Candy, une infirmière sur le front
Par Nanou

 

 

Ch 16 : La décision de Terry

L’année 1916 commença par l’envoi d’un émissaire du président Wilson en Europe pour tenter un compromis pour la paix mais cette tentative fut vaine.

C’est ainsi que le début de l’année connut la plus terrible des batailles en France, la bataille de Verdun. Ce fut l’une des plus meurtrières de la première guerre. Candy fut transférée de l’arrière en seconde ligne, de Reims à Verdun. Jamais elle n’avait vu autant de morts. L’hôpital n’était pas loin des deuxièmes lignes, le vacarme était assourdissant.

Le personnel médical comme les soldats passaient de longues nuits sans dormir. La fatigue était accompagnée d’un manque de nourriture. Seuls les mulets apportaient le pain en premières lignes car les routes défoncées étaient impraticables pour les véhicules. Pendant huit jours, il y eut une lutte sans merci et autant de morts dans un camp comme dans l’autre. La somme de travail faisait que Candy ne trouvait pas le temps d’écrire à ses amis.

A New York, Terry était inquiet car cela faisait plusieurs semaines qu’il ne recevait plus de courrier de France. Suzanne le laissait tranquille depuis quelques temps, elle ne le harcelait plus avec sa demande en mariage. Peut-être qu’elle y avait renoncé ? Mais pour le moment c’était le cadet de ses soucis.

« Que se passait-il en France ? Pourquoi Candy n’écrivait-elle pas ? Lui serait-il arrivé quelque chose ? Non, il ne faut pas que je pense une chose pareille !! »

Il faisait les cent pas dans sa chambre d’hôtel et n’arrivait pas à penser à autre chose. La peur lui étreignait le cœur et il ne pouvait se confier à personne. Il ne voulait pas déranger Albert ; de plus, avec les représentations de « Hamlet », il ne pouvait pas faire l’aller-retour jusqu’à Chicago. Sa mère n’était pas disponible non plus car elle ouvrait une école pour les élèves qui aspiraient à devenir acteur.

Il soupira et s’installa dans un fauteuil. Il commençait à étouffer dans cette pièce, il avait besoin de prendre l’air. Il enfila rapidement sa veste et descendit dans le hall. Il laissa un message à la gardienne au cas où Suzanne chercherait à le contacter.

Curieusement, la morsure du froid hivernal lui fit du bien. D’ailleurs il ne le sentait pratiquement pas. Son inquiétude pour Candy allait en grandissant et il ne pouvait rien y faire. Il se décida à marcher, sans but précis, aussi loin que ses jambes le porteraient. Au bout d’heure, le froid lui engourdissait tout de même les membres et il reprit le chemin inverse pour rentrer chez lui.

Son esprit vagabondait et lui faisait imaginer le pire. Il voyait une Candy à moitié ensevelie sous la neige, blessée, avec des morts autour d’elle. Elle criait au secours mais personne n’était là pour la sauver. Il frissonna et se donna des coups sur la tête.

« Mais pourquoi est-elle partie là-bas ? Se rend-elle compte de ce que j’endure ? Non, je ne suis qu’un égoïste, elle se dévoue pour les autres et moi je lui fais des reproches. Pardon ma chère Candy… »

Finalement ce bol d’air ne lui avait pas fait du bien. Il ne cessait de se poser des questions. Partout les gens ne parlaient que du conflit en Europe et à la possible entrée en guerre du pays. La troupe Strasford n’était pas en reste. La plupart des acteurs se disaient que cette guerre ne les concernait pas et qu’il n’y avait pas de raison que les Etats-Unis aillent mettre leur grain de sel dans ce conflit. Terry avait eu plusieurs altercations avec des membres de la troupe à ce sujet, leur reprochant leur égoïsme.

Il avait mis fin à la dispute avant d’en venir aux mains. De toute façon, ils ne s’étaient jamais entendus avec eux, ces fils à papa prétentieux et bons à rien ! De plus, les autres acteurs lui jalousaient son talent.

En rentrant à l’hôtel, la gardienne lui remit deux messages de Suzanne qui était passée le voir avec sa mère et qui était déçue de ne pas le trouver. Elle lui demandait de passer la voir chez elle.

Terry leva les yeux au ciel. Il n’avait pas moyen d’être tranquille une journée ! Il reporta sa visite à Suzanne en fin de journée et se servit un verre de whisky. Depuis quelques temps, c’est la seule chose qui lui donnait un peu de réconfort. Le liquide brun réchauffait son corps et son âme. Il se servit un autre verre. A ce rythme là, il allait arriver saoul chez Suzanne ! Mme Marlowe n’allait pas être contente, mais au diable cette bonne femme !

Il se leva péniblement du fauteuil et remit sa veste. Il passa la fin de journée avec Suzanne qui lui raconta des histoires qu’il écouta à peine. Toutes ses pensées allaient vers Candy. La jeune actrice ne lui fit pas de reproches, elle ne voulait pas se disputer avec lui. Son haleine sentait l’alcool mais elle s’en accommoda. Elle savait que Terry était ailleurs depuis le départ de Candy et cette situation la préoccupait.

Elle espérait qu’il l’oublie avec le temps mais elle ne se faisait pas d’illusion. Si au moins elle pouvait marcher ! De longues larmes coulèrent sur ses joues. Terry s’en aperçut et essaya tant bien que mal de la consoler. Il lui demanda ce qui se passait mais Suzanne resta muette comme une carpe.

Finalement, elle s’endormit. Terry l’allongea et la laissa aux bons soins de sa mère. En rentrant il se resservit un verre de whisky et c’est pratiquement saoul qu’il s’écroula sur son lit…

Le lendemain, à la une des journaux, il était question du front de Verdun où il y avait des milliers de morts. On se battait de chaque côté de la Meuse. Certaines infirmières avaient été tuées par des balles perdues alors qu’elles tentaient de sauver des blessés. Terry devint pale et dut s’accrocher à un siège pour ne pas tomber. Le quotidien saluait leur courage et le dévouement des infirmières volontaires.

« Seigneur Dieu, faites que Candy ne soit pas morte, je vous en supplie ! Je ne peux pas rester là à m’angoisser. Il faut que j’y aille, il faut que je sache…Le seul moyen, c’est de m’engager comme volontaire…ça ne m’enchante pas de me battre mais je n’ai pas d’autres solutions si je veux m’approcher des infirmières ! Comment vais-je l’annoncer à Suzanne ? Elle risque de ne pas comprendre ! Peu importe, je vais partir pour la France comme volontaire !  »

Terry avait pris sa décision et ne pouvait l’arrêter. Pendant une semaine, il fit ses préparatifs discrets et ne prit que le strict minimum. Il n’avait aucun regret de partir. Les billets pour la France étaient prêts. La barrière de la langue n’était pas un problème pour lui. Il avait effectué de nombreux séjours dans le pays de Molière et parlait le français presque couramment.

Maintenant, il s’agissait de partir sans que Suzanne le sache, sinon elle ne le laisserait pas partir. Parfois, il avait l’impression qu’elle se doutait de quelque chose. Elle le questionnait, le trouvait étrange, lui demandait où il allait. A chaque fois, Terry avait sur mentir mais cette fois-ci, il ne savait plus quoi inventer. Le mieux était de partir la nuit. Oui, c’était la seule solution.

La dernière fois qu’il vit Suzanne avant son départ, elle était très calme, radieuse. En la regardant, Terry se dit qu’il avait eu raison de ne rien lui dire. Il faisait encore très froid quand il quitta son hôtel en cette fin février. Il laissa un petit mot pour Suzanne à la loge et sortit. Il n’écrivit que quelques mots mais il n’avait pas le cœur à lui écrire une longue missive.

« Adieu Suzanne, je ne sais pas si je te reverrais car j’ai décidé d’aller me battre en France en tant que volontaire. Je suis désolé de ne pas t’en avoir parlé mais si je l’avais fait, je suis sûr que tu m’en aurais empêché. Puisse Dieu te donner le bonheur. Moi, j’en ai été incapable. Sois heureuse. Terry. »

Le jour suivant, c’est une Suzanne en pleurs qui accueillit la nouvelle. La lettre de Terry ne changeait rien à sa tristesse. Elle lui en voulait de ne pas l’avoir mis au courant de ses intentions mais elle s’en voulait aussi pour ne pas avoir deviné ce qui se tramait dans son esprit. Selon elle, il était parti comme un voleur. La première réaction passée, elle s’en prit à Candy. Elle la maudissait, se disant qu’elle était la cause de tous ses maux et du départ de Terry. Jamais elle n’avait haï quelqu’un à ce point…

 Ch 17 : Des débuts difficiles

En France, les Alliés résistaient héroïquement aux ennemis. En Grande-Bretagne, le service militaire obligatoire fut instauré pour compenser les pertes des premiers combats et les besoins grandissants d’effectifs. De nouvelles armées débarquèrent donc en cette fin de mois de décembre. Mais la pression allemande se renforça face à cet adversaire de taille. 

Des on côté, Terry débarqua en France. Il avait pensé y revenir un jour mais pour y jouer une pièce, pas pour combattre. Sur le chemin, il constata l’ampleur des dégâts. Ce qu’il voyait en photos dans les journaux était loin de la réalité ; partout, il n’y avait que ruines et désolation. Sa gorge se noua. « Pourvu qu’elle aille bien ! »

Après quelques difficultés, il trouva le bureau de recrutement. Des officiers le regardèrent suspicieusement mais quand ils virent qu’il venait s’engager comme volontaire, ils lui firent bon accueil et le félicitèrent. Terry reçut un uniforme en gros drap bleu, mal coupé et mal taillé mais il n’avait pas le choix. Il l’enfila ainsi que les gros godillots qui tenaient chauds.

« Voilà, maintenant je ne peux plus faire marche arrière ! ». Il n’oublia pas de prendre le fusil et le casque qui pouvait lui sauver la vie, comme le lui dit l’officier principal. Pour compléter sa tenue, il reçut une musette qui contenait une serviette, un couteau, un bidon d’eau-de-vie et un morceau de pain de campagne.

Terry se retrouva dans le 10ème régiment d’infanterie. Comme le début de la bataille de Verdun avait décimé la plupart des troupes, il ne restait pas beaucoup de gradés. Un commandant accueillit Terry et lui donna quelques conseils à propos de la vie sur le terrain. Les soldats se trouvaient dans un boyau creusé dans la terre.

Vous n’êtes pas d’ici, je crois monsieur ? lui demanda le commandant.
Grandchester, monsieur, je suis Anglais, lui répondit Terry.
Ça sera mon commandant et pas monsieur, est-ce clair ? grogna l’officier.
Oui mon commandant ! balbutia Terry.
Je suppose que vous n’avez jamais combattu soldat Grandchester, comme la plupart des hommes ici quand ils sont arrivés, lui demanda le commandant.
Heu non mon commandant ! répondit Terry.
Je tiens à vous prévenir que ça ne va pas être une partie de rigolade, on n’accepte pas les poules mouillées ici ! rugit le commandant.

L’accueil plutôt froid du commandant ne démonta pas Terry. Il lui répondit très calmement.

Ne vous inquiétez pas mon commandant, je suis un novice mais j’accomplirais ma tâche.
Voilà qui est parlé ! Tenez, prenez ça, ça sera très utile ici…dit-il en jetant un masque à gaz vers Terry.
Qu’est ce que c’est ? demanda Terry.
Un masque à gaz jeune homme, vous savez les Boches utilisent des gaz asphyxiants et si vous voulez rester en vie, il vaut mieux le porter ! Au fait, quel est votre prénom ? lui demanda l’officier.
Terrence mon commandant, mais on m’appelle Terry…répondit le jeune acteur.
Hé bien Terry, je suis le commandant Charles, vous vous êtes rendus compte qu’il n’y a pas de lits ici, les boyaux sont trop étroits, il faudra que vous dormiez comme vous pouvez. Je vous présente vos autres camarades : Philippe Demoutiez, Maurice Griveton, Georges Queyras, Bernard Legal et Etienne Blanchon. De quel coin d’Angleterre venez-vous ? lui demanda le commandant.
En fait, je suis Anglais mais je vis à New York mon commandant, lui répondit Terry.
Hum, les Américains ne participent pas à cette guerre mais ça ne saurait tarder ! dit-il. Vous verrez sûrement d’autres de vos compatriotes. Concernant la nourriture, vous devez savoir qu’il n’y a pas beaucoup à manger ici. Vous devrez partager les rations avec vos camarades. Il faudra aussi apprendre à tuer ! Ne me regardez pas comme ça ! Si vous ne le faites pas, c’est le Boche qui le fera !

Terry comprit bien vite que le mot Boche était un terme peu élogieux pour désigner l’ennemi.

Nous avons aussi une mitrailleuse dans le coin…Quant à dormir, il ne faut pas que vous y pensiez parce que vous n’en aurez pas le temps. Ces satanés Boches ne nous laissent pas une minute de répit ! Est-ce que vous avez des questions ?
Non mon commandant ! répondit Terry.
Dans ce cas, au travail !

Soudain, un obus éclata à quelques mètres d’eux.

Vite, tous à l’abri les gars ! hurla le commandant.

Ils ripostèrent avec des tirs de mitrailleuse. Pour son premier jour, Terry laissa faire ses camarades car il ne savait pas s’en servir. Il se contenta de s’abriter, le casque bien vissé sur la tête. Les soldats n’avaient pas peur, ils tiraient comme des fous.
Les jours suivants, Terry apprit à manier les armes. Il se lia d’amitié avec les autres, même le commandant commençait à l’apprécier.

Les Allemands attaquaient toujours. Les soldats s’élançaient hors des tranchées, baïonnette au canon ; les balles sifflaient près des oreilles. Terry fut éclaboussé par le sang d’un de ses camarades, ce qui le paralysa de peur. Jamais il n’avait vu une telle violence. Parfois, il dormait près des cadavres ou marchait dessus. C’était une drôle de vie que celle du front….

En peu de temps, Terry s’était endurci, le choc des premiers combats était passé. Ces quelques jours sans dormir l’avait fatigué, il tenait à peine debout sur ses jambes. Certains de ses camarades perdaient patience, s’emportaient contre leurs supérieurs. Bernard fut mis en prison pendant huit jours pour manquement à la discipline. Terry voulut intervenir mais on le menaça de prison.

Etienne, le plus jeune de la troupe et aussi le plus fragile, avait dix-sept ans. Ses parents l’avaient encouragé à s’engager. Il fallait sauver la nation au péril de sa vie, lui avaient-ils dit alors que lui n’aspirait qu’à vivre une vie paisible au milieu de ses poèmes. Le stress des combats et l’angoisse l’avaient vieilli de plusieurs années. D’ailleurs il avait les cheveux tout blancs.

Georges était le plus croyant de tous, il priait tous les jours. Aujourd’hui, il priait pour ses camarades tombés au combat sur la Meuse. Bernard était le plus rebelle ; il s’accrochait souvent avec ses supérieurs et passait donc son temps entre la prison et les tranchées. Mais on pouvait compter sur lui pour défendre ses camarades, il avait le cœur sur la main. Philippe, lui, se fichait un peu de tout mais faisait à peu près ce qu’on lui demandait. Quant à Maurice, il était tellement obsédé par les femmes qu’il en parlait tout le temps. Il attendait avec impatience la prochaine perm pour retrouver la chaleur des bras de prostitués ! 

Le lendemain, de nouvelles troupes arrivèrent par les voies ferrées réquisitionnées par l’armée. Après plusieurs jours de combats incessants, il y eut une accalmie. Les hommes allaient pouvoir se reposer. Il était temps car les soldats avaient les yeux lourds de sommeil. La relève arriva et les soldats partirent vers l’arrière.

Avant de s’endormir, Terry trouva la force d’écrire à Suzanne. Il lui demandait pardon d’être parti sans la prévenir. Il lui disait aussi de ne pas s’inquiéter pour lui et de bien prendre soin d’elle. Il lui donnait le nom de son régiment et l’adresse provisoire au cas où elle voudrait lui écrire.

Cette nuit là, il fit un rêve merveilleux où apparaissait une certaine jeune femme au visage parsemé de taches de son.
« Oh Candy, où es-tu ? Je suis sûre que tu es vivante…je le sens au plus profond de mon cœur…quand nous reverrons-nous ? »

Quand Suzanne reçut la lettre de Terry, sa colère contre lui disparut. Elle était folle d’inquiétude depuis plusieurs semaines et cette lettre fut d’un grand réconfort. Elle lui répondit en omettant de lui parler de l’immense chagrin qu’elle a eu à son départ…

Ch 18 : La guerre des tranchées

Cela faisait un mois que Terry avait intégré le 10ème régiment. Après les combats, il voyait venir avec soulagement la pause café pour les soldats de première ligne, un moment précieux car le liquide chaud faisait du bien. Il fallait se relayer pour permettre aux veilleurs charger d’observer les tranchées de se détendre aussi.

Profitant de ce répit, certaines langues se délièrent. Philippe, le plus âgée de tous, parla de la mort. Il disait qu’il préférait mourir plutôt que de rester infirme. Il demanderait à ses camarades de l’achever. A ces mots, Georges se leva d’un bond. Ces propos l’avaient rendu furieux. Selon lui, chaque vie était précieuse, on n’avait pas le droit d’en disposer à sa guise, seul Dieu le pouvait. Etienne et Terry essayèrent de les calmer car le ton montait. Ils leur dirent de garder leur énergie pour les combats au lieu de se disputer inutilement.

Bernard venait d’arriver. Il avait été mis au trou pendant huit jours. Il avait cru devenir fou de se retrouver tout seul, sans pouvoir communiquer. Pourtant ce n’est pas la première fois qu’il y allait mais Terry et les autres étaient devenus comme une seconde famille pour lui et il avait de plus en plus de mal à rester loin d’eux. Les éclats de voix lui firent du bien, malgré les protestations de Terry et Etienne. A la fin, Philippe finit par s’excuser d’avoir engagé une telle discussion.

Le repos à l’arrière fut de courte durée. La semaine d’après, le régiment de Terry dut rejoindre les premières lignes. Le trajet fut pénible et dangereux mais tous arrivèrent sains et saufs. Nous étions en plein mois de juin et la pluie ne cessait pas. Pour aggraver les choses, la nourriture manquait. Parfois, il n’y avait qu’un repas par jour. Terry ne voulait pas effrayer Suzanne avec ses nouvelles peu réjouissantes. Il se contenta de lui écrire une lettre banale.

L’humeur était pareille au temps. Terry se demandait où se trouvait Candy. Aux dernières nouvelles, elle se trouvait à Reims mais elle n’y était plus quand Terry a fait des recherches et personne n’avait su où elle avait été transférée. Lors de son séjour à l’arrière, il s’était renseigné auprès du personnel médical sur place mais personne ne la connaissait. « Où es-tu Candy ? »

Pendant ce temps, à Verdun, Candy souffrait aussi du mauvais temps et du manque de vivres. Les blessés étaient nourris en premier avec les réserves mais chaque jour celles-ci diminuaient. Les soldats, quant à eux, se contentaient des restes de colis, de conserves. Parfois, ils récupéraient des bidons d’eau-de-vie sur les morts et se disputaient même un trou d’eau croupie et sale.

Candy était contrariée ces derniers temps car toutes les lettres qu’elle avait envoyées à Terry lui étaient revenues.  « Que se passait-il ? Où était Terry ? Est-ce que Suzanne lui empêchait de communiquer avec elle ? Non, de toute façon elle n’était pas au courant de leur correspondance. Avait-il un problème de santé ? J’espère que non ! Je suis inquiète mas je ne peux demander de nouvelles à personne… »
Patty était la seule au courant. Elle n’avait pas osé parler de sa rencontre avec Terry à New York aux autres ; elle ne pouvait donc pas demander à Albert de ses nouvelles. 

Région de la Somme, France…

La tranchée où se trouvait Terry venait de s’écrouler. Heureusement pour lui et ses camarades, personne ne fut blessé. Les avions allemands étaient redoutables. Les patrouilles passaient sans cesse au dessus de leurs têtes. Les obus rasaient presque les casques. Terry et ses camarades se dégagèrent rapidement et se mirent à réparer les dégâts avant que d’autres obus ne tombent.

Les soldats étaient couverts de terre, ce qui n’arrangeait pas leur aspect. En effet, la quasi-totalité d’entre eux avaient des poux et leurs uniformes étaient méconnaissables. Terry avait une barbe de plusieurs jours. Aucun membre de son régiment n’avait eu le temps de faire une pause depuis leur retour à l’arrière. Heureusement que ce repos leur a permis d’emmagasiner des forces pour un moment.

De plus, le mois de juillet avait commencé par des offensives sur la Somme, les soldats tombaient par milliers. Pour la première fois dans cette guerre, les chars britanniques fient leur apparition. Terry et ses camarades furent impressionnés par ces curieux engins. Pour Terry, cet étonnement fut mêlé à de la fierté car il n’oubliait pas ses origines anglaises. La surprise et l’espoir d’un revirement de situation furent de courte durée car les chars étaient ralentis par la largeur des tranchées et le peu de maniabilité.

A quelques kilomètres de Reims…

Candy fut relevée par une collègue et ferma les yeux dans le dortoir. Ces derniers jours ont été difficiles. Les blessés arrivaient par dizaines. Les poilus comme on les appelait, à cause de leurs barbes et de leurs cheveux non coupés, s’étaient habitués à l’univers bouleversé du front et à rester éloigné de leur famille.

Un soldat revenait de Paris, où il avait toute sa famille et où il y avait moins de dégâts. Là-bas, la population était complètement indifférente au sort des pauvres malheureux. Les combats se déroulaient trop loin de chez eux et les gens n’évaluaient pas l’ampleur de la tragédie. « Mieux vaut se faire tuer ici que de retourner chez soi ! » dit-il.

Candy le sermonna un peu, lui disant qu’il n’avait pas le droit de parler ainsi et qu’il devait garder espoir. Mais elle-même ne l’avait-elle perdu ? Elle n’eut pas le temps de s’interroger plus longtemps. Une collègue vint la chercher car de nouveaux blessés arrivaient.

Le seul loisir très apprécié des soldats mais aussi des soignants était de dormir mais il ne fallait pas y penser à l’instant présent car cette guerre ne leur laissait aucun répit. Candy, malgré la fatigue des nuits sans sommeil, ne se plaignait pas et apportait tout le réconfort possible aux nombreux soldats blessés.

Non loin de là, Niel se rétablit très vite. Candy avait fait tout son possible pour l’éviter jusqu'à ce qu’elle soit transférée. Le jeune homme devint fou furieux quand il l’apprit, il fallut le calmer à grandes doses de morphine. Finalement, il fut rapatrié dans son régiment après avoir essayé de la voir à plusieurs reprises. Aucune des collègues de Candy ne voulait le renseigner. Dans un accès de colère, il faillit même en étrangler une !

Le médecin chef réussit à le calmer et lui demanda de ne pas s’acharner à chercher quelqu’un qui ne voulait pas le voir. N’étant pas de taille à lutter contre tout le personnel médical, il se résigna, du moins fit semblant de se résigner.

Quand il revint sur les champs de bataille, il se jura, une fois de cette maudite guerre finie, de tout faire pour reconquérir Candy…

Ch 19 : La routine

L’année 1916 passait à grande vitesse, avec des combats incessants. Nous étions à la mi-août, le régiment de Terry venait de subir des tirs de barrage allemands. Bernard avait été touché l’épaule, ses camarades essayèrent de le panser en attendant de l’évacuer à l’arrière. La balle avait traversé son bras de part en part, le pauvre serrait les dents pour ne pas crier. Terry le soutint avec Etienne jusqu’à l’arrivée du car de la Croix Rouge, qui emporta des blessés d’un autre régiment qui se trouvait dans les parages.

C’est à ce moment que Terry reçut une lettre de Suzanne qui avait eu vent des combats de la Somme par le biais des journaux. Elle voulait qu’il rentre, que cette guerre n’était aps son problème et qu’il y avait assez de soldats là-bas pour se battre. Plus il prolongeait son séjour et plus il risquait de se faire tuer. Mme Marlowe rajoutait au bas de la lettre que son entêtement ne le conduirait à rien, qu’il avait un avenir tout tracé à New York avec le théâtre et Suzanne.

Terry déchira la lettre en soupirant. Il n’y avait aucun réconfort là dedans. D’un autre côté, il est vrai qu’à New York il était à l’abri mais le bonheur dans tout cela ? Est-ce que la guerre faisait partie du bonheur ? Sûrement pas mais il savait que Candy était quelque part dans les environs et rien que cette pensée suffisait à lui mettre du baume au cœur. Il s’était rendu compte que rien ne pouvait lui faire oublier la jolie infirmière. Leur séparation avait été douloureuse et son cœur saignait encore.

Il avait promis à Suzanne de rester à jamais avec elle mais rien que de penser qu’il était arrivé malheur à Candy, son sang n’avait fait qu’un tour. Il avait tout abandonné, même ce théâtre pour lequel il vivait, pour la retrouver. Même sa séparation, même sa promesse n’avaient altéré ses sentiments pour la jeune femme. Il ne voulait plus continuer à se mentir et à mentir aux autres, particulièrement à Suzanne. Dès qu’il retrouverait Candy, il lui déclarerait sa flamme et par la même occasion, il écrirait à Suzanne pour tout lui avouer.

Tout ce qu’il espérait, c’est que Suzanne ne fasse de bêtises en apprenant ses intentons, elle avait déjà voulu se suicider une fois, elle n’hésiterait pas à recommencer une deuxième. Il ne voulait pas avoir sa mort sur la conscience. Il culpabilisait suffisamment qu’elle ait perdu sa jambe en voulant le sauver. Il fallait trouver les mots qui lui permettraient de lui annoncer la nouvelle sans trop la blesser mais la tâche allait être rude, surtout si Mme Marlowe y mettait son grain de sel !

Etienne avait remarqué l’air absent de Terry et vint aux nouvelles

Terry, mon vieux, qu’est ce qui ne va pas ? C’est cette lettre ? lui demanda t-il en voyant les morceaux de papier éparpillés.
Oui et non, j’aurais préféré ne pas la recevoir, lui répondit l’Anglais.
Tu as l’air bouleversé, tu veux en parler ?
Non merci Etienne, je crois que ça ne changera rien, lui dit Terry.
Comme tu voudras…tu as eu des nouvelles de ton infirmière ? lui demanda t-il.

Etienne était le confident de Terry, peut-être parce qu’ils avaient à peu près le même age. Il savait que Terry était fou amoureux de Candy et que c’était la raison de son arrivée ici. Il n’avait pas critiqué sa motivation car il fallait un sacré courage pour se jeter dans une guerre qui ne faisait de quartier à personne. Il se disait aussi que son infirmière devait être quelqu’un de bien pour qu’il risque sa vie pour la retrouver.

Les autres savaient qu’ils cherchaient Candy mais ils ne connaissaient pas les détails de l’histoire.

Hélas non…je prie pour qu’elle aille bien et qu’on puisse se voir très bientôt,soupira Terry.

Etienne mit une main sur son épaule.

J’en suis persuadé, lui dit-il en souriant.

Sur la route, un peu plus loin des tranchées, ils virent passer une colonne de prisonniers allemands. Ils n’étaient que des loques humaines. Tous avaient une longue barbe et étaient amaigris. Terry avait pitié pour eux mais il se gardait bien de le dire à voix haute pour ne pas s’attirer les foudres des supérieurs. Après tout, c’était des hommes comme lui et les autres. Pour ceux-là, la guerre était bel et bien finie.

Il n’y a avait pas de sifflements d’obus depuis une heure. Terry rêvait de s’étendre sur de la paille fraîche et de boire de l’eau propre. En effet, souvent ses camarades et lui se partageaient une eau croupie et sale. Parfois, quand ils réussissaient à prendre une tranchée ennemie, ils récupéraient fusils, cartouches et gourdes. Qu’est ce qu’ils ne donneraient pas pour pouvoir se débarbouiller, bien manger et changer les chaussettes qu’ils avaient depuis 10 jours !

Philippe lui apporta un café. Le liquide noir réchauffait le corps et les cœurs. Terry s’endormit en position assise mais seulement d’un œil car on n’est jamais à l’abri d’une attaque. Etienne vint le réveiller car ils allaient être relevés par une nouvelle armée.
Tout le monde se précipita à la douche. Il y avait déjà une file car els cabines n’étaient pas nombreuses. Ils allaient enfin dormir dans un vrai lit !

Une sorte de campement de fortune avait été installé non loin de l’arrière. Les soldats qui avaient l’habitude de dormir à même le sol, n’étaient pas mécontents d’avoir ce « luxe ».

Les bras croisés derrière la tête, Terry ne dormait pas, alors que ses autres camarades étaient déjà aux pays des songes. Les yeux grands ouverts, il pensait à l’avenir. Son attachement pour Candy n’avait jamais été aussi fort, même s’ils n’étaient pas côte à côte. Il avait hâte de la revoir. Mais une fois que la guerre sera terminée, que se passera t-il ? Que devait-il faire ? Et Suzanne ? En aucun cas, il ne pouvait l’abandonner. Il était responsable d’elle pour le reste de sa vie.

Pourtant il avait pris une décision, celle de lui avouer qu’il aimait toujours Candy et qu’il souhaiter vivre avec elle mais en y réfléchissant bien ce n’était pas la bonne solution. S’il écrivait une lettre à Suzanne dans l’état où elle était, elle risquerait de mettre fin à ses jours. Elle était trop fragile psychologiquement pour supporter une telle nouvelle. S’il revient à New York, Mme Marlowe lui mènerait la vie dure pour avoir détruit la vie de sa fille. Il vivrait un enfer !

Il frissonna. Une telle situation était impossible. Choisir entre devoir et amour n’était pas une mince affaire. Finalement, la fatigue eut raison de lui et il s’endormit sans avoir trouvé de solution. Il était curieux de penser que Terry pensait à l’avenir alors que le sort de la guerre était encore incertain. Mais peut-être que son optimisme portera ses fruits…

Ch 20 : Une surprise de taille

A quelques kilomètres de là, Candy finissait de panser la jambe d’un blessé. Elle se trouvait toujours à Verdun. La région était fréquemment visitée par une pluie d’obus. Jamais il n’y avait eu autant de morts et de blessés depuis le début de la guerre. Heureusement pour elle et ses collègues, la Croix Rouge était très active et leur était d’un grand secours.

Dans la soirée, la jeune infirmière fut à nouveau transférée dans un autre endroit. Cette fois-ci, c’était à Laon, dans l’Aisne, car non loin de là, les combats étaient aussi acharnés qu’à Verdun. C’était là-bas que Terry se battait, à Péronne plus exactement. Les récents combats avait beaucoup endommagé la région.

A la mi-septembre, les Français n’avaient pas sérieusement atteint l’armée allemande qui résistait encore. Ils n’avaient fait que stabiliser leur avance. Les blessés ainsi que les morts se comptaient par milliers. Candy dut s’occuper des blessés les plus graves à son arrivée dans le pensionnat transformé en hôpital pour accueillir les soldats.

Celui dont elle s’occupait à l’instant avait une vilaine blessure au bras. Une balle lui avait traversé l’épaule gauche et le pansement était inondé de sang. Depuis son arrivée, il avait fait enrager deux infirmières, qui ne le supportant plus, l’avaient confié aux bons soins de Cette dernière comprit que ce soldat était une forte tête, qu’il ne râlait pas à cause de la douleur mais simplement pour ennuyer le personnel soignant. Candy ne se laissa pas impressionner. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que le soldat était Bernard, le camarade de Terry…

Si vous ne vous laissez pas faire, vous risquez de perdre votre bras ! le sermonna t-elle.
Et quand bien même, qu’est ce que ça peut faire ? cria Bernard.
Vous n’avez pas un caractère facile mais j’ai connu pire ! Montrez-moi votre bras, lui ordonna t-elle.

Candy l’empoigna fermement mais pas trop et nettoya la plaie.

Vous n’êtes pas tendre non plus ! grogna le soldat.
Si je le fais, c’est pour votre bien monsieur, et moins vous gesticulerez, plus vite j’en aurais terminé, dit-elle.

Bernard sourit. Cette infirmière avait un sacré tempérament mais elle n’était pas froide comme les autres.

Comment vous appelez-vous ? lui demanda Bernard.
Vous êtes bien curieux monsieur ! lui répondit Candy.
Si vous ne voulez pas me le dire, ne vous forcez pas ! rétorqua le jeune homme.
Je n’ai pas besoin de me force, je m’appelle Candy neige André. Lui répondit l’infirmière.
Candy ? Mais alors vous êtes Candy !! s’exclama Bernard en lui prenant les mains.
Mais je ne crois pas vous connaître monsieur, vous devez vous tromper de personne ! dit Candy en se dégageant de l’étreinte forcée de Bernard.
Oh que non, maintenant en y réfléchissant bien, il n’y a pas de doute, il vous a décrit à la perfection ! rigola Bernard.
Mais enfin, qui m’a décrit ? Expliquez-vous, je comprends de moins en moins monsieur ! répondit Candy, quelque peu agacée.
Moi c’est Bernard Legal jeune demoiselle et vous avez raison sur un point, on ne se connaît pas ! Par contre j’en connais un qui meurt d’envie de vous revoir ! s’écria t-il
Quelqu’un qui veut me revoir ? demanda Candy, intriguée.
Oui et je vais vous mettre sur la voie…si je vous dis « Miss taches de son », ça vous rappelle quelqu’un ? demanda t-il.

Le cœur de Candy fit un bond.

Terry ??? Il est ici ?? Non, ça n’est pas possible !!! s’exclama t-elle.
Eh oui, Terry, ce cher Terry ne fait que penser à vous et maintenant je comprends mieux pourquoi ! dit-il en la détaillant.
Non, je ne pas le croire, dit-elle en tremblant.
Pourtant c’est vrai Candy, il est avec moi et d’autres soldats dans le 10ème régiment d’infanterie.
Engagé volontaire ? Infanterie ? répéta Candy. Je sens que je vais devenir folle..

Candy sentit ses jambes flageoler mais elle se retint au mur.

Comment ? Depuis quand est-il là ? demanda t-elle.
Ça doit faire neuf mois je crois, peut-être un peu plus…répondit Bernard.
Neuf mois ??? S’exclama t-elle

Candy n’en revenait pas, elle avait l’impression de faire un cauchemar toute éveillée. Terry était tout près d’elle, à risquer sa vie et elle ne le savait même pas ! Pourquoi ? Pourquoi ne lui avait-il pas fait part de sa décision dans une lettre ? Elle aurait peut-être pu le dissuader. Lui qui ne voulait pas qu’elle parte, qu’est ce qui lui avait pris de venir ici, affronter les dangers de cette guerre ? 

Candy ne pouvait pas imaginer que c’était pour elle qu’il était ici. Pensant qu’il lui était peut-être arrivé malheur, et vu qu’elle ne lui écrivait plus depuis plusieurs semaines, Terry était venu en France et pour mieux approcher le personnel soignant, le meilleur moyen était de devenir soldat.

Bernard ne connaissait pas les raisons de son engagement, seul Etienne le savait. Voir Candy aussi bouleversée lui fit de la peine. Il se demandait s’il avait bien fait de lui annoncer cette nouvelle. Il essaya de la rassurer.

Vous savez Candy, Terry est quelqu’un de très courageux, vous pouvez être fière de lui ! dit-il.

Candy ne put s’empêcher de pleurer.

Mais c’est dur de savoir que quelqu’un qu’on aime risque sa vie tout près de vous et que vous ne pouvez rien faire, dit-elle entre deux sanglots.

Bernard posa sa main valide sur l’épaule de Candy.

Allons Candy, reprenez-vous, vous êtes une infirmière, vous côtoyez la mort à chaque seconde, et beaucoup de soldats sont dans ce cas. Terry est l’un d’eux. L’affection que vous vous portez, vous pousse tous les deux à survivre. Moi je n’ai pas eu la chance de connaître ce genre de sentiment. Mon oncle qui m’a élevé depuis tout jeune a été soulagé de me voir partir pour la guerre. Il ne m’a jamais aimé et moi je n’ai jamais voulu me lier car je ne faisais confiance à personne. L’armée a été une planche de salut car je ne voulais pas qu’il continue à me battre. J’ai rencontré Terry et les autres et c’est là que j’ai compris e que c’était que l’amitié et la confiance. On s’est promis de toujours rester unis…
Si vous vous entendez aussi bien avec Terry, c’est parce qu’il est un peu comme vous. Avant que je ne le rencontre, il souffrait d’un manque d’affection et s’était refermé sur lui-même…, raconta Candy en essuyant ses larmes.
Et il vous a rencontré et sa vie n’a plus jamais été la même ! dit Bernard en riant.
Oh Bernard ! s’exclama Candy en rougissant

La conversation fut interrompue.

Candy, on a besoin de toi dans la salle d’à côté, lui dit une collègue.
J’arrive ! Bernard, j’ai été ravie de vous rencontrer, dites à Terry que je pense bien à lui. Surtout, soyez prudents, ne risquez pas vos vies inutilement ! recommanda t-elle.
Ne vous inquiétez pas Candy, nous ferons attention. Je comprends mieux maintenant pourquoi Terry vous aime tant ! Courage Candy ! dit-il en lui prenant la main et en la portant à ses lèvres.
Merci Bernard, vous êtes quelqu’un de bien sous votre apparence bourrue ! dit-elle.

Cette remarque fit rire Bernard aux éclats, sa voix résonnait dans les couloirs du pensionnat et Candy ne put se retenir non plus. L’infirmière en chef leur dit de se calmer pour ne pas déranger les blessés qui dorment. Ils s’excusèrent ; Candy regagna l’autre salle et Bernard se rallongea dans son lit.

Vu la charge de travail, elle ne revit le soldat que quelques jours après, au moment de son départ du pensionnat. Elle l’accompagna jusqu’au perron. Un camion vint me ramener sur le front car sa blessure n’était pas grave. Il pouvait se reposer deux jours mais lui voulait retrouver ses camarades au plus vite.
Il était tellement habitué à vivre au sein du régiment depuis le début de la guerre que rester loin d’eux ne serait-ce qu’un jour, lui était insupportable.

Il remercia Candy en l’embrassant suer la joue, ce qui la fit rougir. En chemin, il se tourna vers le pensionnat, comme s’il cherchait à la voir à travers les vitres du camion de la Croix Rouge. Il sourit et se dit « quel veinard ce Terry ! »

© Nanou 2007