Candy, une infirmière sur le front
Par Nanou

 

 

Chapitre 10

Une nouvelle vie

Le lendemain, Candy fut parmi les premières à se lever. Bien que lise au courant par le médecin chef, elle fut surprise du grand nombre de blessés. Il y en avait de toutes sortes : des borgnes, des boiteux, des manchots, des gazés, des paralysés. Ceux qui impressionnèrent le plus la jeune femme furent les « gueules cassés ». C’était des soldats qui avaient des très graves blessures au visage, certains n’avaient plus rien entre le nez et le menton, d’autres n’étaient plus que lambeaux de chair. Elle ne put qu’admirer leur courage car ils souffraient en silence, certains chantaient même.

L’arrivée de nouvelles infirmières n’était pas pour leur déplaire, beaucoup n’avaient pas vu femmes et enfants depuis plusieurs mois et cette présence féminine leur était d’un grand réconfort.

En deux semaines, Candy, par sa gentillesse et son naturel, avait su charmer les blessés. Elle savait écouter et les soigner avec dévouement, les faire rire aussi pour leur faire oublier leur quotidien. Certains lui demandaient même de leur parler de son Amérique, ce grand pays qu’ils n’avaient vu qu’en photographies dans des livres. Les sœurs et les autres infirmières furent aussi conquises.

Des soldats s’enhardirent jusqu’à lui compter fleurette mais ils comprirent très vite qu’elle n’était pas intéressée !

Candy profitait de la pause déjeuner pour écrire à ses amis et à ses bienfaitrices, elle avait beaucoup à leur raconter sur ce qui s’était passé ces quinze derniers jours mais elle ne voulait pas non plus les inquiéter. Alors contrairement à sa première idée, elle évita de leur raconter les détails de son arrivée tumultueuse à l’asile. Elle n’oublia pas d’écrire à Terry puisqu’elle lui avait promis de le faire.

Tout autour de l’orphelinat, il y avait un immense jardin. Candy aimait s’y promener pendant les rares moments de repos. Aujourd’hui, tout était calme, plein de vie. Comment croire qu’à quelques kilomètres de là, des hommes s’entretuaient pour une cause que chacun croyait juste ?

Candy en voulait aux pays gouvernants qui auraient pu éviter cette guerre et sauver beaucoup de vies. En même temps, elle se disait que peu importe son opinion, la guerre était là, sans espoir de rémission pour le moment. Les journées se passaient entre le soin aux blessés, les lettres aux familles et les discussions avec le personnel médical. Le courrier était une sorte de thérapie. Les soldats avaient besoin de se confier, de parler.

A Chicago, Albert, ainsi qu’Annie et Archibald furent soulagés d’avoir de ses nouvelles, la situation ne s’arrangeait pourtant pas en France. Candy avait aussi écrit une longue lettre à melle Pony et Sœur Maria pour leur dire de ne pas s’inquiéter et que même la situation n’était pas des plus idylliques, elle n’avait pas trop à se plaindre. 

Ces dernières furent très heureuses de ses nouvelles. Elles priaient beaucoup pour elle et pour les nombreux soldats en proie à la détresse, la solitude et l’angoisse de la mort. Les deux femmes lisaient les lettres de Candy à haute voix, en gardant Capucin sur leurs genoux. Comme s’il comprenait, l’animal couinait de plaisir, heureux d’avoir des nouvelles de sa maîtresse. 

Certains des soldats qui se retrouvaient blessés, voulaient à tout prix revenir sur le front pour continuer le combat, le discours de leurs supérieurs étant ancrés dans leurs têtes. « Il faut sacrifier sa vie pour l’avenir de la France »

Un fantassin, affreusement mutilé, dit qu’il faut juste obéir aux ordres, qu’il n’attend ni décoration, ni gloire. D’autres par contre, parlent de l’absurdité de la guerre, que les gens ne sont pas dignes qu’on se sacrifie pour eux. En effet, ceux-là ont pu obtenir une permission pour voir leur famille. Mais l’accueil qui leur fut réservé fut glacial, des amis étaient même étonnés qu’ils soient encore en vie !

Candy était souvent bouleversée par ce qu’elle entendait. Ces soldats souffraient non seulement de leurs blessures, mais aussi d’un manque d’amour et de chaleur humaine. Le soir, quand elle revenait de son tour de garde, elle écoutait au loin le bruit du canon, le fameux 75, fierté de l’armée française. Combien de temps encore va durer cette horreur ?

Le lendemain, Candy fut réveillée par les sœurs. Deux soldats étaient morts de leurs blessures très tôt le matin et d’autres blessés arrivaient. Elle avait beau vouloir s’endurcir, Candy ne pouvait s’empêcher d’avoir des larmes aux yeux. Il fallait prévenir leur famille, l’un avait une femme et des enfants, l’autre n’avait plus que sa mère. Le téléphoniste se chargeait de transmettre le courrier aux proches. Quelques soldats mieux portants, enterrèrent leurs camarades sous la présence d’un prêtre. On improvisa des cimetières là où on pouvait.

Quant à ceux qui sont arrivés le matin, ils faisaient peine à voir. C’étaient des fantassins de première ligne, touchés pendant un assaut contre le camp adverse. L’un avait la jambe déchiquetée par un obus, un autre, touché à la tête, avait de la fièvre et délirait. Il y avait un sérieux travail de chirurgie à faire sur la jambe du premier. Le pauvre souffrait énormément et il fallait le retenir pur lui faire un piqûre de morphine.

Le deuxième avait l’air de moins souffrir mais sa blessure était plus grave. Il ne devait pas avoir plus de dix-huit ans. Les médecins ne lui donnaient que quelques heures à vivre, et encore. La mère supérieure resta à son chevet, lui tenant la main et récitant des prières. Au bout d’un moment, il y eut un silence, le malheureux avait quitté ce monde. Celui qui était blessé à la jambe dormait profondément, comme si tout cela n’était qu’un cauchemar…

Candy fut appelée à la salle principale, une lettre venait d’arriver pour elle. C’étaient Annie et Archibald qui donnaient de leurs nouvelles. Cette lettre fut d’un grand réconfort pour la jeune femme après tous ces évènements dramatiques. Ses amis exprimaient leur soulagement de la savoir en bonne santé. Albert avait aussi écrit quelques lignes de sa main. Il lui demandait de garder espoir en une paix prochaine, d’être prudente aussi. Annie lui parla de Patty qui avait décidé de rejoindre la Croix Rouge comme bénévole.

« La Croix Rouge…Patty…tu es devenue très courageuse avec le temps, tu veux te dévouer pour les autres comme je le fais…Alistair serait fière de toi s’il te voyait ! Je ne sais pas où tu es en ce moment mais j’espère que nous nous reverrons… »

© Nanou 2006