Les caprices du destin
par Mary

Chapitre 2

 Amitié 

  • Mais où est donc passée cette fichue lettre ? J’étais pourtant sûr de l’avoir mise dans la poche intérieure de ma veste. C’est bien ma veine, tiens. A un moment pareil !

 L’incident de la veille lui revint en mémoire. 

  • J’ai dû la perdre devant le théâtre. Je ne vois pas d’autre explication.

 Terry prit sa tête entre ses mains. 

  • Que faire maintenant ? Je ne vais tout de même pas retourner au théâtre…

 La sonnette de la porte retentit. Une fois. Deux fois. 

  • Oui, une minute… J’arrive, s’écria Terry, exaspéré. Laissez-moi au moins le temps de venir !

 Terry ouvrit la porte.  

  • Oui , c’est pourquoi ?

  • Monsieur Grandchester ? Excusez-moi de vous déranger à une heure aussi tardive, mais ne serait-ce pas votre lettre ? Je l’ai trouvée sur le trottoir après que nous nous soyons heurtés et j’ai pensé qu’il était de mon devoir de vous la rapporter. Malheureusement, la ville inscrite au dos de l’enveloppe n’était pas Chicago mais New York. Je suis donc allé me renseigner au théâtre et j’ai appris que vous séjourniez dans cet hôtel.

 D’abord abasourdi par ce qu’il venait d’entendre, Terry se contenta de dévisager Anthony sans rien dire. Puis reprenant peu à peu ses esprits Terry invita le jeune homme à entrer. 

Quelques minutes plus tard dans le petit salon. 

  • Vous ne pouvez pas savoir à quel point je vous suis reconnaissant de m’avoir rapporté cette lettre. Vous me sauvez la vie, monsieur… Au fait, qui dois-je remercier ?

  • Anthony, Anthony Brown.

  • Eh bien… Monsieur Brown, merci. Merci beaucoup d’avoir pris la peine de venir jusqu’ici. Sans ce petit morceau de papier, croyez bien que c’en aurait été fini de moi.! Je n’avais pas encore eu le temps de la lire en entier et je n’aurais donc pu me rendre au rendez-vous indiqué en bas de la page. Mais grâce à vous, j’aurai peut-être enfin l’occasion d’interpréter l’un des plus grands rôles de ma carrière de comédien : celui de Dorian Gray. Cette histoire et son auteur m’ont toujours fascinés et je compte bien saisir la chance qui m’est offerte.

La porte du café s’ouvrit et Terry entra. Après avoir jeté un regard circulaire dans la pièce, Terry aperçut Anthony et se dirigea vers lui d’un pas rapide. 

  • Ca y est ! Je commence demain.

  • C’est formidable ! Je suis certain que tu vas tous les épater ! Mais dis-moi, as-tu reçu des nouvelles de ta mère comme tu l’espérais ?

  • Non, pas encore mais ça ne saurait tarder, je pense. J’ai appris qu’elle venait juste de terminer sa tournée. D’ici peu, elle sera de retour à New York et je pourrai enfin avoir son avis sur la pièce. Et toi, toujours aucun signe de ta tante ?

  • Non. Je lui ai pourtant écrit pas plus tard que la semaine dernière pour lui dire où j’étais mais elle ne m’a pas encore répondu.

  • Laisse lui du temps. Elle finira bien pas comprendre ce que tu ressens.

  • Je ne sais pas trop. Je me pose beaucoup de question à son sujet. Est-elle vraiment celle que je crois ? Plus le temps passe et plus son attitude envers moi m’obsède. Pourquoi m’a-t-elle tenu enfermé dans ce manoir aussi longtemps ?

  • Tu sais, dans la vie, beaucoup de questions restent sans réponse. Moi-même, si j’avais pu, il y a quelques années, expliquer les raisons qui m’ont poussées à rester aux côtés de Suzanne, je crois que cela m’aurait éviter bien des tourments. Malheureusement, aujourd’hui encore, je vis dans l’angoisse perpétuelle de devoir un jour regretter mon choix…

 Le regard perdu dans le vague, Terry s’interrompit brusquement. 

« Candy… quoique je fasse pour essayer de t’oublier, cela ne donne aucun résultat. Rien n’atténuera jamais l’immense tristesse qui emplit mon cœur depuis ce jour fatidique où nous nous sommes quittés… Cette scène est encore si fraîche dans ma mémoire… » 

  • Tu penses encore à elle, n’est-ce pas ?

  • Oui.

  • Elle devait être très belle.

  • Oui. Ou plutôt, non. Elle était plus que ça… Elle était rayonnante et pleine de vie. Lorsque j’étais avec elle, j’avais toujours l’étrange sensation que tout ce que j’avais vécu auparavant n’avait eu pour unique but que de me rapprocher d’elle. Je croyais que nous étions fait l’un pour l’autre, que nous étions inséparables. Mais apparemment, je m’étais lourdement trompé…

 Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis leur première rencontre. Terry et Anthony avaient petit à petit appris à se connaître et à s’apprécier. Devenus rapidement très proches l’un de l’autre, ils s’étaient tour à tour ouvert leur cœur et chacun avait appris de la bouche de l’autre ce qu’aucune autre personne auparavant n’avait jamais su. Très dur sera le moment où ils se rendront compte que la femme qui a le plus compté pour eux n’est en fait qu’une seule et même personne. 

Hôpital Saint-Joseph, New York.  

Terry poussa la porte de l’hôpital et grimpa quatre à quatre les escaliers. 

« Mon Dieu, pourvu qu’il ne soit pas trop tard ! » 

Suzanne faiblissait de jour en jour depuis quelques mois. La terrible maladie dont elle avait été victime à l’âge de 18 ans l’avait complètement anéantie. Il y a quelques temps encore, l’espoir était permis mais cette fois, la fin était proche. 

Parvenu en haut des marches, Terry prit la direction de la chambre de Suzanne et ouvrit la porte d’un coup sec. 

  • Suzanne !

  • Terry… tu es quand même venu, articula faiblement Suzanne.

  • Evidement ! Que croyais-tu ? Que j’allais te laisser mourir. Non, Suzanne, tu ne me quitteras pas. Pas comme ça…

 Les larmes aux yeux, Terry s’approcha de la jeune femme et déposa un baiser sur son front. 

  • Terry… Me pardonneras-tu ?

  • Mais de quoi parles-tu ? Tu sais très bien que c’était ma décision. Personne ne m’a obligé à la prendre. C’était mon choix. Tu n’as rien à voir là-dedans. Et Candy non plus d’ailleurs…

 Terry se tut. Non, Candy n’était pas plus responsable de sa décision que ne l’était Suzanne. 

  • Tu l’aimes encore, n’est-ce pas ?

 Le regard de Suzanne était si triste à ce moment précis que Terry ne sut ce qu’il devait répondre 

  • Ce n’est pas la peine de me cacher la vérité, je peux le lire dans tes yeux. Depuis le jour où tu l’a quittée, tu n’a jamais cessé de l’aimer.

  • Suzanne… je…

  • Non, ne dis rien. Ce n’est pas la peine. Je ne le sais que trop bien pour n’avoir jamais su me faire aimer de toi pendant toutes ces années.

Suzanne baissa la tête et se mit à pleurer. 

  • Terry, je ne voulais pas, non, je ne voulais pas que tu sois malheureux à cause de moi ! Je t’en prie, crois-moi. Mais j’ai toujours eu l’espoir qu’un jour tes sentiments évoluent et que tu finisses par m’aimer. Malheureusement, je sais aujourd’hui que cela n’aurait jamais été possible. ..

 Les yeux pleins de larmes, Suzanne releva la tête et fixa intensément Terry. 

  • Accorde-moi une dernière faveur, Terry. Une fois que je serai morte, tu n’auras plus d’obligation envers personne. Tu seras libre. Alors, promets-moi d’aller la retrouver !

  • Mais, Suzanne…

  • Promets-le moi Terry ! Autrement je ne pourrai pas mourir en paix ! S’il te plaît, Terry, promets-le moi !

  • Je te le promets, Suzanne.

  • Merci, Terry… articula Suzanne dans un ultime effort avant de rendre l’âme.

  • Suzanne ! Non !

 Terry prit le corps de la jeune femme dans ses bras et le pressa fortement contre sa poitrine. Des larmes roulèrent sur ses joues.  

« Suzanne, pardonne-moi. Pardonne-moi de n’avoir pas su t’aimer comme tu le voulais. J’aurais tant voulu que cela se passe autrement ! Mais, malgré tous mes efforts, je n’ai jamais pu l’effacer de ma mémoire. Jamais… » 

  • Candy ! Candy ! Tu es là ?

  • Oui, Patty. Entre. Je suis en train de m’habiller.

 Patty ouvrit la porte et pénétra promptement dans la pièce. 

  • Qu’y a-t-il, Patty ? Tu m’as l’air bien affolée.

  • Tu n’as pas lu les nouvelles ?

  • Non, je n’ai pas encore eu le temps de le faire. Pourquoi ?

  • Tiens lis. Tu le verras bien par toi-même.

 Candy prit le journal que lui tendait Patty et commença sa lecture : 

« Nous avons le regret de vous apprendre que l’actrice Suzanne Marlow est décédée ce matin des suites de sa maladie. » 

  • Suzanne est morte ?

 Candy dut se retenir au dossier de la chaise pour ne pas tomber. 

  • Mon Dieu ! Terry…

 Emue par la détresse de son amie, Patty s’approcha de Candy et la serra dans ses bras. 

  • Pleure. Pleure autant que tu veux. Tu en as tout à fait le droit. Après tout ce que la vie t’a fait subir, le bonheur te sourit enfin.

 « Non, Patty, non. Je n’ai pas le droit de me réjouir. Suzanne est morte et Terry… Terry m’a certainement oubliée…. » 

Trois jours plus tard. 

Terry descendit de voiture. Elle était là, en bas. Toute sa vie, il avait rêvé de ce moment. Et pourtant, maintenant qu’il avait enfin la possibilité de la revoir, des craintes venaient l’assaillir. Comment réagirait-t-elle ? Etait-elle au courant pour Suzanne ? L’aimait-elle encore ? Cette dernière question l’obsédait plus que tout.  

Terry fit quelques pas et s’arrêta. Candy était allongée dans l’herbe à quelques mètres de lui. 

« Terry… Où es-tu en ce moment ? M’as tu vraiment oubliée ? N’y aurait-il pas le moindre espoir auquel je pourrais m'accrocher ? » 

  • Une fille allongée sur l’herbe. Quel magnifique spectacle pour les yeux d’un garçon !

 Candy releva la tête.

  • Terry… Est-ce bien toi, Terry ?

 Des larmes lui montèrent aux yeux. 

  • Je n’ose y croire…

 Candy se releva lentement.  

  • Vous devriez pourtant, mademoiselle Tâches de son.

 Terry faisait un effort surhumain pour ne pas se laisser submerger par l’émotion. 

  • Terry !

 Candy se précipita vers lui. Terry prit ses mains dans les siennes. 

  • Candy ! C’est si bon de pouvoir à nouveau sentir le contact de ta peau sur la mienne.

 Les joues rouges écarlates, Candy s’écarta doucement de Terry.  

  • Je crois que nous ferions mieux de rentrer. Le ciel s’assombrit et la pluie ne va certainement pas tarder à tomber.

  • Comme vous voudrez, mademoiselle Tâches de son, répondit Terry amusé par l’attitude de la jeune fille. Mais avant je dois vous présenter quelqu’un.

 Terry prit à nouveau la main de Candy dans la sienne et l’amena près du véhicule. Un jeune homme blond en descendit.  

  • Candy, je te présente…

  • Anthony !

 Incapable de supporter un tel choc, Candy perdit connaissance. 

Fin du chapitre 2

© Mary septembre 2000