comment cela ?

- Je crois que tu devrais lui apprendre le décès de ta fiancée…

Cette fois Terry resta sans voix. Andrew comprit à son air stupéfait que l’acteur ne s’attendait pas à cela. Il le laissa digérer l’information.

- Tu veux dire que Candy ne sait pas que Suzanne est morte ?

Andrew acquiesça.

- Mais je pensais que…Comment est-ce possible ? Tous les journaux en ont fait les gros titres !

- A New York sans doute…

- Mais… Albert… Albert était au courant pourtant!

- En effet mais Archibald m’a confié qu’il n’en avait rien dit à Candy. Apparemment il estimait que c’était à toi de le faire… quand tu t’en sentirais prêt.

Les pensées se bousculaient dans la tête du jeune homme. Ainsi Candy croyait que Suzanne était toujours vivante ! Cela expliquait pourquoi elle était tellement froide avec lui : elle devait penser qu’il avait trahi leur promesse !

- Où est-elle ? demanda le garçon en attrapant Andrew par le col. Dis-moi où tu les as laissé !

- Je leur ai donné rendez vous au bord du ruisseau, en amont, il y a un moulin à eau et…

- Merci, j’y vais.

Il allait remonter sur son cheval quand Andrew le retint par le bras.

- Attends…

- Quoi ? Qu’est ce qu’il y a encore ?

- Est-ce que je peux te donner un conseil ?

- Lequel ?

- Vas-y en douceur. Je ne veux pas me mêler de tes affaires mais je crois que tu devrais lui faire redécouvrir celui dont elle est tombé amoureuse… enfin c’est ce que te conseillerait ma grand-mère… alors ça vaut ce que ça vaut !

Terry éclata de rire. Il était étonné que le garçon lui donne des conseils de « séduction » alors qu’il aurait dû au contraire tout faire pour l’éloigner de Candy. Résistant au désir de courir rejoindre sa bien aimée il lui demanda pourquoi il semblait vouloir les réconcilier.

- Parce que vous vous aimez.

De nouveau Terry fut surpris par la franchise du jeune homme.

- Et toi, tu n’es pas amoureux d’elle ?

- Est-ce que tu connais un homme qui ne l’aime pas ? répondit-il avec un sourire. Son oncle et son cousin lui ont présenté une foule de prétendants mais aucun n’a retenu son attention. J’ai espéré un moment être le chanceux qui remporterait son cœur mais j’ai vite compris mon erreur lorsque tu es apparu… Toi seul a le droit d’y prétendre et je souhaite de tout cœur que vous puissiez vous retrouver car Candy est une femme extraordinaire et elle mérite d’être heureuse.

Terry fut ému par le discours du garçon, il respirait la franchise et il sentait qu’il avait en face de lui un allié plutôt qu’un rival. Il lui tendit la main et lui sourit.

- Merci Andrew et pardon de t’avoir un peu cogné…

- Oh ce n’est rien ! Ca nous a défoulé ! lui dit-il avec un clin d’œil. Bien, on devrait y aller avant qu’ils ne décident de se lancer à notre recherche !

- Ok, je te suis.

Fin du chapitre 13

Chapitre 14

Andrew avait raison de penser que leurs amis s’inquièteraient de ne pas les voir réapparaître. Candy était déjà en selle, prête à partir les retrouver tandis qu’Archibald, plus raisonnable et plus confiant envers le caractère diplomate d’Andrew, hésitait à la suivre. Ce fut Patty qui la première les vit émerger du sous-bois. A son exclamation tous se retournèrent et observèrent les deux garçons approcher. Suspicieuse, Candy les détailla des pieds à la tête. Son regard s’arrêta sur le léger hématome qui commençait à colorer la joue de Terry. Lorsqu’elle lui en demanda la cause le garçon répondit, un peu gêné, que son cheval lui avait donné un coup de tête alors qu’il essayait de le faire avancer. L’explication du jeune homme laissa Candy dubitative mais Andrew s’empressa de confirmer l’histoire et comme ce dernier ne semblait pas avoir de trace d’une éventuelle bagarre elle dût s’en contenter.

A sa grande surprise Terry avait retrouvé le sourire et semblait disposé à passer la journée avec eux. Il fut charmant, aussi bien avec les demoiselles qu’avec Archibald et Andrew.

Le jeune Cornwell était étonné de la facilité avec laquelle Terry était revenu à la raison. Il se souvenait de son caractère emporté et de sa tendance à ne rien pardonner…Il gardait encore en mémoire le coup qu’il avait reçu pour s’être trompé de chambre et qui avait marqué le début de leur animosité. Qu’avait donc bien pu lui dire Andrew pour opérer un tel revirement ?

Ce dernier était satisfait de voir que le jeune homme avait écouté son conseil. Si Candy s’était montrée méfiante au début, à présent elle paraissait détendue et riait à gorge déployée aux histoires de son ami.

Le petit groupe choisit de pique-niquer au bord de la rivière afin de profiter de la fraîcheur de l’eau. Le repas était délicieux et tous se sentaient somnolents en ce début d’après midi. Tous sauf Terry qui ne perdait pas de vue son objectif qui était de reconquérir Candy. Le jeune homme lui proposa une promenade le long de la rivière. Surprise, mais heureuse de voir son ami d’aussi bonne humeur, elle accepta. Tous deux s’éloignèrent donc sous le regard de leurs camarades stupéfaits par la tournure que prenaient les évènements. Annie ne put s’empêcher de s’étonner à haute voix de l’attitude de Terry qui était censé être fiancé. Les deux garçons échangèrent un regard et ce fut finalement Archibald qui prit la parole.

- En fait Albert m’a apprit une nouvelle juste avant que nous partions…

- Ah oui ? Laquelle ?

- Et bien voilà, Suzanne, la fiancée de Terrence, est décédée l’année dernière…

- Comment ??? s’écrièrent les jeunes filles d’une seule voix.

- Mais…Candy n’est pas au courant n’est ce pas ? demanda Patty.

- Non, Albert ne lui a rien dit.

- Mais pourquoi ? s’étonna Annie. Pourquoi ne lui a-t-il rien dit ? Et pourquoi attendre aussi longtemps ?

Ce fut Andrew qui prit la parole.

- Je ne connais pas beaucoup Terrence mais la perte de sa fiancée a dû le marquer, même si d’après ce que j’ai compris il n’était avec elle que par devoir. Je pense qu’Albert a jugé préférable de le laisser tourner la page et à mon sens il a eu raison… Quant à ce qui est de laisser à Terrence le soin d’annoncer la nouvelle à Candy, je pense qu’il a eu aussi entièrement raison : c’est à eux de régler leurs histoires, Albert leur a juste permit de se retrouver face à face pour le faire.

Les deux jeunes filles admirent qu’il avait raison mais elles s’inquiétaient de la réaction de leur amie à cette nouvelle…

****

Pendant ce temps les deux jeunes gens avançaient sous le couvert du bois sans but précis. Terry avait simplement voulu éloigner la jeune fille du groupe afin de pouvoir lui parler en tête à tête mais à présent il ne savait pas comment par où commencer. Pour la première fois depuis qu’il l’avait revu il souhaitait qu’elle amène d’elle même la conversation sur Suzanne! Si au moins Albert lui avait dit qu’elle n’était pas au courant de sa mort il n’aurait pas été stupéfait chaque fois qu’elle avait prononcé son nom et elle saurait déjà la vérité! De plus, avoir cette conversation lui coûtait. Il n’aimait pas évoquer sa défunte fiancée et le faire avec Candy était la dernière chose dont il avait envie ! La seule chose dont il rêvait était de la prendre dans ses bras et de lui dire qu’il l’aimait .

Candy ne comprenait pas pourquoi son compagnon restait silencieux. Elle se doutait qu’il l’avait amené à l’écart pour lui parler, mais depuis qu’ils étaient partis il n’avait pas dit un mot ! Pourtant elle-même avait quelques questions à lui poser mais cela lui répugnait et elle reculait au maximum le moment fatidique.

Après quelques minutes de marche silencieuse supplémentaires elle n’y tint plus et prit la parole.

- Terry, je suis désolée de te demander ça mais est-ce que tu as quelque chose de particulier à me dire ?

Le jeune homme fut surprit par cette attaque directe.

- Heu…oui…oui en effet je voulais te parler.

- Bien. Moi aussi j’avais des choses à te dire.

- Ah. Et bien vas-y, à toi l’honneur !

- Tu es sûr ?

Le garçon acquiesça. Lâchement il espérait qu’elle lui parlerait de Suzanne et c’est ce qui se passa. Elle lui dit qu’elle était très heureuse de le revoir mais qu’elle s’inquiétait qu’il ne soit pas avec Suzanne et elle se demandait si quelque chose n’allait pas. Il s’éclaircit la voix avant de lui répondre.

- C’était justement ce sujet que je voulais aborder avec toi… En fait, je ne sais pas pourquoi Albert ne t’a rien dit, j’imagine qu’il préférait que tu l’apprennes par moi, mais voilà… Suzanne est morte il y a un an.

Il se tut et attendit la réaction de la jeune femme. Celle-ci pâlit subitement.

- Co…Comment ?

- Elle est morte d’une longue maladie qui l’a affaibli et…

- Ce n’est pas possible ! s’écria-t-elle. Je te l’avais confiée ! Tu devais prendre soin d’elle !

- Je n’y pouvais rien Candy, elle était malade et…

- NON !! On s’est sacrifié pour elle ! On s’est sacrifié pour qu’elle soit heureuse ! Elle ne peut pas être morte !

- Candy…

Mais la jeune fille ne l’écoutait pas. Elle revivait dans sa tête leur terrible séparation, le face à face avec Suzanne, sa douleur quand elle avait compris que la jeune actrice était réellement amoureuse de lui et qu’elle devait s’effacer pour le laisser à ses côtés, qu’elle avait besoin de lui pour continuer à vivre… Elle entendait ses paroles résonner dans sa tête… « Quand je l’ai vu ce soir me prendre dans ses bras j’ai souhaité vivre même si je ne dois plus remonter sur scène… J’ai désiré revivre pour lui… et avec lui. »

« Oh Suzanne ! Tu avais Terry auprès de toi, tu devais être heureuse et vivre comme tu me l’avais promis ! Que s’est-il passé ? Pourquoi as-tu baissé les bras ? »

Avaient-ils donc souffert pour rien ? Elle sentit les larmes lui monter aux yeux.

- Elle n’avait pas le droit ! Elle n’avait pas le droit de mourir ! Puis prise d’un doute elle regarda son compagnon et lui demanda : est-ce que vous avez été heureux au moins ? Réponds moi Terry !

- Ne me demande pas ça Candy… répondit-il en baissant les yeux.

- Alors ça n’a vraiment servi à rien !

- Candy…

- Non tais-toi ! J’ai souffert de t’avoir perdu pendant quatre ans ! Quatre longues années à me dire que j’avais fait le bon choix, que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire… Et toi tu viens me dire que tout cela a été vain ! Que Suzanne est morte malgré tout!

Elle ne pouvait en supporter d’avantage. Elle partit en courant vers l’endroit où ils avaient laissé leurs amis.

- Candy !

Mais elle ne se retourna pas. Elle couru à perdre haleine et ne s’arrêta qu’en arrivant à l’arbre où était attaché son cheval. Et sous les yeux médusés de ses amis elle enfourcha sa monture et partit au galop. Quelques secondes après il virent arriver Terry en courant également.

- Candy…Où est-elle ?

- Elle vient de partir. Que s’est-il passé ? demanda Archibald.

- Je lui ai annoncé la mort de Suzanne…Ca a été un choc pour elle…

- Laisse lui le temps de digérer la nouvelle, lui conseilla Andrew.

- Mais…Il ne vaudrait peut être mieux pas la laisser toute seule… objecta Annie qui était inquiète de la réaction de son amie.

- C’est une fille forte, elle va se ressaisir… il lui faut juste un peu de temps.

- Tu as sans doute raison Andrew mais je ne peux pas rester sans rien faire ! Je pars à sa recherche !

Terry détacha à son tour son cheval et se mit en selle.

- Très bien, dit Archibald, moi non plus je ne peux pas la savoir seule dans cet état… Nous allons t’aider !

Le petit groupe se sépara : Archibald et les filles allaient longer les routes et chemins principaux tandis que Terry et Andrew inspecteraient la forêt chacun de leur côté.

Fin du chapitre 14

Chapitre 15

Pendant l’heure suivante, la forêt résonna d’appels. Le prénom de Candy fusait de toutes parts, fort et puissant de la bouche des garçons, plus faible et anxieux de la part des filles. Plus le temps passait, plus Terry se sentait inquiet. Il avait vu son visage se décomposer quand il lui avait annoncé la terrible nouvelle. Qu’avait donc bien pu lui dire Suzanne lorsqu’il les avait laissées seules dans la chambre d’hôpital pour qu’elle soit aussi troublée ? Qu’entendait-elle par « elle n’avait pas le droit de mourir » ? S’étaient-elles fait une promesse ? Etait-ce pour cette raison que Candy s’en était allée aussi rapidement ce soir là? Il devait la retrouver, il ne supportait pas de savoir qu’elle souffre par sa faute, lui qui avait crû que la mort de Suzanne faciliterait leur relation… C’était sans compter sur la droiture de la jeune femme, son esprit altruiste et son abnégation. Tout cela le fit sourire. Oui Candy était tout cela, et c’était exactement pour cela qu’il l’aimait : parce qu’elle faisait passer les autres avant elle.

****

Candy était bouleversée. Elle était en état de choc depuis que Terry lui avait annoncé la mort de Suzanne et incapable de penser à autre chose qu’à cette nouvelle. Elle était perdue dans ses pensées et laissait sa monture aller à son gré. Elle ne remarqua pas que le cheval la ramenait à son point de départ : la villa des André.

****

Terry et les autres s’étaient retrouvés et d’un commun accord ils avaient décidé de continuer les recherches en revenant vers la villa et le château. Après tout, c’étaient les seuls endroits où Candy était susceptible de se réfugier.

Le jeune homme masquait mal son impatience, il allait de l’avant et supportait mal de devoir attendre la calèche qui avançait plus lentement. Andrew remarqua son agacement et lui proposa de partir devant.

- Nous ne sommes plus très loin, lui dit-il, va jusqu’au château et vois si tu la trouves, pendant ce temps nous irons à la villa. On se retrouve là-bas et nous aviserons dans le cas où elle serait toujours introuvable.

Terry accepta sa proposition et partit au galop. Archibald grommela quelque chose en rapport avec le fait que l’acteur n’était pas le seul à être inquiet, puis il fit encore accélérer l’équipage. Les filles furent secouées mais elles serrèrent les dents et prièrent pour que leur amie soit là à leur arrivée.

****

Candy retrouva ses esprits en arrivant devant le lac. Elle ne savait pas comment elle était arrivée là. Elle vit au loin le manoir des Grandchester. « Terry… » Il fallait qu’elle le voit ! Il fallait qu’elle lui dise ce qu’elle avait sur le cœur, ce qui la rongeait depuis toutes ces années et qui venait de l’ébranler au plus profond de son être. Elle reprit fermement les rennes de sa jument en main.

- Pardon de t’avoir délaissée Etoile, dit-elle en flattant l’encolure de la bête qui hennit comme si elle était ravie de retrouver sa maîtresse. Tu as méritée de te reposer ma belle…

D’une légère pression elle lui fit accélérer le pas et la conduisit aux écuries de la villa en recommandant au palefrenier de bien la soigner.

Malgré son envie de voir Terry, elle s’obligea à gagner sa chambre afin de se rafraîchir et de se changer. L’eau fraîche lui fit du bien, puis elle passa une fine robe de percale rose qui mettait son teint en valeur.

Soudain elle entendit du bruit dans la cour. Elle s’approcha de la fenêtre et vit ses camarades qui venaient de franchir les grilles et se dirigeaient à leur tour vers l’écurie. Terry n’était pas avec eux… D’un geste vif elle prit le chapeau de paille qui traînait sur sa coiffeuse et se précipita dehors.

Lorsqu’elle arriva au bâtiment peint en rouge, elle vit le soulagement se peindre sur les traits de ses amis.

- Candy ! s’écria Annie en se précipitant vers elle. Tu nous as fait une de ses peurs ! Tu es là depuis longtemps.

- Non je viens d’arriver, même si je ne sais pas comment ! répondit-elle avec un clin d’œil. Puis elle se tourna vers Andrew et ajouta : Etoile m’a ramenée toute seule comme une grande ! C’est une jument adorable et très intelligente.

- Je suis heureux qu’il ne te soit rien arrivé Candy, répondit-il en souriant. Mais au risque de paraître prétentieux, j’avais fait exprès de te choisir une monture docile, pour le cas où… !

La jeune fille éclata de rire. Ses amis étaient soulagés de la voir si détendue, néanmoins Patty lui dit :

- Candy… Terry est mort d’inquiétude, il est allé chez lui dans l’espoir que tu y serais…

- Et bien je comptais m’y rendre justement. Je dois lui parler.

Elle était redevenue sérieuse.

- A propos, je suis désolée d’avoir gâché la journée… mais ce n’est que partie remise, promis !

- Ne t’en fait pas pour cela, lui répondit Annie. La journée n’est pas terminée et on peut encore aller faire un tour en barque! Maintenant va vite retrouver Terry…

- D’accord ! Et on vous rejoint pour une petite course sur le lac!

- Très bien, on vous attend là bas !

****

A peine Terry avait-il mis pied à terre qu’il s’élança chez lui. Il demanda à sa gouvernante si une jeune femme blonde s’était présentée mais elle lui répondit par la négative. Son inquiétude ne cessait de croître mais il s’obligea à aller prendre une douche et à passer des vêtements propres tant il se sentait poisseux d’avoir chevauché toute la journée. Dès qu’il se fut changé, il se rua à l’extérieur en priant pour que Candy soit rentrée à la villa. Aussi quelle ne fut pas sa surprise en la voyant surgir au détour d’un sentier.

- Candy ! s’exclama-t-il en la voyant. Dieu merci tu es là !

- Oui et je vais bien Terry, pardon de t’avoir inquiété…

Il se précipita vers elle mais s’arrêta avant de la prendre dans ses bras.

- Ne t’excuses pas, j’aurais dû t’annoncer la nouvelle d’une autre manière…

Elle se mit à rire gentiment.

- Je crois que tu aurais pu me l’annoncer de dix manières différentes que cela n’aurait rien changé… Je ne m’y attendais pas et cela a été un choc c’est tout.

Le jeune homme la regarda intensément.

- Mais il y a autre chose, n’est ce pas ?

Elle acquiesça d’un signe de tête.

- Tu veux bien qu’on marche un peu Terry ?

- Bien sûr.

Les deux gens marchèrent quelques minutes en silence, puis Candy finit par prendre la parole.

- Pendant la représentation de Roméo et Juliette, ce soir là… J’ai appris que Suzanne était hospitalisée par des ragots qui circulaient et j’ai également entendue qu’elle utilisait cet accident pour t’obliger à l’épouser… C’est pour lui parler que j’ai quitté la représentation pendant l’entracte… Je ne pouvais pas croire qu’elle te fasse du chantage alors qu’elle disait t’aimer…

- Candy…

- Non laisse moi parler s’il te plait !

Terry vit à quel point il était douloureux pour elle de revivre cette soirée, ses yeux brillaient de larmes durement contenues, il la laissa donc poursuivre.

- Je me suis précipitée à l’hôpital et j’ai trouvé la chambre vide… Il y avait juste un mot sur le lit disant qu’elle t’aimait et que rien n’était de ta faute…

Le jeune homme sursauta. Il ne connaissait pas l’existence de cette lettre. Ainsi Suzanne avait voulu le décharger de sa responsabilité…

- Sa mère…continua Candy, sa mère a compris qu’elle s’apprêtait à faire quelque chose d’irréparable et tout le monde s’est mis à fouiller l’hôpital… Mais j’ai été la seule sentir l’air froid qui venait de l’escalier menant sur le toit. J’ai couru là haut et je l’ai vue, agrippée à la rambarde de sécurité…

Sa voix se brisa mais elle se reprit immédiatement.

- Je…je n’ai pas réfléchi, je l’ai agrippée et je lui ai dit de ne pas sauter… Elle a été surprise de me voir…Et puis elle m’a dit de la laisser, qu’elle ne voulait pas faire ton malheur ni le mien, que c’était beaucoup mieux pour nous tous…

Les larmes coulaient à présent sur son visage mais elle se força à poursuivre.

- A ce moment là j’ai compris qu’elle t’aimait sincèrement et que toi seul pouvais lui redonner goût à la vie… Et puis tu es arrivé… Tu l’as prise dans tes bras, elle semblait si confiante tout à coup, elle s’accrochait à toi comme si sa vie en dépendait et c’était le cas… Puis je suis allée la voir dans sa chambre, elle était radieuse, ta seule présence avait suffit à la réconforter… En même temps, elle savait ce que nous ressentions l’un pour l’autre et elle ne voulait pas s’immiscer entre nous, mais de la voir devant moi, si pleine d’espoir…Je n’ai pas eu le cœur de la laisser seule… Mais ce qui ma fait le plus mal Terry, ça a été ce que j’ai ressenti pendant une fraction de seconde…

Elle s’arrêta, incapable d’aller plus loin. Terry lui fit face et la prit par les épaules la forçant à le regarder.

- Quoi Candy ? Qu’as-tu ressenti ? lui demanda-t-il d’une voix douce.

Elle se cacha le visage dans les mains et répondit d’une voix sourde :

- J’ai souhaité qu’elle soit morte… Pendant quelques instants, j’ai souhaité ne pas être arrivée à temps, ne pas l’avoir sauvée…

Les sanglots la secouèrent. Le garçon la prit dans ses bras et la berça contre lui.

- Oh Terry, je m’en suis tellement voulue… J’étais…Je suis infirmière ! Et quoi qu’il arrive je dois toujours penser avant tout au bien de mes patients… Mais là, c’était plus fort que moi ! Je ne pouvais penser qu’à moi et à mon amour pour toi… Je ne voulais pas te perdre Terry ! Je ne voulais pas…

- Je le sais Candy…

- Cela n’a duré que quelques secondes, après cela je me suis repris et je me suis jurée de m’effacer, pour son bien… Elle m’avait promis de vivre… pour toi et de prendre soin de toi. Ensuite je t’ai vu dans les escaliers et de nouveau mon cœur a souhaité qu’elle soit morte… Oh c’était horrible Terry ! Je me sentais si abjecte de penser cela ! J’étais pressée de partir, pressée de ne plus voir ton visage ravagé par la douleur… Pressée d’oublier…

- Candy, tu ne peux pas t’en vouloir d’avoir pensé cela… Tu t’es effacée pour son bien, tu l’as faite passer avant toi !

- Peut être, mais j’ai continué à avoir cette pensée dans mon cœur… Pendant toutes ces années c’était encore présent au fond de moi ! J’avais beau le refouler, m’interdire d’y songer mais au fond de moi JE SOUHAITAIS QU’ELLE MEURE !!!

Fin du chapitre 15


© zazou
2007