La petite princesse
par Séraphine

 

Chapitre deux

Une décision qui change tout

 

- Prenez soin de lui Candy.

Candy pleurait, et rien ne pouvait la consoler.

- Prenez soin de lui, prenez soin de lui…

- Non Suzanna, tu ne fuiras pas. Se redressant avec énergie, Candy ramassa sa ‘‘ boîte à bonheur ’’ et se mit à dévaler les escaliers. Arrivée dans le hall de l’hôpital où elle retrouva Terry et Mme Marlowe, ainsi que des infirmières, elle se mit à hurler telle une hystérique « un brancard, vite, Suzanna est tombée du toit ! ». Après cette annonce, qui sans qu’elle s’en rende compte avait jeté un froid dans l’assistance, elle se précipita à l’extérieur, et se mit à la recherche du corps de Suzanna, dont elle pensait qu’il était très certainement inerte, sans vie.

Elle n’eut pas à marcher bien longtemps. En effet, des badauds s’étaient groupés autour d’elle.

Poussez-vous, poussez-vous, je suis infirmière. Candy était tétanisée. Tremblante, elle se mit à prendre le pouls de Suzanna pour savoir si oui ou non cette dernière était décédée.

1 première seconde passa.

Une deuxième.

Une troisième.

Rien.

Candy commençait à paniquer. Puis soudain, elle le sentit, faible, mais là. Suzanna vivait, elle respirait. Son pouls était à peine palpable, certes, mais elle était vivante, vivante ! Candy ne pus retenir plus ses larmes. Ses nerfs avaient lâché devant tant de pression, et maintenant des larmes s’écoulaient de ses joues, elle pleurait, là, à côté d’elle, à côté de Suzanna.

Sur le coup, les personnes qui s’étaient assemblées autour d’elle, tout comme les infirmières, Terry et Mme Marlowe qui venaient d’arriver, crurent que la jeune femme à ses côtés n’était plus de ce monde, que ce n’était plus qu’un corps sans vie, mais ils se ravisèrent vite en l’entendant s’écrier :

-Merci mon Dieu, merci ! Elle respire, Suzanna respire !

Rassurées, les infirmières s’approchèrent, et étendirent délicatement le corps de Suzanna sur une civière, et la ramenèrent aussitôt à l’hôpital pour qu’elle se fasse examiner, et soigner.

En étant infirmière dans le service de chirurgie à l’hôpital Sainte Joanna à Chicago, Candy avait souvent pu observer la douleur des familles, lorsqu’une personne de leur entourage qui leur était chère se faisait opérer. Elle avait ainsi pu lire dans leurs yeux la crainte, l’angoisse, …, et par-dessus tout l’impuissance.

Candy cependant n’avait jamais songé pouvoir se retrouver dans une telle situation, ressentir aussi intensément ces mêmes sentiments. Comment elle, une infirmière qualifiée et diplômée d’un des plus prestigieux hôpitaux du pays, pouvait-elle en être réduite à faire les cents pas dans une salle d’attente. Elle comprenait toutefois. Elle savait que n’étant pas employée dans cet établissement, elle n’avait pas le droit d’y exercer. Et pourtant, pourtant, elle avait envi d’entrer dans cette salle où se trouvait Suzanna, et aider. Elle se mit à cette pensée à trembler de rage, et des larmes commencèrent à se former autour de ses yeux.

A cet instant, quelqu’un posa une main sur son épaule. C’était Terry.

- Je comprends ce que tu ressens, pour l’avoir déjà vécut. Tu n’y peux rien, c’est comme çà. La seule chose à faire pour aider, c’est attendre.

-Oui Terry, tu as raison.

Mais Candy ne pouvait se résoudre à adopter une attitude si passive. Non, ce n’était pas dans son style. Elle ôta de son cou l’un de ses porte-bonheur, la croix que lui avait offert Mademoiselle Pony alors qu’elle n’avait que treize ans et qu’elle quittait la maison de son enfance, elle s’agenouilla, et pria, bientôt accompagnée par Madame Marlowe, et même par Terry. Des larmes d’un goût amer lui caressèrent les joues.

Au bout d’une heure, allongée sur un brancard, endormie, entourée de médecins et d’infirmières, Suzanna sortie du bloc opératoire.

Un médecin, l’air grave, leur expliqua que si Suzanna était encore de ce monde, c’était grâce au fait que l’hôpital n’était haut que de deux étages, et car la neige qui était tombée en abondance durant la nuit dernière et toute cette journée avait amorti sa chute. Elle avait néanmoins quelques côtes et le bras droit cassés.

Malheureusement, continua le médecin, le choc qu’elle a subi l’a plongé dans le coma. Nous ne savons ni quand elle se réveillera, …, ni même, … si elle rouvrira les yeux.

Un bruit sourd se fit soudain entendre : la mère de Suzanna venait de s’évanouir.

- Des sels, vite.

La nuit fut longue et agitée. Après la tentative de suicide de Suzanna et l’attente du diagnostic du médecin, sa mère avait défaillit. Il avait fallut l’amener dans une chambre à l’écart, avant de la ramener chez elle, puis Terry dû la rassurer sur l’état de santé de sa fille, avant de la raccompagner. Seulement à ce moment là ils avaient pu rentrer chez lui pour essayer de prendre du repos. Ils ne s’échangèrent aucune parole au retour. Que pouvaient-ils encore se dire après tout ce qui venait de se produire. Lorsqu’ils arrivèrent, chacun gagna sa chambre sans un mot, sans un regard. Quelque chose s’était brisé ce soir, et Dieu seul savait ce qu’il adviendrait.

Candy ne cessa de se tourner et de se retourner dans son lit. Ces derniers évènements la tourmentaient et l’empêchaient de plonger dans un sommeil qui aurait pu lui être salvateur. Finalement, à bout de force, éreintée, elle se leva et se dirigea vers la fenêtre. Le soleil pointait à l’horizon, chassant les derniers nuages de la veille. Ses rayons se reflétaient sur la neige des toits et la faisait scintiller de mille feux. Mais Candy ne remarqua même pas la beauté de ce spectacle. Elle fixait d’un air absent la cour, et son parterre de fleurs fanées, gelées par la neige.

- Que puis-je faire mon Dieu, que puis-je faire ? , et elle éclata en sanglots. Terry et moi, nous n’avons plus aucun avenir, et Suzanna est entre la vie et la mort. J’ai été inutile, je n’ai pas su la retenir, je n’ai rien pu faire. La seule chose qui s’impose à mon esprit, c’est rentrer, fuir ce cauchemar, et essayer d’atténuer mon chagrin.

A ce moment là, Candy porta sa main droite sur son cœur, et y sentit quelque chose. C’était sa croix. Elle revit Mademoiselle Pony, Sœur Maria, la maison Pony, ses jeunes années, son prince, « Tu es bien plus jolie quand tu souris, petite fille ».

- Oui, c’est vrai, je ne dois pas pleurer. Souris souris Candy ; Si tes mamans te voyaient, elles ne seraient pas très fières. Je dois me ressaisir. Je n’ai rien pu faire jusqu’à maintenant, mais je suis une infirmière, et en tant que telle, mon devoir est de soigner les malades, et j’ai une dette envers Suzanna, elle a … elle a sauvé Terry. Ces derniers mots eurent du mal à se former dans sa gorge, mais ils reflétaient la réalité.

Candy sortit de sa chambre et se dirigea vers la salle de bain. Elle passa devant la chambre de Terry, mais ne prêta pas attention à son occupant. Une fois lavée et habillée, elle refit le même chemin, mais s’arrêta devant sa porte. Elle entendit derrière des bruits de pas dans sa direction, mais ils stoppèrent net devant la porte. Personne n’ouvrit. Elle tendit l’oreille et perçut le bruit de sanglots.

‘‘Terry, …, Terry pleure, pensa Candy, jamais je ne l’ai connu dans cet état. Il doit être … déchiré’’. Des larmes s’échappèrent de ses yeux, tandis qu’elle regagnait sa chambre, qu’elle faisait sa valise, et rangeait sa belle robe blanche. Une fois qu’elle eut fini, avant de partir, elle alla une dernière fois devant la porte de la chambre de Terry, et lui dit : « sois heureux, je t’en prie, sois heureux ». Alors qu’elle quittait son appartement, elle entendit la voix de Terry lui répondre «  Toi aussi, sois heureuse ». Elle franchit le palier, elle avait quitté l’appartement.

-Enfin arrivée ! Je n’aurai jamais imaginé que l’hôpital soit si loin de la gare. Heureusement que j’ai laissé mes bagages à la consigne. Mais bon, le taxi et la calèche étaient trop chers.

Candy entra d’un pas ferme et décidé dans le hall, et se dirigea vers l’accueil, tenu par une jeune infirmière.

- Excusez-moi, bonjour, je m’appelle Candy Neige André, je suis infirmière et je voudrai savoir si vous embauchez du personnel.

- Il faut que vous voyiez cela avec la chef des infirmières. Pour aller à son bureau, vous devez aller au couloir du personnel là sur votre gauche, et son bureau est le second à droite. Elle se nomme Marie Lewis. C’est écrit sur la porte, vous ne pouvez pas vous tromper. Au fait, bonne chance, ajouta la jeune fille, dont la voix était devenue un murmure.

- Merci bien, au revoir. Candy quitta la jeune infirmière, perplexe, et traversa le hall pour se rendre dans le fameux couloir. Avant de quitter l’hôpital la nuit dernière, elle avait entendu les médecins dire qu’il faudrait veiller constamment Suzanna pour que son état n’empire pas. Mais ils avaient ajouté que cela s’avérait difficile avec leur problème de personnel. Elle avait donc des chances d’être prise ici, et peut-être qu’on lui confierait la garde de Suzanna. C’est ce qu’elle espérait de tout cœur.

Arrivée devant la porte de Marie Lewis, Candy marqua un temps d’arrêt. Déjà qu’elle était angoissée, pourquoi l’infirmière lui avait-elle dit « bonne chance » ? Se pouvait-il que cette femme soit plus stricte que la directrice de l’hôpital Marie-Jeanne ? Bien indécise, Candy frappa à la porte.

- Entrez ! L’invitation avait été prononcée par une voix douce, Candy ne comprenait vraiment pas. Cependant, une fois entrée dans la pièce, ce ne fut plus le cas. Au contraire, Candy souhaitait n’être jamais entrée. Sur le visage de cette femme, âgée d’une trentaine d’années, et elle présumait aussi sur d’autres parties de son corps cachées par ses vêtements, toutes les horreurs de la guerre. Marie Lewis, qui avait du partir à la guerre, en était revenue marquée à vie. Toute une partie de son visage était défigurée par des éclats d’obus.

- Bon … bonjour, bredouilla Candy.

- Mademoiselle, ne vous formaliser pas sur mon visage et sur mon âge. Si l’on m’a confié ce poste, bien que se soit pour des raisons évidentes que vous comprenez sûrement, j’ai tout de même les capacités requises. Alors, parlez je en prie, dit Marie sur le même ton aimable. Le ton employé n’était ni agressif, ni amer. Candy en fut très surprise. Cette femme devait avoir une volonté de fer pour prendre avec autant d’aisance sa position.

Elle saisit bien que si elle avait eu ce poste, c’était, bien qu’elle en ait les compétences, surtout pour que les patients ne soient pas effrayés par son visage, où se lirait la barbarie de la guerre, jusqu’à son dernier souffle. C’était sûrement aussi la raison pour laquelle elle avait été renvoyée en Amérique. Qui aurait laissé une infirmière ainsi défigurée soigner des soldats au front.

- Excusez-moi, je m’appelle Candy Neige André, je suis infirmière et je voudrais savoir si vous avez un poste à me proposer.

- Dites-moi quelle est votre formation.

- J’ai suivi une formation à l’hôpital Marie-Jeanne, puis à Chicago à l’hôpital Sainte Joanna.

- Vous avez de très bonnes références. Pourquoi avez-vous quitté votre poste ?

- Pour raisons personnelles, répondit Candi visiblement gênée par la question. Marie le remarqua et n’insista pas.

- Bien, je ne chercherai pas à en savoir plus. Si vous aviez été renvoyée, je l’aurai su avant même que vous soyez ici, car voyez-vous, on ne se fait pas renvoyer d’un des meilleurs hôpitaux du pays sans avoir une réputation qui vous précède. De plus, vous êtes pour moi un cadeau du ciel car nous manquons de personnel, et nous avons une patiente fragile depuis peu. Elle s’appelle Suzanna Marlowe.

- J’en ai entendu parler ce matin dans la presse, on ne voit que çà sur les gros titres des journaux dans la ville.

- Alors vous avez pu cerner son cas. Elle est dans le coma, et son état requiert quelqu’un pour la surveiller. Bien entendu vous aurez d’autres patients, mais c’est vous qui vous en chargerez le jour. La nuit, j’ai déjà quelqu’un. Quand pouvez-vous commencer ?

- Dès lundi prochain, le temps pour moi de trouver un appartement et de faire venir mes affaires de Chicago. Çà me laisse six jours.

- Parfait, je vous attends lundi. Bienvenue à l’hôpital Saint Vincent. Vous viendrez chercher votre uniforme ici et je vous présenterai vos collègues et les bâtiments.

- Très bien. Merci et à lundi, fit Candy en partant.

Avant de prendre le train qui la ramènerait à Chicago, Candy se mit à chercher un appartement. En effet, à quoi bon déménager et ramener toutes ses affaires si elle n’avait aucun endroit où les ranger ! Elle devait se dépêcher toutefois, si elle ne voulait pas rater son train qui partait à trois heures. Après bien des tentatives qui se soldèrent toutes par un échec, Candy réussit à louer un ravissant deux pièces au deuxième étage d’un petit immeuble, et d’où l’on avait une vue magnifique sur Central Park. Avec la neige, on aurait dit un décor de carte postale, et Candy rêva qu’au printemps il devait être resplendissant et éclatant de couleurs. Les roses refleurissent toujours plus belles.

Le temps n’eut aucune prise sur Candy durant son voyage de retour. Elle fut … comme … insensible à toute la vie, à toute l’animation qui l’entourait pendant toute la durée du trajet, elle resta figée, telle une statue de marbre, à laquelle un Michel-Ange ou un sculpteur grec aurait insufflé un semblant de vie. Elle arriva tard dans la soirée, et pressa le pas pour vite se retrouver dans son appartement. Demain, elle démissionnerait de son poste, elle préparerait son déménagement, et dirait au revoir à ses amis. Il faudrait aussi qu’elle parle à monsieur Albert. Pour l’instant, elle voulait rentrer, trouver du réconfort auprès de lui, et faire quelque chose qu’elle n’avait encore pu faire, car elle avait du être forte jusqu’à présent. Elle voulait pouvoir pleurer, encore et encore, pour exorciser son chagrin, comme s’il pouvait à travers ses larmes quitter son corps, son esprit, son cœur.

Quand elle entra dans le salon, elle remarqua tout de suite que quelque chose ne tournait pas rond. Normalement, les pièces auraient du être allumées et monsieur Albert en train de vaquer à ses occupations. Or, là, tout était plongé dans le noir. Comme elle ne lui avait tien dit de son retour, il ne pouvait ni être à la gare en train de l’attendre, ni lui faire une surprise. Anxieuse, Candy découvrit une enveloppe sur la table du salon, sur laquelle elle reconnut l’écriture de monsieur Albert : ‘‘Pour Candy’’. La main tremblante, elle l’ouvrit, et y trouva une lettre ainsi que de l’argent.

‘‘Candy,

ne m’en veux pas pour mon départ, mais ayant surpris à plusieurs reprises les conversations et les remarques désobligeantes des voisins sur le fait que nous vivions ensemble, j’ai pensé qu’il était préférable de partir pour ne pas entacher ton honneur. Je te remercie pour tes excellents soins. Voici de l’argent pour te dédommager de toutes tes dépenses. Nous nous reverrons bientôt.

Ps : je n’ai jamais osé te le dire, mais quelques jours avant ton départ, j’ai eu un léger accrochage dans la rue avec une voiture, et le choc qui en a résulté m’a fait retrouver la mémoire.

Merci pour tout Candy,

Albert.’’

La lettre glissa d’entre ses mains. « Monsieur Albert, vous n’auriez pas du. Je m’en moquai, moi, de leurs médisances. » Epuisée nerveusement, à bout de force, Candy s’endormit sur une chaise, et ne se réveilla que le lendemain au petit matin. Elle avait dormi d’un sommeil sans rêve, ce qui lui avait permis de prendre un certain repos.

Elle se changea, et sorti. La journée s’annonçait rude.

Le directeur de l’hôpital accepta tant bien que mal sa démission. En effet, qui avait envie de se priver d’un aussi bon élément dans son équipe. Et avant qu’elle ne reparte, il lui fit cette intéressante remarque : «  ceux qui vous auront comme infirmière seront soignés par un ange en blouse blanche ». Ultime compliment pour la retenir, mais qui ne fit pas revenir Candy sur sa décision, bien qu’il lui aille droit au cœur.

Elle se rendit ensuite dans une agence de déménagement. Là, le directeur lui proposa, comme on était mercredi, de faire venir son équipe le vendredi, pour que ses affaires soient acheminées pour le lendemain, ce qui laissait un peu plus d’un jour pour tout ranger. Elle pouvait, si elle le souhaitait, suivre ses effets pour encore moins perdre de temps. Cette situation lui parut très accommodante, et Candy accepta le marché.

Il lui restait maintenant, et cela lui brisait le cœur rien que d’y penser, à avertir ses amis.

Le chemin qu’elle eut à faire pour se rendre à la maison des André lui apparut long et détestable. Milles fois l’envie de s’arrêter et de rebrousser chemin lui traversa l’esprit, la peur de leur réaction l’angoissant, et milles fois elle reprit sa route, car ne rien leur dire n’aurait pas été honnête vis-à-vis de ceux qui l’avaient toujours soutenue.

Enfin, la demeure familiale des André émergea de la masse indistincte des maisons, morne, grise, froide, et dégageant cette atmosphère de rectitude qui déplaisait tant à Candy. Elle ouvrit la lourde grille de fer, et suivit la route finement sablée qui menait à la porte principale.

Arrivée, elle fut accueillie par les domestiques qui lui indiquèrent que Annie, Archibald et Patty discutaient dans la véranda. Connaissant bien le chemin pour s’y rendre, elle les remercia pour leur aide et se dirigea donc seule vers la véranda. Elle qui pensait trouver des gens souriants et parlant joyeusement à l’approche des fêtes, elle ne trouva que des mines pâles et affligées à son arrivée. Inquiète, elle demanda ce qui se passait.

« C’est Alistair, lui répondit Annie, Patty étant trop émue pour prononcer le moindre mot, il …, il est parti à la guerre. Tiens, voici la lettre qu’il nous a écrite ». Annie tendit la correspondance à Candy, qui la lut à haute voix. Aux premiers mots, Patty qui jusque là avait réussi à contenir sa peine, se mit à sangloter.

‘‘Cher Patty, cher amis,

je suis actuellement sur un bateau qui se dirige vers la France. Je voyage gratuitement, mais en contrepartie je travaille comme forçat. J’ai décidé de m’engager dans l’armée. La guerre à l’étranger est une chose à laquelle il m’est impossible de rester indifférent. Cependant, je veux que vous, mesdemoiselles, vous viviez dans la paix. Lorsque cette lettre vous parviendra, je serai sans doute pilote dans l’Armée française, et je pourrai défendre avec fierté notre patrie avec mon avion.

Alistair.

En un éclair, Candy revit l’expression qu’arborait Alistair sur le quai de la gare, quelques jours auparavant.

« Je suis, …, la dernière à l’avoir vu, réussit-elle à articuler. Il était … sur le quai de la gare. Mais ce n’était pas moi qu’il attendait, mais son train. Tout prenait un sens. Pourquoi n’ai-je rien compris, se mis-elle à hurler, pourquoi, pourquoi n’ai-je rien vu, pourquoi…, mais elle ne pu rien dire d’autre, ses cris s’étouffant dans l’étreinte d’Annie, qui avait prit son amie dans ses bras.

- Candy, ce n’est pas ta faute. Tu étais tellement heureuse à l’idée de revoir Terry.

- Candy, continua Patty, tu n’es pas responsable. C’est sa décision, et personne ne peut aller à son encontre. Tu dois l’accepter, tout comme moi je l’accepte.

- Oui, vous avez raison, et elle essuya ses larmes.

- Au fait, lui demanda Archibald pour détourner la conversation, de quoi voulais-tu nous parler ? A l’instant même où il posa cette question, il comprit à l’expression de détresse qu’avait prise Candy que la réponse qu’elle allait lui fournir ne serait du goût de personne.

Candy leur expliqua, courageusement, le drame qui s’était joué à New-York avec Suzanna et Terry, et sa décision de déménager pour soigner Suzanna. Une fois son récit achevé, ils restèrent tous dans un profond silence, personne ne savait ni quoi dire, ni quoi faire. Ce fut Annie qui rompit en premier cette atmosphère pesante.

« Je respecte ta décision, tout comme je respecte la décision d’Alistair. Et si tu veux bien, j’aimerai t’aider à déménager. Je ne veux pas te laisser seule à ruminer tes pensées. J viendrais aussi te voir le plus souvent possible.

- Crois-tu que nous te laisserons en tête-à-tête avec Candy, dirent en cœur Archie et Patty. Nous aussi nous t’aiderons.

Aussitôt dit, aussitôt fait ! Ils se mirent immédiatement en route vers son appartement pour l’aider à faire ses paquets. Arrivés devant la voiture, ils croisèrent Daniel et Eliza qui revenaient de la ville. Chacun croisa le regard de l’autre, neutre pour Candy, haineux et méprisant pour Eliza et Daniel, cependant, intérieurement, ce dernier, en lui-même, ne pus s’empêcher d’observer le groupe s’éloigner avec jalousie. Pourquoi diable était-il jaloux, pourquoi voulait-il être avec eux, non, être seul avec Candy, rien que tous les deux. Mais cette pensée le mettait de mauvaise humeur. Pourquoi désirait-il tant être avec une fille d’écurie qu’il avait humilié pendant toute son enfance. Bof, ce dit-il, je vais prendre un verre de whisky, une petite bouffée, et je n’y penserai plus, et aussi, je dois m’occuper d’un arrivage avec Eliza.

Le lundi matin en se rendant à l’hôpital pour prendre son service, Candy ne pu s’empêcher de penser à ses amis qui l’avaient aidé emballer toutes ses affaires à Chicago, puis qui avaient fait le trajet avec elle jusqu’à New-York et l’avaient aidé à emménager. Cette occupation avait été pour tous un exutoire, une thérapie. Elle leur avait permis pour un temps de se décharger de leurs sentiments, et ainsi oublier pour un moment leur chagrin. Ce nouvel appartement était tout aussi spacieux et coquet que l’ancien. Jusque tard le samedi soir ils avaient fêté cet emménagement, plus pour s’occuper que par réelle envie, les récents évènements ne leur permettant pas d’être aussi joyeux qu’à l’accoutumée. Puis, le dimanche, dans la journée, ils avaient du repartir, mais en promettant de se donner souvent des nouvelles.

Arrivée à l’hôpital, elle se présenta à Marie comme elles se l’étaient convenu. Cette dernière était assise à son bureau quand Candy arriva, en train de remplir de la paperasse, seule occupation qui lui était encore possible.

«  Bonjour Candy, lui dit-elle quand elle leva le nez de ses papiers. J’ai reçu les documents vous concernant de votre ancien hôpital. Vos papiers sont donc en règle. Maintenant suivez-moi, que je vous montre où sont les vestiaires et pour que vous enfiliez votre nouvelle tenue de travail, et je dois vous faire visiter l’établissement et vous présenter à vos futurs collègues.

- Quelle pêche elle a de bon matin ! Sourit intérieurement Candy.

Le nouvel uniforme de Candy était très semblable à l’ancien, ce genre de costume variant peu pour être facilement reconnaissable par tous. Sa robe, contrairement à l’ancienne, s’attachait par le devant à la manière des vestes militaires, et elle n’avait pas de ceinture.

- Enfin Candy, lui dit Marie, qui avait caché sa blessure en mettent son chapeau de travers pour ne choquer personne, voici le quartier général des infirmières !

Jamais Candy, à part elle-même, n’avait vu une infirmière aussi extravagante. Les gens sur son passage retrouvaient le sourire, ils rayonnaient. En l’entendant arriver, les infirmières et médecins présents dans la salle de repos se retournèrent tous d’un même mouvement, et se levèrent pour accueillir la dernière recrue. Marie la présenta à tout le monde. Tous avaient l’air très agréable.

- Eh bien Candy ! Un discours, s’écria Marie. Tous reprirent en cœur ‘‘un discours, un discours !’’. Le visage rouge jusqu’au bout des oreilles (on pouvait même voir de la fumée s’échapper de sa tête !), elle commença :

- Bonjour à tous, je suis heureuse de faire votre connaissance. Je m’appelle Candice Neige André, mais tous mes amis m’appellent Candy. J’espère arriver à bien m’entendre avec vous, que nous aurons de bonnes relations, et que vous serez satisfaits de mon travail. Voilà, c’est tout, conclue joyeusement Candy !

- Bienvenue Candy ! Clamèrent-ils tous. L’ambiance de cet hôpital avait l’air excellente, Candy pensa qu’elle n’allait pas s’ennuyer, et que cela lui permettrait de moins se laisser tourmenter par ses soucis.

- Voici votre planning pour la semaine Candy. Vous avez l’air d’aller mieux que la dernière fois, quand vous êtes venue me demander où était le bureau de Marie.

- Je me disais bien que ton visage m’était familier. Tu t’appelles…

- Arwen Tolkien, enchantée.

Effectivement, la vie dans cet hôpital était très agréable, et tous les membres du personnel étaient charmants, l’aidant à s’adapter, alors que ses souvenirs d’élève infirmière avec ses anciennes camarades, et surtout Flanny, étaient plus houleux.

Candy s’occupait de Suzanna, elle veillait à ce qu’elle ne manque de rien, qu’elle soit toujours bien mise, arrangeait sa chambre, et la soignait avec toute l’attention et la tendresse dont une infirmière peut faire preuve envers son patient. Ses blessures guérissaient, mais elle restait pourtant, hélas, dans le coma. Elle lui parlait aussi du temps, des enfants qui construisaient des bonhommes de neige, des festivités qui approchaient, lui disait des mots d’encouragement, et lui parlait de Terry. Cela faisait mal, si mal là, en son cœur, elle avait la sensation qu’il allait se fendre, se consumer, … et éclater en milles fragments d’étoile à chaque fois qu’elle prononçait son nom. Elle l’aimait, mais elle savait également que parler à Suzanna de l’être qu’elle affectionnait le plus sur cette Terre pouvait hâter sa guérison.

Pendant ces soins, elle veillait à ce que ni Madame Marlowe, ni Terry, ne sachent qu’elle s’occupait de Suzanna. Pour cela, elle avait dû vite repérer leurs habitudes. Madame Marlowe venait de midi jusqu’ à l’heure de la fermeture de l’hôpital aux visiteurs, à 19 heure, et ne quittait pas le chevet de sa fille. Elle redoublait de prudence toutefois à l’arrivée de Terry, à 17 heure, après les répétitions, car il ne cessait de harceler les infirmières pour que celles-ci lui disent quelle infirmière s’occupait de Suzanna, pour ainsi connaître l’amélioration de son état. Au fil du temps s’était de ce fait instauré une sorte de jeu de cache-cache entre Terry et Candy. Il avait été une fois à deux doigts de l’attraper, mais elle avait pu se réfugier juste à temps dans les toilettes pour femme, mais un instant après elle se demanda si elle avait bien fait, car connaissant l’animal et ses manières, elle le savait capable d’entrer ! Finalement, au bout d’un quart d’heure d’attente (‘‘quelle patience, pensa t-elle, il a fait des progrès !’’), il rendit les armes et elle l’entendit s’éloigner. Ce n’était qu’une bataille de perdue, puisqu’il ne renonça pas à vouloir la rencontrer.

Néanmoins, peu de temps après ce chassé-croisé rocambolesque, Candy eut une bien étrange surprise. En effet, elle était partie avec Arwen et d’autres collègues au port pour recevoir des blessés de guerre. Candy priait pour ne jamais retrouver Alistair parmi eux. Tout comme Marie, ils portaient une marque indélébile, imprégnée sur leur chair au fer rouge, aux balles de fusil, aux gazs toxiques, aux obus. Cette marque ne s’effacerait jamais, cette marque de la guerre, de l’horreur, du désespoir, de la mort. Candy était là au milieu de ces hommes, quand, et sa surprise fut immense, quand elle tomba nez à nez avec Flanny, qui faisait parti des rapatriés. Celle-ci, allongée sur un brancard, avait l’air de souffrir atrocement, ce qui fit qu’elle ne remarqua pas la présence de Candy.

Quant à Candy, bien que soucieuse de l’état de santé de celle qu’elle considérait comme une amie, elle dû continuer son travail pour que leur retour à l’hôpital se fasse dans les plus brefs délais, et que des soins lui soient ainsi rapidement administrés.

Dans sa hâte, elle ne distingua pas à travers ses couvertures que Flanny avait perdu sa jambe droite, qu’un éclat d’obus avait transpercé sur le front, et la blessure s’étant gangrenée, à cause des mauvaises conditions sanitaires à l’arrière des tranchées, il avait fallu l’amputer. De là, plus question d’exercer comme infirmière de guerre. Flanny avait été rapatrié avec le premier convoi de blessés américains.

Elle ne s’en rendit compte seulement que lorsque elle aida un chirurgien à examiner Flanny, en salle d’examen. Celui-ci déclara qu’elle récupèrerait vite, bien que la traversée l’ait fatigué. On lui fit prendre quelques calmants, et on la plaça dans une chambre avant qu’elle ne commence sa rééducation à l’aide d’une prothèse.

La chambre était éclairée par les rayons du soleil. Une infirmière s’afférait dans la pièce. Elle avait l’air d’être compétente, heureusement ! Elle n’était pas tombée sur une jeune gourde. Flanny sortait de sa torpeur. Elle était en Amérique, dans un hôpital, ses douleurs s’estompaient, tout allait pour le mieux. Une minute. Cette démarche, cette silhouette, ces cheveux …

- Candy !

- Bonjour Flanny, bienvenue à l’hôpital Saint Vincent de New-York. Tu as passé une bonne nuit ? , demanda Candy d’un ton enjoué.

- Oui, répondit Flanny encore surprise, mais …, tu ne devrais pas être à Chicago.

- Je …j’ai décidé de venir exercer à New-York, je …je voulais connaître la ville et connaître de nouvelles techniques chirurgicales, alors me voici ! Candy avait dit cela précipitamment, l’air gêné, et elle ne regarda pas Flanny en face lorsqu’elle lui parla, ce que cette dernière n’avait jamais vu chez Candy. Cela n’échappa pas à ses yeux de faucon, qui comprit que quelque chose de grave s’était produit, pour que Candy lui mente. Elle n’insista pas, comprenant que Candy ne lui dirait rien de plus. Elle se promit d’observer la situation le mieux possible, et de tirer çà au clair. Si le sujet ne plaisait apparemment pas à Candy, cela ne présageait rien de bon, et elle voulait l’aider.

Être infirmière de guerre avait permit à Flanny de beaucoup réfléchir. Elle avait ainsi changé d’opinion au sujet de Candy, et s’était jurée d’essayer de mieux la comprendre, et de devenir son amie, si elle la revoyait. Elle qui pensait que devenir infirmière n’était pour Candy qu’un caprice de petite fille riche, elle avait l’air de s’être lourdement fourvoyée.

La convalescence de Flanny fut de courte durée. Son tempérament d’acier y fut pour beaucoup. Elle se rétablit si vite que Candy se demanda même si Flanny n’avait pas peur des hôpitaux en tant que patiente ! Et de là, elle apprit immédiatement à utiliser sa nouvelle prothèse. Elle s’y adapta facilement, et pu bientôt reprendre su service. Ce genre de handicap, caché par son uniforme et ses chaussures, passa inaperçu.

Elle avait coupé les ponts avec sa famille, aucun ami à retrouver, et le comportement de Candy la tracassait ; tout cela l’incita à demander une place à Saint Vincent.

Candy et elle se connaissaient déjà, et cela est un avantage très agréable dans un endroit que l’on ne connaît pas. Cela permis à Flanny de plus vite, et mieux s’intégrer au reste du personnel, ainsi qu’à sa nouvelle vie. Il fallut à Candy une bonne dose de patience pour faire comprendre à ses collègues que la froideur apparente de Flanny était un mur qui pouvait très aisément se contourner ! Cette dernière en effet n’était pas méchante, et sa méfiance à l’égard des autres était due à de douloureux souvenirs d’enfance. Il fallait lui donner une chance. Flanny lui en fut très reconnaissante. Elle avait loué un appartement à deux pas de celui de Candy, ce qui leur permit de faire souvent le chemin ensemble.

Flanny continuait à observer Candy. Elle pu déchiffrer dans ses yeux une immense tristesse, et une grande douleur. A force de patience et de perspicacité, et en écoutant aussi tous les petits potins que les infirmières se racontaient, elle comprit.

Un jour, le visage d’un jeune homme avait attiré son attention. Elle avait fait seulement le rapprochement chez elle. Mais oui, se souvint-elle dans un sursaut, ce jeune homme, c’était celui qui à Chicago un soir avait demandé à voir Candy. Et quelques jours plus tard, des collègues lui expliquèrent le drame. Terry … Roméo et Juliette … Suzanna … le projecteur … sa chute… Le reste, Flanny le devina bien. Elle avait pu avoir un aperçu de la grandeur d’âme de Candy le jour où celle-ci lui avait proposé de partir à sa place au front ‘‘ je n’ai aucune famille, personne qui m’attends, laissez-moi y aller à votre place Flanny  ’’. Ces mots résonnaient toujours dans son cœur, et avaient réussi à percer la coquille de solitude dont Flanny s’était entourée. Et maintenant, Candy soignait Suzanna, pour se racheter de ne pas l’avoir rattrapée, pour le bonheur de son ami, qui semblait lui aussi submergé par un flot d’émotions et de sentiments contraires. Suzanna et son devoir … Candy et son amour…

La journée était plutôt belle. Noël approchait. Une ambiance de fête s’était répandue à travers la ville et avait contaminé tous ses habitants. Des décorations fleurissaient à chaque coin de rue, des bonhommes de neige sortaient de terre grâce à des architectes encore en culotte courte, des chants et des cantiques s’élevaient des maisons.

Candy et Flanny marchaient, se frayant un passage dans la neige fraîche qui venait de tomber la nuit dernière. De jeunes enfants animaient la rue par une féroce bataille de boules de neige. Le chaos qui en résultait distrayait les passants, qui d’un oeil amusé se demandaient qui allait l’emporter, et d’un autre oeil veillaient à ce qu’il n’y ait aucun blessé grave. Aujourd’hui était un jour de repos, mais demain, elles seraient de garde.

Elles s’assirent sur un banc que les enfants avaient oublié de changer en camp retranché. De là, elles pouvaient voir toutes leurs manœuvres sans risquer l’affrontement. Les rayons pâles du soleil les caressaient. Au moins, il ne faisait pas trop froid.

Flanny hésitait à parler à Candy. Elle voulait l’aider, mais comment ? Au moins, si Candy pouvait se confier à quelqu’un et soulager son cœur d’un poids, cela serait toujours bénéfique.

- Candy, je sais pourquoi tu es venue.

Candy était interloquée. Que racontait Flanny, comment savait-elle ? Comment …

- … je le sais ?, termina Flanny. Candy, j’ai été ta compagne de chambre, et élève infirmière avec toi à Chicago. J’ai appris à te connaître. Et j’ai découvert ton manège avec Terry et Madame Marlowe.

Un des enfants venait de glisser sur une plaque de verglas et s’étai mis à pleurer bruyamment. Ses cris avaient ameuté les habitants.

- Ah bon. Candy avait une mine triste. Elle se jeta d’un coup dans les bras de Flanny, en versant d’abondantes larmes. Flanny, je l’aime, et je n’y peux rien.

Prononcer ces mots était pour elle une libération. Elle n’était pas seulement venue ici par devoir comme elle l’avait d’abord cru, mais aussi par amour. Maintenant, elle s’en rendait compte. Cette pensée la délivrait. Elle qui se sentait depuis son arrivée entravée par des sentiments contradictoires, il lui semblait que tout était devenu plus simple. Elle l’aimait, et elle ne pouvait se résoudre à l’idée de la perdre. Mais comment, Suzanna était là, et elle lui avait sauvé la vie.

Candy, tu aurais du parler plus tôt. Les sentiments que tu éprouves sont si intenses qu’ils auraient pu te dévorer. Promets-moi de venir me parler dorénavant, si jamais tu sens que tout va mal. D’accord ?

Oui Flanny, merci.

Au fait, demanda Flanny pour changer de sujet, que deviennent tes amis ?

Ils ont décidé de venir fêter Noël à l’hôpital avec nous. Ils disent que passer les fêtes seule, et travailler en plus est trop triste. Et puis, ils me donneront des nouvelles d’Alistair.

Que lui est-il arrivé ?

Il s’est engagé. Il est en ce moment en France, et combat contre les Allemands.

L’enfant avait cessé de pleurer, et gambadait de nouveau gaiement avec ses camarades de jeu.

- Allez Flanny, tu viens. Candy parée de son plus beau sourire, le regard pétillant de malice, s’était soudain levée. Allez viens, on va s’amuser avec eux !

Finalement, en y repensant bien, leur présence m’a fait du bien. Elle m’a permis l’espace de quelques heures d’oublier mon chagrin. Il faut dire que l’invention envoyée par Alistair avec sa dernière lettre y fut pour beaucoup ! Quelle idée d’inventer une hélice à réaction portable, se dit Candy dans un fou rire intérieur, et en plus, on l’a essayée dans les couloirs, ah ah ah ! , maintenant, elle était pliée en deux tellement elle rigolait. Marie et Flanny me poursuivaient en gesticulant à travers les couloirs pour m’arrêter, les patients me voyaient passer d’un air ébahi, et Annie, Patty et Archibald étaient pris d’une crise de fou rire dévastatrice ! Quiconque s’approchait d’eux était instantanément infecté ! Et à minuit échange des cadeaux. J’espérais un miracle, mais il n’a pas eu lieu, Suzanna joue toujours le même rôle depuis presque un mois, celui de la belle au bois dormant, mais aucun prince n’est parvenu pour le moment à l’éveiller. Il me manque.

Candy, lasse, regardait de sa fenêtre les flocons se poser délicatement sur les rebords de sa fenêtre et la nature assoupie de Central Park. Ce soir serait la Saint Sylvestre, et ses amis, ainsi que Flanny, venaient le passer chez elle. Tout était prêt : les décorations, les paquets-surprises, la table, et le civet de biche mijotait tranquillement dans sa marmite, en émettant de temps à autre un petit bruit prometteur ainsi qu’une délicieuse odeur (vive le traiteur !).

Tout était prêt, mais le cœur n’y était pas. Candy pour être heureuse, n’avait besoin que de Terry, mais il avait Suzanna dorénavant. Pourtant, elle espérait. Elle l’aimait, pour toujours et à jamais.

Au même moment, à quelques rues de là, seul dans son appartement, Terry, l’air perdu, le regard vide, assis dans la chambre qu’il avait aménagé pour Candy, pensait à elle.

Elle me manque. Suzanna ne pourra jamais la remplacer. Mais que faire. Candy et moi le savons bien. Que devient-elle ? J voudrais pouvoir l’enlever, et partir au loin avec elle, là où personne ne pourrai nuire à notre bonheur. Hélas … Suzanna …

Que faire, je l’aime. Il est … ma moitié…

Que faire, je l’aime. Elle est …ma moitié…

Deux cœurs battaient à l’unisson. Deux cœurs s’aimaient. Mais une barrière s’était dressée entre eux, Suzanna. Le destin peut s’il le désire parvenir à faire saigner notre âme, où l’emplir de joie et d’allégresse. Il semblerait qu’il ait ici décidé d’éprouver leurs sentiments jusqu’au bout.

La fête battait son plein. La nouvelle année arrivait, 1915, puisse cette maudite guerre se terminer rapidement.

Dans sa chambre d’hôpital, une patience se réveillait d’un long sommeil.

 

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Elle souleva ses paupières, regarda autour d’elle, et comprit où elle se trouvait.

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Suzanna était sortie de son coma. Elle appela une infirmière.

Zéro !

Bonne année et bonne santé, l’année 1915 est arrivée !

Fin du chapitre deux.

Mars 2004

© Séraphine

 

Petits babillages sur presque rien :

Salut à tous ! Heureuse de vous retrouver dans ce second chapitre, j’espère qu’il comblera entièrement, ou en partie, vos attentes.

Un grand merci à Mamie Musungayi (qui a été d’une patience d’ange ;)), Zazou 57, Catherine hachx, Sylviane Duthois et Lulu pour leurs encouragements, ainsi qu’à tous les autres, merci, cela m’a permis d’avoir plus confiance en moi.

Avec un léger retardJ, bonne année à tous, et rendez-vous au chapitre trois où nos amis vont prendre des ‘‘ voies différentes’’.

PS : si vous pouviez me mailer pour que je sache si vous aimer ou nous, toute critique est la bienvenue !