Candy, une infirmière sur le front
Par Nanou

 

 


Prologue 

Candy était de retour à Chicago. Finis les quelques jours de repos passés à la maison de Pony. Grâce à l’appui d’Albert, maintenant connu de tous comme William André, elle avait pu réintégrer l’hôpital Sainte Joanna, au grand dam d’Eliza. Elle n’y travaillait que les matinées, ses après-midi, étant consacrées à la clinique du Dr Martin, où elle effectuait du bénévolat.

La guerre faisait rage en Europe et le nombre des victimes ne cessait d’augmenter là-bas. Combien de temps les Etats-Unis pourront-ils rester neutre ? Combien d’infirmières vont encore être envoyées au front ?

Candy se posait toutes ces questions au moment où elle visitait les malades. Elle repensait à Flanny qui s’était portée volontaire il y a un an, pour partir en France. Elle espérait de tout cœur qu’elle s’en retournerait saine et sauve et que cette maudite guerre finirait très vite.

Albert, quant à lui, ne savait plus ù donner de la tête. Il était très sollicité par les sommités du monde des affaires qui ne le connaissaient qu’à travers ses collaborateurs jusqu’à son fameux entretien avec la presse il y a quelques mois. De plus, une partie de ses entreprises étaient implantées en Europe et la guerre n’arrangeait pas ses finances. Afin de se rendre compte des dégâts qui auraient pu être occasionnés par ce fléau, Albert faisait de fréquents voyages et évaluait les conséquences aussitôt.

Annie et Archibald sont retournés à Chicago aussi après un court séjour à la maison de Pony. Annie n’avait plus honte d’avoir été orpheline. Elle avait pris beaucoup d’assurance au contact de Candy. D’ailleurs, Archibald s’en était rendu compte. Au fil du temps, son affection pour elle s’était transformée en amour…

Au début, c’est de Candy qu’il était amoureux, mais voyant que cet amour n’était pas réciproque, il s’était résigné et la considérait dorénavant comme une amie.

Parmi les amis de Candy, il y a en avait une qui gardait de solides liens avec notre infirmière, Patty o’Brien. Après la mort d’Alistaire, Patty s’en était retournée chez sa grand-mère en France pour oublier sa peine. Mais les ravages de la guerre l’ont ramené aux Etats-Unis et elle n’habite pas loin de Chicago.

Elle s’était résolue à venir en aide aux victimes de la guerre en récoltant des vivres, des médicaments et des fonds pour une association caritative. Les dons affluaient et elle n’avait pas le temps de penser à autre chose.

C’est grâce à Candy qu’elle avait réussi à remonter la pente après la mort de celui qu’elle aimait tant. Comme Candy, elle avait voulu se dévouer pour ceux qui souffrent. D’ailleurs, les deux amies avaient souvent l’occasion de s’écrire et de se conseiller mutuellement.

 

Chapitre 1 
La décision de Candy

 

Pour Candy, aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres. Tout l’hôpital était en effervescence. Il était question d’envoyer d’autres infirmières sur le front en France. Une réunion avait lieu en présence de tout le personnel.

Dr Léonard – Mesdemoiselles, comme vous le savez, la situation est des plus critiques en Europe. Il y a quelques temps, un paquebot américain le Lusitania, a été torpillé par l’ennemi. Par conséquent, il n’est pas impossible que notre pays soit entraîné dans le conflit. C’est pour cela que nous allons envoyer certains de nos éléments en France. Je préfèrerais qu’il y ait des volontaires comme la première fois. Certains de nos collègues ont déjà été dépêchés en France auprès des médecins français.

Le docteur Léonard laissait un délai d’une semaine aux infirmières pour se décider. Certes, ce n’était pas une décision à prendre à la légère mais l’urgence raccourcissait le temps de réflexion.

Candy, elle, avait déjà hésité la première fois. C’était Flanny qui s’était portée volontaire. Elle n’avait pas le droit de refuser à nouveau. Des milliers de soldats mettaient leurs vies en péril chaque jour pour défendre leurs idéaux. A mesure que les combats s’intensifiaient, les blessés se faisaient de plus en plus nombreux et donc les infirmières venaient à manquer. Elles étaient leur seul lien avec le monde « civilisé ».

« Ces hommes ont besoin de personnes comme moi pour soigner leurs blessures physiques mais aussi morales, je dois y aller ! » se dit Candy. Mais auparavant, elle devait prévenir ses amis. Elle ne pouvait pas partir sans leur dire au revoir. Ce mot avait une drôle de consonance dans sa bouche à l’instant présent.

« Je ne sais pas si je reviendrais mais ma décision est prise…Candy, espèce de tête de mule ! Cesses d’avoir des pensées aussi négatives ! Toutes les infirmières qui partent ne sont pas mortes, il y en a même qui sont revenues. Allons, sois courageuse ! »

Et elle ne donna un grand coup sur la tête.

« Albert n’est pas encore rentré de son voyage d’affaires, je vais aller voir Annie. J’espère qu’elle me comprendra et qu’elle me soutiendra ! »

Les Brighton se sont installés à Chicago depuis quelques temps, sous l’insistance d’Annie qui voulait rester auprès de Candy. C’est elle qui vient lui ouvrir la porte, un sourire radieux sur le visage.

Candy ! Je suis tellement heureuse de ta visite ! Je voulais justement te dire quelque chose.

Annie…moi aussi je voulais te parler.

Attends Candy, je voudrais être la première à parler, c’est très important. Installe toi.

« Oh et puis après tout, ça peut attendre un peu », se dit Candy.

Très bien Annie, je t’écoute…

Candy, tu sais qu’Archibald et moi nous nous entendons bien…

(Une légère rougeur couvrit son visage)

Bien sûr Annie, je l’ai compris très vite quand nous étions au Collège Royal de Saint Paul.

Oui, eh bien…Archibald m’a demandé en mariage !

Candy se leva aussitôt.

Annie, mais c’est merveilleux ! Comme je suis heureuse pour toi !

Les deux amies se jetèrent dans les bras l’une de l’autre. Candy retint ses larmes. Comment après une telle nouvelle allait-elle annoncer son départ ? Pouvait-elle gâcher la joie d’Annie qui était comme une sœur pour elle ? Elle décida de ne rien lui dire pour le moment.

Annie, je savais bien qu’Archibald et toi étiez de plus en plus proches. Cela ne pouvait se terminer que de cette façon.

Oui et je voulais que tu sois la première à partager mon bonheur Candy ! Au fait, qu’est ce que tu voulais me dire ? Ca avait l’air d’être important aussi.

Oh, ça n’était pas si important que ça, surtout après la nouvelle que tu viens de m’annoncer !

Tu en es sûre ? Tu m’avais l’air plutôt ailleurs, qu’est ce qui se passe ?

Mais non, il n’y a rien, rien de grave en tout cas !

Tu sais que tu peux tout me dire Candy, je sais garder un secret.

Ne t’inquiète pas Annie, ça peut attendre…oh, mais il est tard, il faut que je retourne à la clinique. Encore une fois félicitations Annie, tu embrasseras Archibald de ma part !

Je n’y manquerais pas Candy. Il faudrait que nous fassions un pique-nique un de ces jours. On a rarement le temps de se voir, ce serait l’occasion.

Tu as raison Annie, mais tu sais, les infirmières sont submergées de travail, surtout avec ce qui se passe en Europe.

C’est vrai j’ai tendance à oublier, pardon Candy.

Ce n’est pas grave Annie, je n’oublierais pas ta proposition et je te promets de trouver du temps pour que nous nous voyions.

D’accord, alors à bientôt Candy.

A bientôt…

Comme ses mots résonnaient étrangement aux oreilles de Candy. Il n’y avait aucune signification pour quelqu’un qui était au front, car il n’était pas sûr de revenir, de revoir sa famille, ses amis…

«  Pardon Annie, je ne pouvais pas te dire la raison de ma visite, pas maintenant, je voudrais que tu savoures ton bonheur… »

Candy essuya les larmes qui coulaient le long de ses joues. L’après-midi était bien entamée. Il ne fallait pas qu’elle montre son chagrin au docteur Martin et aux malades.

Alors mademoiselle la Distraite, c’est à cette heure-ci que l’on arrive ?

Excusez moi docteur, je n’ai pas vu le temps passer.

Ne vous inquiétez pas mon enfant. Mettons nous au travail maintenant !

Cette fin d’après-midi se passa calmement et Candy parvint un peu à oublier sa tristesse grâce à la gentillesse du docteur Martin et des patients.

Au moment de partir, elle réfléchit un instant et décida de parler au docteur Martin.

Docteur, je dois vous parler de quelque chose de très important…

Candy, je vous ai observé tout au long de l’après-midi, vous aviez l’air préoccupé.

C’est vrai docteur, vous allez être la première personne à qui je vais le dire…eh bien, j’ai décidé de partir sur le front en France.

Le docteur Martin fronça les sourcils et la fixa un moment.

Candy, êtes-vous sûre de votre décision ?

Oui docteur, j’y ai bien réfléchi, la situation est trop grave pour ne pas y prendre part. Beaucoup d’hommes sont partis pour défendre une cause qu’ils estiment juste et sont séparés de leur famille, se retrouvent dans le froid, avec peu de nourriture, dans l’espoir que la guerre finira au plus vite. On ne peut pas les abandonner, ils ont besoin de notre soutien.

Je vois que vous êtes déterminée Candy et tout ce que vous venez de me dire prouve que vous ne changerez pas d’avis quoique l’on dise. Vous agissez comme une digne représentante de votre profession. Je respecte et approuve votre décision, même si une partie de moi voudrait que vous restiez ici…

Les mots sont parfois inutiles dans ces moments là. Le docteur serra Candy dans ses bras, il ne put s’empêcher d’avoir une larme au coin de l’œil.

Vous êtes une bonne infirmière Candy et je suis sûr que vous apporterez du baume au cœur de tous ces soldats, que ce soit par vos soins ou par vos paroles !

Merci docteur pour ces paroles réconfortantes.

Est-ce que vous savez quand est ce que vous allez partir ?

Oh pas avant une bonne semaine. Je dois donner ma décision jeudi prochain et le départ sera sûrement pour vendredi ou samedi…

Avez-vous prévenu Albert ?

Non docteur, il n’est pas encore rentré de son voyage d’affaires. J’espère qu’il réagira comme vous !

Je suis sûr qu’il vous conseillera de la meilleure façon mon enfant, ne vous inquiétez pas !

 

 

Chapitre 2
Une rencontre inattendue

 

Pendant ce temps, Albert, qui avait quitté l’Europe, fit un détour par New York avant de rentrer à Chicago. Le voyage avait été particulièrement pénible et il avait besoin de souffler un peu, loin du monde des affaires. Il se balada dans un parc de Manhattan et fit une rencontre surprenante.

Mais c’est Albert !

C’était Terry qui se détendait entre deux répétitions. Albert ne l’avait pas reconnu car Terry se promène toujours sous un déguisement, pour éviter les hordes d’admiratrices.

Terry ! Si je m’y attendais !

Terry n’avait guère changé, son accueil était très chaleureux.

Comment allez-vous Albert ? Oh pardon…je veux dire monsieur William André, dit-il en faisant la révérence.

Oh non Terry, ne te moque pas de moi ! Pour toi je serais toujours Albert !

Quand j’ai lu la nouvelle dans le journal, je dois vous avouer que j’ai eu un sacré choc !

Oui et tu n’es pas le seul, tout mon entourage aussi ! Mais je ne pouvais pas rester dans l’ombre éternellement…même si je n’aime pas les réunions d’affaires !

Je vois que vous êtes passionné par le monde du travail !

Oh, tu sais bien que j’ai toujours préféré la nature à ce monde de requins !

C’est vrai et puis je ne trouve pas que vous ayez changé, à part peut-être le costume !

Ces costumes sont réservés à mes rendez-vous d’affaires, je ne suis pas très à l’aise dedans !

Je le vois bien, je ne faisais que vous taquiner !

Eh oui, on ne change pas les vieilles habitudes, il n’y a rien de tel que de se promener, de prendre l’air, de respirer autre chose que la pollution des centres-villes…à Chicago aussi je le fais souvent.

comment va Candy ?

Albert sourit, il était sûr que le jeune homme allait aborder le sujet.

Candy va très bien Terry. Tu sais elle passe la plupart de son temps à l’hôpital, les malades et les blessés sont nombreux surtout avec cette maudite guerre qui n’en finit pas ! Je reviens de France et les dégâts sont considérables là-bas…

Oui…la situation est préoccupante. Espérons qu’elle s’arrange. Les gouvernements européens sont les seuls juges. L’avenir de l’Europe est entre leurs mains.

Tu as raison, mais la bêtise humaine est à tous les niveaux. Tout ce que j’espère, c’est que les Etats-Unis ne soient pas entraînés dans la guerre. Il y aurait alors besoin d’envoyer du renfort aussi bien militaire que civil, les infirmières seraient mobilisées…

Le regard de Terry s’assombrit.

Les infirmières aussi…mon Dieu, j’espère qu’une telle chose n’arrivera pas. Je n’ai pas envie de voir Candy partir pour le front !

Moi non plus tu sais. Restons optimiste !

J’ai toujours prié pour qu’elle soit heureuse même loin de moi mais je ne supporterais qu’elle soit en danger !

Allons Terry, chasse ces pensées si négatives de ta tête ! Il ne lui arrivera rien.

Vous avez raison Albert, je m’inquiète trop. Vous savez, nous avons beau être séparés, elle tient encore une grande place dans mon cœur. Je ne peux pas l’oublier, oublier les merveilleux instants passés en sa compagnie, si peu nombreux soient-ils, au collège Royal de Saint-Paul. Une fille comme elle, ce n’est pas tous les jours que l’on en rencontre !

Je suis bien d’accord là-dessus ! Candy ne t’a pas oublié non plus, même si elle n’en parle jamais. Il m’est arrivé de la voir, les yeux dans le vague, un peu empreints de tristesse, si lointaine…Je sais que c’est à toi qu’elle pense dans ces moments là. Ne t’inquiète pas, un lien fort vous unie toujours malgré la séparation et rien ne pourra le briser. La vie n’a pas été tendre avec vous mais vous vous en êtes sortis, ne baissez jamais les bras !

Les yeux de Terry s’embuèrent de larmes.

Merci Albert, merci pour ces paroles réconfortantes.

Au même moment, une voiture aux armoiries des André s’arrêta près d’eux. C’était Georges qui venait chercher Albert, après avoir fait le tour de la ville.

Tiens, il arrive toujours à me retrouver, sacré Georges ! Bien, Terry je dois te laisser, j’espère te revoir très bientôt !

Moi aussi Albert !

Albert le prit dans ses bras et le serra fort contre lui. « Ne pas pouvoir s’aimer alors que l’on brûle d’amour l’un pour l’autre, je ne le souhaite à personne ! »

Terry retourna au Théâtre, le cœur léger. Savoir Candy en sécurité à Chicago avait suffi à l’apaiser.

Fin chapitres 1 et 2

© Nanou 2005