Candy Candy II 
Construire son destin

par M. Pop

Chapitre 1

"Une suite à Candy? Comme plusieurs personnes, je suis resté avec une certaine insatisfaction face à la fin de l’histoire. Voilà pourquoi, comme tant d’autres, j’ai imaginé ma propre suite…

Cette histoire, je l’imagine depuis quelques temps. Je l’ai travaillé pour qu’elle soit à mon idéal. Elle est à la fois basée sur le manga et sur l’anime, mais je me réfère surtout au manga parce que je peux encore le lire (merci Internet!) alors que le dessin animé est plutôt loin pour moi.

En fond de toile, il y a l’amour, l’éternelle histoire d’amour qui fut un élément majeur dans cette histoire, cette belle romance inachevée et qui fut brusquement interrompue. Mais cette fois, il s’agit d’un nouvel amour, d’une nouvelle histoire, d’une nouvelle lutte à finir entre deux éternelles rivales… et d’un nouveau prétendant. Mais le passé est tenace et tentera de refaire surface afin de prendre sa revanche…

Il y a aussi le pouvoir, la domination. L’argent mène le monde, comme le dit l’adage. Les hommes (mais aussi les femmes) ont toujours recherché à dominer, à s’enrichir. Et depuis que le système économique capitaliste règne en roi et maître absolu sur la quasi-totalité de cette planète, plus que jamais, l’argent, c’est le pouvoir. Et ce pouvoir, qu’il s’appelle dollar, franc, peso, livre ou yen, plusieurs sont prêts à l’obtenir, quel qu’en soit le prix…

Mais le pouvoir existe aussi sous d’autres formes, beaucoup plus "discrètes", dont celui de l’intelligence, du talent, des habiletés, parfois plus ou moins moralement défendables…

Toutefois à travers ce triste tableau subsistent encore quelques personnes irréductibles, accrochés à des valeurs plus "saines" : amitié, partage, entraide, équité, justice… Elles tentent de survivre et de se répandre dans une société plus que jamais corrompue par le fric. Elles cherchent le bonheur pour tous, parfois allant jusqu’à sacrifier le leur pour atteindre ce but. On n’a qu’à penser au douloureux choix de Candy qui a cédé sa place à Suzanne bien qu’elle ne voulait pas quitter son cher Terry qui a lui aussi souffert énormément de son destin…

Assez bavardé! Avant que l’auditoire ne s’endorme, passons au programme principal… Ah! J’oubliais! Vos commentaires sont toujours les bienvenus. N’hésitez pas à m’écrire.

Mesdames et messieurs, place à l’action…"

M. Pop

 

Chapitre 1 : Le choc

 

  • Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’un projet d’envergure, l’un des plus ambitieux que nous ayons entrepris au sein de notre campagne.
  • En effet, Monsieur, il est d’une importance capitale!
  • Et permettra, j’en suis convaincu, d’améliorer son rendement ainsi que notre compétitivité. L’économie tourne à plein régime, nos affaires prennent de l’ampleur et la concurrence se fait de plus en plus féroce. Si nous ne réagissons pas sur le champ, ce sera fichu pour nous.
  • Voilà qui est bien dit! Mais, dites-moi, avons-nous bien tous les capitaux nécessaires?
  • Mais bien sûr, mon cher ami! Voilà depuis quelques mois que nous planifions ce programme attentivement et dans les moindres détails. Un fonds spécial y a été attribué et son actif est plus que suffisant. Sans compter que la Grande Guerre nous a apporté une importante source de revenus par le biais de tous ces contrats militaires que l’entreprise a signés.
  • Je peux donc autoriser la mise en route du projet?
  • Ce sera possible dès que nous aurons réglé un dernier détail. À ce propos, où en êtes-vous? Avez vous reçu quelques candidatures?
  • Hélas, non! La dernière annonce n’a pas eu l’effet escompté. Pourtant, elle a été diffusée à travers toute la ville…
  • Seigneur Dieu! C’est à croire qu’il n’y a personne sur cette planète qui corresponde un tant soit peu à nos critères.
  • Ne désespérez pas! Je redoublerai d’ardeur, s’il le faut! D’ailleurs, j’ai bien l’intention d’effectuer une recherche pendant mon séjour à Détroit. Avec un peu de chance, j’y arriverai.
  • Vous avez toute ma confiance. Jamais vous ne m’avez déçu; il n’y a donc pas de raison que vous ne réussissiez pas cette fois-ci.
  • Merci, Monsieur! Je dois maintenant partir; le prochain départ du train est dans une demi-heure…

Voilà que, depuis quelques mois, il y avait beaucoup d’activités dans cette bonne vieille maison Pony. On s’affairait aux derniers préparatifs afin que tout soit prêt pour le grand jour. Dans la grande salle, Archibald installait les chaises autour de la grande table qu’il venait de monter pendant qu’Annie dressait le couvert.

  • Ce sera une joie de se retrouver tous ensemble autour de cette table à l’occasion de l’inauguration de la petite clinique, déclara Annie.
  • Mais bien sûr, renchérit Archie, surtout que le grand-oncle William a promis son arrivée pour aujourd’hui. Il me semble tellement fier de l’heureuse initiative de sa fille adoptive…

Archibald s’interrompit soudainement, en se redressant surpris.

  • Hiiii! Qu’est-ce que c’est?
  • Qu’il y a-t-il, mon chéri? demanda Annie.
  • Ce n’est rien, dit-il. Une goutte d’eau est tombée dans mon cou! L’orage de cette nuit, je crois; l’eau a dû pénétrer par cette fuite dans le toit.

Ayant assisté à cet incident, Candy entra dans la grande salle en disant : " Alors, on prend sa douche matinale? "

  • Je crois que l’orage de cette nuit a été particulièrement fort, répondit Archie. L’eau a encore pénétré sous les bardeaux.
  • Et ce n’est pas tout, continua Candy; quand je suis rentré dans la salle d’examen, la table était recouverte d’eau! Une autre fuite est apparue. Je crois que la toiture est fichue.
  • Pas étonnant; elle est aussi âgée que toi! Ha! Ha! Ha! Ha!

Ce commentaire gratuit d’Archibald lui valut un solide coup de pied dans le tibia de la part d’Annie alors que Candy se contentait de froncer les sourcils.

  • Outch!
  • Dis donc! Tu n’as pas beaucoup de respect pour nous, déclara Annie, mécontente.
  • Mais je ne voulais pas t’insulter, je t’assure, se défendit Archibald en se prenant la jambe de douleur. Je parlais de Candy.
  • Tu oublies que nous avons tous les deux le même âge, ajouta Candy. Et puis, je ne vois pas en quel honneur tu as le droit de m’insulter plus qu’Annie.
  • Mais je pensais simplement vous taquiner! Mais si c’est comme ça que vous le prenez, alors je me tairai!
  • Allons! Oublions ce malentendu, conclut Annie. Après tout, c’est un jour de fête aujourd’hui, non?
  • Annie a raison, ajouta Candy, nous devons être tous joyeux quand Albert arrivera pour l’inauguration de la clinique.

C’était un rêve que Candy chérissait depuis son retour à la maison Pony après que Daniel eut tenté de la forcer à l’épouser. Et ce rêve était enfin devenu réalité : la maison Pony allait dorénavant comporter une petite clinique médicale. Une ancienne chambre fut convertie à cet effet en salle d’examen et le grand-oncle William s’est occupé de défrayer l’achat du matériel, des médicaments et des pansements.

Que de choses s’étaient passées dans cette vieille maison Pony depuis le jour où Mlle Pony et Sœur Maria découvrirent Candy et Annie dans la neige. Le nombre d’enfants recueillis par ces deux braves femmes avait augmenté depuis et Candy était revenue juste au bon moment pour leur prêter main forte.

Annie et Archibald, qui s’étaient finalement mariés au printemps dernier, avaient choisi de rester dans une petite villa dans les environs afin de venir en aide à leur amie. Patricia s’était également jointe à eux. Quant à l’irrésistible raton laveur Capucin, il n’avait point cessé de faire des bêtises, ce qui amusait beaucoup les enfants.

Afin de bien veiller à la santé de tous ces petits chérubins, Candy avait eu la merveilleuse idée d’aménager une petite clinique à l’intérieur du couvent. De plus, elle pouvait servir à tous les habitants de la région, ce qui en faisait une source de revenus supplémentaire.

Patty arriva en courant dans la grande salle.

  • Il est arrivé! J’ai vu la voiture d’Albert au loin qui arrivait.

Tous se précipitèrent vers le jardin extérieur pour accueillir le grand-oncle William Albert André. Pour l’occasion, les enfants s’étaient présentés sous leur meilleur jour.

Une splendide Cadillac grise fit son apparition au sommet de la colline en soulevant un nuage de poussière derrière elle. La voiture ralentit puis entra dans le jardin de la maison Pony. C’est alors que l’espiègle Capucin surgit d’un buisson et se précipita face à la voiture… qui s’immobilisa sur lui!

  • Capucin! Tu as fini, oui? gronda Candy. Tu aurais pu te faire écraser.
  • Mais non, rassure-toi, répliqua Archie. Tu connais Albert; il est le dernier homme sur cette planète qui oserait lui faire du mal.

La portière du conducteur s’ouvrit et Albert en descendit : " Salut à tous! Alors, je vois qu’on s’est tous préparé pour un événement spécial! "

Candy se précipita à sa rencontre et lui sauta au cou.

  • Sois le bienvenu parmi nous! Je suis si heureuse que tu aies accepté de venir nous voir pour cette occasion si spéciale.
  • Heureux moi aussi d’avoir pu me libérer de mon travail, répondit Albert en la serrant dans ses bras.

Il relâcha Candy qui s’éloigna de quelques pas. Il se pencha pour saluer Capucin qui était logé sous la voiture, tremblant de peur.

  • Alors, mon vieux! On a le goût du risque maintenant? Tu devrais être plus prudent; je ne voudrais pas qu’il t’arrive un malheur…

Capucin bondit alors dans les bras d’Albert et lui lécha le visage.

Après les salutations, tous se dirigèrent vers l’entrée principale de la maison Pony. Albert entra le premier…

CRACK!

Une latte du plancher se rompit sous le poids du pied d’Albert… qui se retrouva avec une moitié de jambe dans le sous-sol!

Les enfants se mirent à rire.

  • Mon Dieu! Est-ce que ça va? demanda Candy en se précipitant à son secours.
  • Outch! Ça devrait aller, répondit Albert en retirant péniblement sa jambe du trou.
  • Eh bien, je croyais que tu deviendrais notre premier patient! ajouta Archibald.
  • Je crois comprendre pourquoi, déclara Patricia en ramassant un morceau de la latte brisée. Regardez : le bois est rongé par les termites.
  • Oh, là là! Voilà qui peut être dangereux pour nos chers petits protégés, remarqua Annie. Il faudrait réparer ce trou au plus vite.
  • Je crains qu’il ne faille également inspecter l’ensemble du bâtiment, conclut Mlle Pony.
  • Allons donc, répondit Archie, ce n’était qu’une planche qui était atteinte. De là à conclure que tout le bâtiment est sur le point de s’écrouler…
  • Est-ce sérieux, Mlle Pony? demanda Albert.
  • C’est que, répondit Mlle Pony, voyez-vous, cette maison est peut-être déjà centenaire. Elle était déjà construite quand Sœur Maria et moi y avions emménagées. Et depuis quelques temps, les problèmes suivent l’un après l’autre : le toit qui fuit, le plancher qui est rongée par les termites, la pierre des fondations qui s’effritent, deux carreaux au grenier de brisés…
  • Notre demeure a besoin de réparations, renchérit Sœur Maria. Hélas! Tous ces travaux coûtent une fortune et nous avons déjà à peine de quoi nourrir les enfants.
  • Nous comptons sur l’ouverture de cette clinique pour gagner un peu plus d’argent, ajouta Candy. Nous espérons ainsi réaliser les réparations les plus urgentes.
  • Et si les revenus sont suffisants, nous agrandirons le couvent, souligna Archie. Avec tout ce petit monde ainsi que la nouvelle clinique qui occupe toute une pièce, nous sommes un peu à l’étroit ici.
  • J’ai adressé une prière au Seigneur pour qu’il vienne en aide à nos petits protégés, ajouta Sœur Maria. Ils ont tellement besoin d’affection.
  • Heureusement que vous pouvez compter sur l’aide de Candy, Annie, Archie et Patty, conclut Albert. Je suis convaincu que le Ciel sera avec vous…

Sur ces dernières paroles, Albert esquissa un sourire. Tous se turent et se dirigèrent vers la grande salle où un merveilleux festin attendaient nos amis.

  • Comment avez-vous déniché ce candidat?
  • Eh bien, il s’agit en fait d’un heureux hasard. Pendant mon séjour, j’ai réussi à décrocher un important contrat avec la Ford Motor Company. Monsieur Henry Ford, son fondateur, m’a offert gentiment de visiter son usine de Highland Park où sont assemblés les modèles T. Pendant la tournée, il m’a vanté les mérites de sa nouvelle chaîne de montage dont les performances étaient, semble-t-il, largement supérieures à l’ancien système. Ce faisant, il m’a avoué qu’il avait engagé son neveu comme un des principaux maîtres d’œuvre et en tant que stagiaire. Selon monsieur Ford, il est extraordinaire, talentueux et possède une solide formation universitaire en électricité, en mécanique et en architecture. C’est alors que j’ai demandé à monsieur Ford s’il m’était possible d’avoir une rencontre avec lui, ce qui m’a accordé avec joie.
  • Hum… Je ne veux pas mettre en doute vos intentions, mais je pense qu’une plus grande méfiance aurait été de rigueur face aux dires d’Henry Ford. Il n’est peut-être pas malhonnête ni de mauvaise foi, mais il n’est pas rare de voir un oncle vanter aveuglément son neveu favori…
  • Je vous comprends, Monsieur; je n’ai pas oublié que vous êtes toujours enchanté lorsque vous parlez de votre fille adoptive.
  • Je ne vous le fais pas dire!
  • Effectivement, ma première réaction était plutôt "défensive". Mais comme mes recherches restaient au point mort, j’ai cru bon de courir le risque. C’est alors que j’ai rencontré le neveu de monsieur Ford. Ce fut renversant! Il était très calme, poli, distingué. Il possédait une maîtrise hors du commun de la science; à l’entendre parler de la description technique des machines de l’usine Ford, il était évident que j’avais affaire à une personne compétente. Bien qu’il vienne à peine d’obtenir son diplôme universitaire, je pense qu’il pourrait très bien réaliser la conversion de la grande usine.
  • Peut-être, mais peut-il aussi s’occuper du réaménagement des bureaux du siège social?
  • Absolument, puisqu’il est non seulement ingénieur mais également architecte et designer.
  • Soit. De toute façon, nous n’avons guère le choix. Nous sommes en retard sur le début des travaux : attendre encore serait néfaste pour la grande usine qui risque de perdre la majeure partie de ses contrats. Pouvez-vous m’organiser une entrevue avec lui?
  • Il est ici, à Chicago. Comme il paraissait intéressé, je lui ai proposé de venir vous voir. Il loge à l’hôtel, près de la gare…

  • Ça alors!
  • Qui y a-t-il?

Elisa tendit le journal à Daniel en lui pointant un article.

  • Regarde ça : Depuis quelques temps, une petite clinique est en opération dans la région. Logée dans un couvent qui sert d’orphelinat, cette clinique médicale prodigue des soins à prix modiques aux habitants de la région et tout spécialement aux enfants.
  • Pfff! répondit Daniel. Il y en a qui ne savent vraiment pas quoi faire de leur misérable existence. Crois-moi : tu perds ton temps à lire ce genre de babioles.
  • Peut-être, mais tu ne sais pas la meilleure! Regarde la photo du couvent!
  • Tiens, tiens! Elle ressemble étrangement à cette "maison Pony"

Soudain, les yeux de Daniel s’écarquillèrent.

  • Mais… Cette fille! On dirait…
  • …cette satanée bonniche, oui! clama Elisa. Regarde la légende : son nom y est inscrit.

Daniel ne souffla mot, mais contempla la photo avec émerveillement. " Elle est encore plus belle depuis qu’elle est partie… "

  • Je refuse de croire que ces bêtas de journalistes aient daigné écrire un article sur cette misérable orpheline, ajouta Elisa.
  • Il y a une raison à tout cela…

Elisa et Daniel se retournèrent. La grande tante Elroy se mêla de leur conversation.

  • Si vous regardez la photo, le grand-oncle William y figure aussi, dit-elle en pointant Albert sur la photo. Il a investi dans cette clinique en défrayant tout le matériel médical et les médicaments. Les journalistes ont fait un reportage parce qu’un homme de prestige y était.
  • Mais pourquoi s’entête-t-il à lui venir tout le temps en aide? demanda Elisa, scandalisée. C’est à croire qu’il en est amoureux.

Le visage de Daniel s’assombrit au son de cette déclaration.

  • Il doit avoir ses raisons personnelles, répondit tante Elroy. Même si, personnellement, je me fiche de toute cette histoire, je dois admettre qu’il est le chef absolu de cette famille et qu’il est libre de disposer d’une partie de sa fortune comme bon lui semble.
  • Mais il est complètement fou, lança Elisa. S’il continue ainsi, il va dilapider tout notre héritage.
  • Allons donc! répondit tante Elroy. Il est quand même assez raisonnable pour éviter une telle erreur. De toute façon, notre fortune vaut mille fois plus que cette clinique. À ce sujet, je dois vous annoncer une grande nouvelle : le manoir sera bientôt agrandi…

Elisa et Daniel regardèrent tante Elroy avec étonnement.

  • Le grand-oncle William a accepté de financer le projet? demanda Daniel.
  • Vous voyez qu’il n’est pas un fou, précisa tante Elroy. Il m’a même promis qu’il m’enverrait un excellent architecte pour la réalisation des travaux. Cela nous fera le plus grand bien : le manoir a besoin de quelques réparations depuis longtemps. De plus, cela nous évitera d’être à l’étroit lorsque vous vous marierez un jour…

Daniel afficha un sourire triste; Elisa affichait un dégoût prononcé.

  • Il faudra bien vous résigner, les sermonna tante Elroy. C’est inévitable! Vous ne pouvez rester seuls ainsi toute votre vie; les personnes seules sont très mal vues. Vous êtes presque des adultes. Il vous faudra donc accepter les règles de notre société. Cessez donc d’agir en enfants gâtés…

Sur ce, la grande tante sortit de la pièce en refermant la porte.

  • Quelle idée stupide! lança Elisa. Après tout, je n’ai pas besoin d’un homme qui me fera vivre…

Elisa remarqua alors l’air triste de Daniel.

  • Mais.. qu’est-ce que tu as? demanda-t-elle.

Elle vit alors que son frère regardait encore la photo du journal.

  • Ne me dis pas que tu es encore attaché à cette bonniche! dit-elle avec mépris. Oublie, là; tu mérites de trouver mieux qu’elle. Elle va encore te briser le cœur comme elle le fait avec tous les garçons. Regarde ce pauvre Terry! Elle l’a abandonnée à cause de cette Suzanne en croyant bien faire. Le résultat : il est devenu alcoolique! Vraiment du beau travail! Si j’étais elle, j’aurais vite fait de remettre à sa place cette unijambiste de malheur. Et pour commencer, je l’aurais laissé se précipiter du haut de l’hôpital si telle était son souhait. Hélas! Il aura fallu que cette petite idiote fasse preuve encore une fois d’une sensibilité beaucoup plus grande que son intelligence…

Sur ces mots, Daniel répliqua avec violence.

  • Tais-toi donc! Tu devrais avoir honte de dire de telles cruautés. Tu n’as jamais eu de cœur; c’est pour cela que tous les garçons que tu aimais l’ont préférée à toi.
  • Oh, là là! répliqua-t-elle avec sarcasme. Elle t’a vraiment rendu malade, cette bonniche. Heureusement que je suis là pour t’empêcher de faire des bêtises…

Mais Daniel ne répondit point.

  • Bon! Je reviendrai te voir… quand tu seras guéri de ta "maladie". Tu as définitivement besoin de te faire soigner, dit-elle avec un sourire niais.

Le visage de Daniel s’assombrit davantage.

  • … pas par celle que tu penses, pauvre abruti!

Sur ce, Elisa sortit en claquant la porte.

Daniel continua de contempler la photo. Jamais elle n’a pu quitter son esprit depuis ce jour fatidique où le grand-oncle William apparut pour la première fois le jour de leur mariage. Il n’a jamais accepté le refus soudain du grand-oncle de la faveur qu’il lui avait accordé auparavant.

Il se dirigea vers la fenêtre, lança un regard vers les lointaines montagnes qui cachaient en elles la forteresse où réside cette petite princesse à la chevelure bouclée et dorée, aux yeux de la couleur de la mer et au sourire magique.

" Quoi que je fasse, rien ne pourra t’effacer de ma mémoire. Tu as pris mon cœur à jamais… ma petite bon… non! Ma douce… Quel idiot je suis! "

Il porta sa main au visage. Une larme coula sur sa joue.

" Toutes ces années gâchées par ces gamineries! Quelle honte! Maintenant, je réalise l’erreur que j’ai commise envers toi…

" Pourquoi ne me suis-je pas pris de la bonne manière? Pourquoi ai-je fait tout ce que j’ai fait de méchant, cruel et stupide avec elle? Osera-t-elle me parler à nouveau? Pourrais-je enfin obtenir un jour son pardon? Pourrais-je enfin changer? Va-t-elle finalement m’aimer…

" Candy… je t’aime…"

  • Alors, qu’en pensez-vous, monsieur Thompson?
  • Je vous garantis que vous ne serez pas déçu, monsieur André. Grâce à cette réorganisation de la grande usine, nous possédons une bonne longueur d’avance sur nos compétiteurs. Plusieurs entreprises sont même venues nous voir pour collaborer avec nous.
  • Avec vous comme directeur de cette usine, ce sera vite chose faite!

Ils avancèrent tous les deux dans les couloirs du dixième étage, admirant la nouvelle architecture, tout en prenant garde de ne pas tacher leurs costumes sur les murs fraîchement peints.

La grande rénovation du siège social de l’empire des André était presque achevée. Seuls quelques locaux étaient encore assiégés par quelques menuisiers, plâtriers et peintres.

  • Je constate que les travaux sont une réussite.
  • En effet, répondit Albert, toutes mes attentes ont été dépassées. C’est encore mieux que ce que j’avais imaginé.
  • Vous savez choisir les meilleurs alliés pour vos projets, ajouta monsieur Thompson.
  • Je dois également une fière chandelle à mon secrétaire Georges qui a miraculeusement déniché "la perle rare" lors d’un de ses séjours à Détroit.
  • Mais qui est-ce?
  • Il est un des neveux d’Henry Ford, le fondateur de la Ford Motor Company. D’ailleurs, nous voilà rendus à son bureau.

Ils ouvrèrent alors une porte vitrée en merisier teint qui donnait accès à un vaste bureau. Les murs d’un blanc immaculé reflétaient la lumière du soleil qui pénétrait par une grande fenêtre qui offrait une vue impressionnante sur la ville. Le mobilier sculpté en merisier teint était d’un luxe qui démontrait bien l’immense fortune et la prospérité de la famille André qui avaient largement progressées depuis qu’Albert avait repris le contrôle de l’empire familial.

Derrière le bureau recouvert de marbre se tenait un jeune homme âgé dans la vingtaine. Il était penché sur un grand cahier. Son abondante chevelure châtaigne montrait une coiffure élégante et soignée.

Il releva la tête à la vue de ses deux visiteurs, ses yeux bleus posant un regard interrogatif : " Que désirez-vous? "

C’est alors qu’Albert dit : " Monsieur Thompson, je vous présente monsieur Steve James Ford, notre nouveau directeur de projets… et l’auteur de cette réussite. Steve, je te présente monsieur Larry Thompson, le directeur de la grande usine "

Steve se releva alors de son fauteuil tendu de cuir, sa silhouette projetant une grande ombre sur le plancher d’érable verni.

  • Enchanté de faire votre connaissance, monsieur Thompson, dit-il en le saluant.
  • Je suis ravi de rencontrer l’auteur de cette belle réussite, répondit monsieur Thompson. Grâce à vous, la grande usine fera mordre la poussière à tous ses concurrents!
  • Oh! Vous savez, je n’ai simplement fait qu’accomplir mon mandat au mieux de mes talents.
  • Peut-être, mais vous avez tellement bien travaillé. Je suis content de vous.
  • Merci beaucoup pour votre encouragement! C’est bien aimable de votre part.
  • Je suis heureux de vous l’entendre dire…

Monsieur Thompson consulta sa montre.

  • Je crois qu’il est grand temps pour moi de partir. Il ne faut pas que je rate mon train si je veux me rendre à la conférence de New York.
  • Eh bien, merci de votre visite et au plaisir de vous revoir, répondit Steve.
  • Bonne chance avec la conférence, monsieur Thompson, ajouta Albert.
  • Au revoir, messieurs.

Il sortit du bureau. Albert referma la porte derrière lui puis s’assit dans un fauteuil face au bureau. Lui et Steve étaient devenus de bons amis au fil du temps.

  • Eh bien, mon cher Steve, je crois que ton œuvre ne passera pas inaperçue!
  • J’en suis bien heureux, répondit-il. Les travaux se sont bien déroulés. Mis à part quelques ennuis mineurs, aucun problème n’est apparu. Je crois que mon mandat est sur le point de s’achever et…
  • Pas si vite, interrompit Albert. Je venais te faire une proposition.
  • Laquelle?
  • Serais-tu intéressé à signer un nouveau contrat avec moi? Je t’offre une augmentation en plus d’un boni sur ton mandat actuel.

Steve se montra alors intéressé.

  • Quel est ce projet?

Ce petit matin ensoleillé était plutôt clément; l’hiver tirait à sa fin. Candy sortit pour aller recueillir le courrier dans la boîte aux lettres. Il n’y avait pas davantage de lettres qu’à l’habitude, seulement cinq lettres.

Candy entra dans le bureau de mademoiselle Pony. Comme d’habitude, elle manqua de trébucher sur la lame tordue du plancher.

  • Ah! Cette fichue lame… Il faudrait faire réparer ce plancher, ça devient dangereux.
  • Comme d’habitude, nous ne pouvons envisager de tels travaux, soupira Mlle Pony. Et les dettes qui ne cessent de s’accumuler. Cette clinique nous coûte plus cher que ce que nous avions prévu.
  • Il ne faut pas se décourager, rassura Candy. Nous avions bien touché quelques sous ces derniers temps.
  • Mais ce n’est guère suffisant, répondit Mlle Pony. Il faudrait que tu cesses d’accorder davantage de crédits à nos patients.
  • Mais, protesta Candy, tous ces pauvres gens qui n’ont presque rien en poche, a-t-on le droit de les ruiner pour quelques malheureux dollars? Il faut bien qu’ils aient un peu de pain sur leur table.
  • D’accord pour eux, mais c’est nous qui n’aurons bientôt plus rien. Des créanciers nous ont même menacés de saisir l’équipement de la clinique si nous ne trouvons pas rapidement de quoi les payer. J’ai encore reçu une lettre d’un huissier la semaine derrière… Et je pourrais en recevoir une autre dans les prochains jours…
  • Ne désespérez pas! Je suis certaine qu’ils ne le feront pas. D’ailleurs, je vous apporte le courrier du jour. Peut-être qu’il y a du nouveau.
  • Je l’espère…

Mademoiselle Pony se leva et saisit la pile de lettres que tenait Candy. Elle prit la première au-dessus de la pile sans porter attention au nom de l’expéditeur. À l’aide d’un petit couteau, elle décacheta doucement l’enveloppe dans laquelle se trouvait une lettre. Elle l’ouvrit; un petit bout de papier en tomba. Elle se pencha sur le sol pour le ramasser…

  • Qu’est-ce que ça peut… Mon Dieu! Est-ce possible? Je… je…

Mlle Pony sembla pâlir à la vue de ce papier.

  • Mais… Qu’avez-vous donc, mademoiselle Pony?
  • Ce… C… C’est…

Candy eut tout juste le temps de la retenir alors qu’elle allait s’évanouir sur le sol.

  • Mlle Pony, ressaisissez-vous! Mlle Pony? … RÉPONDEZ, S’IL VOUS PLAÎT!

Mais elle ne souffla mot.

  • Mais… C’est affreux! MAIS RÉPONDEZ-DONC! JE VOUS EN PRIE… À L’AIDE! AIDEZ-MOI! MADEMOISELLE PONY NE RÉPOND PLUS…

Fin du chapitre 1

© décembre 2000, par M. Pop