La petite princesse
par Séraphine

 

Chapitre 3

Des voies différentes

 

En ce premier jour de janvier 1915, la nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre. Tous les journaux ne parlaient que de çà. Suzanna Marlowe, la grande comédienne, s’était enfin réveillée de son long coma. En se rendant à l’hôpital pour relever les infirmières qui avaient été de garde depuis la veille au soir, Candy et Flanny n’entendirent les gens ne parler plus que de çà. Curieuses de savoir de quelle manière grandiloquente les journaux annonçaient la nouvelle, elles s’arrêtèrent à un kiosque et achetèrent un exemplaire du "New York Herald", et bien qu’elles savaient avoir plus d’informations, et plus fiables, une fois arrivées sur leur lieu de travail. Mais la curiosité féminine étant ce qu’elle est, elles ne purent s’en empêcher.

Candy se demanda quoi faire. Elle ne voulait pas être vue ni par Suzanna, ni par sa mère, et surtout pas par Terry. Elle irait voir Mary dès son arrivée, Flanny se proposant de la remplacer.

Arrivées à l’hôpital, elles virent une foule compacte de reporters agglomérés autour de l’entrée principale, une dizaine d’infirmières leur barrant l’accès du hall depuis l’intérieur du bâtiment. Entre le flot de questions qu’ils déversaient, Candy et Flanny parvinrent à entendre : « Partez, vous n’avez pas le droit d’entrer. Vous troublez le repos de nos patients. Nous vous donnerons des nouvelles de sa santé dès que ses proches seront arrivés ».

Elles se dirent qu’il valait mieux se faire discrètes pour ne pas être elles non plus harcelées de questions, et firent donc le tour du bâtiment pour rentrer par la porte de la buanderie de l’hôpital. De là, elles se rendirent directement au bureau de Mary. Quand elles entrèrent, elles trouvèrent une Mary dans une rage noire.

-Voici le topo, leur dit-elle sans autre formule de politesse. Elles comprirent que la situation devenait ingérable. Suzanna s’est réveillée. Vous avez du le comprendre en arrivant. Candy, tu n’as donc plus besoin de la veiller. Tu t’occuperas d’autres patients en chirurgie dorénavant. Tu devras juste la traiter comme tout autre patient dès à présent. Et…Mais Candy ne la laissa pas patienter.

-A ce propos Mary, maintenant qu’elle est sortie de son coma, je ne souhaite plus m’occuper d’elle.

-Comment ! Mary était déconcertée. Elle qui s’en était si bien occupée jusqu’alors, que se passait-il ?

-Mais, continua t-elle, Flanny est d’accord pour prendre la relève.

-Pourquoi Candy ? Mary ne comprenait vraiment plus. Candy ne savait que répondre. C’est Flanny qui la tira d’embarras.

-Candy estime que je serai plus à même d’avoir du répondant face aux caprices d’une star du théâtre. Elle craint d’être trop gentille avec elle, et d’accéder à toutes ses requêtes.

-Ah, si c’est çà, je suis d’accord. Je crois même dans ce cas que c’est agir dans l’intérêt du patient. Mais revenons à ce que je voulais dire. Donc Flanny, tu vas aller t’occuper de Suzanna, et toi Candy, tu vas aller avec un groupe d’infirmières qui fait la chasse aux journalistes déguisés en faux médecins : elles n’ont personne du service de chirurgie pour reconnaître le vrai personnel. Et n’hésite surtout pas à utiliser la force pour me les renvoyer dehors si besoin est.

Elles sortaient du bureau quand Candy se retourna, et demanda à Mary avec un clin d’oeil, et un demi sourire :

-J’ai le droit de les menacer d’une piqûre ?

-Candy ! Firent Flanny et Mary en chœur, mi-amusées, mi-interdites par cette remarque. Elles se regardèrent toutes les trois d’un air grave et sérieux, puis éclatèrent de rire en imaginant le comique de la situation !

Cette chasse était vraiment épuisante. Il sortait des journalistes de partout. N’y avait-il donc aucune autre nouvelle à couvrir, rien de plus important ? Il fallait vraiment croire que non. Ils étaient d’un tel sans-gêne et d’une telle indiscrétion, comme si Suzanna n’était pas une personne, mais un simple concept. Ils n’avaient pas une once de respect pour cette femme malade amputée d’une jambe et couchée dans le lit d’une chambre d’hôpital. Candy et ses collègues avaient un mal fou à refouler cette masse en dehors du bâtiment, et laissant tant que possible une place aux familles des patients, et aux nouveaux patients. A un moment, enfin, il leur sembla qu’ils partaient enfin. Elles purent alors souffler.

Cependant, si les journalistes refluaient vers le portail de l’hôpital, ce n’étaient pas parce qu’ils partaient, vaincus, mais parce que la voiture qui conduisait Terrence Grandchester et Madame Marlowe au chevet de Suzanna venait d’entrer. Les choses se passèrent rapidement. La voiture suivit péniblement le tracé de l’allée, entourée par une foule de journalistes et un matraquage sauvage d’appareils photographiques, et s’arrêta devant l’entrée. Les infirmières, qui avaient attendu que les reporters franchissent le portail pour reprendre leurs activités habituelles, se préparèrent à ce nouvel assaut. Candy était toujours là, mais, à cause de l’importante et compacte foule journalistique, elle n’aperçut pas Terry… Elle ne le vit qu’au dernier moment, quand, à l’entrée du bâtiment, chacun, prit dans la mêlée, leva la tête en direction de l’autre, et que leurs regards se croisèrent. Si Candy par contre savait que Terry était bel et bien là, Il crut quant à lui à une hallucination. « Je pense à elle tellement fort que je me mets à la voir parmi ces infirmières ». Il ferma les yeux douloureusement et secoua la tête pour chasser ce qu’il pensait être une image, et une fois les yeux rouverts la vision avait disparue. En fait, Candy avait profité de ce laps de temps pour quitter le champ de vision de Terry. Terry… il avait l’air si perdu…. Mon amour…

Une fois débarrassés de la cohorte des journalistes, Terry et Madame Marlowe purent enfin se rendre sans encombre auprès de Suzanna. Arrivés devant le seuil de la porte, celle-ci s’ouvrit, faisant place à Flanny, venue pour administrer ses soins à Suzanna et voir si celle-ci ne manquait de rien. Si Candy était pour Terry une vision, l’image de Flanny sur sa rétine était elle bien réelle, et il ne mit qu’un court instant pour retrouver où il l’avait vu. En lui-même il se dit « Mais c’est le serpent à lunettes qui était à l’hôpital de Chicago, et qui m’avait empêché de voir Candy. Alors elle est ici maintenant. J’espère pour Suzanna que son infect caractère s’est amélioré depuis la dernière fois que je l’ai croisé ». Flanny elle aussi avait reconnut le jeune acteur, mais tout comme Terry, fit comme si c’était la première fois qu’elle le voyait. La jeune infirmière les laissa entrer dans la pièce, avant elle-même de la quitter pour s’occuper de ses autres patients.

La pièce était spacieuse, bien ensoleillée, et remplie de bouquets de fleurs amenés par Madame Marlowe et Terry, ou envoyés par la foule des admirateurs de l’actrice, comme autant de messages de sympathie et de souhaits de prompt rétablissement. Celle-ci était assise dans son lit, un traversin et de moelleux oreillers lui callaient bien le dos, et une chaude étole recouvrait ses frêles épaules. Elle regardait à travers les grandes vitres le parc de l’hôpital, et les gens qui s’y promenaient. A leur entrée, elle tourna lentement la tête, et ils virent que ses yeux étaient rouges, signe qu’elle avait versé beaucoup de larmes depuis la veille au soir. Elle les accueillit cependant d’un de ses si gracieux sourires, et leur dit un timide « bonjour ».

Madame Marlowe, submergée par le bonheur de voir sa fille enfin réveillée et en bonne santé, se jeta à son cou tout en pleurant toutes les larmes de son corps.

-Suzanna, oh mon Dieu, je suis si heureuse que tu te sois enfin réveillée, nous étions tous si inquiets… Pourquoi… Que…L’émotion, toutes ces questions qui se bousculaient dans son esprit, firent que sa dernière phrase mourut sur le bout de ses lèvres, et elle continua de laisser ses larmes couler le long de ses joues. Suzanna prit à son tour sa mère dans ses bras, et lui demanda doucement :

-Maman, s’il te plaît, est-ce que tu pourrais me laisser seule avec Terry, il faut absolument que je lui parle.

-Mais, Suzanna…

-Maman, je t’en pris, c’est très important, je dois vraiment parler à Terry. Cà ira, ne t’inquiète pas, j’ai suffisamment dormi pour être bien reposée, ajouta t-elle en souriant toujours.

Madame Marlowe sorti de la pièce, interloquée par le comportement de sa fille, un peu perdue même, elle qui avait toujours réussit à lui imposer sa volonté. En son for intérieur, elle pressentait un changement, que quelque chose de capital allait se passer dans cette chambre d’hôpital entre sa fille et Terrence, et elle ne serait pas là pour contrôler les évènements. Dépitée, elle referma la porte, et pour être sûre de ne pas être tentée d’écouter par le trou de la serrure ce qui allait se tramer, elle prit le parti d’aller à la cafétéria prendre une tisane. Terry et Suzanna étaient maintenant seuls. Terry, qui était resté en retrait dans la chambre, laissant Madame Marlowe serrer sa fille dans ses bras, et manifester sa joie, elle qui avait passé tant de nuits blanches et de journées de veille. Il prit une chaise, et s’avança pour s’installer tout près du lit de Suzanna. Que voulait-elle ? C’est à ce moment qu’il remarqua caché sous une pile de livres, laissés là par Madame Marlowe, le journal du matin. Il comprenait de moins en moins. Suzanna avait-elle lu ce journal… alors elle savait…

-Terry, commença t-elle à dire tout en prenant le journal, et à étaler sur le lit la première page, où l’on voyait en gros titre la nouvelle de son réveil, et où l’on parlait également de son fiancé Terrence Grandchester, Terry, que s’est-il passé ? Elle le fixait d’un regard qu’il ne lui connaissait pas. On aurait dit qu’elle avait changé, autant dans ses actions, sa façon de parler, ainsi que de se mouvoir. Avant cet accident, la Suzanna qu’il connaissait se serait installée confortablement, elle se serait bien callée dans ces moelleux coussins. Maintenant, il semblait que son dos les effleurait à peine, et elle se tenait aussi droite qu’une reine. Surpris, et réfléchissant à la réponse qu’il pouvait donner, Terry marcha vers la grande et lumineuse baie vitrée de la chambre, et se mit à observer le parc. On y voyait encore la horde des journalistes… et tiens, encore cette jeune fille aux cheveux blonds, et qui ressemblait à Candy… il pensait encore à Candy… mon Dieu… ne plus y penser… et pensant cela, il se retourna, et regarda Suzanna droit dans les yeux. Elle scrutait chaque trait de son visage, cherchant à y déceler la vérité.

-Quand… quand tu as sauté du toit, Candy s’est précipitée à l’extérieur du bâtiment. Tu étais tombée sur un tas de neige qui a amorti ta chute. Elle t’a donné les premiers soins avant que les infirmières ne te ramènent, et tu as subi une lourde opération. Nous avons tous attendu, et quand le docteur nous as dit que tu étais hors de danger, moi et Candy sommes retournés à mon appartement. Là, elle est partie. Depuis, la vie a continué tant bien que mal, et ta mère et moi avons attendu ton réveil.

-Candy est partie ? Comment ? Suzanna ne voulait pas comprendre.

-Je te l’ai dit. Elle est partie. Nous ne nous sommes plus revus depuis ce jour, dit Terry, la voix amère.

Suzanna devint blême. Terry pensa que toutes ces nouvelles l’avaient fatiguées, et qu’elle avait du mal à toutes les assimiler d’un coup. Mais en fait, c’était tout le contraire. Suzanna était blême de colère… en colère, contre elle-même.

-Comment ai-je pu être si stupide, dit-elle avec violence en serrant de ses poings les draps de son lit. Candy a été bien trop gentille avec moi. Je ne le mérite pas. Elle regarda alors Terry dans les yeux, et se mit à lui expliquer : vois-tu, quand j’ai sauté du toit, j’ai réalisé que je venais de commettre l’acte le plus idiot de toute ma vie, encore plus idiot que quand j’ai dit à Candy à Chicago que tu te reposais à l’hôtel, alors que tu courais la ville à sa recherche. A cette nouvelle, Terry tressaillit de colère, mais il ne dit rien : Suzanna était en train de faire quelque chose de très difficile pour quiconque, son mea culpa. Je te demande pardon, mais je t’aimais, et je t’aime toujours. Mais je le répète, me jeter du toit n’était pas la solution à mes problèmes. J’ai essayé de me convaincre que si je sautais, toi et Candy seriez réunis, mais en mon for intérieur, je me doutais bien que votre couple ne résisterait pas à cela, que vous vous sépareriez, et que tu ne serais alors rien qu’à moi. J’ai été d’un égoïsme sans borne. Je réalise que même si tu avais été à mes côtés, tu n’aurais cessé de penser à Candy, la personne au monde qui compte le plus pour toi. Et je ne veux plus de cela. Aimer quelqu’un, être avec lui, sans rien en retour… rien n’est plus triste, ni plus pathétique. Je te demande pardon, à toi comme à Candy… à ce moment Suzanna atteint les limites de sa résistance nerveuse, et elle pleura, des larmes sincères, témoignages de son repentir. Je… je veux réparer mes erreurs. Ce n’est que comme çà que je pourrais commencer à me pardonner à moi-même, même si toi et Candy le faîtes. Peux-tu m’aider ?

Durant la discussion, Terry s’était levé de sa chaise, pour s’appuyer à la fenêtre et regarder le paysage. Les révélations de Suzanna l’avaient bouleversé, et il n’avait pu rester en place, surtout au moment où elle lui avait révélé l’incident de l’hôtel. Il l’aurait soufflé. Si son plaidoyer l’avait ému - Suzanna faisait preuve d’une vraie contrition, ce qu’elle disait le mettait hors de lui. Alors, durant tous ces mois perdus en veille, il aurait pu aller essayer de reconquérir le cœur de Candy. Il arriva toutefois à articuler, en cachant du mieux qu’il pouvait toutes ces émotions qui le submergeaient :

-Suzanna, que veux-tu faire pour réparer tes erreurs ?

-Clouée à ce lit, je ne peux hélas pas aller voir Candy à Chicago, si c’est toujours là qu’elle habite. Néanmoins, je veux lui envoyer une lettre pour m’excuser de ma conduite, lui demander de venir, et si elle le peut, peut-être, me pardonner. Des larmes s’écoulèrent de ses yeux. Se repentait-elle donc à ce point ? Terry, malgré la colère qu’il couvait, fut touché. Terry, pourrais-tu m’apporter de quoi écrire s’il te plait, je ne veux plus de regrets, plus de tristesse. Je désire du plus profond de mon âme réparer tout le malheur que j’ai semé.

-Je reviens avec le nécessaire. Et mêlant le geste à la parole, il sortit de la chambre. Cependant, ce qu’ils ne savaient pas, c’est que durant leur conversation, Flanny les avait écouté. Elle devait sur ordre du médecin venir régulièrement prendre des nouvelles de la santé de Suzanna, et elle était arrivée justement au moment où cette dernière avait commencé à s’excuser auprès de Terry. Elle était restée là, à écouter – bien que cela ne soit pas du tout son genre-, et au plus Suzanna parlait, au plus elle était heureuse pour Candy, elle méritait tant ce bonheur.

Quand Terry se prépara à sortir, elle s’éclipsa rapidement par un couloir adjacent (il la connaissait en effet, et leur rencontre mémorable à Chicago ayant été inoubliable, elle craignait qu’il ne lui pose des questions sur Candy. Or, elle estimait que ce serait des retrouvailles moins romantiques que celles qui allaient se dérouler). Elle attendit que Terry s’éloigne pour entrer.

-Je trouve merveilleux ce que vous venez de faire, Mlle Marlowe.

-Pardon ? Suzanna était perplexe. Une infirmière qui se permettait de fureter aux portes de ses patients, voilà qui n’était guère pour lui plaire.

-Je m’excuse, mais je connais Candy. Nous avons été à l’école d’infirmière ensemble, et aussi un temps à Chicago. Je sais à quel point elle aime Terry. Je vous remercie d’avance pour elle. Jamais encore Flanny n’avait été aussi sincère avec quelqu’un, mise à part Candy.

-Oui. Toutefois…

-Toutefois quoi ?

-Je me demande ce que je vais devenir après. Rester avec ma mère ne m’enchante guère. Mais j’y suis obligée, maintenant que je suis unijambiste, dit-elle d’un ton résigné.

-Obligée ! Quelle belle affaire ! Est-ce que je dépends de quelqu’un moi ! Flanny parla avec colère. Elle n’aimait pas les gens qui s’apitoyaient sur leur sort, sans essayer de trouver une solution à leurs problèmes. Cela ma mettait hors d’elle.

-J’ai peur de ne pas comprendre, dit Suzanna, irritée par la remarque de cette infirmière qui se permettait autant de familiarité.

-Moi aussi je suis unijambiste. Pourtant, mon handicap ne m’empêche pas de travailler. Si vous acceptez tout comme moi de porter une prothèse, ainsi que de faire de la rééducation bien entendu, je ne vois rien qui puisse vous interdire de remonter sur les planches d’un théâtre.

Cette révélation eut l’effet d’un électrochoc pour Suzanna. Pouvoir un jour remonter sur la scène d’un théâtre était quelque chose à laquelle elle avait à peine osé rêver, et là, devant elle, une femme qui était tout comme elle unijambiste lui affirmait que vivre normalement était possible… Vous le croyez vraiment ? Vous pensez réellement qu’un jour je pourrais remarcher ?

-Si vous avez suffisamment de volonté, et de ténacité pour aller jusqu’au bout de votre rééducation, je vois mal ce qui pourrait vous en empêcher. Elle s’était approchée à ce moment pour prendre la température et la tension de sa patience, quand celle-ci, des larmes de joie coulant sur son visage, lui enserra la taille, et lui dit « merci… merci… moi qui me croyais condamnée…merci ».

-Je suis persuadée qu’un autre miracle va arriver d’ici peu, et puis, c’est le rôle des infirmières que de soutenir le moral de leurs patients, dit-elle en ayant une pensée sur le formidable travail que Candy accomplissait auprès de ses propres patients. Maintenant, il faut que je m’en aille, Terry ne vas pas tarder, et j’ai d’autres patients à visiter. Soyez courageuse, je suis sûre que tout va bien se passer.

-Oui, merci.

-Et Flanny sortit, un dernier sourire sur ses lèvres pour sa patiente. Quelques minutes plus tard, Terry revenait.

Un autre miracle… ou un curieux hasard…. C’est ce que l’on peut dire pour qualifier les évènements qui suivirent.

L’écriture de la lettre pour Candy prit du temps à Suzanna. Elle recommença plusieurs fois, trouvant toujours que quelque chose n’allait pas. Finalement, elle écrivit le dernier mot alors qu’une infirmière venait lui apporter son déjeuner. Elle la plia, et écrivit l’adresse de Candy sous la dictée de Terry, car elle ne la connaissait pas.

-Je vais la poster, dit Terry d’un ton neutre.

-Mr Grandchester, intervint l’infirmière, nous avons un service de poste à l’accueil si vous ne désirez pas sortir, il fait encore froid dehors, et les reporters sont encore à l’affût…

-Je vous remercie. Mais le facteur vient relever le courrier tous les combien ? Ce pli est très urgent.

-Tous les jours monsieur, le courrier de l’hôpital bénéficie d’un traitement particulier. Dans toutes les lettres, certaines sont les dernières pour certains, nous ne pouvons décemment les laisser attendre dans un coin pendant une semaine.

L’ombre d’un sourire, l’ombre d’une étincelle, depuis des mois, firent s’éclairer le visage de Terry. « Merci mademoiselle », et il sortit.

-Pas de quoi, répondit-elle avec le sourire qui accompagnait toujours les infirmières. Et quand à vous Mlle Marlowe, continua t-elle en se retournant vers sa patiente, j’espère que vous aimez le bouillon de pâtes ! C’est meilleur que toutes les perfusions que vous avez eut, mais par ordre des médecins pendant deux-trois jours vous n’avez pas encore droit à des nourritures plus consistantes !

Terry descendait les quelques marches de l’escalier qui lei restait à parcourir pour arriver dans le hall, un hall nettoyé de tous ses journalistes pendant toute la matinée, grâce à la détermination des infirmières, bien que l’infirmière le lui avait précisé, certains rodaient encore dans les allées du parc.

Il se dirigea vers la réception, où les malades, ou leurs familles, arrivaient pour savoir dans quel service aller voir leurs familles, leurs amis, ou, chose plus désagréable, se faire soigner. De même que le jour où Candy était venue se faire embaucher, le service était tenu par Arwen.

-Bonjour Mlle, je voudrais envoyer cette lettre à Chicago.

-Bien monsieur, cela vous fera 30 cents.

Il lui tendit la lettre pour qu’elle la timbre et la range avec les autres courriers, et commençait à sortir son porte-monnaie, quand il l’entendit rire. Cela l’irrita, et rappelons que les révélations de Suzanna étaient pour beaucoup dans sa mauvaise humeur.

-Voudriez-vous me faire partager l’objet de votre hilarité mademoiselle, dit-il d’un ton glacial.

-Veuillez accepter mes excuses Mr Grandchester, réussit à articuler Arwen entre deux fous rires, mais c’est que je ne croyais pas qu’il y avait dans le pays deux Candice Neige André. Quand je lui dirai çà, elle va bien rire.

La nouvelle frappa Terry en plein coeur. Il ne devenait donc pas four, il n’avait pas eut d’hallucinations. Son étonnement se lisait sur son visage au point de rendre son expression douloureuse.

-Quelque chose ne vas pas, demanda Arwen inquiète.

-De… depuis quand cette demoiselle est-elle là ? Demanda Terry tremblant, et se sentant pris par des bouffées de chaleur.

-Hum, réfléchissons, je dirais peu après la chute de Mlle Marlowe.

-Nous parlons bien de Candice Neige André, une jeune fille blonde, avec des couettes, et des tâches de rousseur sur le visage.

-Oui monsieur. C’est à elle qu’est adressée la lettre si je comprends bien ?

-En effet.

-Vous aimeriez peut-être dans ce cas la lui remettre en main propre.

-O… Terry s’arrêta dans son élan. Il repensait aux nombreuses fois où il avait essayé de parler à l’infirmière de Suzanna, aux nombreuses fois où il l’avait coursé, à la jeune fille qu’il avait pris le matin même pour un fantôme, et qu’il prenait pour une hallucination, projection de son propre désir de pouvoir la contempler, encore et encore… et il comprit… Candy… Candy s’était sentie responsable, cet était venue ici, à New York, pour Suzanna. Finalement... non..., finit-il par dire, ce sera la surprise, ajouta t-il d’un ton jovial que personne ne lui avait connu depuis des mois. Par contre, pourriez-vous lui dire de lire ce petit mot après la lettre ? Et mêlant le geste à la parole, il griffonna quelques mots sur un bout de papier, qu’il plia en quatre.

-Sans aucun problème. D’ailleurs, dit-elle en voyant une infirmière arriver, c’est l’heure de la relève ! Je vais lui remettre immédiatement.

-Merci.

Arwen s’éloigna. Elle était très heureuse. Elle avait réussi à parler au célèbre Terrence Grandchester, celui que peu de personnes arrivaient à approcher, pas même les infirmières de l’hôpital (il faut dire qu’elles se seraient toutes faites réprimander si on les avaient surprises en train d’importuner l’acteur), quand elle raconterait çà aux copines, pensait-elle, elles seront toutes vertes de jalousie. Elle se retourna une dernière fois pour voir l’acteur s’éloigner et prendre le chemin de la chambre de Suzanna, montant les marches quatre à quatre, comme s’il avait une grande nouvelle à lui annoncer. En parlant de nouvelle… elle en connaissait une qui allait devoir fournir de solides explications. Comment Candy avait-elle pu leur cacher, à elle et à ses amies, qu’elle connaissait Terry et Suzanna intimement, pour que ceux-ci lui envoient des lettres. Tout en songeant à cela, elle arriva devant la salle de repos des infirmières, où elle retrouva Candy et Flanny en train de boire un café, leur repas terminé.

-Salut les filles !

-Cà y est, tu as fini ton service du matin ?

-Oui, je reprends de 2 à 6. Je vais pouvoir me reposer un peu, j’en ai besoin. Il y a quoi à manger ce midi ?

-Comme plat du jour spaghetti bolognaise. Sinon il y a toujours les assiettes de crudité, légumes, viandes et poissons habituels. La routine, en somme, répondit Candy !

-Pour changer de sujet, Candy, tu aurais pu nous dire que tu connaissais Terry et Suzanna. La tasse de café de Candy lui échappa des mains, et se brisa sur la table, répandant ainsi son contenu. Elle regarda Arwen, le teint livide, le regard éteint. De son côté, Flanny, si elle affichait un regard perplexe, se réjouissait intérieurement pour son amie.

-Comment…

-C’est simple, expliqua son amie qui ne comprenait pas sa réaction. Suzanna voulait t’envoyer une lettre que voici, et quand j’ai dit à Mr Terrence que tu travaillais ici, il m’a remis un petit mot, que tu ne dois lire qu’après la lettre m’a-t-il précisé. Elle tendit alors les deux missives à Candy, qui les reçut d’une main tremblante et moite. Une extrême tension pouvait se lire sur son visage. Elle décacheta tout d’abord la lettre de Suzanna, et lu :

 

Chère Candy,

Je ne sais pas où commencer. Je t’ai fait tant de mal avec mon égoïsme de petite fille. Ces mots vont te sembler bien vides de sens, presque ridicules, mais je te demande de les accepter : pardon, pardon, et merci.

Pardon d’avoir voulu briser le couple que vous formez avec Terry, oui, que vous formez, car je veux réparer ce que par ma faute, j’ai brisé. Le comportement que j’ai eut envers Terry a été détestable à la clinique, vouloir qu’il se maris avec moi, qu’il s’occupe de moi, car j’ai perdu une jambe en le sauvant. Le vouloir, tout en sachant qu’il ne penserait tout de même qu’à toi, que jamais il ne m’aimerait.

Pardon aussi de t’avoir menti à Chicago, quand je t’ai dit que Terry était fatigué et se reposait dans sa chambre, alors qu’il courait la ville à ta recherche.

Pardon aussi de toute la torture morale que je vous ait infligé à tous les deux en vous séparant pendant tous ces mois où j’ai été dans le coma.

Pardon, et merci, merci de m’avoir sauvé. Non pas seulement en ayant appelé les médecins après ma chute, et pour les premiers secours que tu m’as administré, mais aussi pour l’expression de ton visage quand je suis tombée. Toi qui aurais du me haïr, puisque j’étais un obstacle à ton bonheur avec Terry, toi qui aurais du avoir le visage radieux en contemplant ma chute, tu as hurlé mon nom, comme si j’étais la chose la plus précieuse du monde, avec une expression triste, si triste, et des larmes perlant de tes yeux et s’écoulant de ton visage. J’ai compris que ma vision de la vie était erronée, que je ne n’étais qu’une incroyable égocentrique, qui pensait que tout lui était du. Merci, merci.

S’il te plait, viens, je voudrais discuter de tout cela de vive vois avec toi, et ressouder les liens que j’ai moi-même coupés. Viens, je suis à l’hôpital à New York, l’hôpital St Vincent. S’il te plait.

Suzanna

 

A la lecture de cette lettre, les larmes de Candy se mêlèrent aux larmes que Suzanna avait versées en l’écrivant, et qui avaient formé des auréoles sur tout le papier, et ainsi fait serpenter l’encre dans ces nervures.

Ses amies, et toutes les personnes présentes dans la pièce, avaient cessé leurs activités. Elles regardaient Candy, et comprenaient que quelque chose de très important était en train de se passer dans la vie de leur collègue, que cette lettre était d’une importance capitale, et que son contenu était très grave. Lentement, ils la regardèrent déplier le second papier que Arwen avait apporté. « Je ne sais pas ce que Suzanna a écrit avec précision, mais sache que mes sentiments pour toi n’ont pas changé, et que nous t’attendons dans sa chambre ».

De perles, ses larmes devinrent pluie. Elle tenait toujours les deux lettres dans ses mains, et les serra contre son cœur, un semblant de sourire, un vrai celui-ci, pas ce sourire que les infirmières accrochent à leurs lèvres, soit par habitude, soit comme Candy, par un vrai amour profond de leur profession et de leurs patients, non, le fantôme d’un sourire de bonheur, glissa sur son visage. Seule Flanny cependant, qui connaissait depuis longtemps Candy, vit la différence entre ces deux sourires. Il lui rappelait le sourire qui avait rayonné des jours durant sur son visage, quand elle avait apprit que Terry, son Terry, viendrait jouer à Chicago, et qu’elle pourrait le voir.

D’un geste brusque, elle essuya ses larmes de son visage avec le revers de sa manche, et sorti en courant de la pièce.

Suzanna et Terry attendaient… tendus… le choc avait été violent pour elle. Apprendre que Candy avait pris soin d’elle pendant tout ce temps, après tout ce qui s’était passé, l’avait mise au supplice. Ses frêles petits poings en serraient les draps si forts qu’ils avaient failli les déchirer si Terry n’avait pas réussit à la raisonner : elle aurait tout le temps qu’elle voulait pour parler à Candy. Celle-ci était ici, à l’hôpital, et après la lecture des lettres, elle viendrait… Suzanna avait accepté de se détendre, et maintenant, le silence s’était répandu dans la pièce. Elle regardait le mur intensément, comme s’il l’hypnotisait, avec son papier peint jaune pâle constellé de dizaines de petites fleurs rouges, et Terry pour sa part avait reprit sa place devant la baie vitrée, à observer le parc où se promenaient les patients.

Au bout d’un moment qui leur sembla une éternité, ils entendirent des pas précipités dont le bruit se faisait de plus en plus distinct, puis, d’un coup, la porte s’ouvrit brusquement pour laisser passer un tourbillon de jupe blanche et de cheveux blonds, qui se jetèrent dans les bras que Suzanna avait tendus.

-Su… Suzanna, hoqueta Candy entre deux sanglots,… mais elle ne pu rien réussir à dire de plus, tous ses mots mourraient dans sa gorge.

Suzanna, qui enlaçait Candy, fut la première des deux à pouvoir parler.

-Candy, je te demande pardon, et merci. Terry m’a appris que c’est toi qui m’avais veillé pendant tout ce temps. Tu n’aurais pas du, je n’en vaux pas la peine.

-Il ne faut pas dire Suzanna, chaque vie est précieuse, articula Candy.

-Candy… Terry, continua Suzanna d’un ton plus grave, je voudrais maintenant m’excuser auprès de vous deux pour tout le mal que moi et ma mère vous avons fait. J’ai brisé votre bonheur sans me rendre compte que c’était un acte cruel. Terry et Candy se regardèrent dans les yeux… cela faisait des mois qu’ils ne s’étaient plus vus, et qu’ils croyaient ne plus jamais pouvoir se voir. Ils s’aimaient toujours autant, malgré tout, et oublier était une chose à laquelle aucun des deux n’avait pu se résoudre. Tout ce qu’ils avaient vécu était si intense… mais avaient-ils encore un avenir ? Suzanna leur prit une main à chacun, qu’elle unit. Je sais que vous vous aimez encore, je le vois dans vos yeux. Donnez-vous une seconde chance, l’amour est un sentiment si précieux, et être aimé de quelqu’un qui nous est cher est une telle félicité… ne vous mentez pas, ajouta t-elle en voyant leurs mines incertaines, écoutez votre cœur, je suis sûre qu’il vous montrera le bon chemin, conclu t-elle avec un sourire aux lèvres.

Candy et Terry se regardaient toujours. Au début, quand Suzanna avait joint leurs mains, ils avaient à peine osé se toucher. Leurs peaux s’effleuraient délicatement, contact retrouvé, interdit…, et ce toucher si doux avait réveillé en eux de nombreux et délicieux souvenirs… le bal de mai et le baiser volé, la promenade à cheval où Terry avait réussi à conquérir le cœur de Candy, le lac en Ecosse, Monsieur Albert, et tant d’autres, tant d’autres… Ils n’avaient osé se toucher d’avantage, de peur d’éveiller d’autres souvenirs, d’autres rêves, d’autres souhaits, des souhaits d’avenir, d’autres désirs…Leur amour se conjuguait au passé. Mais Suzanna avait tout fait pour tenté de les convaincre… peut-être alors, que Candy et Terry ne devait pas s’écrire au passé, mais au présent, et au futur. Leurs regards se croisèrent, et ils sourirent, timidement, comme s’ils se rencontraient à peine, comme si leurs souffrances avaient été effacées, et en même temps, leurs mains se serrèrent, et leurs doigts se mêlèrent. Une douce chaleur remplaçait maintenant les brumes de l’hiver dans leurs cœurs. Candy et Terry, cela se conjuguait à l’impératif.

C’était le matin. Le soleil commençait à pénétrer doucement à travers les rideaux de la chambre. Le chant mélodieux des oiseaux s’entendait malgré l’épaisseur des murs. De temps en temps, on entendait un gazouillis plus fort, comme s’ils se battaient pour une graine.

Confortablement emmitouflée dans ses couvertures, Suzanna se réveillait en entendant leur sarabande matinale. Aujourd’hui était le grand jour. Elle en souriait d’avance, bien qu’elle ait peur. Elle allait commencer sa rééducation avec sa nouvelle prothèse, et malgré tout elle était un peu angoissée. Elle reconnut à ce moment le bruit familier s’un chariot, et se redressa. Au même instant, Candy et Flanny entrèrent, un sourire posé sur leurs lèvres.

-Alors Suzanna, prête pour le grand jour ? Lui demanda d’un ton enjoué Candy.

-Oui…, dit-elle la voix un peu tremblante.

-Allez, dit Candy en s’approchant et en la prenant dans ses bras, allez, les éducateurs sont très gentils. Je te promets qu’ils ne te mangeront pas. Tout en lui disant çà, elle la secouait un peu par les épaules, ce qui fit réagir la toujours très professionnelle Flanny, qui était en train d’apporter le petit-déjeuner.

-Candy ! Je te rappelle que Suzanna est encore fragile. Il ne faut pas la secouer comme une poupée.

-Mais Flanny, Suzanna n’est pas faite de porcelaine, elle ne va pas se briser !

Depuis les récents évènements, Candy et Suzanna étaient devenues très intimes, peut-être pas encore des amies intimes, comme Candy l’était avec Patty ou Flanny, mais intimes. Un lien spécial … peut-être car… Candy lui devait d’avoir retrouvé son bonheur… Terry, et Suzanna d’être en vie…

Le petit-déjeuner prit, elles installèrent Suzanna dans une chaise roulante, et l’amenèrent dans la salle de rééducation, que Flanny connaissait bien, pour l’avoir personnellement fréquenté. La pièce était spacieuse. Les murs étaient fraîchement peints de blancs, et de grandes baies vitrées laissaient entrer la lumière, ce qui rendait la pièce éclatante. Pour qu’elle soit encore plus accueillante, et conviviale (et peut-être plus rassurante), les éducateurs avaient posé sur les murs des affiches de théâtre et de cinéma, dont certaines très récentes, et l’on pouvait même voir des affiches avec Suzanna jouant dans "Le roi Lear" ou dans "Roméo et Juliette". En les voyant, Suzanna sourit. Elle repensait au bonheur qu’elle éprouvait en montant sur les planches, et au futur… un futur où elle remarcherait, et où elle pourrait à nouveau jouer la comédie. Mais pour le moment, il fallait encore s’armer de patience, et comme une enfant, apprendre à se mettre debout, et à marcher, une jambe après l’autre.

Quand elle arriva, tout le monde était en train de s’affairer. Les éducateurs installaient les patients sur les différentes machines. Beaucoup tournèrent la tête pour l’apercevoir, ils en étaient enchantés, car jamais ils n’auraient cru rencontrer la grande Suzanna Marlowe de leur vie, même pour sa rééducation. Tous les patients n’en savaient rien, les éducateurs leur en ayant fait la surprise. Pourtant, avant de pouvoir l’approcher et entamer les présentations, il fallut d’abord faire ses exercices…

Au fond de la salle, il y avait un jeune médecin nouvellement arrivé et fraîchement diplômé. Il s’appelait Nicolas Sheffield, et venait d’une famille aisée dont tous les hommes avaient excellés dans la médecine. Il n’avait pas dérogé à cette règle ancestrale, tout comme son père et son grand-père avant lui, et avait comblé jusqu’à maintenant les espoirs que ses parents avaient placés en lui. Son ambition pourtant n’était pas satisfaite, et il comptait continuer ses études pour devenir chirurgien. Mais pour le moment, il avait oublié tous ses projets. Il avait vaguement entendu parler de cette Suzanna par les journaux, mais il n’aimait pas trop le théâtre et ne les fréquentait que poussé par ses amis. Il trouvait cela stupide, et les acteurs tellement imbus de leur personne… Pourtant, la jeune femme qui entra dans la pièce ne ressemblait guère au portrait qu’il en avait mentalement dressé. Il pensait qu’elle arriverait en conquérante, avec l’air hautain et supérieur de ces gens qui se croient au-dessus des lois humaines, cependant, la jeune femme qu’il observait avait un regard doux, et paraissait très intimidée par cette nouveauté, et elle était si belle. Lui qu’aucune femme n’avait réussit à attendrir, préférant milles fois étudier, quelque chose remua en lui au premier sourire de Suzanna. Une semaine auparavant, quand son chef lui avait annoncé qu’il aurait à s’occuper d’elle, il s’était demandé si ce n’était pas une punition, mais là, il était presque intimidé. Il s’approcha du trio de dames, se présentant comme celui qui superviserait la rééducation de Suzanna, et Candy et Flanny la lui confièrent.

-A tout à l’heure Suzanna, dit Candy, je reviendrais te chercher un peu avant midi. Docteur Sheffield, je vous la confie, prenez-en soin. Sans savoir trop pourquoi ni comment, le rouge monta aux oreilles du jeune docteur. C’était la première fois que cela lui arrivait, et il était un peu déconcerté par sa réaction. Se retournant vers sa patiente, il faillit presque bafouiller en se présentant, mais cacha son émotion en faisant mine de toussoter.

-Hum ! Bonjour Mlle Marlowe, je suis le docteur Nicolas Sheffield, et c’est donc moi qui vais superviser votre rééducation. Nous allons d’abord vous faire des étirements avec la jambe et un massage avec un kinésithérapeute, car il faut remuscler vos jambes, puis on vous expliquera des exercices à faire dans votre chambre. On vous aidera à mettre votre nouvelle prothèse, pour que vous vous y habituiez, et s’il reste du temps, vous commencerez à marcher sur ce chemin, conclu t-il en montrant à Suzanna deux barres horizontales réglées au niveau de la taille, et où un jeune garçon s’exerçait déjà.

-Très bien docteur. Je ferai tout ce qu’il faut pour remarcher. J’ai tellement envi de remonter sur scène.

-Tant mieux si vous êtes motivée. Et maintenant, allons-y, dit-il en poussant son fauteuil roulant en direction du kinésithérapeute.

Comme convenu, peu avant midi, Candy et Flanny vinrent chercher Suzanna pour la raccompagner dans sa chambre. Elle était un peu fatiguée par les exercices, mais son teint naturellement pâle s’était coloré d’une charmante rougeur due aux efforts qu’elle avait fournis pendant la séance, et par les marques d’attachement d’admirateurs (et admiratrices) qui se trouvaient dans la salle. Même des patients qui se promenaient près des baies vitrées s’étaient arrêtés dans leur promenade pour la voir ne serait-ce qu’un instant. Elle raconta tout cela d’un air très enjoué, ce qui aux yeux des deux infirmières ne pouvait être que bénéfique pour la convalescente, le moral aidant toujours beaucoup à se remettre de toutes les situations. Le seul bémol qu’eut à noter Suzanna, ce fut l’attitude du docteur. En effet, bien que tout à fait correct dans son comportement envers elle, il lui avait semblé froid et distant, ce qui ne la mettait pas trop en confiance. Candy et Flanny lui suggérèrent d’en parler avec lui lors de la prochaine séance le lendemain matin, la confiance envers son médecin, et ses méthodes, étant quelque chose de capital pour un prompt rétablissement. Celle-ci le leur promit.

Peu après être sorties de la chambre de Suzanna, Candy et Flanny se déshabillèrent dans le vestiaire et quittèrent l’hôpital. Elles avaient pris leur après-midi pour que Candy la présente à tous ses amis, ainsi qu’à Terry qui la connaissait tout de même déjà un peu, autour d’un pique-nique à la campagne. Elles arrivèrent à un moment critique. En effet, ils commençaient tous à avoir très faim (il est bien connu que le grand air creuse l’appétit), et commençaient à se demander s’ils auraient la politesse d’attendre encore un peu ces dames. Annie et Patty en jeunes filles bien élevées préféraient encore attendre, Archibald, lui, avait sa patience qui arrivait dans ses derniers retranchements, et Terry pour sa part était bien décidé à entamer le repas.

Enfin, elles arrivèrent. L’assistance poussa un grand « ah » de soulagement, on allait pouvoir manger. Terry regarda Candy arriver. Il la trouvait magnifique dans sa robe vert clair, à courir dans les hautes herbes, avec les premières fleurs, entourée de papillons. On aurait dit une fleur vivante. Son corps était sa tige, fine et souple, et ses pétales ses cheveux blonds lâchés en cascade sur ses épaules. Sa course la faisait paraître se balancer au gré du vent, et son parfum était celui de la rose…tendre Candy… Il en oublia sa faim sur le coup !

Elles s’excusèrent pour leur retard, mais à midi tout le monde sortait du travail pour déjeuner, et les transports en commun étaient bondés. Elles firent la bise à tout le monde, en demandant s’ils n’avaient pas trop faim, et d’un même chœur ils répondirent que çà allait (menteurs). Et, quand Candy s’assit près de Terry, après avoir fait les présentations, il lui donna un baiser sur la joue, n’osant s’aventurer plus loin, au risque d’éveiller certains désirs, et se pencha à son oreille, pour lui susurrer « C’est de toi dont j’ai faim », ce qui eut pour réaction de la faire rougir jusque dans le blanc des yeux, mais çà ne la rendait que plus craquante.

Depuis le discours de Suzanna, Candy et Terry s’étaient souvent revus, timidement d’abord… Terry avait commencé par aller voir la jeune fille sur son lieu de travail, en lui offrant à chacune de ses visites une essence différente de rose, fleur préférée de sa dulcinée. Puis il l’avait invité à boire un café, aller au restaurant, sortir, et l’avait même amené, elle le lui avait tellement demandé, voir des répétitions quand elle avait du temps libre. Elle avait ainsi pu revoir les costumières, et donner des nouvelles de la santé de Suzanna à toute la troupe. Elle servait même d’intermédiaire pour la transmission de messages d’encouragements, de bouquets de fleurs ou de douceurs ! Terry ne se lassait pas de la montrer à tout le monde, il était si heureux d’avoir de nouveau le droit de goûter au bonheur, d’être avec la femme qu’il aimait de toute son âme. Toutefois, même s’il en était fou amoureux, il avait mis longtemps avant d’oser l’embrasser, ayant peur de ne plus arriver à contrôler ses sentiments et effrayer son amie. Il y avait pourtant réussi, sans être giflé cette fois-ci, en raccompagnant un soir la jeune fille à son appartement au retour d’un excellent restaurant français. Pour raccourcir le parcours, ils avaient coupé à travers Central Park, et ils étaient arrivés à la sortie en face de l’appartement de Candy quand elle s’était mise à bouffer de rire au simple regard d’un bonhomme de neige. Terry lui avait demandé la raison de son hilarité, et elle avait répondu que ce dernier avait été construit par un groupe d’enfants, mais qu’au moment de lui apposer son nez, personne n’avait été d’accord : l’un voulait que ce soit une carotte, un autre un simple caillou, et un troisième un morceau de bois préalablement taillé à cet effet. Ils s’étaient si bien chamaillés que la discussion avait tournée en une partie de bataille de boules de neige pendant au moins deux bonnes heures, et cela avait bien fait rire Candy et Flanny, qui regardaient par la fenêtre tout en buvant un thé dans le douillet appartement de Candy. Alors qu’elle parlait, Terry fixait intensément du regard la jeune fille. Il ne pouvait pas en détacher ses yeux. Tout l’attirait en elle : ses cheveux élégamment rejetés sur son manteau, son nez droit et fin, ses lèvres qui semblaient si douces, et même ce léger frissonnement de sa peau au contact du froid. Sentant le regard de Terry sur elle, Candy, toujours un sourire aux lèvres à l’évocation de son souvenir, regarda à son tour Terry. « Qui a-t-il monsieur, dit-elle d’un ton malicieux, aurais-je une nouvelle tâche de son ? ». Terry, amusé de la remarque, s’était approché un peu plus, avait relevé le visage de la jeune fille ne soulevant son menton, pour commencer à l’ausculter de l’air grave et docte des médecins. Candy le regardait toujours, tandis qu’il approchait toujours un peu plus son visage en faisant mine de regarder minutieusement sa peau… toujours un peu plus… encore un peu… Et à un moment, les lèvres de Terry ne furent plus qu’à une infime distance de celles de Candy. « Je t’aime Candy ». Il avait peur, peur de ce qu’allait lui répondre sa bien-aimée. « Moi aussi je t’aime Terry ». Et elle appuya sa tête sur son torse. Ce fut pour lui un moment d’extase, comme si d’un seul coup le printemps avait jaillit autour d’eux, dans la terre et dans l’air. Il enlaça délicatement Candy à la taille, tandis qu’elle posait ses mains sur ses larges épaules, tout en fermant les yeux, consciente de ce qui allait arriver, et il l’embrassa.

Ce fut pour eux deux un pur instant de bonheur. La première fois qu’ils s’étaient embrassés à Saint Paul, tout avait été très rapide, et Candy avait giflé Terry, outrée par son audace. Ils n’avaient ainsi pas pu goûter entièrement leur baiser. Mais là, tout était différent. Chacun se sentait aimé de l’autre, désiré. Le premier baiser fut timide, ils se découvraient. Puis Terry devint plus empressé, et prit entièrement possession de la bouche de Candy, qui se surprit à répondre à ses baisers. Elle avait un parfum de rose qui enivrait les sens de Terry et lui faisait serrer avec plus de force la fine taille de la jeune fille, qui elle avait à présent ses mains emmêlées dans la chevelure du jeune homme… un parfum de vent…un parfum de terre mouillée après une pluie tiède émanaient de lui, s’était réconfortant, tendre et doux.

Ils s’arrêtèrent pourtant en plein milieu de leur bonheur, alertés par un bruit de pas. C’était un agent de police qui faisait sa ronde dans le parc. Terry semblait contrarié, mais Candy plutôt amusée par sa réaction. Elle jugea plus sage de la raccompagner chez elle, il faisait nuit noire maintenant, et Terry devait encore retourner chez lui, elle ne voulait pas qu’il lui arrive un ennui. Il s’inclina.

Terry sortit de sa rêverie, et écouta Patty qui dépliait une nouvelle lettre d’Alistair. Tout le monde était pendu à ses lèvres. Elle commença à lire d’une vois haute et claire pour que tout le monde puisse l’entendre.

 

« A ma Patty bien-aimée… Comme je suis sûr que tu vas faire lire ma lettre à Candy, à Archie et à Annie, je suis gêné pour t’écrire une lettre d’amour.

L’immensité bleue où les nuages sont si près qu’on pourrait les toucher…Un avion, c’est formidable ! Je peux m’ébattre dans le ciel autant que je veux. En échangeant quelques coupes de vin avec mon ami Domy, un noble français, nous nous sommes jurés fidélité à la vie à la mort. Dès que la guerre sera finie, je vous le présenterai sans faute ».

 

Au fur et à mesure qu’elle lisait, des larmes s’écoulaient des yeux de Patty, creusant deux petites rigoles sur ses joues, et sa voix, si distincte au début, s’était tellement affaiblie, qu’à la fin elle ne fut plus qu’un murmure, qui se brisa avec le dernier mot de la dernière phrase de la lettre. Des sanglots étranglaient sa voix. Tous ses amis étaient peinés pour elle.

-Ses lettres se font de plus en plus rares, articula t-elle, j’ai peur, j’ai si peur qu’il ne revienne pas… Candy et Annie s’étaient approchées de leur amie, afin de la réconforter.

-Tu sais, le courrier a sûrement du mal à passer avec la guerre, je suis certaine que des lettres sont coincées quelque part, essaya de la rassurer Candy, tout en la berçant, avec Annie.

Terry regardait sa fiancée avec admiration, mais avec un pincement au cœur aussi… en effet… bientôt il devrait partir…

Les jours s’écoulaient… Le printemps s’annonçait, on était en plein mois d’avril, et le temps était magnifique. Le soleil donnait des notes de plus en plus fortes, et à Central Park, dont Candy pouvait voir une partie depuis ses fenêtres, toute la végétation rivalisait de couleur et de fantaisie.

Suzanna quant à elle avait fait beaucoup de progrès dans le cadre de sa rééducation. Elle avait recouvrée toutes ses forces, et son entraînement ne se limitait plus au seul chemin dorénavant. Elle commençait à se mouvoir dans toute la salle, non certes avec la grâce du cygne, mais plus avec la maladresse si attendrissante de l’oisillon qui tente de s’envoler de son nid pour la première fois. Elle en était très fière.

Elle avait de plus, suivant le conseil de Candy, parlé au docteur Sheffield, ce qui était aussi pour beaucoup dans sa bonne humeur… Après la fin de la seconde séance de rééducation, elle avait en aparté dit au docteur qu’elle trouvait son attitude envers elle étrange. Pourtant, avait-elle ajouté, elle ne voyait pas ce qui dans son attitude aurait pu le choquer, puisqu’elle avait suivit à la lettre tous ses conseils. Gêné de parler d’un tel sujet alors que de nombreux patients se trouvaient encore dans la salle, le docteur lui avait proposé de discuter de cela autour d’un verre à la cafétéria de l’hôpital. Suzanna avait accepté, soulagée qu’il ne se fâche pas à propos de sa remarque.

Il lui avait alors avoué, entre deux jus de fruits de la passion, sa gêne par rapport aux acteurs en général. Il les voyait arrogants, égocentriques et prétentieux, tout le contraire de la Suzanna qu’il voyait, et ce singulier constat l’avait amené à beaucoup réfléchir. D’où sa gêne à son égard. En écoutant le docteur, Suzanna revit la personne capricieuse qu’elle était ressurgir entre ses phrases, cette personne si sûre d’elle, qu’elle avait demandé, avec l’aide de sa mère, à Terry de l’épouser, parce qu’elle l’aimait, et sachant pourtant pertinemment que son cœur était lié à celui de Candy. A la fin de ses explications, elle sourit à Nicolas, et se mit en devoir de plaider en faveur de sa profession ! Les acteurs étaient des êtres humains comme les autres. Le problème venait du fait que les critiques pouvaient faire enfler la tête de certains, et les rendre imbus de leur personne, les amenant à se croire supérieurs au reste de l’univers, ajouta-elle dans un fou rire. Elle lui confessa aussi son expérience avec Terry, et le fait que sa chute, malgré ses blessures, lui avait été bénéfique, car elle lui avait permis de se rendre compte de ses erreurs. Il fut impressionné par ce mea culpa, et dès lors leur relation devint plus sereine, et même plus tard, dans la salle de rééducation, les oiseaux qui regardaient par les baies vitrées ces humains gesticuler avec leurs grands bâtons de bois, purent en arriver à conclure qu’entre ces deux là, peu à peu une grande amitié naissait, et certains pépiaient même qu’ils s’aimaient. Mais chut, c’est un secret d’oiseau, et ce langage n’a jamais été compris par un humain…

Ce secret d’oiseau devint un secret d’humain toutefois, mais avec quelques semaines de retard, quand, à la grande joie de Suzanna, et de ses amies, Nicolas la demanda en mariage, dans sa chambre et dans les règles, un genou en terre, bouquet de fleur et bague à la main, parait-il, et ce n’est qu’une rumeur… qu’il avait failli pour la deuxième fois de toute son existence bégayer! Suzanna s’était jetée à son cou et avait répondu « oui, mille fois oui », des larmes de joie dans les yeux. Sa mère en fut très émue. Le soir, il y eut une petite fête dans la chambre de la convalescente, avec exceptionnellement champagne et petits gâteaux autorisés, où furent conviés, outre la mère de Suzanna, la famille du docteur, heureuse qu’une femme ait enfin réussit à attendrir le cœur de leur fils, Candy, Terry et Flanny, heureux que leur amie ait trouvé le bonheur auquel elle avait droit. Il fut convenu que Suzanna, dès la fin imminente de sa rééducation, irait vivre chez son fiancé. Quel bonheur !...

Mais le bonheur n’est pas universel sur Terre, et tandis que certains sont aux portes du paradis, d’autres voient un peu de leur bonheur partir, comme une fausse note dans un air de musique bien connu. Candy s’en rendit compte quelques jours plus après, quand assis sur un banc de Central Park, Terry lui annonça une nouvelle qui ne l’enchantait guère depuis un certain temps : la compagnie Stratford allait faire une tournée de six mois au Canada, et cela ne signifiait pour lui qu’une seule chose : six mois de séparation avec Candy. Cette tournée avait été décidée depuis longtemps, et elle était pour lui une opportunité de faire connaître son talent en dehors des Etats-Unis. Mais il répugnait à la laisser seule. Il avait été tellement de temps séparé d’elle qu’il avait maintenant toujours faim de sa présence, de ses cheveux, de ses yeux, de son rire, et de toutes ces milles et un détails qui faisaient qu’il l’aimait elle, et personne d’autre. Candy partageait ce même sentiment… Elle n’avait aucune envie de le voir partir…loin d’elle…ne serait-ce qu’un instant, alors six mois ! Elle comprenait que cette tournée était une opportunité pour lui, mais elle ne voulait pas qu’il parte. Elle se serra un peu plus contre lui, la tête sur son épaule. Ils étaient là, assis, sur un banc en pleine verdure, comme si soudain le reste du monde avait cessé d’exister. Ils eurent alors tous les deux la même inspiration au même moment, comme si un ange malicieux s’était posé entre eux et la leur avait soufflée à tous deux au creux de l’oreille. Puisque Candy ne pouvait accompagner Terry, et que celui-ci ne pouvait laisser passer une telle chance, ils s’échangeraient quelque chose leur tenait de prêt le jour du départ de Terry.

Ce jour arriva vite. Ils ne se séparèrent que très peu jusque là, juste le temps du travail, sinon, ils savouraient chaque seconde qu’ils passaient ensemble. Sur le quai, au grand attendrissement de la troupe, ce ne fut que caresses et baisers volés…et quand le train siffla et laissa échapper sa fumée noire, ils se présentèrent leur présent. Candy donna à Terry, mise dans une étoffe de soie brodée, une mèche de ses cheveux ; et Terry lui remit la seule chose qu’il ait conservé de son ancienne vie, avec son père en Angleterre, qu’il lui avait offerte lors d’un Noël passé au collège, une montre à gousset, aux armes des Grandchester, et qui quand on l’ouvrait laisser échapper une douce mélodie, qui reprenait dans un tintement joyeux un passage de "Jeux d’eau pour piano" d’un jeune musicien français, Maurice Ravel. De plus, on pouvait y insérer une petite photographie, et Terry en avait ainsi insérée une les représentant tous les deux, à Central Parc, au milieu d’un parterre de fleur, un jour de grand soleil. Emus, et se disant des paroles réconfortantes, Terry embrassa une dernière fois Candy avant de finalement monter dans le train, pressé par ses collègues. Le train se mit au même instant en route, dans un grincement sinistre, montrant avec rage sa toute puissance, et crachant avec plus de fureur, comme échappée des enfers, des volutes de fumées nauséabondes. Candy suivait le train en courant, Terry baissa la vitre de son compartiment, ils réussirent une dernière fois à se toucher, du bout des doigts, et ce fut tout, le quai s’arrêtait. Candy était en larmes, son amour s’éloignait une fois de plus. Elle resta encore, fatiguée, et au bout d’un long moment, se décida à retourner chez elle.

Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant devant la porte de son immeuble tous ses amis, Annie, Archibald, Patricia et Flanny. Vivant dans la haute société, ses trois premiers amis avaient eu vent du départ de la troupe, et en avaient informé Flanny. Ils avaient alors tous décidé de venir pour consoler Candy, certains que celle-ci aurait le moral au plus bas. Ils montèrent donc à son appartement, où Flanny fit du thé pour tout le monde.

-Ce qu’il te faudrait, commença Flanny, c’est quelques jours de repos…Entre les nouvelles de ton cousin qui se font de plus en plus rares, et le départ de Terry, tu es nerveusement épuisée. Tu devrais prendre des vacances.

-Je suis d’accord avec elle, acquiesça Annie. Depuis que tu es arrivée ici, tu n’as pas arrêté un seul instant de travailler. Tu devrais faire un break.

-Je pensais justement aller quelques jours à la Maison Pony, avoua Candy, sans Terry, la ville me semble vide. Là-bas au moins je me sentirai chez moi, avec mes deux mamans et tous les enfants.

-C’est une excellente idée, approuvèrent-ils d’une seule voix. Accepterais-tu que nous allions à Lakewood dans le même temps. Ainsi nous ne serons pas loin de toi et nous ne gênerons pas l’organisation de la maison.

-C’est une excellente idée !

Le voyage fut vite organisé. Deux jours plus tard, les malles étaient bouclées et les jours de congé posés. Tous nos amis prirent alors le train qui les conduirait vers les lieux d’enfance de Candy, Annie et Archibald. Rien encore ne laissait présager ce qui allait se passer…

 

Fin du chapitre trois

© Séraphine, septembre 2005

Petit babillage sur presque rien :

Ouf ! Le chapitre est bouclé, dans la souffrance certes (il est 23heures maintenant, à l’heure où je fini de le rédiger, et mes yeux sont injectés de sang), mais çà y est ! Le Séraphine nouveau est arrivé, après un an d’un accouchement difficile ! Je promet à l’avance comme bonne résolution de ne plus vous faire languir si longtemps, cher lecteurs, et je m’excuse auprès de ceux qui ont attendu un si long moment (Sorry Gentillefille) pour découvrir la suite de mon histoire.

En ce qui concerne le chapitre quatre, que dire… nous aurons certaines "révélations".

Milles bises !