Un rêve qui se réalise
par Nana

 

 

Chapitre 1 – la délivrance.

Plusieurs mois passèrent. Candy avait retrouvé à la maison de Pony, la chaleur et la douceur d'une vie de famille qui lui avaient si souvent rendu le sourire. Terry de son côté, travaillait sans relâche pour atteindre son but, et devenir le meilleur acteur de sa génération. Veillant sur Susanne, comme il l'avait promis à Candy, il ne pouvait cependant s'empêcher de penser à celle qui avait tant fait pour lui, et qui avait su gagner son coeur pour l'éternité.

Albert avait repris en main les affaires de la famille André et avait entrepris de former Archibald à son nouvel univers afin de lui laisser peu à peu plus d'autonomie dans la gestion des affaires familiales. Promis à Annie, ce dernier s'efforçait de gagner ses galons dans le grand monde, afin de pouvoir obtenir, avant le mariage, une place suffisamment brillante pour lui offrir une vie confortable.

Le temps passait, pour les uns et les autres, dans un contexte rendu difficile par la guerre qui ne cessait d'augmenter dans le monde entier le nombre de ses victimes.

A New-York, le succès grandissant de Terry faisait de lui la cible préférée des journalistes, qui ne se lassaient jamais d'inventer leur propore version de son histoire... Invitant Susanne à chaque cocktail où il se rendait, il pensait lui donner ainsi l'occasion de conserver avec le milieu du théâtre des relations qui lui permettraient peut-être un jour de remonter sur scène... Les photos se succédaient aux unes des journaux, montrant toujours une Susanne plus radieuse, et plus souriante, aux côtés de Terry, bienveillant et attentif aux souhaits de sa protégée. Un soir, après avoir raccompagné Susanne chez elle, sa mère, Madame Marlow, prit Terry à parti dans le salon. Et alors que Susanne était allée dans sa chambre un moment, elle commença la conversation :

Mme Marlowe : Terry, ne pensez-vous pas qu'il serait temps d'officialiser votre union avec ma fille ?

Terry : quoi ?

Mme Marlowe : oui... tout le monde est maintenant habitué au fait de vous voir ensemble... vous pourriez officiellement déclarer vos fiançailles ? Un mariage en été serait bien entendu une bonne chose, pour elle comme pour vous. La période est plus tranquille et vous pourriez avoir du temps pour votre voyage de noces !

Terry ne fut pas surpris par cette demande, mais il avait tant appréhendé ce jour qu'il ne sut tout de suite quoi répondre. Après un moment d'hésitation, il se décida à avouer à Madame Marlowe la nature de ses sentiments envers sa fille.

Terry : un mariage ? Mais... Madame Marlowe, je n'ai jamais dit que j'épouserai Susanne !

Mme Marlowe : Mais je croyais.... vous venez la voir tous les jours depuis des mois, et vous êtes avec elle d'un tel dévouement !

Terry ferma les yeux un instant, comme plongé dans ses souvenirs...

Terry : J'ai fait une promesse à quelqu'un un jour... et je m'occuperai de Susanne autant que je le pourrai, mais cela ne fait pas de moi un prétendant pour votre fille. Je l'aime bien, cela ne suffit pas pour se marier. Susanne est une personne charmante, et très douce, je suis sûr qu'elle fera une excellente épouse pour celui qui l'aimera. Mais mon coeur est déjà pris ! J'aurais dû vous le dire depuis longtemps.

Mme Marlowe : quoi ? terrence ! Comment osez-vous ? Ma fille vous a tout donné, sa vie, son avenir ! Elle vous aime ! Comment pouvez-vous penser à une autre ? Qui est-ce ? La voyez-vous secrètement ?

La mère de Susanne, sous la colère, ne pouvait plus s'arrêter de poser des questions. Bien sûr, elle avait remarqué au début le détachement de Terry par rapport à sa fille, mais avec le temps, elle pensait qu'il s'était durablement attaché à Susanne, et que tout naturellement, il en arriverait à l'épouser et lui offrir une vie sereine et à l'abri du besoin. Après tout, l'héritier du Duc de Grandchester était un bon parti, et avec sa célèbrité et le tour que prenait sa carrière, il devenait plus qu'intéressant de faire partie de son cercle privé.

Terry répondit à la dernière de ses questions.

Terry : Non, j'ai renoncé à voir cette personne par devoir, pour ne pas faire souffrir Susanne.

Mme Marlowe : eh bien, puisque vous y avez renoncé, vous êtes donc libre d'épouser ma fille ?

Terry : non, madame. Mon coeur n'est pas libre d'en aimer une autre. Et si je ne peux pas être près de cette personne, alors je ne serai l'époux de personne ! Ma décision est prise !

Mme Marlowe resta soufflée par cette réponse qui ne la satisfaisait pas du tout.

Mme Marlowe : terrence !

Susanne, de retour dans le couloir, entendit la fin de la conversation. Les mots de Terry lui firent monter les larmes aux yeux, et s'envoler ses derniers espoirs de gagner un jour le coeur de celui qu'elle avait toujours aimé si passionnément. Malgré sa douleur, elle décidé courageusement d'entrer dans le salon, et de couper court à une situation qui n'en finissait plus de mettre Terry mal à l'aise.

Susanne : maman ! Cesse d'importuner Terry, je te prie. Il est libre de prendre sa décision, je t'assure.

Terry fut touché par cette intervention, et un peu gêné car il n'avait jamais trouvé le courage de parler aussi franchement à Susanne.

Terry : je suis désolé Susanne. Je ne savais pas que tu étais là.

Susanne se déplaça sur son fauteuil roulant jusqu'à la fenêtre du salon et regarda dehors, cherchant un point à l'horizon pour ne pas avoir à soutenir le regard de Terry, qu'elle semblait perdre pour de bon.

Susanne : au fond, je l'ai toujours su... que tu ne l'oublierais jamais. Je n'ai pas pu renoncer à toi dans un premier temps, mais.... j'ai eu tort de croire que les choses changeraient. C'est moi qui te demande pardon Terry. Pardon pour être la cause de votre séparation, pardon pour t'avoir gardé quand tu désirais tant être avec elle !

Susanne pleurait, mais cachait ses larmes en baissant la tête. Sa mère vint vers elle et la prit par les épaules pour la soutenir dans un moment si douloureux. Inquiète de la réaction de sa fille, Madame Marlowe ne pouvait plus parler.

Mme Marlowe : Ma petite Susanne !

Les larmes gagnèrent son visage, en voyant que sa fille, ce soir-là, devenait adulte.

Redressant fièrement le visage, Susanne put enfin se soumettre au regard de Terry, qui la fixait, plein d'espoir, et de reconnaissance envers celle qui avait pu lire ses pensées à cet instant.

Susanne savait que Terry se sentait terriblement coupable de son état, et que c'était la seule raison qui l'avait fait rester auprès d'elle, sacrifiant le grand amour qu'il partageait avec Candy, qui avait également su si bien s'effacer pour les mêmes raisons.

Susanne s'approcha de lui et pour lui témoigner son respect, et le tranquilliser sur son attitude, elle prit ses mains dans les siennes.

Susanne : je te remercie de tout ce que tu as fait pour moi, et de la joie que tu m'as apporté en restant près de moi quand j'en ai eu besoin. A présent, je peux à nouveau envisager l'avenir... je vais rejouer.

Terry, en entendant ces mots fut soulagé et très sincèrement heureux pour elle.

Terry : c'est formidable !

Susanne : j'ai été contactée par un metteur en scène qui souhaite me confier un rôle très important. Je vais avoir du travail et sans doute repartir en tournée dans toute l'amérique, comme avant !

Madame Marlowe n'en croyait pas ses oreilles ! Sa petite Susanne allait pouvoir enfin revivre !

Mme Marlowe : oh, Susanne ! Je suis si heureuse !

Susanne : il m'a dit qu'une personne influente dans le métier avait assisté aux répétitions de Roméo et Juliette, et qu'elle m'avait recommandé pour ce rôle... il s'agit d'Eleonor Becker.

En entendant ce nom, Terry fut pris d'un sursaut.

Terry : hein ?

Susanne : Dans un premier temps, j'ai pensé qu'elle avait fait cela parce que tu le lui avais demandé, et j'ai compris en lui parlant que ce n'était pas à cause de cela...

Terry : tu l'as rencontrée ? Quand ?

Susanne : Quand elle est venue me voir un après-midi de la semaine dernière. Tu était au théâtre, et elle a demandé à me parler.

Susanne revoyait la scène. Eléonore Becker, la grande actrice, son modèle, était là, dans l'entrée, et demandait à lui parler. Combien de fois Susanne avait rêvé de lui ressembler, tant elle admirait la beauté et le jeu de cette grande dame ! Et ce jour-là, elle était là, rien que pour elle ! Comme elle était élégante ! Susanne retrouva dans ses attitudes, sa manière de sourire, et son regard, quelque chose de Terry, et sourit à cette femme si belle à qui l'homme qu'elle aimait ressemblait tant.

Susanne : madame Becker, je suis honorée de votre visite. Je vous admire tant !

Eleonore : merci. Ma visite doit vous paraître surprenante...

Susanne : j'avoue que je suis étonnée, en effet. Voulez-vous que je fasse servir une tasse de thé ?

Eleonore : volontiers.

Susanne : Marie, voulez-vous nous servir du thé dans le salon je vous prie ?

Eléonore : J'ai appris ce qui vous était arrivé, je veux parler de l'accident... je suis de tout coeur avec vous mon enfant. J'ai longtemps réfléchi avant de venir, et ... vous comprenez, il est délicat pour moi d'intervenir dans la vie de Terrence sans son accord. Il n'est pas au courant de ma visite et je souhaiterais que vous ne lui en parliez pas. Il est si fier, et si orgueilleux par moment, qu'il interprèterait sans doute mal mes intentions

Susanne : Je ne lui dirai rien, mais, je suis sûre qu'il aurait aimé être là pour vous recevoir.

Eléonore : Avant tout, je dois vous remercier de ce que vous avez fait. Vous avez sauvé la vie de Terrence, et cela n'a pas de prix à mes yeux ... vous n'ignorez pas sans doute les racontars qui courent à notre sujet dans le métier ? Ils sont bien loin de la vérité.... Oui, Terry est bien mon fils. Mais il est surtout un enfant de l'amour Melle Marlowe. J'ai aimé son père, le duc de Grandchester, et lui aussi m'aimait, je peux vous l'assurer. Terry n'a pas toujours bien vécu les obligations dues à son rang et il s'est longtemps rebellé contre une situation dont personne n'était vraiment responsable au fond... Son père était prisonnier de son rang de noblesse et de son devoir en Angleterre, et moi de ma carrière ici, à New-York. Chacun de nous a souffert sans pouvoir remédier à la situation.

Susanne : pourquoi me racontez-vous tout cela madame ?

Eléonore : pour vous expliquer que Terry n'a pas toujours été le jeune homme que vous connaissez aujourd'hui. Il a trouvé sa voie, et semble promis à une belle réussite, mais tout cela, il l'a gagné par lui-même, sans demander ni l'aide de son père, ni celle de sa mère. Une seule personne a su voir en lui ce désir de s'accomplir et l'a aidé à franchir le pas... et je connais suffisamment mon fils pour savoir qu'il lui sera éternellement reconnaissant. Je sais que vous lui avez sauvé la vie, en sacrifiant la vôtre... mais, ne pensez-vous pas à votre propre avenir ?

Susanne : madame... je suis heureuse près de Terry.

Eléonore : mais vous êtes une actrice, une bonne actrice ! Je l'ai remarqué lors des auditions pour Roméo et Juliette.

Susanne : vous étiez dans la salle ?

Eléonore : oui, secrètement. Et j'ai vu avec quelle passion vous avez joué le rôle ! Vous êtes née pour être sur scène, Susanne !

Eléonore, fixant Susanne, semblait retrouver en cette jeune femme blessée, un peu de son passé. Elle voulait à tout prix aider cette jeune actrice, dont le destin avait basculé après avoir rencontré Terry, tout comme le sien avait été marqué par la rencontre de son père.

Susanne était touchée des compliments de celle qu'elle considérait comme la meilleure actrice au monde, et elle revit, en souvenir, les moments qu'elle partageait sur scène avec Terry. Cela n'avait plus rien à voir aujourd'hui et elle dut reconnaître, au fond d'elle-même, qu'elle ne voyait plus chez Terry, ce regard qui la troublait tant. Il était alors habité par son rôle et uniquement ça... ce n'était pas elle qu'il regardait sur scène, mais le personnage qu'elle jouait, elle le savait à présent. Terry était sur scène passionné, et exaltant. Dans la vie, il lui paraissait beaucoup plus détaché et indifférent à elle, malgré les efforts qu'il faisait pour lui être agréable en société.

Susanne : oui, j'aimais jouer, mais... je dois bien me résigner à ne plus pouvoir être sur scène...

Eléonore : pourquoi cela ? Je ne dis pas que cela vous sera facile, mais si vous le voulez, vous pouvez rejouer. Un rôle assis, pour commencer, puis peu à peu, vous reprendrez votre place ! Susanne, je connais du monde dans le métier, et surtout un metteur en scène tout prêt à vous faire confiance !

Susanne : quoi ?

Eléonore : Croyez bien que je ne fais pas cela par charité, ni par reconnaissance... mais je désire tellement vous aider à retrouver votre condition et votre vie d'avant !

Susanne : je ne sais pas si je pourrai... jouer avec Terry me donnait tant de raison de vivre ! Sans lui... ce ne sera jamais pareil.

Eléonore : Si je vous ai parlé de son père, c'est pour vous faire comprendre qu'en emprisonnant un être aimé, on ne lui peut pas le rendre heureux... je sais que vous l'aimez sincèrement... mais, lui Susanne, que ressent-il ? Le savez-vous vraiment ? Si vous reprenez votre place, et s'il reste près de vous, ce ne sera plus par pitié, mais parce qu'il vous aura réellement choisie...

Susanne : vous avez raison, je dois en avoir le coeur net. J 'accepte madame.

Terry, les yeux écarquillés, écoutait le récit de Susanne sans oser y croire.

Terry : elle t'a dit ça ?

Il pensa : « ma mère ! Ma mère est venue pour tente de me libérer de ma contrainte ! Mais comment a-t-elle pu savoir ?»

Susanne : elle t'aime comme une mère aime son fils, et j'ai compris Terry... je n'ai pas le droit de t'empêcher d'être toi-même, et d'être heureux, même si cela doit être loin de moi !

Terry : Susanne !

Terry sembla un instant inquiet et n'osa pas encore croire ce qui était en train de se passer.

Susanne : La personne dont ta mère m'a parlé, c'est Candy, n'est-ce pas ?

Terry : oui. C'est grâce à elle que j'ai retrouvé ma mère, et que nous nous sommes réconciliés.

Susanne : et c'est aussi grâce à elle que je n'ai pas sauté, ce jour-là... je ne l'oublierai jamais ! Je lui dois la vie, moi aussi. Et elle n'a rien exigé en retour, bien au contraire... elle s'est effacée pour te laisser à moi ! Va la rejoindre, Terry, va lui dire ce que tu ressens pour elle.

Terry, qui n'avait jamais fait allusion à ce qu'il avait pu ressentir en perdant Candy fut troublé par cette clairvoyance.

Terry : hein ?

Susanne : puisque tu l'aimes, et que cela ne changera jamais... soyez heureux, vous l'avez tant mérité tous les deux !

Terry pensa un instant que Susanne avait bien raison de dire cela, même si elle ne connaissait pas le passé de Candy et tout ce qu'elle avait traversé. Jamais il ne lui en avait parlé, pour ne pas la culpabiliser d'avoir inspiré à Candy sa décision de partir loin de lui.

Terry : mais toi, Susanne, que vas-tu devenir ?

Susanne : je vais rejouer, et c'est là ma vie ! Je croyais que c'était toi, ma vie, et je me suis trompée. Ma vie, c'est la scène, et le public ! Je veux rejouer et devenir la meilleure ! Je sais que je peux y arriver !

Voyant avec quelle détermination elle avait annoncé son retour sur scène, il comprit qu'elle était prête désormais à affronter la situation. Il se sentit enfin libre de ne plus cacher ses espoirs et décida intérieurement de ne pas laisser passer l'occasion de retrouver celle qu'il n'avait pas cessé d'aimer.

Terry : je te le souhaite de tout coeur, Susanne. Je voudrais que tu saches que je serai toujours là pour toi.

Susanne : va la rejoindre, et ne te soucie plus de moi. Tu as assez souffert d'être séparé d'elle...

Elle vu rouler sur la joue de Terry une larme, symbole de sa délivrance et de sa joie retrouvée. Elle se sentit libérée elle aussi, et soulagée d'avoir eu le courage de lui parler comme elle venait de le faire. Oui, elle l'aimait, et il lui semblait qu'il ne lui avait jamais témoigné autant d'affection qu'à ce moment-là, où elle lui disait adieu, et où elle le rendait à Candy qu'il n'avait jamais vraiment quittée.

Terry : merci Susanne.

Madame Marlowe vint rejoindre Susanne en silence, et fière de sa fille et de sa décision de reprendre le cours de sa vie, elle salua Terry d'un signe de tête qui semblait lui dire qu'il pouvait partir, en toute confiance, et que Susanne était désormais capable de vivre pour elle-même.

Terry prit son manteau et sortit en direction de son appartement. Il n'entendait plus les bruits de la rue et marchait le nez en l'air, sourire aux lèvres. Il lui semblait ne pas avoir été aussi heureux depuis longtemps ! Secrètement, il se prit à rêver à des retrouvailles, qui cette fois, ne seraient pas gâchées. « oh, Candy ! J'espère que tu m'auras attendu ! »

© Nana 2007