Candy
par Lulu

 

 

Chapitre I

 

Candy rêvassait. Allongée à l’ombre d’un arbre, Capucin à ses côtés, elle profitait de la chaleur de l’été.

- Quel beau pays l’Ecosse ! pensa-t-elle.

Contemplant la beauté du paysage, elle se surprit à penser à Terry. Sa dernière rencontre avec lui avait été riche en émotion. Il s’était enfin réconcilié avec sa mère, Eleonore Baker. Candy était tellement heureuse pour eux… Elle savait que sa mère était si importante pour Terry… Sous ses airs de garçon renfrogné et insolent, se cachait un cœur tendre et généreux. De son côté Terry l’avait aidé à combattre ses vieux démons.

- D’ailleurs, il a employé la manière forte, se dit Candy.

Elle lui en avait un peu voulu sur le coup mais elle savait au fond d’elle même qu’il avait fait cela pour son bien. Il l’avait forcée à monter à cheval avec lui alors qu’elle en avait une peur panique, depuis le terrible accident d’Anthony. La mort du jeune garçon l’avait beaucoup affectée, et son attirance pour Terry la faisait culpabiliser par rapport à son 1er amour. Comment pouvait-elle l’oublier ? Et pourquoi était-elle aussi attirée par Terry ? Elle ne savait jamais ce qu’il pensait vraiment et s’il était sincère. En l’aidant à se débarrasser de ses peurs, Terry s’était montré sous un jour nouveau.

- Tu as raison Terry, l’avenir, c’est toi et moi…

Alors qu’elle s’endormait, elle entendit des cris. S’arrachant à ses rêves, elle se releva et se mit à courir en direction du bruit.

A la lisière de la forêt, elle découvrit Elisa et Daniel.

- Elisa ! C’est toi qui crie comme ça ? demanda Candy, visiblement soulagée que les cris ne viennent pas d’Annie et de Patty, ses deux meilleures amies.

- Oh Candy, c’est affreux, sanglota Elisa en se jetant dans les bras de Daniel.

- Mais qu’est-ce qui se passe Elisa ? Pourquoi pleures-tu ? répondit Candy, en s’approchant d’elle.

- C’est Terry ! Il a voulu plonger de la falaise, et je ne l’ai pas vu ressortir de l’eau ! Oh Candy, si jamais il s’était noyé ? s’exclama Elisa en pleurant de plus belle.

Candy cru que son cœur s’était arrêté de battre. Elle s’appuya contre un arbre, pour réfréner le malaise qui l’envahissait. Terry était en danger ! Elle se ressaisit.

- Où ? Où a-t-il plongé Elisa ? cria-t-elle, en secouant la jeune fille sans ménagement.

- Viens, répondit Daniel, nous allons t’y conduire.

Ils coururent pendant plusieurs minutes à travers la forêt. Candy ne s’arrêta pas une seule fois, courant à perdre haleine.

- C’est ici ! cria Daniel, Elisa sur ses talons.

Ils se trouvaient en faut de la falaise, face à l’océan qui s’étendait à perte de vue. Candy s’approcha prudemment du bord abrupt de la falaise. La mer était assez agitée et de gros moutons se formaient au large. L’écume des vagues se fracassait sur les rochers, en contrebas.

- Brr… Comment Terry a-t-il pu plonger d’aussi haut ! il faut être fou ! murmura Candy, frissonnant sous le froid causé par un vent violent.

L’air s’était soudainement rafraîchi, et sa robe d’été était légère. Les nuages à l’horizon prévenaient d’un orage tout proche.

- Regarde Candy ! Il me semble que je l’aperçois en bas, s’écria Daniel, qui se penchait dangereusement et montrait du doigt un gros rocher léché par l’écume des vagues.

Candy se pencha elle aussi au dessus de la falaise.

- Mais voyons Daniel, il n’y a rien !

Brusquement elle sentit deux mains la pousser vers l’avant. Elle poussa un cri de surprise, ne pu se retenir et tomba de la falaise.

- Cette petite chipie ne nous ennuiera plus désormais Elisa, ricana Daniel, l’air mauvais.

- En effet… Nous sommes enfin libres ! Et Terry sera enfin à moi, murmura sa sœur, satisfaite.

Sans un regard en contrebas, ils se mirent en route pour la forêt.

Annie tournait comme un lion en cage. Il était plus de 18h, et Candy n’était toujours pas revenue. Patty, assise sur une chaise, regardait son amie, l’air anxieux. Elle aussi s’inquiétait de l’absence prolongée de Candy. Nerveusement, elle triturait un ruban que celle-ci avait laissé sur sa table de travail.

- Patty, ça ne peut plus durer. Voilà plus de 5h que nous sommes sans nouvelles de Candy. Je ne peux plus attendre. J’ai peur qu’il lui soit arrivé quelque chose, s’étrangla Annie avant d’éclater en sanglots.

Malgré sa propre angoisse, Patty parvint à prendre Annie dans ses bras et à ne pas pleurer.

- Ecoute Annie, je suis sûre qu’elle est avec Terry. Ils se sont mis à discuter et n’ont pas vu le temps passer ! dit gaiement Patty, en s’efforçant de ne pas montrer son propre malaise.

- Mais elle nous aurait prévenues ! Elle aurait envoyé Capucin ou un messager ! C’est impossible qu’elle aie disparue sans laisser de traces !

A cet instant, Archibald et Alistair frappèrent à la fenêtre de la chambre. Les deux jeunes garçons étaient eux aussi en Ecosse, dans la résidence d’été des André. A leur grand désarroi, ils partageaient leur demeure avec Elisa et Daniel, leurs cousins. Patty leur ouvrit aussitôt. En effet, le règlement actuel du Collège Royal de Saint Paul, même pendant les vacances d’été, interdisait aux garçons de pénétrer dans le dortoir des filles. Les deux jeunes hommes avaient donc inventé une ruse pour éviter les foudres de la mère supérieure.

- Salut les filles, lança Archi en sautant lestement sur le sol. Mais… Vous en faites une tête. Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il inquiet.

- Archi, murmura Annie dans un sanglot et en se jetant dans ses bras. Candy a disparu !

- Comment ? s’exclama Alistair qui s’était rapproché de Patty pour tenter de la consoler. Mais depuis combien de temps ?

- Depuis le déjeuner…

- Mais elle n’est pas avec Terry ? demanda Archibald, tenant toujours Annie, qui sanglotait sur son épaule.

- Nous ne le savons pas ! Nous avons tenté de le joindre mais la mère supérieure nous a formellement interdit d’aller dehors en raison du mauvais temps qui s’annonce, dit Patty en jetant un coup d’œil par la fenêtre.

Le temps s’était terriblement assombri et on pouvait voir des éclairs à l’horizon.

- Bien sûr, poursuivit-t-elle, je n’ai pas parlé de l’absence de Candy. D’ailleurs, Sœur Margareth ne me l’a même pas demandé. Elle pense sûrement qu’elle est en train de travailler dans sa chambre.

Archibald s’avança vers la fenêtre et réfléchit quelques instants. Son visage était tendu, et reflétait la gravité de la situation.

- Nous devons nous assurer qu’elle n’est pas chez Terry avant de nous inquiéter sérieusement, déclara-t-il en se tournant vers ses amis. Ali et moi nous allons partir chez lui. Annie, Patty, restez ici et prévenez- nous si elle revenait. Nous vous enverrons Capucin pour vous tenir informées des nouvelles.

Annie approuva d’un signe de tête et serra fortement la main d’Archi, les yeux emplis de larmes.

- Ne t’inquiète pas Annie, murmura-t-il, en lui rendant son étreinte. Nous allons la retrouver. Nous ferons tout notre possible pour vous donner des nouvelles rapidement.

Sans un bruit, les deux garçons descendirent le balcon et sautèrent en douceur sur l’herbe fraîche.

Chapitre II

 

Tandis qu’ils marchaient en direction de la demeure de Terry, située de l’autre côté du lac, ils entendirent le bruit d’une conversation étouffée. Se rapprochant avec prudence, ils découvrirent Elisa, Daniel et leur amie Louise qui ricanaient sournoisement.

- Que je suis contente Daniel… Je me sens tellement mieux depuis que c’est fait ! lança gaiement Elisa.

Archi et Ali se regardèrent perplexes.

- Oui, tu as raison Elisa.. A vrai dire, je ne suis pas mécontent de ma trouvaille pour la faire disparaître une bonne fois pour toutes ! répondit-il.

A ces mots, Archibald et Alistair frissonnèrent en même temps. Non, Elisa et Daniel n’auraient pas osé faire du mal à Candy !

- Viens Archi, murmura Alistair. Nous perdons notre temps. Nous devons aller chez Terry le plus vite possible. Le sort de Candy en dépend…

Laissant les trois compères rirent à leur aise, les deux frères hâtèrent le pas.

Seul assis devant un bon feu de cheminée, Terry contemplait les flammes. Leur vive couleur se reflétait dans ses yeux d’un bleu sombre. Il se surprit à penser à Candy. Il était d’ailleurs assez étonné de ne pas avoir vu son amie en ce jour.

- Peut-être qu’elle m’en veut de l’avoir forcé à remonter à cheval, pensa-t-il.

Il est vrai qu’il n’avait pas été tendre avec elle, mais c’était pour son bien. Elle devait se tourner vers l’avenir … et se concentrer sur leur propre bonheur.

De nombreuses images lui revinrent à l’esprit. Le soir de leur première rencontre, sur le bateau qui les conduisait tous les deux vers l’Angleterre. Il sourit en repensant que c’était à ce moment, qu’il l’avait surnommée Mademoiselle Taches de son…

Puis les images de leur rencontre à l’hôtel où elle croyait trouver Monsieur William et enfin leur amitié grandissante au collège Saint Paul…. Une bouffée de chaleur l’envahit quand il se souvint d’Anthony. Comment pouvait-il oublier la première fois où elle avait prononcé son nom ? C’était lors de cette fameuse nuit où il avait galopé dans la forêt, en colère contre son père, le duc de Granchester. Candy avait eu peur et avait cru voir la silhouette d’Anthony sur son cheval blanc.. L’image de sa chute mortelle était revenue à l’esprit de la jeune fille, et en tentant de le prévenir du danger, elle avait trébuché dans l’escalier de secours et avait fait une chute de plusieurs mètres de haut. Ce fut Terry qui l’avait secourue et qui avait tenté de la réanimer. En la portant jusqu’à l’infirmerie, elle ne prononça qu’un seul mot : Anthony. Ce ne fut que plusieurs semaines plus tard, au festival de Mai, que Terrence comprit enfin qui était Anthony, celui auquel Candy pensait sans cesse. Si seulement elle parvenait à l’oublier et qu’elle trouvait la force de lui ouvrir enfin son cœur … Terry fut tiré de sa rêverie par des coups violents. Il marcha rapidement vers la lourde porte de chêne et, devançant ses domestiques, ouvrit lui-même.

- Alistair ! Archibald ! Mais que faites-vous ici ? demanda Terry, tandis qu’il faisait entrer les deux frères, frissonnant de froid.

Il s’apprêtait à leur lancer une réplique cinglante quand il constata leur air désespéré.

- Que se passe-t-il ? Pourquoi faites-vous cette tête ?

- Terry, dis-nous que Candy est avec toi, dit Alistair d’un air suppliant.

- Non, Candy n’est pas ici… A vrai dire, je ne l’ai pas vue de la journée, je pensais qu’elle était en votre compagnie.

A l’air inquiet et déçu de ses deux amis, Terry sentit son cœur battre plus vite.

- Pourquoi ? Que se passe-t-il ? Il y a un problème avec Candy ? demanda-t-il.

Alistair baissa la tête et répondit d’une voix monocorde.

- Elle a disparu. Nous pensions qu’elle était chez toi, mais de toute évidence, nous avions tord. En venant ici, nous avons entendu Elisa qui parlait avec Daniel. Elle avait l’air si heureuse… Elle parlait qu’elle était enfin libre depuis qu’une certaine personne avait disparu…

- Tout cela ne me dit rien de bon, poursuivit Archibald.

Terry se rapprocha de la cheminée. Il pouvait voir par la fenêtre entre-ouverte que les nuages se rapprochaient et que bientôt les premières gouttes n’allaient pas tarder pas à tomber. Mais où pouvait bien être Candy ?

Soudain, il entendit un bruit venant de l’extérieur. Scrutant la pénombre, il aperçut Capucin.

- Capucin ! Capucin est dehors ! s’exclama-t-il, attrapant sa cape de pluie au passage. Il sait peut-être où est Candy ! Suivons-le !

Les trois amis se précipitèrent à l’extérieur de la maison. Ils trouvèrent le petit animal non loin de la porte d’entrée, qui paraissait très affolé. Quand Terry essaya de le prendre dans ses bras, il se dégagea et tenta de les pousser à les suivre.

- Il veut nous indiquer un chemin, dit Terry, alors que les premières gouttes de pluie s’écrasaient sur le sol. Venez à l’écurie, nous allons prendre des chevaux. Avec ce temps, le trajet sera plus rapide, poursuivit-il en courant.

Courage Candy, pensa-t-il, j’arrive !

Quelques minutes plus tard, ils étaient sous une pluie battante, Capucin courant devant eux. Durant plusieurs minutes, le raton-laveur s’arrêta, humant l’air et repartant dans une direction opposée.

Ils débouchèrent enfin sur la falaise. Les trois garçons mirent pied à terre, et laissèrent leurs chevaux se reposer de leur course effrénée.

- Capucin, où es-tu ? hurla Archibald, plissant les yeux pour essayer de l’apercevoir.

Le mauvais temps formait un rideau de pluie et on y voyait rien à plus de trois mètres. Enfin, ils trouvèrent Capucin à quelques mètres du bord de la falaise qui sautait sur place en poussant des petits cris.

Terry se précipita à ses côtés, suivi des deux jeunes garçons.

- Capucin, tu es sûr que Candy est ici ? Je ne vois rien… murmura-t-il.

De gros éclairs illuminaient le ciel et on y voyait par moments aussi clair qu’en plein jour.

Terry se pencha au bord de la falaise, se couchant presque pour essayer d’éviter le vent violent qui soufflait à ses oreilles.

- Terry, ce n’est pas le moment de tomber ! lui cria Alistair, le retenant par les pieds.

Mais Terry ne répondit pas. Il était trop concentré à chercher des yeux Candy. L’océan était déchaîné et d’énormes vagues s’écrasaient sur la plage.

- Candy !! Candy !! Tu m’entends ? hurla-t-il.

Soudain, à la lueur d’un éclair, il aperçut quelque chose qui voletait non loin de son visage, accroché à une racine. Il tendit la main et le prit dans ses doigts. En le portant à ses yeux, il sentit son cœur se glacer.

C’était un des rubans qui servait à Candy à attacher ses cheveux. Les larmes aux yeux, il se releva et se retourna vers Alistair et Archibald, qui scrutaient les alentours à la recherche de leur cousine. Quand ils virent Terry, ils eurent un mouvement de recul.

- Ce… Ce n’est pas… à Candy, dit avec difficulté Alistair, en s’approchant de Terry.

- Quoi ? Que dis-tu Ali ? je ne t’entends pas ! cria Archi en se rapprochant d’eux.

- Ce n’est pas possible, elle n’a pas pu… elle n’a… balbutia Ali.

Comprenant enfin ce qu’il se passait, Archibald tomba à genoux et se prit le visage dans les mains.

- Non ! Ce n’est pas possible ! Elle ne peut pas être tombée ! Pas Candy, elle n’est pas inconsciente ! Elle ne peut pas.. Elle ne peut pas être morte ! s’étrangla Archi.

A ces mots, Terry bondit sur Archi et le releva par le col de sa veste. La fureur lui était montée aux joues.

- Candy… n’est… pas… morte ! Je refuse de croire cela ! Elle est vivante, j’en suis sûr ! hurla Terry en secouant Archibald. Nous allons la chercher et la trouver ! Elle ne peut pas être morte !

Il courut jusqu’à son cheval.

- Alistair, Archibald, allez prévenir la mère supérieure de sa disparition, et que tout le monde la cherche ! Et trouvez-moi Elisa et Daniel. S’il est arrivé quelque chose à Candy par leur faute, je les tuerai de mes propres mains !

Il enfonça ses talons dans les flancs du cheval qui hennit violemment et partit au triple galop.

© Lulu Mai 2004