"Plus jamais te laisser partir"
par Nila
(version française de "Never Letting Go")

La scène se passe le soir avant la première de Roméo et Juliette, quand Candy rend visite à Terry dans son appartement.

Candy se releva, gênée d'avoir fait tomber Terry une nouvelle fois.

"Je suis désolée Terry", dit-elle contrariée. Puis elle ajouta sur un ton taquin, "J'ai volontairement barré Juliette et écrit Candy à la place. Je crois que je pourrais faire une meilleure Juliette!"

Terry répondit en riant, "J'en suis certain Candy! Cependant je ne pense pas qu'elle ait autant de tâches de rousseur!"

Candy fronça les sourcils et fit semblant de le taper. "Oh toi! Ne cesseras-tu donc jamais de te moquer de mes tâches de rousseur? Cela me rappelle la nuit où nous nous sommes rencontrés pour la première fois."

Terry opina tout en se remémorant ce moment. "Oui, moi aussi". Puis, sur un ton plus sérieux il ajouta, "J'ai beaucoup de chance de t'avoir rencontrée".

Candy rougit et détourna la tête. Elle n'avait jamais su comment se comporter avec Terry quand il devenait sérieux avec elle. "Je ne te l'ai jamais dit mais tu m'as aidée à surmonter bien des peurs au cours de cette période au Collège Saint Paul."

Terry sourit. "Comme ce jour de Festival de Mai où je t'ai forcée à monter à cheval?"

Candy opina puis rougit en se rappelant leur premier baiser. Terry lui aussi semblait s'en souvenir. Il releva d'un doigt son visage. "C'est le jour où nous nous sommes embrassés pour la première fois."

Candy reconnut cet air dans ses yeux. C'était le même regard qu'il avait posé sur elle juste avant de l'embrasser. Elle resta immobile, le coeur battant.

"Oh Terry" soupira-t-elle alors qu'il se penchait lentement vers elle.

Soudain, on frappa très fort à la porte d'entrée. Candy sursauta et s'écarta de Terry. Il ouvrit la porte brutalement, visiblement agacé par cette intrusion. Il regarda dans le couloir. Personne.

"Qui est-ce?" demanda Candy derrière lui.

Terry secoua la tête. "Il n'y a personne". Il baissa les yeux et remarqua sur le plancher une enveloppe. Il sentit tout à coup son estomac se tordre. C'était le sceau des Marlowe. La mère de Suzanne avait choisi ce moment inopportun pour lui envoyer cette lettre. Il n'avait pas besoin de l'ouvrir car il en connaissait déjà le contenu. Les menaces de Madame Marlowe, pour lui rappeler ses obligations envers Suzanne, devenaient journalières.

"Terry?" Candy lui prit le bras, se demandant ce qu'il pouvait bien regarder par terre. Son geste le ramena à la réalité.

"Qu'est ce que c'est? Une lettre?" demanda Candy en montrant l'enveloppe derrière la porte.

Terry se baissa pour la ramasser puis se dirigea vers son bureau. "Oh ce n'est rien" fit-il en la mettant dans un tiroir.

Candy n'en croyait pas un mot. Elle le regarda d'un air préoccupé en se demandant ce qu'il pouvait bien lui cacher. "Est-ce que tout va bien Terry?"

Terry sourit et entreprit de s'occuper à verser une autre tasse de thé à Candy. "Hummmm..." Il reprit son ton moqueur. "Je crois qu'il est trop tôt pour en parler."

"Que veux-tu dire?" demanda-t-elle, les yeux écarquillés de désarroi.

"Tu n'es là que depuis une nuit et tu te comportes déjà comme une commère! Crois-tu que j'y survivrai?"

Candy s'écria exaspérée, "Terrence G. Granchester! Si mes souvenirs sont bons, c'est toi qui m'a invitée ici! Il faudra que tu t'y fasses, que ça te plaise ou non!"

Terry leva en riant les bras en signe de défaite. "D'accord! D'accord! Tu as gagné!"

Candy n'était pas satisfaite. Elle croisa les bras et le regarda curieusement. "Vas-tu me dire à la fin ce qui te tracasse?"

Terry regarda vers le plafond d'un air pensif. Il était tenté de tout lui raconter. Mais comment le prendrait-elle? Il ne voulait pas lui faire de la peine. Et pourtant, en la regardant maintenant, il réalisait combien elle était forte. Il avait toujours admiré son courage et sa constance. Elle avait tenu tête à Soeur Grey, Elisa et Daniel à son retour du Collège Saint-Paul. Elle avait traversé l'océan pour vivre une autre vie et devenir infirmière. Maintenant, elle aidait Albert à sortir de son amnésie, patiemment et avec compassion, se moquant des commérages. Il ne s'était jamais autant senti fier d'elle qu'à ce moment là.

"Candy..." dit-il en hésitant. Il cherchait attentivement ses mots. Comment expliquer sa situation avec Suzanne?

Sentant la lutte intérieure qu'il menait, Candy s'avança et lui prit le bras. Ses yeux brillèrent tendrement. " Terry," dit-elle doucement. "Tu peux tout me dire."

Il lui prit la main et la serra fortement. "J'espère que tu comprendras", commença-t-il d'une voix tremblante. "Je ne voulais pas que cela arrive. J'aurais souhaité que les choses soient différentes."

Candy opina silencieusement attendant la suite.

Terry ferma les yeux. Il ne pouvait pas s'empêcher de regarder son beau visage. Il se sentit indigne du regard qu'elle posait sur lui.

"Suzanne...Suzanne a eu un accident. Elle m'a sauvé en m'écartant d'un projecteur qui allait tomber sur la scène, et maintenant... maintenant elle ne pourra plus rejouer! Elle ne pourra plus jamais remarcher!"

Candy se sentit comme assommée. Elle secoua la tête, bouleversée. "Comment peuvent-ils être si sûrs de son état, J'ai vu de nombreux patients récupérer après une blessure à la jambe..."

"Suzanne n'a plus de jambe," rétorqua Terry d'un ton mort. "Elle l'a perdue dans l'accident. Cela aurait dû être moi à sa place, mais elle m'a poussé et c'est sur elle que le projecteur est tombé. Elle a tout perdu à cause de moi."

Candy, en état de choc, le regardait fixement. Elle se serait certainement évanouie si Terry ne serrait pas sa main aussi fort.

"Oh Terry," murmura-t-elle tristement. "Tu ne dois pas t'en vouloir!"

Terry secoua la tête. "La mère de Suzanne ressent la même chose que moi. Je suis certain qu'elle est l'auteur de cette lettre."

Candy jeta un oeil au bureau. "Elle t'écrit donc?"

Terry acquiesça. "Elle me rappelle régulièrement d'aller rendre visite à Suzanne à l'hôpital. Comme si j'avais besoin de ses recommandations!..."

"Tu culpabilises, n'est-ce pas?" demanda Candy bien qu'elle connaissât déjà la réponse. "Tu te sens responsable parce qu'elle a sauvé ta vie et Madame Marlowe en profite."

Terry la regarda les yeux remplis de larmes. "Je voulais te protéger de cela. Je ne veux pas te faire de peine."

Candy baissa les yeux et soupira. "Tu dois faire ce que tu crois être le mieux Terry...Peu importe qui tu dois blesser."

Terry la saisit par les épaules, l'obligeant à le regarder. "Tu es la dernière personne en ce monde à qui je voudrais faire du mal, Candy! Si j'avais seulement le pouvoir de changer le cours des événements...."

Candy se dégagea de son étreinte, les yeux remplis de larmes. "Je ne suis pas une étrangère que tu peux blesser et peiner Terry! Tu aurais dû m'en parler avant que je vienne à New-York. Ainsi, je ne serais pas..." Ses mots se turent dans un sanglot.

"Tu ne serais pas venue", dit doucement Terry en achevant sa phrase. "Je suis désolé Candy mais je ne pouvais pas t'en parler plus tôt parce que ...j'avais tellement envie de te voir. Depuis ce jour où j'ai quitté l'Angleterre, je n'ai cessé de regretter de t'y avoir laissée. J'espérais que nous aurions pu partir ensemble et puis...nous n'aurions pas pu gérer tout cela."

"Cela ne sert à rien de revenir en arrière, Terry", Fit Candy tristement. "Ce qui est fait est fait. Peut-être vaudrait-il mieux que je parte." Elle se retourna pour chercher son sac.

"Partir?" s'exclama Terry surpris. "Tu veux dire quitter New-York?"

"Y a-t-il une seule raison pour que je reste?" s'écria Candy. "Reprends-toi Terry. Si je reste, je ne ferai qu'aggraver ta situation...et la notre."

"Ne pars pas!" la supplia-t-il. Des larmes commencèrent à couler sur le visage de Terry et Candy ne put supporter de le voir dans cet état. Elle lui tourna le dos, et se mit à pleurer à son tour.

"Il le faut!" dit-elle fermement. "Ma présence ici ne ferait que compliquer les choses et te causer des ennuis."

"Non!" Terry s'avança vers elle et la força à se retourner pour lui faire face. " Tu ne pourras jamais être la cause de mes problèmes. Depuis le jour où je t'ai rencontrée, tu n'as fait qu'apporter des rires et des joies dans ma vie. Tu m'as aussi aidé à me réconcilier avec ma mère, ce que je n'aurais jamais pu faire sans toi! Grâce à toi, je sais ce que veut dire prendre soin de quelqu'un et l'aimer. Candy, je...je t'aime Candy!"

"Terry!" Terry lui coupa la parole par un baiser. Il l'attira contre lui et l'enlaça si fort qu'elle pouvait à peine respirer. Candy attendait depuis longtemps ce moment. Elle en avait rêvé très souvent. Et maintenant le rêve laissait place à la réalité. Elle était trop étonnée pour réagir, la chaleur et le goût des lèvres de Terry entraînant leur jambes à se rapprocher et son coeur à s'emballer. Elle appuya sa tête contre lui tandis qu'il l'enlaçait plus fortement. Elle était incapable de penser. Elle ne voulait plus penser! Elle voulait simplement le sentir contre elle. Soudainement, toutes les tensions qu'elle avait retenues depuis si longtemps s'embrasèrent. Elle l'embrassa plus passionnément en réponse. Elle voulait lui donner autant que ce qu'elle avait reçu. Elle plaça ses bras autour de son cou, le rapprochant encore plus d'elle, alors qu'elle ne tenait plus que sur la pointe des pieds, son corps recourbé par les bras de Terry qui entouraient sa taille. Ils n'avaient jamais été si proches. Seuls comptaient à cet instant union de leurs lèvres et de leurs corps. Cette interminable attente pour se retrouver venait de s'achever.

Terry s'arrêta soudainement de l'embrasser et enfouit son visage dans son cou. "Candy..." murmura-t-il d'une voix rauque. "J'ai si longtemps attendu pour te serrer à nouveau dans mes bras."

Candy ferma les yeux à l'écoute des battements réguliers de son coeur. "Ce fut très long pour moi aussi" confit-elle doucement tout en essayant de reprendre son souffle.

"Maintenant je sais que je ne pourrai plus jamais te laisser partir" dit Terry avec assurance. "Je t'ai abandonnée au Collège Saint Paul. Je ne ferai pas la même erreur une seconde fois."

"Mais Suzanne..." demanda Candy en relevant la tête.

"Laisse-moi arranger tout cela" répondit Terry. "Il est vrai que je me sens responsable vis à vis d'elle et aussi reconnaissant de ce qu'elle a fait pour moi. Mais je ne l'aime pas. Je me suis juré de ne jamais me comporter comme mon père envers ma mère. Si je te laisse partir, alors je tourne le dos à la personne que j'aime le plus...toi Candy."

Candy le regardait à travers un brouillard de larmes. "Moi aussi je t'aime Terry," s'écria-t-elle.

Leurs lèvres se rencontrèrent à mi chemin, retrouvant la passion qui les avait étreints quelques minutes auparavant. Je comprends maintenant ce qu'aimer vraiment veut dire, pensa Candy en relâchant ses inhibitions. Tout ce qu'elle avait lu dans les romans à l'eau de rose n'était rien en comparaison avec ce qu'elle était en train de découvrir avec Terry. La pression de leur baiser s'accentua, Candy glissant dans l'abîme de la passion, le coeur battant, cherchant son souffle. Elle savait que Terry ressentait la même chose qu'elle, que leur étreinte pouvait devenir plus exigeante. Le désir enflammé de Candy fit place à une peur soudaine.

Elle s'écarta rapidement, respirant avec difficulté. Terry, troublé par son désir, la regardait avec une pointe d'interrogation.

"Excuse-moi," dit-il doucement, craignant l'avoir effrayée par son ardeur.

Candy le rassura d'un signe de tête et posa un doigt sur ses lèvres. "Il n'y a aucune raison. J'en avais envie moi aussi."

Il se regardèrent en silence, leurs coeurs battant au même rythme, leur respiration revenant à la normale. Terry prit Candy dans ses bras et posa son menton sur sa tête en soupirant. Il respira son parfum sucré et sourit. Elle avait toujours cette odeur de fleurs et de menthe poivrée. "Cette fois...Je ne te laisserai pas partir" lui dit-il d'un ton grave, "plus jamais...."

© Nila Bourassa 1999