Les roses se cachent pour faner 
( Soap Opéra )
par Miss Retro

 

Chapitre 3

La vie comme un jeu

Après avoir fait banqueroute à cause d’une carte Chance, Candy avisa le courrier de la journée. Elle n’avait pas encore eu le temps de le trier. " Factures, factures, factures… Tiens, des lettres ?! "

Elle commença par la lettre d’Annie. Elle s’aperçut que le doux papier rose sentait le même parfum de lilas que la brunette utilisait des années. Cependant, Annie avait beaucoup changé depuis sa récente séparation d’avec Archie. Alors qu’il avait peine à s’en remettre et s’était enfui on ne sait où, Annie faisait preuve d’une nouvelle maturité. Elle continuait à s’occuper de sa cadette Rosie, maintenant âgée de huit ans et remarquablement timide, depuis que son fils aîné était parti étudier en Europe. En plus, Annie profitait des réceptions mondaines auxquelles elle était astreinte pour amasser des fonds pour ses œuvres de charité.

Ma chère Candy,

Je t’écris d’un petit bled perdu, sans téléphone, du Nouveau-Mexique, où je suis coincée pour quelques jours. Rosie et moi revenions de vacances de Californie, lorsque la voiture est tombée en panne. La pièce de remplacement n’arrivera que lundi. En fait, le but premier de ce papier est que je voulais savoir si tu avais des nouvelles d’Archie récemment. Ça fait des semaines que je n’ai pas entendu parler de lui. Toute la famille s’inquiète. Il a l’air d’avoir très mal pris cette séparation, mais notre mariage était voué à l’échec dès le début. Je t’expliquerai un jour : tu auras un choc et tu ne me croiras pas…Victor ( Note : Victor Alistaire Cornwell, son fils aîné né en novembre 1918. ) a passé les vacances chez Patty et je crois qu’il doit se préparer à ses cours en ce moment. Dire qu’il a bientôt dix-huit ans ! Je me demande si j’ai bien fait d’accepter qu’il parte étudier son violon là-bas ? Avec toutes les tensions sociales, les grèves, les rumeurs politiques et tout ça ? Je regrette un peu qu’il ne soit pas là pour aider son père à traverser ces moments difficiles… J’aimerais que tu m’appelles quand tu pourras pour me confirmer que tu as reçu ma lettre et me donner des nouvelles.

Ton amie,

Annie

Candy soupira. Elle n’avait pas non plus de nouvelles d’Archie depuis longtemps. Candy n’avait jamais su qu’il était resté amoureux d’elle pendant toutes ces années. Elle croyait qu’il aimait sa femme, ce qui était le cas, mais… En fait, l’obsession qu’il avait pour Candy était d’un autre ordre et avait ruiné son mariage. C’était Annie qui lui avait demandé de partir, lassée d’attendre un amour qu’il réservait pour une autre. Tout le monde s’était inquiété pour eux, sans compter le scandale que cela avait créé dans la grande bourgeoisie. Mais rien n’avait arrêté Annie dans son projet de cesser de vivre un mensonge.

Elle lut ensuite la lettre de Thérèse André, l’épouse d’Albert. Elle lui annonçait les fiançailles de leur fille aînée, Isabelle. Ils avaient deux autres filles et trois fils, en plus. Thérèse avait toujours voulu avoir une famille nombreuse… Elle annonçait ensuite que toute leur joyeuse famille allait venir passer bientôt une semaine à New York. Quand ils venaient, ils louaient presque tout un étage d’hôtel ! Tante Elroy n’aimait pas la famille d’Albert, surtout Thérèse " cette catin de française qui massacre l’anglais " selon les termes d’Élisa. Les deux femmes aigries pas la vie se plaisaient à dénigrer " cette bande de fermiers ", mais Albert, malgré son handicap visuel, était resté le chef des André et on ne pouvait rien faire contre lui. Candy se réjouissait d’avance de les revoir : on ne s’ennuyait jamais en leur compagnie.

Il était improbable qu’Albert eût trouvé la femme de sa vie dans le cercle restreint des jeunes filles bourgeoises et, généralement, ennuyeuses comme la pluie. Il préférait les femmes naturelles et extraverties. C’est pourquoi, comme beaucoup d’autres, il avait fini par s’amouracher de sa protégée. C’était pourtant un amour impossible. Heureusement, la guerre y pourvut. Un soir de permission à Paris, Albert était entré dans un de ces petits cafés-concerts, derniers vestiges de la Belle Époque. Une belle jeune femme brune était sur scène et chantait une vieille chanson ( Plaisirs d’amour ne durent qu’un moment, chagrins d’amour durent toute la vie… lalalalère…). Albert ne parvenait justement pas à se remettre sur les rails après le refus de Candy et cette chanson le fit pleurer. Il semble que la chanteuse s’en aperçut, car après son tour de chant, elle vint lui tenir compagnie. " Bonsoir. Puis-je m’asseoir avec vous ? ", avait-elle demandé.

-Oui.

-Moi, je m’appelle Thérèse Dussault. Et vous, c’est quoi votre petit nom ?

-Je suis William Albert André…

-Ma foi ! Vous avez beaucoup de prénoms !

Albert ne put que s’esclaffer. Un courant de sympathie passa immédiatement de l’un à l’autre. Albert retourna aussi souvent qu’il le put à cet endroit et devint un bon ami de Thérèse. Peu à peu, d’autres sentiments cédèrent la place à l’amitié, et Albert proposa à la jeune beauté de devenir sa femme. Au début de 1918, il fut très gravement blessé lorsque le souffle d’un obus le projeta contre un roc et lui causa une commotion cérébrale. Il perdit l’usage de la vue. Il emmena sa fiancée avec lui en Amérique et malgré l’hostilité de la tante Elroy, il l’épousa en grandes pompes, en pleine épidémie de grippe espagnole. Elle le rendait heureux et elle était devenue ses yeux, de sorte qu’elle assistait son mari dans son travail. Thérèse était peu à peu devenue une femme d’affaires redoutable. De son côté, Albert dut développer son sens de l’ouïe et devint un grand mélomane. Rien ne l’enchantait plus que d’entendre sa femme chanter ou son neveu Victor jouer du violon ( Note : D’après moi, il ne considérait pas vraiment Archie comme son neveu, mais comme son petit frère. En effet, la différence d’âge me semble trop minime entre ces deux personnages pour une vraie relation inter génération. ). Candy se disait, ayant posé sa lettre sur ses genoux, que Albert avait eu bien de la chance de rencontrer Thérèse.

Elle répondit aimablement à Thérèse, affranchit sa lettre et bâilla. Il était maintenant plus de minuit et il lui fallait dormir. Elle continuerait sa recherche un autre jour et elle appellerait Annie demain. Elle monta l’escalier, alla dans la chambre et se déshabilla.

Terry se réveilla à quatre heures du matin avec un petit mal de tête. Il avait rêvé qu’il était un pianiste virtuose et qu’il devait exécuter la Rhapsody in Blue devant une salle comble. Un projecteur s’était écrasé sur le piano aussitôt après la fin de sa performance magistrale. À la fin, il avait vu Suzanne dans la foule. Elle enrageait de le voir encore en un seul morceau. Il se frotta les yeux. " Maudite Suzanne ! ", ne put-il s’empêcher de penser (J’en vois parmi vous qui sourient de satisfaction !). Regardant sa femme qui, comme toujours, ronflait légèrement, il se glissa vers elle et lui joua dans les cheveux. " Tu es encore plus belle, après toutes ces années. ", dit-il.

-Hmmmm…., fit la belle endormie.

-Hmmmm !, fit le charmeur en respirant le parfum de sa femme.

-Hmm… Ça chatouille…

-C’est seulement moi, ma chère, chuchota-t-il.

-Tu es insatiable… espèce de satyre !, fit-elle en souriant.

-Non. Si je suis un satyre, tu es une nymphomane ! Qui a commencé la nuit passée ?, lança-t-il.

-Tais-toi et embrasse-moi…

Il s’exécuta avec joie. Peu à peu, le baiser se transforma en étreinte et l’étreinte devint passionnée. Terry enleva son pyjama avec hâte, ce qui fit rire son épouse. Il répliqua en lui arrachant sa chemise de nuit, mais elle rit encore. Elle riait souvent, à un moment où l’autre, quand ils faisaient l’amour, c’était presque automatique chez elle.

Le satyre et la nymphomane s’amusèrent encore beaucoup cette nuit là. Ils avaient quand même pris de l’expérience, depuis vingt ans. Ils savourèrent pleinement la tendresse confortable, moelleuse et chaude, de deux corps qui se connaissaient par cœur et qui s’aimaient dans l’obscurité, entre deux sommeils. Malheureusement, tout se passa sous les draps, dans l’obscurité complète, alors je n’ai quasiment rien vu… J’ai donc dû me baser sur les gémissements, soupirs et autres cris et chuchotements pour décrire la scène.

Ce matin-là, dans une salle à manger de Chicago, une sonnerie retentit. Une jolie brune de 39 printemps répondit au téléphone. " Allô ? Ah… Candy !!! Je suis si heureuse de recevoir ton appel ! Comment vas-tu ? Ah… Tu n’as pas beaucoup de temps pour me parler… Alors et Archibald ?? Tu n’as rien non plus ??? Oh !!! Je me meurs d’inquiétude, je… C’est ma faute !!! ( … ) Non ? En voyages d’affaires ? Tu as peut-être raison… ( Elle soupira tristement. ) Et toi ? Tes recherches ? Rien ? Et Terry boit encore tous les jours ? ( … ) C’est plutôt de la dipsomanie… Mais qu’il fasse attention… Oui. Il est à risque. Ah… Je sais que tu le sais, mais il faut que vous vous en parliez ! À part cela ? ( … ) Ah, oui ? Du théâtre ? Eh bien ! On sait de qui elle tient ! ( … ) Quoi ? Suzanne ?? Tu me fais marcher ou quoi ? ( … ) Oh… Très bien. Oh ! Il faut que tu partes ? Au revoir, ma chérie ! "

Annie raccrocha et se rassit à la table. Elle avait l’air inquiète. Elle jeta un regard sur une photo représentant son époux souriant. Elle prit le cadre et regarda l’image dans les yeux. " Archie… Je me demande comment tu vas… " Elle posa la photo et se mit à pleurer à gros sanglots. Elle se souvenait de la dernière conversation civilisée qu’ils avaient eu avant l’événement. Ils avaient alors remarqué que l’attitude de Terry envers l’alcool redevenait tranquillement un problème.

-À chaque fois que je demande à Candy si Terry continue à contrôler sa consommation d’alcool, elle me répond qu’il boit toujours… Il ne faudrait pas qu’il retombe comme avant, avait-elle dit en ne pouvant plus retenir ses larmes.

-Mais, il n’a pas fait de rechute depuis dix-sept ans ! Il ne sombre plus dans un état d’ébriété avancé. Lorsque Candy a failli mourir lors de la naissance de David, il s’est très bien contrôlé…

-Je sais… mais il a pris l’habitude de boire tous les soirs, assez pour se rendre pompette… Ce n’est pas tellement mieux ! On dirait qu’il est incapable de passer une journée sans boire…

-Tu sais, ça ne doit pas être facile pour un alcoolique comme lui de se contrôler : l’alcool est si répandu et accepté socialement.

-Oui, mais à l’époque de la Prohibition, justement, il ne prenait pas une goutte ! Maintenant, ça fait deux ans que sa consommation augmente de mois en mois. Je m’inquiète pour lui et Candy. Tu devrais lui parler, quand il viendra ici. Je suis sûre qu’il t’écoutera. Il t’adore, maintenant !

-D’accord. Si ça peut te rassurer.

Archie avait regardé sa femme. Son amour pour elle n’avait fait que croître et s’approfondir, mais ses sentiments pour Candy n’avaient toujours pas changé. Dans un coin de son cœur, il ne cessait de se demander ce qui se serait passé si Candy n’avait jamais rencontré Terry. Qui sait ?

Il y avait déjà deux mois que cette conversation avait eu lieu. Quelques jours plus tard, Annie était tombée par hasard sur une petite boîte mystérieuse, en cherchant du papier à lettres dans le bureau de son mari. Elle avait eu la curiosité d’ouvrir la boîte. La nouvelle Pandore avait regretté son geste dès qu’elle s’était aperçue que la boîte était remplie de lettres d’amour non-envoyées, écrites par Archie et destinées à Candy.

La semaine se poursuivit sans autres incidents notables. Candy avait hâte de revoir Suzanne, ce dimanche. Le rendez-vous avait été fixé entre les deux femmes dès mardi. Mais jeudi soir, les Grandchester reçurent la visite d’Annie et Thérèse. Cette dernière avait remarqué que sa nièce par alliance - quoiqu’elles avaient le même âge - risquait de sombrer dans la dépression à force de s’inquiéter pour Archie et de se sentir coupable de l’échec de leur mariage. Thérèse proposa donc à Annie de faire un petit voyage à New York, histoire de se changer les idées. Thérèse arrivait plus d’une semaine d’avance sur le reste de sa tribu et n’en était pas mécontente. Ah ! Enfin une semaine de repos, loin des jérémiades des enfants ! Albert se débrouillerait… Candy les accueillit à bras ouverts et elles jouèrent au Monopoly toute la soirée au salon, pendant que les enfants faisaient leurs devoirs dans leur chambre et que Terry s’était soi-disant réfugié dans la cuisine pour lire en paix. Par un curieux hasard, la conversation déboucha sur le sujet des anniversaires de mariage. Annie roula aussitôt les yeux - et les dés - en s’écriant qu’elle ne fêterait plus le sien : " Tout est fini : il n’y a rien à faire !. Par contre, ton mariage à toi à l’air de tenir le coup. Ah ! Caisse Commune… Zut ! Les taxes scolaires…", dit-elle.

-Justement, Candy... Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf… Avenue de Pennsylvanie ? Je l’achète ! ( Elle paya à la banque, tenue par Annie, et reçut le titre de propriété. ) Justement… Je voulais savoir si tu allais organiser une fête pour ton vingtième anniversaire avec Terry, demanda Thérèse dans son anglais encore hésitant.

-C’est vrai, ça va faire 20 ans cette année. Héhé ! Douze ! Je tombe sur le Stationnement gratuit ! ( Fausses protestations de Thérèse et Annie. ) Héhéhé ! Donnez-moi le pognon !, ricana Candy. ( Puis, sur un ton plus sérieux, donnant les dés à Annie. ) Je t’avoue n’y avoir pas pensé, mais j’ai bien le temps d’organiser quelque chose. Cependant, rien de bien officiel. Moi, je vais inviter seulement les proches. Je pense à Terry : Dieu sait qu’il n’aime pas les grandes réceptions ! Et moi non plus, d’ailleurs !

-Mais ton mariage avait été si intime ! Je n’y ai même pas assisté, parce que j’étais encore en voyage. Je n’ai toujours pas compris pourquoi tout c’est fait si vite… Bon ! Je vais en prison…, soupira Annie.

-Tu n’as pas de chance, Annie ! ( Thérèse jeta les dés. ) C’est vrai ! Albert se demande encore… Oh ! Saperlipopette ! Je suis sur ta propriété, Candy !

-Les quatre chemins de fer m’appartiennent : par ici les sous ! Qu’allais-tu dire, Thérèse ?

-J’allais dire qu’Albert se demande encore pourquoi tu n’as pas attendu son retour…

-Ben, Terry était très pressé de m’épouser… Je vais vous raconter. Tiens Annie, je te fais une petite visite, en prison !

À Chicago, lors d’une soirée pluvieuse d’octobre 1916, quelqu’un frappa à la porte de l’appartement de Candy. C’était Terry, trempé jusqu’aux os, une valise à la main. Candy avait l’air surprise de le voir : " Mais ??? Tu n’es pas supposé jouer vendredi soir ? Euh ! Entre… Mais tu vas avoir une mauvaise surprise : Élisa et Daniel sont ici…", lui chuchota-t-elle. Ils avaient pris l’habitude de venir la harceler chaque semaine, histoire de passer le temps

-Candy ! Qui est-ce ? Un vagabond ?, demanda Élisa.

-Non ! C’est moi !, dit l’acteur en soupirant.

-Terry ! Ah ! Mon Dieu !, s’écria la chipie (" Ah, non ! Pas lui ! ", pensa Daniel.).

-(À Élisa.) Du calme ! Je ne suis pas ici pour te voir… (Puis, s’adressant à Candy.) Puis-je me permettre d’emprunter ta salle de bains pour me changer ?

-Pas de problème, mon chéri… OUPS !!!, dit-elle en se couvrant la bouche des deux mains.

-MON CHÉRI ???, s’écrièrent les deux esprits malfaisants.

-Laissez-moi mettre mon pyjama et je vous explique…, dit le comédien avec son célèbre sourire malicieux.

-PYJAMA ???, s’interrogèrent les trois autres personnes.

-Pourquoi irais-je à l’hôtel quand je sais que ma fiancée possède un sofa bien moelleux ?. dit-il avant de fermer la porte.

-( Les mêmes. ) FIANCÉE ???

-hm mm… Tu n’as pas l’air au courant Candy, releva Élisa.

Mais Candy se reprit bien vite en disant que c’était si récent qu’elle ne s’en souvenait plus. Quand Terry sortit de la salle de bains, il mentit en racontant qu’ils s’étaient fiancés la semaine dernière, sur un coup de tête, après s’être revus par hasard. Il était justement venu pour organiser leur mariage. " Je ne me sens pas très bien… ", déclara Élisa. Et les jumeaux sortirent. Candy et Terry poussèrent un soupir de soulagement. " Et maintenant, vas-tu me dire ce que tu fais ici ? ", demanda Candy.

-J’ai dit la vérité à ces deux idiots : je suis ici pour arranger notre mariage !

-Hein ??? Mais Suzanne ???

-J’ai tout arrangé, ne t’inquiète pas… Les Marlowe doivent avoir reçu mon télégramme à cette heure. Le seul problème, c’est que nous sommes encore mineurs. Je vais communiquer avec ma mère dès demain. Elle m’a souvent dit à quel point elle t’appréciait… Quand elle va apprendre que je n’épouse pas Suzanne, elle va nous accorder son consentement avec joie. ( La regardant. ) Qu’as-tu ? Tu n’es pas d’accord ?

-Ce n’est pas ça… Mon père adoptif est Albert… et il est en France !!!

-Zut !!! Ça va prendre des semaines avant d’avoir une réponse… Et dire que je voulais régulariser notre situation le plus vite possible ! Enfin… je veux surtout dire ta situation. Ces rumeurs menaçantes comme quoi tu cours après le déshonneur me dérangent vraiment. De toute façon, il faut nous marier, parce qu’avec notre enthousiasme, on risque un paquet surprise de la cigogne avant la fin de l’année prochaine…

-Ah ! Tu as de ces expressions ! ( Elle le frappa à l’épaule et pouffa de rire, mais reprit bien vite son sérieux. ) Quant aux rumeurs, laissons les courir, puisqu’elles sont vraies ! Ne vais-je pas à New York rencontrer mon amant chaque fin de semaine ? Et en plus, je le laisse s’installer chez moi ! Vraiment, quelle pécheresse je fais ! De toute façon, je me fiche des rumeurs. Ce n’est pas la première fois que je risque de perdre mon emploi à cause d’elles. Tu te souviens, je t’ai raconté ce qui s’est passé quand j’habitais avec Albert…

-Non ! C’est injuste que tu sois traitée comme ça seulement parce que tu es une femme ! Tu n’es pas une traînée et je ne supporte pas qu’on le dise de toi !

-Quoiqu’il en soit, je vais devoir parler à la Tante Elroy… Elle me déteste ! Fais bien attention quand tu lui adresseras la parole. Et pas question que tu proposes une cérémonie civile, sale païen !

-( D’une voix taquine. ) Disciple de Jésus… Je vois ! Sache que la religion est l’opium du peuple ! Hum ! Bon, je vais dormir… Le voyage m’a assommé. ( Et il se dirigea vers le lit. )

-Mais je croyais que tu prendrais le sofa ? Le lit est trop petit pour deux personnes…, dit naïvement la jeune fille.

-J’ai une solution qui pourrait te plaire… , répondit le beau ténébreux.

Pendant ce temps, Daniel et Élisa n’arrivaient pas à comprendre comment une telle chose pouvait se produire. Soudain, Élisa eut un éclair de génie - c’est du moins ce qu’elle croyait - : " Je ne laisserai pas Candy avoir Terry ! Je vais parler avec la Tante Elroy et elle va s’opposer à ce mariage… "

-Terry ! Toujours Terry ! Qu’a-t-il de plus que moi ?, grommela son frère, encore amoureux de Candy.

-Il faut discréditer Candy auprès de la Tante, ainsi, Terry sera libre.

-Non ! Je ne veux pas que tu fasses de mal à Candy ! Il faut plutôt se débarrasser de Terry…

-Quoi ? Tu es vraiment stupide ! Et mes intérêts ?

- Tes intérêts ! Toujours tes intérêts ! Terry se fiche de toi : c’est évident !

-Et toi, Candy te déteste !

-Écoute, ça ne me dérange pas de venir avec toi la taquiner à chaque semaine, mais je refuse de la blesser !

-Pauvre idiot !

-Jalouse compulsive !

Finalement, ils ne réussirent pas à s’entendre sur une stratégie et se contentèrent d’avertir la Tante.

Le lendemain matin, Terry téléphona à sa mère pour lui expliquer la situation. " Coucou Maman ! J’ai une bonne surprise pour toi ! Finalement, je me marie, mais pas avec Suzanne… (…) Avec Candy… (…) Je savais que tu serais contente ! Très bien… Contacte mon avocat pour déposer ton consentement écrit, je vais l’appeler tout de suite… Non, on ne sait pas encore quand. Probablement le plus vite possible. (…) En Europe la semaine prochaine ? Maman, je sais que le moral des troupes est important, mais… (…) Dommage. Tu ne pourras pas venir. (…) Promis. Moi aussi. ( Il raccrocha.) Bon, maintenant… L’avocat… ", dit-il en décrochant une seconde fois le combiné.

Quelques heures plus tard…

Il arrivèrent à la maison des André en fin d’après-midi et trouvèrent la Tante Elroy déjà au courant de leur projet. " Candy Neige André ! Comment oses-tu penser te marier sans l’accord de ta famille ? "

-Mais nous venons justement vous demander votre accord, Tante !

-Ah… Euh ! Qui est-ce jeune homme ? Il me semble l’avoir déjà vu…

-Je vous présente Terrence Grandchester, ma Tante… Vous l’avez sûrement vu sur scène : il est acteur.

-ACTEUR !!! Tu veux que je donne mon accord à l’union de la famille André avec un… un…

-Allez-y, dites-le ! Un instable ! Un personnage fantaisiste ! Un irresponsable !, s’écria Terry avec emphase.

-Oui… Comment peux-tu l’épouser, mon enfant ?

-Et en plus, c’est un bâtard, rajouta Terry à l’oreille de la Tante.

-Vous êtes un BÂTARD ?, fit la vieille dame, encore plus horrifiée.

-De la plus noble et britannique ascendance qui soit, ma chère Madame !, fit Terry en lui faisant un de ses regards enjôleurs.

-( La volonté de la Tante Elroy commença à faiblir devant un si charmant jeune homme : " Après tout, se disait-elle, mieux vaut un demi aristocrate que pas d’aristocrate du tout. Et puis, il est mignon… Oh ! Mais que suis-je en train de penser ? " ) Euh … Euh… Très bien… Vous avez mon accord…, dit-elle en rougissant.

-Si ce n’est trop vous demander, chère Madame, nous aimerions être mariés le plus vite possible. Vous comprenez ? ( Il lança clin d’œil coquin. )

-Euh ! Très bien… La noce aura lieu à la chapelle familiale, le 31, finit-elle par dire en s’éventant. ( C’est qu’elle avait subitement chaud… )

Les deux femmes rirent aux éclats lorsque Candy acheva de raconter qu’en faisant du charme à cette vieille fille de Tante Elroy, Terry avait réussi à lui arracher un consentement. Elles furent interrompues dans leurs rires par l’arrivée inopinée de David. Malgré son jeune âge, il avait toujours eu le béguin pour sa cousine Isabelle et venait quérir de ses nouvelles. Thérèse sourit : " Ah ! Elle flotte de bonheur ! Elle vient de se fiancer avec Max Lebovitz, dont elle rêvait depuis qu’elle avait ton âge. Et bien sûr, Isabelle va se convertir au judaïsme, comme elle l’avait décidé. Elle est déjà plus radicale que son fiancé sur plusieurs questions. Au moins, lui, il accepte de manger du porc… Ça me fait très plaisir. Il adore mes saucisses sèches ! " David réprima profondément dans son cœur son chagrin en se disant que seul comptait le bonheur de sa cousine et fit son sourire le plus large. David avait hérité de sa mère son esprit de sacrifice. Cependant, il avait les mêmes tendances dépressives que Terry. Il l’ignorait encore, parce que le comédien n’avait pas vécu d’épisodes dépressifs depuis sa naissance, il y a treize ans.

Terry sortit à ce moment de sa retraite déguisé en maître d’hôtel, l’air impassible. Il portait un grand plateau d’argent sur lequel se trouvait le service à thé et un assortiment de petites douceurs. La cuisinière, Helen Jones, le regardait servir sa femme, son fils et ses invitées. Elle avait fini par s’habituer aux excentricités subites de son patron. Elle osa même lui lancer que si elle avait eu assez d’argent, elle n’aurait pas hésité à l’engager, parce que les domestiques aussi stylés se faisaient rares. Pour toute réponse, il lui fit une grimace et s’assit pour prendre le thé. David, Candy et ses amies étaient morts de rire. Terry sourit intérieurement : rien ne le satisfaisait plus que de produire son petit effet. Son personnage de maître-d’hôtel-anglais-et-snob-mais-déluré était celui qu’il prenait lorsqu’il voulait faire rire ses proches. En fait, il aimait tellement se moquer de ses racines outre-Atlantique… " Je vois que Madame joue encore au Monopoly. Puis-je me permettre de lui proposer un autre jeu lorsque la partie sera terminée ? "

-Oui, mon brave… Nous achevons… Annie a déjà fait banqueroute, fit Candy en pointant son amie d’enfance, prise d’un rire incontrôlable à la vue de Terry.

Au même moment, Louise apparut dans le salon. " Bonsoir tout le monde ! ( À Terry. ) Papa, j’ai besoin de ton aide : j’ai appris par cœur les deux premières scènes, mais je ne sais pas si je les rends bien. Voudrais-tu m’écouter et me dire de quoi j’ai l’air ? "

-D’accord, mais je suis sûr que tu t’en fais pour rien. Tu es anxieuse pour demain, n’est-ce pas ? ( Louise fit oui de la tête. ) Ce n’est qu’une petite pratique de rien du tout ! Allons dans la salle à manger. ( À Candy. ) Je reviens dans quelques instants, Madame.

Ils s’installèrent dans le coin, à côté d’une des toiles de Charlotte. Louise se mit à jouer son rôle, et fit aussi tous les autres personnages pendant les scènes. Après avoir entendu sa fille, Terry l’applaudit et la félicita de son excellente mémoire : " Bravo ! Continue comme ça et je suis sûr que tu deviendras une star ! "

-Bof. J’ai l’impression que John Stevens n’est pas de ton avis…

-Pourquoi ? Il t’a fait des commentaires désobligeants ? Ça m’étonnerait…

-Non. Quand je joue, il me regarde d’une drôle de façon et ça me met mal à l’aise. Je suis certaine qu’il trouve mon jeu horrible.

-Mais pas du tout ! Je l’ai entendu l’autre jour, qui disait que tu étais une excellente actrice… S’il ne te le dit pas, c’est qu’il est peut-être timide ou qu’il a peur que tu attrapes la grosse tête. Allez ! Cesse de t’en faire, Loulou ! ( Se faisant, il la souleva comme une plume, ce qui fit protester la jeune fille. )

-Papa ! Arrête ! Je ne suis plus une enfant !

-D’accord… Je te repose. ( Après l’avoir remise sur pied. ) Et maintenant, va chercher Charlie... On va commencer.

Louise courut aussi vite qu’elle le put vers la chambre de sa sœur. Charlotte était déjà en robe de nuit et elle lisait attentivement l’avant-dernier chapitre d’un énorme livre sur le système digestif. " Hé ! Charlie ! Papa veut rassembler tout le monde en bas pour la surprise. "

-Mais je suis en train d’étudier !, maugréa la brune jeune fille.

-Est-ce urgent ?

-C’est pour lundi !

-Ben , tu as la fin de semaine pour finir… Viens ! Ça fait longtemps que c’est prévu et on ne te voit plus la figure depuis la rentrée…, insista l’adolescente.

-D’accord, soupira son aînée en reposant le livre sur sa table de chevet et en enfilant son kimono. Je suppose que ce n’est pas comme si j’avais du retard à combler. ( " J’aurais voulu le terminer mes lectures ce soir, ainsi, j’aurais pu peindre samedi… ", se dit-elle, plutôt mécontente. )

 

Les deux jeunes filles descendirent l’escalier et allèrent dans le salon où tout le monde était rassemblé. Leur père les attendait en souriant. Il s’adressa à la cuisinière : " Mme Jones, venez vous joindre à nous. Allez ! " La dame noire se sentit gênée, mais elle faisait en quelque sorte partie de la famille et tout le monde insista pour qu’elle ne quitte pas la maison avant d’avoir joué. " D’accord, mais pas longtemps, sinon, ma fille va s’inquiéter. " Terry reprit son personnage de maître d’hôtel. " Mesdames. Monsieur. J’ai le plaisir de vous proposer une petite chasse au trésor pour commémorer ce 3 septembre 1926, où Helen Jones est entrée dans notre maison pour occuper la fonction de cuisinière. Heureusement, parce que la maîtresse de maison est nulle en cuisine ! ( Candy fit les gros yeux. ) Joyeux dixième anniversaire ! " Ce furent des bravos et des applaudissements vers Mme Jones qui rougissait. " Allons Madame Jones ! Je connais votre modestie : vous n’aimez pas recevoir des cadeaux pour rien. Alors, ce soir, on va vous faire travailler. Bien sûr, les membres de la famille sont là pour vous aider. Ils ne savent cependant pas où j’ai caché le présent. Héhéhéhé ! Voici le premier indice. Cette boîte s’ouvrait souvent quand Louise était plus petite. Je vous souhaite bonne chance ! "

Une boîte ? " La trousse de premiers soins ! ", s’écria Candy. Et ils allèrent à la salle de bains du rez-de-chaussée, où ils trouvèrent un second message. J’ai été vide pendant des années. Maintenant, je suis bien rempli, au plaisir de mon propriétaire. Cette fois-ci, Annie trouva la réponse. C’était bien sûr le bar du salon ! Pas encore de surprise, mais un autre bout de papier. Sans moi, adieu crème glacée. Ils allèrent dans la cuisine et ouvrirent le congélateur géant. Ils y trouvèrent un troisième message. Le chat me craint, tout comme la poussière. Tous se dirigèrent vers le placard. Accroché à l’aspirateur, se trouvait une petite boîte. Helen l’ouvrit et faillit s’évanouir quand elle aperçut le collier de perles. " Monsieur Grandchester ! Madame… C’est trop ! Je… "

-Allons ! Vous le méritez bien Mme Jones ! Sans vous, nous allions tous mourir empoisonnés… OUCH ! ( Candy venait de le frapper à l’épaule. ) Laissez-moi vous l’attacher… Il vous va à ravir.

-Je n’ai pas d’occasions pour porter un pareil bijou.

-Mais si : le dimanche, lui répondit Candy en lui faisant une bise.

Mme Jones essuya ses larmes de joie et remercia ses employeurs. Puis elle repartit chez elle, le cœur léger. C’était l’action principale de jeudi.

Le lendemain, Daniel les appela pour les avertir d’une visite prochaine. Candy s’en réjouit : il y avait longtemps qu’elle avait vu le prêtre. Daniel n’était plus la même personne qu’autrefois. Il avait fallu un long processus qui vaut la peine d’être raconté en détail. Ouvrons donc encore une parenthèse.

Le mariage de Terry et Candy s’était fait une semaine après que la Tante Elroy ait donné son accord, dans l’intimité de la famille présente. Ils avaient obtenu une dispense de publication des bans. Il n’y eut pas de réception et le marié dut partir dès le lendemain pour New York. Candy avait donné sa démission et allait rejoindre son nouvel époux peu de temps après. Les jumeaux s’étaient encore disputés violemment à leur sujet. Ils n’étaient simplement pas d’accord sur les mesures à prendre. Alors qu’Élisa fomentait une sombre vengeance pour ruiner leur couple, Daniel avait baissé les bras : " Laissons-les vivre tranquillement ensemble… Elle mérite bien d’être heureuse, après tout ce qu’on lui a fait subir… " Il se rendait enfin compte que ses chances étaient nulles et trouvait futiles les plans de vengeance de sa sœur. De son côté, Élisa considérait son frère comme un crétin. Tout à coup, Daniel annonça qu’il partirait vraiment à la guerre, cette fois. Et il le fit, au grand désarroi de sa famille. Même ceux qui le détestaient en étaient troublés. Il s’engagea dès que les Américains entrèrent en guerre.

Arrivé là-bas, il fut, six mois plus tard, gazé et blessé. Il avait eu de la chance de s’en sortir ! Déclaré invalide, les gaz ayant diminué sa capacité respiratoire, il retraversa l’océan en avril 1918. Albert était encore au front et Archie ne put échapper plus longtemps à la conscription. Ces circonstances aggravèrent les sentiments négatifs qu’éprouvaient Candy et Annie. Elles refusèrent de le recevoir chez elles. Cependant, l’expérience de la guerre l’avait transformé : voir mourir des jeunes gens qu’il avait côtoyés lui avait fait prendre conscience de la vacuité de son existence. Il craignait maintenant la mort et souhaitait s’amender pour tous les péchés qu’il avait commis. À cause du rejet des deux jeunes femmes, il se mit à réfléchir. Finalement, quand Albert revint en juin 1918, aveugle et accompagné de sa future épouse, Daniel se démarqua en condamnant publiquement les opinions que sa sœur et la tante Elroy avaient sur Thérèse. La famille s’aperçut alors de son changement et Albert l’écouta, quand il émit le souhait d’étudier la théologie et la philosophie. Son doctorat sur la doctrine sociale de l’Église catholique lui valut plus tard de devenir le conseiller de plusieurs personnes haut placées, un peu partout au pays. Parallèlement, Candy était devenue peu à peu une bonne amie. Elle lui avait pardonné et le savoir le remplissait de joie. Il fut ordonné en 1925.

Bon, voilà c’était le récit de la rédemption de Daniel. Maintenant, retrouvons nos héros habituels dans leur palpitante aventure familiale. Suspense… (À lire d’une voix caverneuse.)

Enfin. C’était le dimanche tant redouté. David s’assit sur une des chaises droites à côté de sa sœur Louise. Ce dimanche, dans cette maison étrangère, il se voyait témoin de retrouvailles incompréhensibles. Il porta son regard à gauche, dans la salle à manger. Quoi ? Cette dame, avait été la fiancée de son père, il y a longtemps ? Elle ne manquait pas de charme, ni de bonté, certes. Cependant, l’idée que son père avait failli l’épouser lui causait une sorte de malaise sans nom. Il regarda ses voisines de table : Louise et Charlotte avaient le même air incrédule et gêné. Malgré l’odeur de bacon, de jus d’orange fraîchement pressé et de café, les enfants Grandchester n’avaient pas tellement d’appétit. C’était tout le contraire de l’autre côté de la table. Il y avait un petit garçon de huit ans qui faisait la fête à ses œufs brouillés aux champignons. À sa droite, une jeune fille aux longs cheveux châtain, portant une robe bleue, observait ses vis à vis d’un air curieux, tout en dévorant ses fèves au lard. À l’extrême gauche de la table, David vit que les adultes discutaient.

-HAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA ! Comme c’est amusant !

-Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle à cette situation, M. Lloyd, fit sèchement Terry.

-Suzanne m’a toujours dit que vous aviez plutôt le sens tragique : elle n’avait pas tort. Moi, je crois qu’on peut rire d’une situation difficile, si elle fait partie du passé. C’est beaucoup mieux que d’en ruminer sans cesse les souvenirs ! Et puis cessez de me donner du monsieur, répondit l’homme.

-Vous n’avez pas vécu ce que j’ai vécu, alors…

-Peut-être, mais Suzanne, elle, a appris à en rire. Et elle ne s’en porte que mieux, n’est-ce pas ?

-Oui, mais c’est aussi vrai que Terry a vécu des moments difficiles après ses adieux à Candy. Je crois qu’il est normal, dans son cas, de considérer le passé avec tant de sérieux, avança Suzanne.

Ils avaient vraiment l’air de s’entendre, sauf peut-être Terry, qui ne supportait pas le sens de l’humour particulier du mari de Suzanne. De temps en temps, Suzanne et Andrew glissaient des regards anxieux vers les enfants. Charlotte, qui était la plus près, avait tout entendu et répétait à sa fratrie ce qu’elle apprenait. Ça alors ! Papa, déprimer ? Il était pourtant tout le temps blagueur et espiègle… Il leur cachait bien ses problèmes. Peut-être qu’il ne voulait pas qu’on s’inquiète pour lui ? Pour sûr, ils allaient bientôt le questionner, mais après le retour à la maison. Pour le moment, la jeune fille en face de David lui souriait : elle avait enfin compris, par les diverses conversations, qui étaient les invités. Elle voulait cependant en savoir un peu plus : " Excusez-moi, pourriez-vous me passer la confiture de fraises, Monsieur ? "

-Appelez-moi David, fit-il en lui donnant le pot.

-Merci. Mon nom à moi est Joan. Je viens de terminer le collège et je ne sais pas quoi faire ensuite. ( Elle fit un petit rire timide. ) Euh… je me demandais pourquoi Maman avait invité votre père à ce brunch. Je sais que c’est un grand acteur et que ma mère a autrefois fait du théâtre, mais ils ont l’air de discuter de tout autre chose…

-Oh ! Nos parents nous l’ont expliqué. Votre mère est l’ancienne fiancée de notre père. Excusez-moi. Je suis Louise, fit-elle. Vous savez, nous n’avions jamais entendu parler d’elle avant lundi dernier, quand nos parents la rencontrèrent par hasard. Ils m’ont dit qu’elle avait fortement insisté pour rencontrer notre famille. C’est tout ce que je sais.

-Ah… Merci. Je savais déjà que cette rencontre était importante pour elle, mais je ne saisis pas pourquoi.

-Ben, j’ai une hypothèse, dit David.

-Chut ! Ne parlez pas trop fort ! Je n’entends pas ce que les parents disent, chuchota Charlotte.

-Elle c’était Charlotte, la plus brillante de la famille, ironisa Louise.

-Pas gentille ! Charlotte nous sera très utile pour vérifier mon hypothèse. Voilà. Je pense que Mme Lloyd a encore des choses à régler avec Papa.

-Quoi ?

-Comment expliquer le fait qu’une dame invite son ancien fiancé et sa famille à la rencontrer, alors ?

-Je ne sais pas, fit Joan.

Les parents se levèrent. " Joan, pourrais-tu, s’il-te-plaît, emmener nos jeunes invités dans la salle de jeux, tandis que nous discutons entre adultes ? "

-Oui, Maman…

Les grandes personnes se dirigeaient vers le salon. " Elle est grande pour une fille de quinze ans. ", chuchota Candy en souriant.

-Justement…, commença Suzanne, d’un air embarrassé. Elle en a dix-neuf…

-Mais…, commença Terry.

-Asseyons-nous, d’abord. Ce que vous allez entendre va vous causer un certain choc, dit Andrew, pour la première fois vraiment sérieux.

-Oh, je me demande si…, dit Terry en essayant de se relever.

-Non, ce n’est pas une blague cette fois…, répondit Andrew en le forçant à se rasseoir.

-( Suzanne, fermement. ) Terry, j’ai beaucoup de choses à te révéler (Musique d’orgue jazz, avec des accents dramatiques.). C’est difficile pour moi de te l’annoncer ainsi, mais je crois que tu dois savoir. Te souviens-tu que, pour la poursuite, ma mère avait fait allusion à un enfant illégitime et…

-Quoi ! Vous insinuez que…, coupa Candy.

-S’il-te-plaît Candy, je voudrais commencer mon histoire… Ce n’est pas vraiment ce que tu penses, mais…

-Zut ! Zut ! Zut ! Ça serait vrai ? Mais comment ?, dit Terry.

-TERRY !!!! Comment as-tu pu ?

-Mais Candy, je te jure !!! Je te jure, comme je te l’ai juré il y a des années, qu’il ne s’est rien passé entre…

-SILENCE !!!!, cria Andrew. Laissez ma femme tout vous raconter. Bon sang !

-Merci, chéri…

Question : Vous n’avez pas déjà assez d’interrogations avec ce chapitre ? Moi, si j’étais à votre place, je pense que j’en aurais des tonnes et même que je serais un peu indignée contre cette fille ( moi ! ) qui invente cette histoire absurde…

 

Fin du chapitre 3

© Miss Retro février 2001