Candy, une infirmière sur le front
Par Nanou

 

 

Ch 7 : Les tourments

Pendant ce temps, Suzanne, qui ne savait pas où se trouvait Terry, n’osa pas lui poser de questions quand elle le vit arriver, l’air bouleversé. Les jours qui suivirent, Terry n’arrivait pas à se concentrer sur son texte, il avait l’air absent. Les autres acteurs et monsieur Hattaway en particulier, s’inquiétaient pour lui mais le jeune homme ne voulait rien dire et s’enfermait dans son mutisme.

- Terry, il faut que tu te ressaisisses, en te conduisant ainsi tu compromets ta carrière ! Je t’ai choisi pour ce rôle parce que je sais qu’il est fait pour toi ; tu as du talent mais si tu continues comme ça, je serai dans l’obligation de te trouver un remplaçant !
- Pardon monsieur Hattaway, je ne m’en rendais pas compte. Je vais reprendre mon texte et vous faire honneur !
- Voilà qui est parlé mon garçon ! Quelle que soit la chose qui te tracasse, ce la ne doit pas nuire à ta prometteuse carrière.
- J’y ferai attention monsieur Hattaway…

Malgré sa promesse, Terry ne parvenait pas à reprendre son rôle, il était fréquemment absent des répétitions. Tout le ramenait à Candy. Suzanne était inquiète et ne savait pas comment lui en parler. Elle ne l’avait jamais vu dans un tel état…si, mais c’était quelques temps après sa séparation d’avec Candy. Il avait disparu pendant plusieurs jours, les journaux à scandales le disaient fini, pourtant il avait refait surface et faisait maintenant partie des stars les plus en vogue de l’univers théâtral.

Candy n’avait plus de place dans sa vie alors qu’est ce qui pouvait bien le tracasser ? N’y tenant plus, elle décida de lui poser la question.

- Terry, quelque chose ne va pas ?
- Non, tout va bien…
- Tu mens Terry, je sens bien que tu me caches quelque chose !
- Je suis juste un peu surmené, Suzanne, tu sais les répétitions sont éprouvantes.
- Terry, tu n’as jamais été comme ça, même pour des rôles importants !
- Tu te trompes Suzanne, il n’y a rien d’autre.

Et pour ne plus subir cet interrogatoire, il quitta la pièce.

- Terry, attends, reviens je t’en prie !

Suzanne était désespérée. Elle était persuadée que Terry avait un secret mais qu’il ne voulait pas lui en parler. Cela le rongeait de l’intérieur et Suzanne ne pouvait rien faire pour l’aider. Elle se rendait maintenant compte que Terry ne lui faisait pas assez confiance et elle était amère.

Après quelques larmes versées, elle réfléchit. « Puisque tu ne veux rien me dire, je vais aller jusqu’au théâtre et demander à monsieur Hattaway ce qui se passe. Il a toujours été ton confident, je suis sûre qu’il sait quelque chose ! »

Elle fit appeler sa mère et se rendit au théâtre. Malheureusement pour elle, monsieur Hattaway n’était pas en mesure de l’aider. Il avait beau essayer de le faire parler, en vain. Terry était en train de briser sa carrière. Tant qu’il ne réglera pas son problème, personne ne pourra l’aider. Que faire ? Qui pourrait la renseigner ? Elle demanda aux autres membres de la troupe. Beaucoup ironisaient à propos de Terry, disant qu’il est toujours dans les nuages et que son attitude était normale. Mais sous l’insistance de Suzanne, l’un d’eux remarqua qu’il était dans cet état depuis la lecture du journal.

- Quel journal ? demanda t-elle.
- C’était la semaine dernière je crois, je ne suis plus sûr….
- Oui, tu as raison, c’est le journal où on parlait des volontaires pour le front en Europe, rajouta un autre.
- Des volontaires ? Des médecins ? questionna Suzanne
- Oui, il y avait des médecins, des infirmières aussi…
- Des infirmières….mais alors…
- Suzanne, ça ne va pas ? s’enquit l’un des acteurs.
- Si, ça va très bien…

Elle essaya de se donner un air à peu près normal. Elle demanda à sa mère de la raccompagner à l’hôtel. Elle parvint à trouver un exemplaire du journal en question et ce qu’elle y vit confirma ses pensées.

« C’était bien Candy ! Ce la veut dire qu’il l’a revue avant son départ pour la France. C’est pour cela qu’il est dans tous ses états et qu’il ne voulait rien me dire ! Il est toujours amoureux d’elle ! O Terry, je croyais que tu l’avais oubliée ! J’aurais dû m’en douter ! Que faire pour qu’il ne pense plus à elle ? Il est gentil et prévenant avec moi, il fait tout ce que je lui demande mais ça n’est pas de l’amour ! J’ai cru naïvement qu’il finirait par m’aimer mais j’ai eu tort. Terry….si tu savais à quel point ton silence me fait mal ! «

Suzanne cacha sa tête entre les mains et pleura de rage et cria. « Si je n’étais pas dans ce maudit fauteuil, tout aurait été différent ! Je l’ai fait pour lui ! Il ne peut pas penser à une autre que moi ! »

Puis de nouveau elle se calma.

« Dès son retour, il faut absolument que je lui parle ! Il ne pourra plus se défiler ! »

A quelques mètres de là, Terry errait dans les rues pleines de monde en ce mois de juin.

« Pardonne moi Suzanne, je ne pouvais pas te dire ce qui me tourmente ! En ce moment, je n’ai le cœur à rien, je suis à des milliers de kilomètres d’ici, sur cette terre ravagée de France où ma chère Candy risque sa vie pour secourir des soldats blessés… D’un côté, je lui en veux d’être partie sans m’écouter mais de l’autre, je tremble de peur pour elle !

Chaque jour, de nombreux soldats meurent pour sauver leur patrie ou un idéal. Il y a des Anglais, des Russes et bien d’autres encore. Un besoin sans cesse de volontaires…Je me rappelle de ce pauvre Alistair qui s’était engagé et qui n’est jamais revenu. Plusieurs navires ont été coulés par les Allemands et des civils, notamment des Américains sont morts. On ne pourra plus fermer les yeux sur ce qui se passe en Europe dans quelques temps… »


Quant à Candy, ses yeux étaient tout embués de larmes. Elle ne pensait pas revoir Terry, surtout en de telles circonstances. Ses mots l’avaient bouleversée. Il lui a été difficile de rester insensible aux suppliques de celui qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. Mais le devoir l’appelait et de toute façon, Terry n’était plus à elle, il était aimé par une autre, une jeune femme qui n’a pas hésité à sacrifier ses jambes pour lui.

« Suzanne a de la chance, j’espère qu’elle en a conscience…Bien sûr qu’elle doit l’être ! Maintenant Terry fait partie de mon passé…pourtant ce matin, j’avais l’impression qu’on ne s’était jamais quitté, j’étais si bien dans ses bras…Non ! Il ne faut pas que je pense à lui…il ne faut plus… »

Mais cela était plus dur à faire qu’à dire. Voilà plusieurs jours qu’elle était à bord de ce gigantesque paquebot. Bientôt, elle serait en France et n’aurait plus le temps de se torturer l’esprit comme elle le faisait en ce moment.

A des kilomètres de là, à Chicago, Niel faisait la tristesse de ses parents et de sa sœur. Depuis le départ de Candy, il ne dormait plus et mangeait à peine. Il passait son temps dans sa chambre, à tourner en rond. Il ne comprenait pas pourquoi Candy était partie. Maintenant un océan les séparait. Il ne voulait pas trop en parler aux autres membres de sa famille, en particulier à Eliza et à sa mère. Ces dernières se désespéraient de le voir dans cet état. Il dépérissait à vue d’œil. Que faire ? Niel n’avait plus le goût de vivre. Comment Candy avait-elle pu prendre une telle décision ? Il est vrai qu’il n’avait jamais fait preuve de courage et ne comprenait donc pas que l’on puisse se rendre à un endroit où l’on risquait de se faire tuer à chaque seconde. Pourtant, Niel avait changé au contact de Candy, il n’était plus aussi couard qu’avant.

Il pensait de plus en plus à la guerre, si bien qu’un jour, il se décida à partir en France. Le plus dur fut d’en parler à sa famille. D’abord, tout le monde pensa à une plaisanterie mais devant sa détermination, ils ne tardèrent pas à déchanter. Eliza, d’habitude si froide, avait beau pleurer et crier, rien n’y fit. Tous les moyens furent déployés pour lui faire changer d’avis, sans succès.

Albert a été très surpris de cette décision et a essayé de lui en parler mais il n’avait pas eu plus de chance que les autres. Niel lui a même reproché de n’avoir pas assez insisté auprès de Candy pour la retenir ! Albert n’avait pas pris cette « amourette » au sérieux mais maintenant il éprouvait de la peine pour Niel. Ce pauvre garçon aimait Candy à la folie et agissait comme un irresponsable.

Avait-il conscience du danger qui l’attendait ? Albert en doutait fort mais il ne pouvait rien pour lui. Il verrait bien par lui-même. Ainsi Niel, pour éviter des adieux déchirants, partit une nuit sans lune, un jour de juin 1915.

« J’arrive Candy, je serais là pour te protéger…. »

Ch 8 : Une discussion houleuse

A New York, sous la menace de sa mère et de celle de Monsieur Hattaway, devenu plus dur à cause de lui, Terry reprit sa place au sein de la troupe Strasford. Grâce à l’appui de Suzanne, qui dissimulait tant bien que mal son inquiétude sur son attitude, il répéta nuit et jour pour rattraper le temps perdu. Il fut fin prêt pour le grand soir.

« Hamlet » fut un tel succès que les comédiens furent assaillis par la foule dès la sortie du théâtre. Terry, le plus admiré de tous, reçu un tonnerre d’applaudissements et d’énormes bouquets de fleurs. Malheureusement pour ses nombreuses admiratrices, il ne resta pas pour être interviewé par les journalistes. A chaque représentation, il s’esquivait discrètement par un escalier dérobé.

Les journaliste, exaspérés par son attitude, lui donnèrent le surnom « d’étoile filante » Ils tenaient des propos élogieux sur son talent mais disaient de lui qu’il était un grossier personnage !

Pour Terry, cela devenait de plus en plus difficile de passer incognito ; partout les gens le reconnaissaient et lui demandaient des autographes. Les jeunes femmes, plus ou moins amoureuses de lui le suivaient à chaque sortie. Il dut même changer d’hôtel en demandant la plus grande discrétion au gérant, car ses fans l’attendaient à l’entrée tous les jours.

Ce nouvel hôtel était plus petit que le précédent mais aussi plus calme. Il se situait un peu en dehors de la ville. Même si elle comprenait, Suzanne n’était pas heureuse de ce changement. Ces derniers temps, elle le sentait loin d’elle et maintenant l’éloignement géographique n’arrangeait pas les choses.

Bien sûr, il venait la voir tous les jours mais il était préoccupé et ne voulait rien lui dire. Suzanne savait qu’il était inquiet pour Candy et cela la tourmentait au plus haut point. Elle essaya de chercher une solution pour qu’il ne pense plus à son infirmière.

Après quelques jours d’intense réflexion, elle envisagea d’habiter chez lui. Selon elle, c’était le moyen le plus sûr de ne pas le perdre. Elle en parla en premier à sa mère qui n’était pas du tout d’accord. Mme Marlowe avait peur des commérages, ce serait une honte pour la famille qu’elle vive sous le même toit que Terry sans être marié. Déjà qu’elle exerçait un métier qui n’était pas des plus honorables !

« Marié ? Mais oui, c’est la solution ! » cria Suzanne. Sa mère, bien que réticente au départ, vu le jeune âge de sa fille (elle avait à peine quinze ans), accepta. Tout à sa joie, Suzanne demanda à sa mère de l’emmener chez Terry. En apprenant la nouvelle, ce dernier eut un choc. Il n’avait jamais envisagé le mariage avec Suzanne, même si c’était la suite logique de sa « relation » avec la jeune femme. Il ne savait que dire. Suzanne avait lu dans son regard et comprit qu’il n’était pas aussi enthousiaste qu’elle. Sa mère les avait laissés seuls.

- Mais Terry, c’est normal que deux personnes qui s’aiment se marient…à moins que tu ne m’aimes pas !

Terry se tourna vers elle

- Mais si je t’aime Suzanne…

- Tu dis ça sans grande conviction ! Mais c’est vrai que c’est une autre personne qui hante tes pensées !

Le ton de Suzanne s’était durci.

- Suzanne, je t’en prie, arrête, tu racontes n’importe quoi.

- Mais non, c’est la vérité, tu ne peux pas te mentir et mentir aux autres éternellement Terry ! C’est elle que tu aimes, voilà pourquoi tu ne veux pas m’épouser !

C’en était trop pour Terry. Ces dernières semaines avaient été dures pour lui : le départ de Candy, le stress des représentations, les admiratrices déchaînées qui le harcelaient jusque chez lui et maintenant les questions agressives de Suzanne. Il agrippa les bras du fauteuil roulant, ce qui fit sursauter la jeune femme.

- Ecoute Suzanne, puisque tu es si sûre de ce que tu avances, pourquoi me demandes-tu de t’épouser ?

- Mais Terry…parce que je t’aime et que je ne veux pas te perdre !

Les larmes ruisselaient sur ses joues. Terry éprouvait de la pitié pour elle ; c’était bien à cause de lui qu’elle se retrouvait dans ce fauteuil et que ses rêves de devenir un jour une actrice célèbre et adulée avait été anéantis…Mais de là à l’épouser !

Il y avait une époque où il faisait des projets d’avenir mais c’était en pensant à une autre….et cette époque est révolue. Il fallait qu’il donne une réponse à Suzanne et assez rapidement. Pour l’heure, il ne dit rien mais promit d’y réfléchir sérieusement. La jeune femme se contenta de cette affirmation qui pour elle signifiait beaucoup.

Le lendemain, tous les journaux parlaient d’un durcissement dans le conflit en Europe. Les combats reprenaient de plus belle dans la région de l’Artois.

« Chaque jour qui passe est un véritable supplice ! Je ne sais pas ce que devient Candy, j’espère qu’elle est en bonne santé et qu’elle m’écrira bientôt ! »

Le soir, il rentra très tard à l’hôtel après être resté près de Suzanne jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Il avait une terrible envie de noyer son chagrin dans l’alcool. Il trouva un magasin encore ouvert dans la rue perpendiculaire et s’acheta deux bouteilles de whisky. Il laissa un fort pourboire au propriétaire qui le remercia vivement.

Une fois rentré, il jeta sa veste sur une chaise, sortit un verre et s’installa sur son lit. Il déposa les bouteilles sur sa table de chevet. Il dévissa le goulot rapidement et versa le liquide brun. La première gorgée lui brûla la gorge et il toussa. Ca faisait un moment qu’il n’avait pas bu et s’y remettre n’était pas une mince affaire.

Après avoir bu une bouteille, il était complètement soûl. Sa vue se brouilla et des images de Candy vinrent danser devant lui. « Candy… » murmura t-il, la voix pâteuse.

Il voulait tellement la voir, la serrer dans ses bras, l’embrasser. Il tendit les bras comme s’il voulait attraper la vision de la jeune femme, il avait l’impression d’entendre son rire.

« Ah Candy, pourquoi me tortures-tu ainsi ? Reviens, tu ne peux pas me laisser comme ça ! » Finalement, il ne voulait plus boire ; il jeta la deuxième bouteille qui se brisa en mille morceaux. Il essaya de se lever mais ce fut peine perdue. Il s’allongea de tout son long sur le lit.

Cette nuit, malgré la quantité astronomique d’alcool qu’il avait ingurgité, il eut beaucoup de mal à s’endormir. Il étreignit son oreiller qui fut trempé de larmes en l’espace de quelques minutes.


Ch 9 : Ca commence bien !

Voilà deux semaines que Candy avait débarqué en France. Une équipe médicale l’avait accueilli à son arrivée. Une fois qu’elle eut posé le pied sur la terre ferme, elle s’était dit « Me voilà en France, je suis prête à affronter tous les dangers pour sauver des vies humaines ! »

Il y avait un trajet à parcourir en calèche. On ne pouvait pas prendre le train car beaucoup de lignes de chemin de fer avaient été réquisitionnées pour le transport des armements, sans compter celles qui furent endommagées par les obus.

Deux calèches arrivèrent pour les emmener. Après de brèves présentations, chacun prit place dans l’un ou l’autre des véhicules. La première voiture qui fut remplie rapidement, partit sans attendre la deuxième. Un médecin chef français était resté avec l’autre partie de l’équipe où se trouvaient Candy et trois autres infirmières. Il parla de la situation dans le pays et les remercia vivement d’être venu les épauler. Candy fut impressionnée par leur courage et espérait être à la hauteur de la tâche qui lui serait confiée.

Au loin, on entendait les bruits des mitrailleuses, Candy et les autres étaient inquiets au fur et à mesure qu’elles approchaient de l’asile où elles devaient être installées. C’était la première fois qu’elles allaient soigner au milieu des bombes. Elles regardèrent à travers les vitres de la calèche dont les rideaux étaient tirés, craignant pour le convoi.

Soudain, il y eut un bruit assourdissant. Un obus était tombé sur la première calèche, tuant tous les occupants sur le coup. La deuxième voiture, qui était en retrait par rapport à la précédente, se renversa sous l’onde de choc. Des hurlements retentirent. Des débris volèrent jusqu’à eux. Le feu prit et il fallait se dégager le plus vite possible.

Candy se retrouva à l’envers. Elle réussit à se dégager tant bien que mal en compagnie de ses collègues et du médecin chef. Les jeunes femmes étaient terrifiées. Même Candy, malgré son courage, avait peur. Elle savait qu’elle s’en était sortie grâce aux prières de ses amies et en particulier de Sœur Maria et de Melle Pony.

Elle jeta un regard vers le ciel. L’une des infirmières, prise de panique, s’était blessée en sortant. Candy la soigna. Elle n’avait que quelques égratignures dues aux débris projetés de l’autre calèche. Le médecin chef se releva. Sa jambe le faisait souffrir. Il était tombé à la renverse lui aussi mais s’était tordu la jambe. Les infirmières l’aidèrent à se tenir debout.

Le spectacle qui s’offrait à leur yeux était insoutenable : il y avait un trou béant à la place de la route, des débris de la première calèche éparpillés ici et là et les corps des malheureuses victimes réduits en bouillie. Candy et les autres étaient choquées. Elles savaient que ce ne serait pas facile mais affronter une telle chose dès le premier jour était quand même éprouvant pour le moral.

Le médecin chef prit la parole.

- Je suis désolé de vous infliger un spectacle pareil dès votre arrivée mesdemoiselles, mais je crois que vous êtes maintenant fixés sur ce qui vous attend tous les jours ici. Le seul conseil que je peux vous donner, c’est de vous endurcir un peu pour supporter votre quotidien.

Les infirmières lui firent une béquille de fortune avec les morceaux de la calèche.

- Malheureusement, l’asile est à quelques kilomètres d’ici. Il va falloir faire le reste du trajet à pied. J’espère que nous y serons avant la nuit et que je ne vais pas trop nous retarder avec ma jambe ! Sinon, nous risquerions de tomber sur l’ennemi !

Il se traîna avec peine à travers les champs qui recouvraient le paysage, suivi des infirmières. En avançant, il jetait des coups d’œil furtifs en bas, à droite et à gauche, pour éviter les mines mais aussi les embuscades ennemies.

Il leur montra des tranchées sur les côtés. Candy n’avait jamais vu ce genre de choses. C’était des trous creusés dans la terre, sur plusieurs kilomètres, bien aménagés, où les soldats se mettaient à l’abri des bombes et pouvaient se reposer un peu. Ceux-ci étaient abandonnés et on ne savait pas s’ils avaient été occupés par de Alliés ou des Allemands.

- Regardez bien où vous marchez mesdemoiselles, car ces maudits Allemands ont pu enterrer des mines ici et là !

Les infirmières firent très attention et après plusieurs heures marche, le groupe arriva fourbu mais heureux devant l’asile qui était un orphelinat réaménagé en hôpital.

Candy et ses collègues furent accueillies par des sœurs et d’autres infirmières qui leur souhaitaient la bienvenue et leur firent visiter les lieux. Le médecin chef fut conduit dans une salle pour être examiné. Il remercia Candy et les autres pour leur aide.

Candy se sentait bien dans cet endroit qui lui rappelait un peu la maison de Pony en beaucoup plus grand. Un lieu de prière s’y trouvait aussi et la jeune femme s’empressa d’aller se recueillir pour la protection des innocents et des courageux soldats.

Le dortoir du personnel soignant était plus petit que les autres pièces du bâtiment. Il fallait de la place pour accueillir les nombreux blessés revenant du front.

Une soeur indiqua la chambre qu’elle devait partager avec ses collègues. Elles étaient trois en tout. Candy rangea les quelques affaires qu’elle avait emportées pour ce périple. De toute façon, elle n’aurait pas souvent l’occasion de les mettre car la blouse blanche serait sa tenue quotidienne.

Une fois qu’elles furent installées, un médecin vint les chercher pour leur donner quelques instructions quant à la conduite à tenir dans ce lieu. Elles ne devraient pas s’attendre à dormir beaucoup. Un système de relais avait été mis en place. Ce qui permettait au personnel soignant de pouvoir se reposer et exceptionnellement de partir quelques jours loin de cet endroit.

Après ce bref briefing, les jeunes femmes furent invitées à regagner leur dortoir jusqu’au lendemain. Le réveil très matinal, peut-être dur au début, deviendrait vite une habitude.

« Les choses sérieuses allaient commencer demain » pensa Candy. Elle n’aurait pas le temps de penser à autre chose.

Elle voulut écrire immédiatement à ses amis pour leur raconter ses péripéties de la première journée mais la fatigue due à cette journée mouvementée eut raison d’elle et elle s’endormit comme une masse.

 

Fin chapitres 7 à 9

© Nanou 2006