La petite princesse
par Séraphine

 

Chapitre 1 

Un geste désespéré

 

-Quelle jolie mélodie ! pensa Candy en écoutant la ‘‘ la boîte à bonheur de Candy’’ que lui avait offerte Alistair, avant de partir à la guerre. Cette petite musique est vraiment très réconfortante ! La petite boîte près de son oreille, Candy essayait d’imaginer ses retrouvailles avec Terry : le train arriverait à la gare, elle sortirait du wagon, et là, sur le quai, elle le distinguerait de la foule, aussi beau que la dernière fois qu’elle l’avait entraperçu à Chicago, dans le train qui le ramenait à New York, et ils se jetteraient dans les bras l’un de l’autre, en se murmurant des promesses d’amour éternelles.

En y repensant, se disait-elle, sa vie jusqu’à maintenant avait été très,…, comment dire, sa vie avait été une grande aventure !

Recueillie alors qu’elle n’était qu’un bébé à la maison Pony, elle avait vécu avec ses mères adoptives, Sœur Maria et Mlle Pony, deux femmes pleines de cœur qui s’occupaient d’enfants abandonnés. Elle s’était fait une amie d’Annie, petite fille timide, mais celle-ci avait été adoptée à l’âge de six ans par la famille Brighton, riche famille de Chicago. Pendant un temps Annie avait régulièrement écrit, puis ses lettres s’étaient faites de plus en plus rares, et un jour, dans ce qui était sa dernière lettre, Annie annonçait à son amie qu’elle ne lui écrirait plus jamais, car elle ne voulait pas que ses nouveaux amis apprennent qu’elle était orpheline. Triste, elle s’était réfugiée sur la colline de la maison de Pony, et là, elle avait rencontré son ‘‘prince de la colline’’, que malgré le temps elle n’avait jamais pu revoir.

Quelques années plus tard, à l’âge de treize ans, elle avait été engagée comme demoiselle de compagnie à la résidence de la famille Legrand, pour leurs enfants Daniel et Eliza, deux enfants gâtés pourris qui n’avaient de cesse de la tourmenter. Toutefois, elle avait trouvé réconfort auprès de Mr Albert, qui vivait dans la forêt, et des cousins de Daniel et Eliza : Archibald, Alistair, … et Anthony, qui habitaient non loin de là, à Lakewood. Anthony qui ressemblait étrangement à son prince, Anthony qui lui avait consacré la rose ‘‘sweet Candy’’, Anthony et elle amoureux, et Anthony qui était mort. Mort d’un accident de cheval le jour de la fête de bienvenue en l’honneur de Candy dans la famille André, que le mystérieux oncle William avait adoptée, après que ses trois amis aient insisté auprès de lui, et qui aux dires de la Grand Tante Elroy, doyenne de la famille, dirigeait les affaires de toute la famille.

Après les obsèques d’Anthony, l’oncle William avait décidé de l’envoyer en Angleterre, au collège royal de Saint Paul, pour oublier. Elle avait rencontré sur le bateau qui l’y emmenait ce bel aristocrate arrogant, Terry, qu’elle avait pris de dos pour Anthony. Elle avait revu dans ce collège ses amis Archibald et Alistair, et Daniel et Eliza qui n’arrêtaient pas là non plus de l’embêter. Elle avait aussi rencontré Patricia, et retrouvé Annie.

Elle avait été une lumière d’espoir pour lui, Terry, et il avait été sa rédemption : il l’avait aidée à oublier ses fantômes, elle l’avait aidé à ne plus avoir peur des siens. En effet, durant une escapade nocturne infructueuse, Candy avait découvert qu’il était le fils naturel de la noble famille d’Angleterre des Grandchester ; son père en était le chef, et sa mère la célèbre comédienne américaine Eléonore Baker. Candy avait permis à Terry lors des vacances en Ecosse à ne plus haïr sa mère, à la connaître, et à apprendre à l’aimer. C’est aussi pendant ces vacances qu’ils apprirent à mieux s’apprécier, à s’apprivoiser, et à s’aimer. Terry lui vola même un baiser, baiser qu’il paya d’une gifle. " Je me demande si aujourd’hui je le giflerai encore ! " se dit-elle en rougissant.

Ils étaient ensuite repartis au collège, mais par une manigance d’Eliza, Terry avait été contraint de quitter le collège. Il était alors parti en Amérique réaliser son rêve, devenir acteur à Brodway, contre l’avis de son père. Séance tenante, elle avait fuit du collège pour avoir une chance de le retrouver, et elle était devenue infirmière à Chicago. Ils avaient pu heureusement se revoir, lors d’une tournée de la troupe de Terry à Chicago, mais ils s’étaient à peine croisés, pendant que son train repartait pour New York.

La guerre avait éclaté dans le même temps. Quelques jours après le départ de Terry, elle avait retrouvé Mr Albert à l’hôpital, mais celui-ci avait été frappé d’amnésie, au cours d’un voyage en Italie, après avoir été soufflé par l’explosion d’une mine. Pour mieux lui faire recouvrer la mémoire, et à la suite de la guérison de ses blessures, elle s’était résolue à emménager avec lui dans un charmant petit appartement, situé non loin de l’hôpital.

Il y a peu, elle avait découvert dans sa boîte aux lettres, de la part de Terry, un aller simple pour New York et un billet pour la pièce Roméo et Juliette de Shakespeare, jouée par la troupe où il était, dont il avait le premier rôle masculin, et Suzanna Marlowe, séduisante jeune femme amoureuse de Terry, qui à Chicago avait aidé le destin à séparer Terry de Candy, jouait Juliette.

Laissant quelques jours Albert seul à l’appartement, elle était parti le rejoindre à New York. Maintenant, elle attendait avec impatience la fin de son voyage. " Que ce train est lent, à cette allure, je reverrai Terry dans cent ans ! " tempêta-elle.

-Encore un peu de thé, ma tante ? Proposa Eliza, en se versant une tasse du liquide brûlant. Elle essayait comme toujours de paraître bien sage et polie devant sa grand-tante, pour se faire bien voir.

-Non, je te remercie bien, répondit la tante Elroy en regardant sa nièce d’un regard mielleux. Tes manières deviennent de plus en plus celles d’une grande dame, ajouta-elle en se tournant vers sa mère. Vous devez être très fière d’elle.

-Oui, en effet ma tante, acquiesça Mme Legrand.

-Quel dommage pourtant que tu ne te sois pas encore trouvé de fiancé, tu es si délicieuse, continua-elle.

-Ah ! Eliza est bien trop exigeante, aucun homme ne pourra jamais la contenter ! , se moqua Daniel. Eliza le regarda d’un air furieux.

-Cela suffit, ne commencez pas à vous chamailler, coupa court Mme Legrand.

-Comme je vous le disait ma chère, reprit la tante Elroy, comme si rien ne s’était passé, je suis profondément stupéfaite de la décision d’Alistair de s’engager dans l’armée. Savez-vous ce qu’en pensent ses parents ?

-Tout comme vous, ma tante, ils sont bouleversés par son choix. Tout ce qu’ils savent, c’est par l’entremise d’une lettre qu’il a adressée à son amie Patricia O’Brien, où il annonce qu’il part pour défendre ses idéaux de paix !

-Quelles sottises ! C’est certainement Candy qui lui aura mit ces inepties dans la tête. Quelle idée de s’engager, avec tous les dangers que cela implique. Depuis son arrivée, le malheur s’est abattu sur notre famille ! Conclu rageusement la tante Elroy.

-Me permettriez-vous de me retirer ? Demanda Eliza aux deux femmes, sentant que l’atmosphère devenait pesante, et détestant tout ce qui avait trait à Candy. De plus, son frère ne semblait pas d’humeur à calomnier cette dernière comme ils en avaient pris l’habitude.

-Oui ma chérie, tu peux partir, ta tante et moi devons encore discuter de l’organisation du gala de charité qui va bientôt avoir lieu.

-Je t’accompagne Eliza, jeta Daniel, avec un regard furieux vers la tante Elroy. Depuis quelques temps, Daniel avait un comportement étrange, il agissait bizarrement : dès qu’une conversation avait pour sujet Candy, soit il se mettait à vociférer en disant en avoir marre que l’on ne parle que d’elle, soit, comme il venait de le faire à l’instant, il partait en ne disant mot, mais avec un air colérique qui n’échappait à personne. Ce comportement surprenait toute la famille, celle-ci connaissant son aversion pour la jeune fille, et le fait qu’avant il n’hésitait pas, de concert avec sa sœur, à en dresser un portrait peu élogieux. Pourtant, à ce moment, la tante Elroy ne s’en formalisa pas, et, une fois qu’Eliza et Daniel aient quitté la pièce, elle fit une remarque surprenante à sa nièce :

-Tout de même, quelle ressemblance de physique comme de caractère avec elle. Toujours à n’en faire qu’à sa tête, à vouloir sa liberté ! Son indépendance ! Et ses yeux, ces yeux, identiques aux leurs…

-En effet ma tante, approuva Mme Legrand, encore choquée qu’elle ait osé y faire allusion.

-Enfin, se dit Candy en descendant du train. Ce voyage n’en finissait plus. Mais où est Terry ? Bien que scrutant la foule avec la précision d’un microscope, Candy ne l’avait pas encore aperçu.

Soudain, derrière un pilier, elle reconnu une cape étrangement familière. Elle apostropha son propriétaire, mais en se retournant, elle découvrit que ce n’était pas l’homme qu’elle espérait, et ne pu s’empêcher de s’exclamer " Oh la la qu’il est laid ! ", effectivement, il n’avait rien à voir avec Terry, mais ce n’était certainement pas le genre de compliment à dire lorsque l’on a à s’excuser de vous avoir pris pour quelqu’un d’autre !

A cet instant, elle fut attirée vers la sortie par une personne dont le visage était masqué d’une casquette, d’une paire de lunettes noires, et d’une écharpe. Croyant à un enlèvement (ce qui n’aurait pas été sa première fois !), elle se mit à le menacer de le mordre s’il ne la lâchait pas tout de suite. L’homme en question s’exécuta, mais c’était pour mieux éclater de rire. " Non, elle n’a vraiment pas changée ! " furent les seuls mots qu’il pu réussir à prononcer. Enfin, il découvrit son visage, et Candy pu reconnaître Terry.

Elle ne pouvait pas en croire ses yeux. Le jeune homme qu’elle aimait tant, et qu’elle avait tant cherché, était enfin devant elle. Il semblait bien plus merveilleux que dans ses souvenirs, au collège Saint Paul.

Quant à lui, il ne réalisait pas encore. La jeune fille qu’il avait connue au collège était sortie de sa chrysalide de soie blanche, et avait laissé place à la beauté envoûtante d’un papillon. Il ne se lassait pas d’admirer ses cheveux, ses yeux, sa bouche, ses formes. Pour lui, elle était la perfection féminine incarnée, et le fait que son caractère n’ait pas changé était un détail qui ne le charmait que mieux. Il l’aimait tant, mais Suzanna était là, et tous ces évènements le bouleversaient.

Il aurait voulu rester là, à la caresser du regard, qu’elle le regarde, et que le temps ses suspende, à l’infini, à l’infini, à l’infini … Mais il y avait Suzanna, Suzanna qui l’avait protégé de la chute d’un projecteur, lors d’une répétition, et qui s’était elle-même blessée en recevant ledit projecteur de plein fouet, et qui était maintenant à l’hôpital. Comment l’annoncer à Candy ? Plus tard …, c’est ça …, ne pas gâcher cet instant. Pour le moment, il allait falloir donner des explications à une Candy folle de rage d’avoir été ainsi abusée !

-Terrence Graham Grandchester, comment as-tu osé me faire peur ?

-Chut, moins fort Candy, s’affola le jeune homme, tu vas me faire repérer. C’était top tard. Des admiratrices de l’acteur avaient entendu son nom, l’avaient reconnu, et commençaient à se masser autour de lui.

-Filons ! Il prit Candy par le bras, attrapa sa valise au passage, et courut avec elle jusqu’à la voiture, qu’il fit démarrer en trombe.

-Que c’est-il passé ? Demanda la jeune fille encore stupéfaite par cette scène.

-Comme tu as pu le constater, je suis devenu très célèbre, et je suis maintenant contraint de me déguiser si je veux pouvoir vivre normalement.

-Ah ah ! Alors, j’ai vraiment mis les pieds dans le plat ! Plaisanta-elle.

-Ne te moque pas de moi, tâche de son, c’est extrêmement pénible d’être obligé de se cacher pour pouvoir vivre tranquillement !

-Arrête, dit-elle vexée qu’il l’affuble encore de ce surnom ! Et si tu m’avais regardé plus attentivement, tu aurais remarqué que mes tâches de rousseur disparaissent avec le temps, et bientôt, elles ne seront plus qu’un souvenir. Et sûr ce, elle fit semblant de bouder.

-Ah ah ah, tu es toujours la même, tu ne change vraiment pas ! Et rentrant dans son jeu, il continua sur le même ton : arrête de faire la moue, miss Tarzan-Tâches, sinon, je te conduis à l’hôtel où tu bouderas toute seule, au lieu de venir voir à quoi ressemble mon appartement, dit Terry, d’un air qui ne pu empêcher la curiosité de la jeune fille de faire surface.

-Tu m’emmènes à ton appartement ! S’exclama Candy, ravie. Mais, je vais dormir où, se demanda t-elle.

-J’ai une chambre d’ami tout à fait correcte, la rassura t-il.

-Alors dépêche-toi, que je sache à quoi ressemble l’appartement d’un célibataire ! Sa colère n’était plus qu’un souvenir, et elle commença à regarder les passantes, à s’extasier sur les nouvelles tendances de la mode new-yorkaise, en particulier les coupes de cheveux très courtes, qui n’étaient pas en vogue à Chicago. Terry, pendant ce temps, ne pouvait s’empêcher, tout en conduisant, de l’admirer. Elle était toujours si gaie.

-Pour un appartement de célibataire, c’est très propre ! Fut la première remarque qui vint à l’esprit de Candy.

-La concierge de l’immeuble vient faire le ménage tous les trois jours, avoua Terry.

-Ah, je comprends mieux. Je m’étonnais que tu sois devenu si soigneux, vu l’état dans lequel était ta chambre à Saint Paul ! S’exclama t-elle.

-Miss tâches de son, si tu continues, je vais te faire dormir dans le placard à balai !

-Terrence, attends un peu que je t’attrape, je vais t’apprendre comment un gentleman doit se conduire avec une dame. Et sûr ce, une course poursuite s’engagea, mais elle se termina rapidement, lorsque Candy fit une entrée fracassante dans une ravissante chambre, meublée avec goût, dont les fenêtres donnaient sur une petite cour interne au centre de laquelle siégeait un petit jardin coloré de milles et unes teintes florales vives et chatoyantes, et un bouquet de roses posé sur la table de chevet rehaussait la fraîche atmosphère de la pièce.

-Terry, c’est si … mais Candy ne pu réussir à trouver les mots qui lui auraient permis de dire à Terry combien cet endroit lui plaisait déjà, qui semblait avoir été emménagé à sa seule intention et pour son usage exclusif. Elle comprit bien que Terry était l’auteur de cette délicate surprise, et cela ne le rendait que plus charmant à ses yeux.

Caché derrière la porte de la chambre pour qu’elle voie bien sa surprise en entrant, il s’approcha d’elle à pas de loup, et lui murmura tendrement à l’oreille : la décoration te plaît ? Un timide " oui " lui fit comprendre qu’il ne s’était vraiment pas trompé en choisissant l’ameublement de la pièce.

-La représentation est pour demain Juliette, je vous laisse maintenant vous reposer et défaire vos bagages, lui susurra t-il tout en s’éclipsant. Sortie de son rêve, Candy se retourna et le regarda dans les yeux :

-Merci Terry.

-A tout à l’heure pour le dîner, fut la seule réplique qu’il pu donner : dès qu’elle était près de lui, il perdait toute son assurance.

Etendue sur un lit moelleux, Candy, rêveuse, repensait aux moments qu’elle avait vécus en la compagnie de Terry, du collège Saint Paul jusqu’à aujourd’hui. Elle remarquait qu’avec le temps il était plus ouvert aux autres, et moins sujet à des excès d’humeur.

Elle se leva d’un bond, reposée, sauta du lit et se mit à ranger ses affaires. Précautionneusement, elle rangea une robe emballée dans du tissus, et qu’elle porterai le lendemain.

-J’espère qu’elle plaira à Terry, Annie a vraiment été un amour en m’aidant à faire les magasins. Elle est maintenant très distinguée, et a beaucoup de goût sur les questions vestimentaires. Elle et Archibald forment un couple tout à fait assorti.

Une fois ses effets disposés correctement dans armoires et tiroirs, elle fit un brin de toilette, histoire de remettre ses vêtements en ordre et de discipliner des couettes ébouriffées par une sieste un peu trop longue. Effectivement, l’heure du dîner approchait ! Elle sortie de sa chambre, et se dirigea vers la pièce qui faisait office de cuisine et de salle de séjour, pour voit une table mise (un repas aux chandelles en préparation donc, en déduisit-elle), et pour voir, pour voir, un Terry aux fourneaux ! Là, Candy ne pu s’empêcher de sourire. Entendant un rire qui se voulait discret, mais qui ne l’était absolument pas, il se mit en devoir de préciser, louche à la main brandie à la manière d’une épée, qu’il réchauffait des plats achetés chez le traiteur, et non qu’il cuisinait.

-Tu me rassures, vu qu’à Chicago c’est Albert qui cuisine, j’aurai vraiment cru être une bonne à rien incapable de cuisiner.

-Comment, tu laisses Albert cuisiner, Candy ! Le jeune homme avait pris un air étonné et réprobateur. L’air penaud, elle expliqua que tous les plats qu’elle cuisinait finissaient immanquablement brûlés.

-En attendant que les plats se réchauffent, je voudrai te préciser le programme de demain. Comme je dois me présenter au théâtre tôt pour me changer, nous partirons à cinq heures. J’en profiterai pour te présenter à tout le personnel et pour t’expliquer certains trucages, si j’ai le temps. Cet emploi du temps te convient ?

-Tout à fait, j’ai hâte d’être à demain pour te voir jouer et pour fureter dans les coulisses.

-Parfait ; sûr ce, c’est prêt !

-Dépêche-toi Candy, nous allons être en retard. Tu sais pourtant que je dois être au théâtre deux heures avant le début de la représentation pour pouvoir me mettre en tenue, vociféra Terry. Il est vraiment étonnant de noter combien un acteur devient hystérique quelques heures avant une première. C’est le tract à l’état pur qui fait son entrée en scène ! Allez Candy, vite. Le jeune homme n’en pouvait plus. Comment une femme pouvait-elle mettre autant de temps à s’apprêter ? C’était une attitude ridiculement risible, pensa t-il. Je ne te savais pas si pointilleuse sur ta tenue vestimentaire. Quoi que tu mettes, tu seras très belle, mais je t’en supplie, hâte-toi. Il commençait à désespérer d’arriver à l’heure.

-Une minute, juste une minute, supplia Candy.

-Tu m’as déjà dit çà il y a cinq minutes. Candy, tu n’es pas raisonnable. Allons … mais il fut coupé par … voilà, je suis prête … par l’apparition d’un être vêtu de satin blanc, nimbé d’une peau d’une blancheur surnaturelle, auréolé de cheveux blonds détachés en cascade sur une robe laissant apparaître un cou d’ivoire et de pâles épaules d’une courbe irrésistiblement tentatrice. C’est un ange, assurément, que le Seigneur dans son immense mansuétude me permet de contempler un bref instant. Mais non, c’est …, c’est…, c’est Candy. Elle se couvrit pour sortir d’un lourd manteau coordonné à sa robe, doublé d’hermine, et l’apparition se dissipa. Terry resta pétrifié, cloué au sol.

Candy devina que sa toilette avait fait son effet. Elle le regarda avec un grand sourire, ses yeux verts pétillants de malice, et dit d’un air détaché :

-Eh bien, Terry. Nous sommes en retard.

-Ah bon ? Terry était dans une autre dimension ? C’était assurément Juliette qui se tenait devant lui, mais il n’était plus tout à fait sûr de se souvenir de son texte.

-Terry, hurla Candy, tu es en retard. Le jeune homme redescendit sur terre et regarda l’horloge de la cuisine.

-En effet. Allons, les dames d’abord, dit-il, en laissant sortir Candy la première.

Tout en conduisant, Terry ne pu se lasser d’admirer la jeune fille à ses cotés. Jamais elle n’avait été aussi rayonnante et heureuse : l’homme qu’elle aimait était à coté d’elle, et elle allait bientôt le voir triompher sur les planches. Elle se demandait quand même pourquoi sur les affiches de Roméo et Juliette qu’elle avait vu en vile ce n’était pas Suzanna Marlowe qui tenait le rôle de Juliette, mais Carren Cryce, alors qu’à Chicago elle avait bien lu que c’était Suzanna qui incarnait ce personnage. Elle avait du avoir un empêchement sérieux, ou bien elle avait quitté la troupe. Enfin bon, elle demanderait à Terry après la représentation, et n’y pensons plus maintenant. Quant à lui, il était très fier de conduire une telle princesse dans sa voiture. Suzanna ! Non, … ne pas y penser … plus tard … , profiter encore un peu de ces instants de bonheur. Oui, … plus tard, et espérer … espérer…

Arrivés au théâtre, Terry introduisit Candy dans les coulisses, où elle rencontra une fois de plus le gardien, mais, ce coup-ci, il ne pourrait pas la renvoyer ! Terry la présenta à tout le monde, avant de finalement aller se changer et maquiller pour les besoins de la pièce. Candy resta à bavarder avec les costumières, qui lui racontèrent les meilleures anecdotes au sujet de Terry : son caractère impossible, ses subites colères quand quelque chose n’allait pas, son ingérable trac la veille d’une première. Et en passant, lui firent-elles remarquer, il était à ses cotés beaucoup plus calme qu’à l’accoutumée. Si les effets persistaient, elles lui promirent de demander à Mr Hathaway de l’engager ! Elles passèrent un moment très agréable, et rigolèrent de bon cœur, jusqu’à ce que Roméo vienne les interrompre soudainement. Les voyant rire ainsi, il demanda :

-J’espère que ce n’est pas de moi dont vous parlez ?

-Non, non répondirent-elles en cœur, les larmes aux yeux.

-Candy ? Je profite que les spectateurs sont presque tous assis pour te conduire jusqu’à ta loge, la représentation va bientôt débuter.

-Pourquoi m’emmènes-tu par les coulisses. Ce serait plus facile si nous prenions les couloirs ? Dit Candy amusée.

-Aurais-tu oublié que je deviens célèbre, et que si je me montre maintenant la représentation va avoir lieu non pas dans dix minutes, mais dans une heure, objecta t-il d’un air enjoué. Voilà, nous y sommes, dit-il en ouvrant une porte discrètement cachée derrière une tenture, et donnant sur le couloir.

Ils traversèrent rapidement les quelques mètres qui les séparaient de la loge de Candy.

-Cà y est, nous y sommes. Prenez place très chère, dit-il d’un ton ampoulé.

-J’espère que vous ne comptez pas jouer de cette façon, renvoya Candy.

-Non non, je te rassure. Allez, à tout à l’heure dans les coulisses. J’ai dit au gardien de te laisser passer.

-Merci Terry. Au fait, commença t-elle à dire alors qu’il partait, tu es très élégant et le te souhaite bonne chance. Montre leur à tous l’étendue de ton talent.

-Compte sur moi Candy. Toutes mes pensées iront à toi. Et sur ces mots, il s’éclipsa.

-Bravo, bravo ! Les ovations du public n’en finissaient plus. La pièce était un véritable triomphe. Tout le monde s’accordait à dire que jamais Roméo n’avait été si brillamment interprété. Terrence Grandchester était devenu ce soir un acteur reconnu. La foule n’arrêtait pas de frapper dans ses mains, de taper des pieds. C’était une vraie reconnaissance de son talent de comédien.

-Terry … Candy était émue jusqu’aux larmes, elle ne cessait de pleurer. Elle bondit de son siège pour se précipiter vers les coulisses pour le féliciter. Il avait été éblouissant, et elle avait remarqué que des fois, quand Juliette se situait dans son axe, il la regardait elle, au lieu de Juliette, et alors toutes les paroles, toutes les promesses d’amour qu’il disait à Juliette, il les déclamait pour elle.

Lors du salut des comédiens à la fin de la représentation, elle avait remarqué et renvoyé tous les clins d’œil qu’il lui lançait, et Carren pu enfin s’expliquer le comportement étrange de son partenaire durant certaines scènes, et que seule elle avait remarqué. Elle envoya un clin d’œil à Candy, signe qu’elle ne lui en voulait pas d’avoir détourné l’attention de son Roméo, mais qu’elle en était plutôt abusée !

Tout en se dirigeant vers les coulisses, Candy écoutait distraitement les conversations élogieuses sur la pièce, mais soudain, elle s’arrêta, figée, complètement glacée par ce qu’elle était en train d’entendre :

-Comment avez-vous trouvé la pièce très chère ? Demandait une dame rondouillarde à l’air hautain à sa voisine, une dame grande et sèche comme une figue.

-Très réussie, surtout l’interprétation de ce Terrence, c’était magique. Quel dommage que Suzanna Marlowe n’ait pu jouer, la pièce n’en aurait été que meilleure.

-J’ai entendu dire qu’elle l’avait protégé de la chute d’un projecteur, et que cela lui a fait perdre une jambe. Depuis, elle est à l’hôpital, et il parait qu’il lui rend visite tous les jours.

-C’est tout à fait normal. Après tout, elle s’est sacrifiée pour lui.

Ces derniers mots résonnèrent dans la tête de Candy. Elle ne pouvait pas y croire. Pourquoi le lui avait-il caché. Elle marcha jusqu’aux coulisses tel un automate, y pénétra sans un regard pour le gardien, et se dirigea vers la loge de Terry. Lorsqu’elle fut devant la porte, sa respiration s’accéléra et d’amères larmes coulèrent sur ses joues. Elle entra brusquement, et referma la porte d’un coup sec. Elle regarda Terry droit dans les yeux, il comprit, baisa la tête tristement, et elle sanglota.

-Pourquoi, pourquoi ne m’as-tu rien dit au sujet de Suzanna ?

-Pour ne pas gâcher nos retrouvailles. Je voulais revoir ton sourire, et non le regard que tu adoptes lorsque tu repenses à Anthony. Mais je tiens à te dire que je comptais te l’annoncer ce soir.

-Amène-moi la voir.

-Comment ?

-Je veux lui parler Terry, il faut que je lui parle, supplia Candy entre deux sanglots.

-D’accord, mais avant, passons à l’appartement pour que tu puisses te changer.

Le voyage en voiture se fit dans un silence de plomb. Aucune parole, aucun bruit ne vint troubler les pensées de ses occupants. C’était comme si un mur les séparait désormais, et ce mur avait un nom : Suzanna Marlowe.

Enfin ils arrivèrent à l’hôpital. Terry introduisit Candy dans la chambre occupée par Suzanna, mais, ils ne l’y trouvèrent pas. Terry fut le premier à réagir :

-Mais où est-elle ?

-Il est impossible qu’elle soit allé bien loin, elle est convalescente et a à peine du commencer à apprendre à se servir de ses béquilles. Son instinct d’infirmière était en alarme, quelque chose clochait, elle le sentait.

-Où est Suzanna, qu’avez-vous fait de ma petite fille, répondez ! La mère de Suzanna venait d’entrer, et elle non plus ne trouvait pas cette absence normale.

-Nous n’en savons rien, nous venons à peine d’arriver, répondit Terry.

-Au lieu de discuter, cherchons-la, elle n’a pas du aller très loin. Candy commençait à sérieusement s’inquiéter.

Ils sortirent tous les trois de la chambre rapidement, et se mirent à ameuter le personnel de l’hôpital pour les aider à la retrouver. Brusquement, alors qu’elle cherchait dans un couloir du dernier étage de l’hôpital, elle vit à la suite d’une dizaine de marches une porte ouverte, d’où s’échappaient un vent glacial et giboulées de neige. Elle s’y engouffra, pressentant un malheur, et arriva sur le toit de l’hôpital. A quelques pas du bord, se tenait Suzanna.

-Suzanna, reculez, vous allez vous blesser. Candy était paniquée, jamais on ne lui avait appris à l’école d’infirmières à gérer ce genre de situation. Suzanna, je vous en prie, revenez, j’arrive pour vous aider.

-C’est vous Candy. Elle la fixa du regard intensément. Je suis désolée de vous avoir causé du tracas, excusez-moi. Je ne veux pas être un obstacle entre vous et Terry. Je vous en pris, prenez soin de lui. Moi, je ne vais plus pouvoir.

-Non Suzanna, ne dites pas çà. Vous devez vivre, vous entendez, vous devez vivre, vivre ! Candy hurlait ces mots tout en courant vers elle, mais cette dernière fut plus rapide. Elle se retourna une dernière fois, sourit à Candy, et sauta.

-Noooooooooooonnnnnnnnn ! Candy trébucha et tomba dans la neige. Pourquoi Suzanna, pourquoi ? Pourquoi as-tu commis ce geste désespéré ? A côté d’elle, une boîte était tombée de sa poche, s’était ouverte, et dispensait sa douce musique. Malheureusement, elle ne pouvait plus apporter le bonheur …

Petits babillages sur presque rien : voilà, le chapitre un est bouclé. En écrivant la dernière phrase, j’ai soudain eut un poids en moins sur le cœur( le soulagement sûrement !). Cela m’a pris du temps (deux mois), et j’ai eut beaucoup de mal à l’écrire, ne me trouvant pas très douée. Je m’excuse auprès de ceux qui ne retrouveraient pas l’esprit de la série dans cette histoire, où qui ne l’aimeraient tout simplement pas.

Vous avez compris en lisant que je reprends vers la fin de la série. Voulant bien reprendre en les bases, j’ai ici inséré peu d’inédit, mais je promets l’inverse pour le prochain chapitre, où nous allons retrouver une connaissance, et où Candy va avoir à prendre une sérieuse décision.

je remercie chaleuresement Alice pour ses encouragements, elle m'a en effet permis de beaucoup moins douter de la qualité de mon style, ce qui est pour moi une vrai hantise.

PS : si vous pouviez m’envoyer des petits mots pour me dire si vous aimer, ou détester, n’hésitez pas : toute remarque sera la bienvenue !

Merci !!

 

Fin du chapitre 1


© Séraphine
novembre 2003