Émission spéciale

interview de Candy Neige Grandchester
par notre envoyée spéciale, Miss Rétro

-(Paul, un réalisateur) Hé ! Miss Rétro ! Le patron veut te voir dans son bureau.

-(Miss Rétro, anxieuse) Il… il… Ah ! Il veut sûrement me réprimander pour la dernière gaffe que j’ai faite !!

-(Paul, rieur) Possible… Avoir confondu un Premier ministre et un chanteur rock… Ce n’était pas génial !! Hahahahahaha !

-(Miss Rétro, tentant de se justifier) Mais j’étais si nerveuse ! Je venais de couvrir le concert de Machin, je n’avais pas beaucoup dormi, le Premier ministre venait d’être nommé et…

-Mais oui, mais oui ! Je te conseille de te dépêcher : voilà le patron qui s’amène et il a l’air furieux ! Tu sais qu’il n’est pas patient !!!

-(Miss Rétro, s’affolant) Ah ! Mon Dieu ! Paul, je veux mourir !

-(Le patron de la boîte, un homme de cinquante ans qui a l’air sévère) MISS RÉTRO ! IL Y A DES SIÈCLES QUE JE VOUS ATTENDS DANS MON BUREAU !!

-(Miss Rétro, d’une toute petite voix) Oui Monsieur, j’arrive…

 

Et elle le suit en tremblant. Le patron s’installe derrière son bureau et fait signe à la jeune reporter de s’asseoir, ce qu’elle fait. Il la regarde dans les yeux et lui dit : " Miss, j’ai reçu des milliers de lettres à propos de votre reportage sur… "

-Oh ! Mais je ne le ferai plus, promis ! À l’avenir je ferai plus attention, je…

-De quoi parlez-vous, petite sotte ? Au contraire, vous DEVEZ le refaire !!!

-Hein !?

-Nos téléspectateurs ont adoré votre entrevue avec M. Grandchester, mais ils sont restés sur leur appétit en ce qui concerne sa femme. Vous savez, elle était une infirmière très connue pour son engagement social. Elle compte de nombreux fans à travers le monde et les groupes féministes croient qu’on devrait lui consacrer une émission spéciale pour son 103e anniversaire. Justement, c’est bientôt ! Je prévois de fortes cotes d’écoute !!!

-Euh !!!!

-Alors, vous allez retourner au Foyer Pony pour interviewer Candy Grandchester. Après tout, elle vous connaît. Paul et son équipe vont vous accompagner… PAUL !!! Venez ici…

 

Et c’est ainsi que Miss Rétro, accompagnée de Paul et de deux cameramen, retourne au Foyer Pony.

 

-(Paul, taquin) Bon, essaie de ne pas faire de bêtises cette fois !

-Paul ! Je suis une professionnelle !!! (S’adressant à la réception) Pardon, nous sommes les journalistes de la télévision et nous avons rendez-vous avec Mme Grandchester…

-Oui, elle vous attend dans le salon.

-Merci !

 

Dans le salon, une vieille dame très charmante aux longs cheveux bouclés se distrayait avec quelques amis: " Alors Archie, tu relances ? "

-(Archie) Euh ! Bon, d’accord.

-(Annie, qui ne participait pas, mais observait la scène) Mais Archie…

-(Archie) Laisse-moi faire Annie ! Je sais ce que je fais !

-(Terry) Je parie qu’elle a vu ton jeu !!! Pas la peine de miser, nous savons que tu bluffes… Hahahahahahahahaha !

 

-(Miss Rétro, intimidée) Euh ! Excusez-moi…

-(Patty) Mais qui est cette jeune fille ?

-(Terry, la reconnaissant) Bon, encore la journaliste !

-(Candy) Arrête, Terry ! Elle veut faire une émission spéciale sur moi et j’ai accepté… Venez mon enfant, allons nous installer sur ce sofa. Nous serons plus à l’aise pour parler.

-(Miss Rétro, à Paul) Voilà. Je crois que nous sommes prêtes.

-(Paul) Ok, ça tourne !

-(Candy, éblouie par la forte lumière) Euh ! Ce n’est pas en direct, j’espère ?

-(Miss Rétro) Non, ne vous inquiétez pas. Je vais seulement vous poser quelques questions devant les caméras et nous prendrons les meilleures parties pour l’émission qui sera diffusée dans quelques jours. Vous savez, nous possédons des documents où vous apparaissez !

-(Candy, curieuse) Ah oui ? Lesquels ?

-Nous avons plusieurs photos : vous alors que vous étiez enfant, avec Mlle Pony et Sœur Maria, vous avec le magnat William Albert André, votre père adoptif, lors de l’inauguration d’un nouvel hôpital, vos photos de mariage et même quelques unes de vos enfants. Nous avons aussi trouvé un film où on vous voit manifester pour les droits civiques, et un autre de votre fameux discours devant des jeunes féministes, sur le campus de l’Université de Yale…

-(Terry) Ah oui ! Ce discours ! Hahahahahahaha !

-(Candy) Terry ! Ne nous dérange pas ! Tu vas gâcher mon entrevue…

-(Terry) Mais je veux participer ! Après tout, je pourrais apporter un point de vue intéressant… Justement, à propos de ce discours…

-TERRYYYYYY!!!!

-Inutile de protester, ma chère, je continue… Je disais donc ?

-(Paul) Le discours…

-(Miss Rétro) PAAAAAUUUUL !!!!!!!!

-(Terry) Merci, mon brave ! Je m’en souviens parfaitement : nous nous étions disputés à ce propos, parce que je n’étais pas d’accord avec ce qu’elle avait écrit, mais elle est quand même partie à Yale pour faire la conférence. J’ai été secoué quand j’ai appris… (Soupir triste) Elle avait ajouté à la fin de son discours que si c’était à refaire, elle ne se serait peut-être pas mariée !

-(Candy) Non, j’avais dit que je ne me serais sans doute pas mariée si jeune… Après tout, je suis passée à côté de tant de choses. Si j’étais restée célibataire plus longtemps, j’aurais par exemple pu gravir les échelons de ma profession plus rapidement.

-(Terry) Mais pour l’époque, tu as vécu très librement ! Ce n’est pas tous les hommes qui auraient accepté, comme moi, que tu continues à travailler après notre mariage !

-(Candy) Je sais, mon chéri ! Mais le passé est le passé… Et je suis heureuse avec toi. C’est la seule chose qui compte.

-(Paul et Miss Rétro, poussant un énorme soupir romantique) Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah…

-(Un caméraman, se raclant la gorge) Euh ! Ça tourne !

-(Miss Rétro, reprenant ses esprits) Oui ! Oui ! Euh ! Mme Grandchester, toute votre vie vous vous êtes battue contre l’injustice. Que pensez-vous de la mondialisation ?

-Euh ! Voilà un bien grand mot… En théorie, ça ne me semble pas mauvais, mais là où je suis en désaccord, c’est quand les conséquences sont néfastes pour les gens ordinaires.

 

Soudain, les lumières s’éteignent brutalement.

-(Le second caméraman) Zut ! Plus de jus !

-(Paul) Maudite compagnie d’électricité !

-(Candy) Je crois que j’ai une vieille caméra à manivelle dans mon placard. Je vais aller la chercher… (Elle se met à courir vers sa chambre et revient bien vite avec l’objet, qu’elle pousse sur des roulettes)

-(Terry) Oh oui ! C’était un cadeau de mon ami Charles (Chaplin) ! Pourquoi ne pas vous en servir ?

-(Miss Rétro) Euh ! Euh ! Bon, ce n’est pas le format idéal, mais c’est convertible et puis le noir et blanc donnera un style un peu vieillot.

-(Paul) En tout cas, tu vas mériter ton surnom !!! (Aux Grandchester) Vous avez assez de pellicule pour une heure ? Mais j’y pense : cette caméra n’enregistre pas le son !

-(Miss Rétro, complètement découragée) OOOOOOOOH ! ZUT !

 

Miss Rétro s’en sort-elle ? Voyez plutôt la diffusion de son émission en ce début de mai…

 

Candy contre les vilains (biographie télévisuelle)

Les productions Old Thing

Journaliste : Miss Rétro

Réalisateur : Paul

 

(Photos noir en blanc de notre Candy enfant : voix hors-champ de Miss Rétro) " Candice White est née en mai 1898 de parents inconnus. Elle est élevée pendant treize ans dans un orphelinat tenu par deux femmes. Candy, comme on l’appelle encore, était une petite fille pleine de vie. "

 

(Témoignage de Mlle Pony, archives noir et blanc de 1945)  " Ah ! Je n’aurais jamais cru que notre Candy devienne la femme qu’elle est aujourd’hui : elle était un vrai garçon manqué, vous savez ! "

 

(Photos de Candy avec les autres orphelins et avec Sœur Maria : voix hors-champ) " Depuis son enfance, Candy a toujours combattu l’injustice. "

 

(Témoignage de Sœur Maria, archives de 1969 en couleurs) " Je me rappelle qu’elle se battait toujours avec les garçons quand ils faisaient pleurer les filles. Elle aurait peut-être fait une excellente avocate… "

 

(Photos de Candy avec Archie, Alistair et Anthony : voix hors-champ) " Mais le destin en a décidé autrement, lorsque après quelques péripéties, Candy est adoptée par le chef de la richissime famille André. (Photo d’Albert) Après la mort de son cousin adoptif préféré (Photo d’Anthony), elle est envoyée dans un pensionnat, le Collège St-Paul, en Angleterre, avec les autres jeunes membres de sa famille. C’est sur le bateau qui l’emmène à Londres qu’elle fait la connaissance de son futur mari, Terrence Grandschester, qui à l’époque étudiait dans le même collège (Photo de Terry, à l’âge de 15 ans)."

 

(Terry et Candy, aujourd’hui : le courant était revenu!)

(Candy) –Nous avons eu une histoire compliquée avant de nous marier ! Je te détestais tellement la première fois que je t’ai vu !

(Terry) – Ouais. Mais heureusement, tout s’est arrangé !

 

(Photos de Candy en uniforme du collège, avec Patricia et Annie : voix hors-champ) " Punie à cause des manigances de sa cousine et séparée de Terrence, Candy s’enfuit du collège et retourne aux États-Unis dans l’espoir de retrouver son ami. Elle y devient infirmière. (Photo de Candy en uniforme d’infirmière) Et retrouve Terrence, qui est devenu un jeune acteur prometteur. Après quelques difficultés, ils finissent par se marier en 1919 (Photos du mariage). "

 

(Candy) " J’ai continué à travailler à temps partiel, tout en m’occupant de mes quatre enfants. J’aimais tellement mon travail ! Avec la Crise des années trente, je me suis aperçue que les maux avaient souvent une racine plus profonde. Terry était à l’époque membre du Parti Communiste et il m’a appris quelques notions. C’est alors que la grande aventure du militantisme a commencé. Je me suis dit : " Si Jésus était encore en vie, il se battrait contre toutes ces injustices. " "

 

(Diverses photos de Candy en train de faire un discours, d’encourager des grévistes avec Terry, de manifester contre la guerre du Viet-Nâm et aussi un bout du film de la marche pour les droits civiques : voix hors-champ) "  Candy est de tous les combats : l’alphabétisation, l’hygiène publique, le syndicalisme, le droit des minorités, la guerre et, surtout, le féminisme. "

 

(Extrait du fameux discours de Yale, de 1975) " Mes sœurs, libérons-nous des obstacles qui nous empêchent de nous épanouir. Pourquoi tout sacrifier à l’homme et à la famille ? Nous aussi, nous avons le droit de faire carrière ! Nous pouvons même vivre seules, si cela nous chante. "

 

(Candy et Terry)

(Candy) – Nous n’étions pas d’accord à propos de mon implication dans le mouvement radical de la libération de la femme, mon mari et moi. Nous avons souvent discuté de nos désaccords…

(Terry) – Ce groupe était beaucoup trop extrémiste ! Je me sentais agressé par ce que les féministes des années soixante et soixante-dix prônaient. Comme si j’étais un sale macho ! Je n’ai jamais empêché ma femme de travailler et de s’impliquer. J’ai toujours considéré que les femmes devaient pouvoir voter.

(Candy) – Mais chéri, le discours s’adressait aux jeunes femmes ! Je ne pouvais pas leur demander d’agir en fonction des valeurs de notre génération ! C’était une période de bouleversements et il n’y avait pas de retour en arrière possible.

 

(Image de Candy devant son ordinateur, tapant son courriel : voix hors-champ) " Aujourd’hui encore, Candy est une militante active, quoique ses 103 ans l’empêchent de participer aux manifestations comme autrefois. "

 

(Candy) " Je crois qu’il est plus difficile de s’impliquer aujourd’hui. Tout va si vite ! Dans mon temps, on pouvait se concentrer sur une ou deux grandes causes à la fois. Maintenant, il y a tellement ! Mais je continue à me battre pour que la mondialisation se fasse dans le respect des personnes. Je viens d’ailleurs d’écrire au Président pour le réprimander à propos de son attitude. Il me répond toujours poliment, même si je n’appuierai jamais ses politiques. J’imagine qu’il a un certain respect pour moi à cause de mon âge."

 

(Image de Candy qui marche vers la sortie : voix hors-champ) " Candy est en lice pour le prix Nobel de la Paix pour l’année prochaine. Elle a bien mérité le respect qu’on lui porte. Espérons que son exemple sera suivi par d’autres femmes."

 

Miss Rétro éteint la télé en souriant et se retourne vers son patron. " Alors ? Qu’en pensez-vous ? "

(Le patron) – Pas mal… Je crois que maintenant vous êtes mûre pour aller interroger le Président… (Voyant Miss Rétro s’évanouir de nervosité) Euh ! Peut-être pas, finalement. Disons d’ici quinze ans, peut-être, si vous continuez à être une reporter sage et obéissante. (Après un silence) RELEVEZ-VOUS ! ET ALLER ME CHERCHER UN CAFÉ !!!

(Miss Rétro, d’une voix faible) – Tout de suite…

FIN

Une nouvelle fois, merci à Miss Rétro et son talent, pour l'excellent moment qu'elle vient de nous faire passer ! ^_^