UN PASSE TROP PRESENT
Par Leia

Chapitre 3

- Regarde mon chéri ! Nous arrivons enfin à la Maison Pony ! - S'écria Candy en montrant du doigt l'orphelinat, émergeant de derrière la colline au rythme de leur approche.

Arthur se jeta au cou de sa mère trop heureux qu'il était d'être enfin parvenu à destination. On lui avait tant parlé de cet endroit ! Il avait hâte de rencontrer ses petits compagnons. Capucin, debout et agrippé derrière le fauteuil de sa maîtresse, émit un grognement de bonheur en apercevant les toits de Pony, perçant les feuillages des grands chênes qui cachaient la maison. Quand la voiture s'arrêta, il se mit à s'agiter en couinant, tournoyant d'excitation.

- Calme-toi Capucin ! - dit Albert en riant - Je vais t'ouvrir ! Un peu de patience!

Les enfants qui jouaient dans la cour encerclèrent l'automobile avec des cris enthousiastes. Les trois occupants sortirent de la voiture, libérant ainsi le raton laveur qui s'empressa de s'échapper pour aller à la rencontre de ses nouveaux amis.

- Qui donc cela peut-il être ? - se demanda Sœur Maria en s'approchant de la fenêtre, alertée par les cris - Mais ! ... Mais c'est Candy ! Melle Pony ! Melle Pony ! Candy est ici !!!

La vieille femme se leva en hâte de son fauteuil, abandonnant l'ouvrage de couture sur lequel elle travaillait.

- Notre petite Candy est de retour ? ! - s'écria-t-elle visiblement émue en se précipitant vers la porte, Sœur Maria sur ses talons.

- Sœur Maria ! Melle Pony !!! - s'exclama Candy en courant vers les deux femmes - Vous m'avez tellement manqué ! - dit-elle en les serrant contre son cœur, retenant avec difficulté des larmes d'émotion.

- Comme tu es belle Candy ! Tu es si distinguée ! - fit la vieille dame admirative en s'écartant, examinant l'élégante toilette de Candy, un petit ensemble de coton de couleur rose cendrée, dont la jupe s'arrêtait à mi-mollet, dévoilant ainsi la finesse de ses chevilles, parées de ravissantes chaussures aux tons concordants - Je constate avec plaisir que tu as cessé de t'habiller comme un garçon manqué ! Mais qui vois-je ? - fit-elle en se courbant - Je suppose que c'est notre petit Arthur qui se cache derrière toi !

- Il est un peu intimidé ! - rit Candy en caressant la tête de son fils - Mais ça lui passera rapidement !

Capucin, s'étant faufilé entre leurs jambes, manifesta par un grognement plaintif sa présence.

- Mais tu es là toi aussi, mon bon vieux Capucin ! - s'exclama Sœur Maria en le prenant dans ses bras - Tu m'as l'air en pleine forme pour quelqu'un qui a dépassé depuis belle lurette l'âge de la retraite !

- Eh oui, déjà 18 ans !!! - fit Candy en soupirant - Il est rare pour un animal de sa race de vivre aussi longtemps !

- C'est parce que tu lui apportes beaucoup de soin et d'affection, comme à chacun des êtres vivants de cette terre d'ailleurs - répondit Melle Pony en voulant l'entraîner à l'intérieur - Venez donc vous reposer, vous devez être épuisés par ce voyage ! Mais j'y pense ! - fit-elle en se retournant vers la voiture - qu'est-il advenu de ton chauffeur ?

- Il va très bien, merci ! - s'exclama Albert, une pointe d'ironie dans la voix, la tête surgissant par dessus la porte relevée du coffre de la voiture dont il extrayait les bagages. Croulant sous le poids des valises, il s'approcha de ces dames tout en soupirant sur la tendance féminine à voyager avec plus que le nécessaire...

- Je suis bien heureux de vous revoir mesdames ! - fit-il en leur baisant à chacune la main - Rassurez-moi, nous nous sommes bien absentés pendant une dizaine d'années, car en vous regardant, je réalise que le temps n'a eu aucun effet sur vous. Vous êtes toujours ravissantes !

- Vous êtes resté un grand charmeur, mon gendre ! - fit Melle Pony en rougissant, les épaules secouées d'un petit rire - Nous dirons que c'est le bon air de la campagne qui nous entretient...

- Ainsi que la prière!... - ajouta Soeur Maria, cachant son espièglerie sous un air angélique.

Melle Pony sautillait d'impatience.

- Venez donc vous détendre à l'intérieur ! Je vais vous préparer un bon thé. J'ai aussi de bons cookies tout chauds qui sortent juste du four !

Plus gourmands qu'affamés, le petit groupe de visiteurs et les enfants suivirent leurs hôtes en soupirant d'aise.

Le goûter se déroulait paisiblement. Arthur, intimidé au début, n'avait pas tardé à nouer des liens avec ses nouveaux camarades et s'amusait à présent dans les prés alentours de la maison en compagnie de ses compagnons de jeu. Capucin comme à son habitude le suivait telle son ombre.

Candy, Albert, Sœur Maria, et Melle Pony discutaient autour d'un thé, confortablement attablés sous la glycine devant la porte d'entrée flanquée de rosiers grimpants. Il faisait bon en cette fin de journée et Candy se sentait détendue, l'esprit apaisé par la présence de ses deux "mamans". Elle se dit qu'elle avait eu raison de venir jusqu'ici. Tranquillisée, loin de la méchanceté des hommes, elle allait pouvoir se ressourcer quelques jours puis partir pour Chicago où elle comptait mettre en route la création de l'hôpital pour enfants qu'elle avait projeté. Une pointe d'angoisse se manifesta cependant en songeant à la lourde tâche qui l'attendait à son retour. Pourrait-elle relever ce défi aussi bien qu'elle y était parvenue en France ? Les américains seraient-ils autant à l'écoute que les européens ? Ses inquiétudes ne durèrent qu'un court instant, la perspective de la présence d'Albert à ses côtés, et l'aide précieuse qu'il lui apporterait, comme de coutume, la rassurèrent.

- Tu me sembles bien pensive tout à coup Candy.... - fit Sœur Maria en se penchant vers la jeune fille.

- Rassurez-vous, je vais très bien Ma Sœur - répondit Candy en souriant - un peu de surmenage, c'est tout.

- Nous avons eu la visite de ma tante Elroy et de sa nièce Elisa, hier après-midi... - intervint Albert, un sourire narquois sur les lèvres - Notre éloignement nous avait fait oublier la difficulté de rester plus de deux minutes en leur compagnie...

Melle Pony, l'oeil pétillant de malice, gloussa devant l'insinuation de son gendre.

- Je soupçonne en effet, l'embarras qu'a pu vous causer leur venue impromptue. Je pensais pourtant qu'avec le temps, elles auraient fini par t'accepter, Candy...

- Je crois, malheureusement, que cela n'arrivera jamais... - soupira tristement la jeune femme. Elles n'auront de cesse de me juger sur mes origines...

Albert posa une main affectueuse sur celle de sa femme.

- Nous n'avons que faire de leur étroitesse d'esprit. Peu importe ce qu'elles pensent de toi. Je t'aime comme tu es, et jamais je ne souhaiterai que tu changes. Si elles sont trop bêtes pour remarquer ta générosité, ta gentillesse, ta joie de vivre, laissons-les croupir dans leurs préjugés. Nous nous sommes passés d'elles pendant dix ans, nous pouvons très bien continuer ainsi, même ici !

- Je suis d'accord avec toi, mon aimé... Mais nous ne sommes plus en France ! La grand tante Elroy bénéficie d'une grande influence dans ce pays, et encore plus à Chicago. Je crains que la mise en chantier de l'hôpital pour enfants soit plus compliquée que prévue...

- Rassure-toi ma chérie. Je n'ai pas perdu le contact avec les Etats-Unis pendant notre séjour en France, et j'ai toujours entretenu de bonnes relations avec le gotha local. Tout se déroulera comme prévu, ne te fais pas de souci...

- Albert a raison ! - renchérit Melle Pony avec enthousiasme - Tu as réalisé des merveilles dans ce pays, et je suis sûre que ta renommée a déjà traversé l'Atlantique. Je suis convaincue que l'on t'apportera le soutien nécessaire, et avec grand plaisir.

- Je reste un peu plus perplexe que vous, mais j'espère du fond du coeur que vous avez raison!

- Mais nous avons raison, mon enfant ! - ajouta Soeur Maria - il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas remarquer les qualités humaines qui bouillonnent dans ton petit corps...

- Sans oublier le garçon manqué qu'elle est restée!.. - fit en riant Melle Pony en montrant les pieds nus de Candy sous la table, ses chaussures en cuir depuis longtemps mis à l'écart dans la pelouse.

- Oui... Notre petit garçon manqué - poursuivit Sœur Maria en riant - qui se battait comme un chiffonnier et qui grimpait aux arbres ! Que de souci tu nous as fait faire !

- Elle n'a pas changé d'un iota, vous savez ! - renchérit Albert, sur un ton badin - Elle est tellement casse-cou qu'Arthur pourrait apparaître comme un enfant modèle à côté d'elle !

Ils rirent toutes quatre à l'évocation de ces bons souvenirs.

- A propos de grimper aux arbres, ne serait-ce pas Arthur, perché au sommet de ton chêne, Candy ? - fit Melle Pony en réajustant ses lunettes.

- Cela m'en a tout l'air ! - s'écria-t-elle en se précipitant dans sa direction. Les deux femmes s'empressèrent de la suivre, Albert deux pas derrière elles.

Les enfants se tenaient au pied de l'arbre, observant leur camarade agrippé sur les hauteurs du tronc.

- Mais que fait-il donc si haut !? - leur demanda Candy en reprenant son souffle.

- Nous avons voulu faire un pari... - répondit un petit garçon - celui qui monterait le plus haut deviendrait notre chef... Je suis monté le premier, mais je ne suis pas parvenu à aller aussi haut que lui....

Exaspérée par tant d'inconscience, Candy ne dit mot, se contentant de lui jeter un regard mécontent. Elle leva les yeux à la recherche de son fils et aperçut finalement sa tête blonde, émergeant de la cime de l'arbre, comme un nid de brindilles d'or.

- Arthur !!! - cria Candy affolée - Descends de cet arbre sur-le-champ!

- Je ne peux pas ! - fit une petite voix apeurée - C'est trop haut ! J'ai le vertige!

- Mon Dieu ! - fit Sœur Maria, se cachant les yeux de ses mains pour ne pas voir la chute - Il va se rompre le cou !

Le ton dramatique de la sœur n'impressionna point Candy, qui entamait déjà l'escalade du chêne.

- Laisse-moi y aller ! - intervint Albert, en la retenant par le bras.

- Tu oublies que c'est moi la casse-cou, non ? - rétorqua-t-elle, moqueuse - Ne t'inquiète pas, dans quelques minutes nous serons redescendus. Je connais cet arbre comme ma poche !

- Maman ! J'ai peur ! - criait l'enfant.

- Ne crains rien, mon chéri ! - fit Candy le plus calmement possible - Tiens-toi fermement au tronc, j'arrive !

Jamais elle n'aurait imaginé que cet arbre fut si haut ! Elle l'avait oublié tout cela... Elle redécouvrait cependant la souplesse et l'agilité de ces gestes familiers qu'on lui avait si souvent reprochés lors ses nombreuses escapades dans les arbres, fussent-elles chez Pony, chez les André, ou au Collège Saint-Paul... Melle Tarzan l'avait d'ailleurs surnommée Terry... "Terry..." Quoi qu'elle fasse tout le ramenait à lui...

Elle poursuivit ses paroles apaisantes jusqu'à ce qu'elle parvint à atteindre le pied d'Arthur. Son petit garçon était là, cramponné à son arbre, les joues salies de larmes et de poussière, mais soulagé de voir sa mère. Capucin se tenait à ses côtés, le rassurant de sa présence, et glapit de joie en apercevant sa maîtresse.

- Tu étais là Capucin ! - fit Candy en tendant la main pour le caresser - Gentil raton, adorable compagnon ! Merci !

- Maman !!! - s'écria Arthur, les larmes aux yeux.

- Je suis là, trésor. Accroche-toi à moi, nous allons redescendre.

La descente se déroula plus calmement. Arthur écoutait attentivement les indications de sa mère, s'aidant des branches qu'elle lui montrait. Parvenus à mi-hauteur, ils s'arrêtèrent un instant pour regarder le lac Michigan irisé des couleurs embrasées du couchant qui s'y reflétait.

- Tu vois - dit Candy avec nostalgie - Quand j'étais enfant, je venais souvent ici, et j'attendais... J'attendais que l'on vienne me chercher... A chaque carriole, chaque voiture qui approchait, je me disais que c'était pour moi... Mais ça ne l'était jamais... Et puis un jour, on est finalement venu me chercher...

- Pour aller chez les Legrand... - dit Arthur avec une pointe d'amertume dans la voix - et être la boniche de Daniel et Elisa !

- Comment sais-tu cela ? - fit Candy étonnée.

- Les murs ont des oreilles...

Candy acquiesça en baissant les yeux. Elle comprenait maintenant la raison de cette haine viscérale qu'éprouvait son fils envers Elisa et son frère... Elle aurait préféré qu'il fut au courant le plus tard possible de cette triste période.

"A quoi bon qu'il le sache !" - avait-elle même un jour pensé - "Laissons le passé où il est..."

- C'est vrai, j'étais leur domestique... - répondit Candy - mais c'est là-bas que j'ai rencontré ton cousin Anthony..., puis Archibald et Alistair. Et c'est par eux et l'affection dont ils m'ont entourée que je garde de cette époque de merveilleux et inoubliables souvenirs.

- Il me tarde d'être grand, Maman, pour te protéger ! - dit-il déterminé - Jamais je ne laisserai quelqu'un te faire du mal !...

- Mon petit ange, mon petit soldat... Comme je t'aime ! - fit Candy en le serrant contre elle, la voix troublée d'émotion.

- Je t'aime aussi Maman ! - murmura le petit garçon en enfouissant sa tête contre la poitrine de sa mère.

Ils étaient si bien ainsi blottis l'un contre l'autre, assis sur une des solides branches du chêne, qu'ils ne remarquèrent même pas les appels alarmés de Sœur Maria et de Melle Pony.

- Eh bien !? Que se passe-t-il là haut !? Qu'attendez-vous pour descendre ?!!!

Mère et fils se lancèrent un regard complice en riant et reprirent leur descente. Quelques minutes plus tard, ils touchaient le sol, ravis et soulagés de retrouver le "plancher des vaches".

Candy posa un genou à terre et serra son fils contre elle.

- J'ai eu si peur ! - fit-elle dans un sanglot - Ne recommence plus jamais !

- Oui... - gémit-il, à demi étouffé sous la vigoureuse étreinte de sa mère - Pardon Maman ! Par ma faute tu as déchiré ton joli jupon.

- Ce n'est pas grave mon chéri - répondit-elle tendrement en constatant les dégâts - Ce n'est qu'un bout de chiffon ! L'essentiel est que tu sois sain et sauf!

- Tu réalises maintenant toutes les frayeurs que tu nous a fait vivre !...- fit Sœur Maria, en posant une main réconfortante sur l'épaule de la jeune femme.

- Tout est bien qui finit bien ! - s'écria avec soulagement Melle Pony, une larme d'émotion perlant sous ses lunettes - Retournons à la maison ! Je vais préparer un chocolat chaud pour tout le monde qui nous remettra de cette frayeur !

A ce rythme, nous allons prendre dix kilos en quelques jours ! - murmura Albert à l'oreille de sa femme, laquelle lui répondit par un discret coup de coude. Amusé, il souleva son garnement de fils, l'installa sur ses épaules, et reprit son chemin en sifflotant.

Le petit groupe retourna vers l'orphelinat. L'humeur paisible et les sourires de Melle Pony avaient si bien tranquillisé leurs cœurs en chemin, qu'en poussant la porte, les murs résonnèrent des chants et des rires de la petite communauté.

Après le repas, on attendit que la nuit se fasse un peu plus présente pour envoyer les enfants se coucher. Epuisé, Arthur s'endormit rapidement, Capucin couché sur le lit à ses pieds. Quelques minutes plus tard, l'ensemble du dortoir les avait imités, plongés dans leurs heureux songes d'enfants bienheureux. Albert, quant à lui, était sorti pour une petite promenade digestive , profitant de la clarté de la nuit pour admirer les étoiles qui scintillaient dans le ciel sans nuages. Candy savait qu'il appréciait de pouvoir se retrouver un peu seul, comme au temps de ses vagabondages.

- Aaaaahhh!!! Un peu de calme ne nous fera pas de mal ! - fit Melle Pony en se laissant choir dans son confortable vieux fauteuil.

Candy, occupée près de l'âtre à repriser son jupon, acquiesça en souriant.

- Je devrais y être habituée depuis le temps ! Pourtant, à chacun de mes passages ici, j'ai besoin de quelques jours pour m'acclimater ! Etions-nous si bruyants à leur âge?

- Tu étais pire qu'eux tous réunis ! - s'écria Sœur Maria en empruntant une chaise de la table et venant s'asseoir entre elles deux - Chaque jour tu inventais une bêtise qui se transformait vite en drame, ou tu te disputais avec Tom jusqu'à vous étriper!

- Hihihi!!! - rit Melle Pony - Tu étais si rigolote ! Quand on ne t'entendait plus, on se disait "A quelle catastrophe va-t-on avoir droit cette fois-ci !?"

- Vous exagérez !... - dit Candy en rougissant.

- Tu t'es un peu calmée quand Annie est partie - poursuivit Melle Pony - Il nous semblait que la tristesse t'avait abattue, vidée de ton optimisme et de ta joie de vivre.

- Et puis un jour, tu nous es revenue gaie comme un pinson ! - ajouta Sœur Maria.

"Je me souviens ... " se remémorait Candy. "C'était le jour où j'ai croisé mon Prince de la Colline... J'ignorais à ce moment là que c'était Albert... Que de souvenirs m'évoquent ces lieux... Ma rencontre avec le Prince, puis mes adieux à Anthony après sa mort, et enfin Terry... qui avait parcouru un long chemin pour venir au sommet de ma colline et s'emplir les yeux et l'âme de l'endroit où j'avais grandi... Terry... Albert.... Je n'y arriverai jamais !..."

- Que t'arrive-t-il Candy ? - fit Sœur Maria en remarquant la subite détresse sur le visage de la jeune femme.

- Ce n'est rien - dit-elle en essuyant rapidement une larme - Je me suis piquée en cousant...

- Je ne te savais pas si douillette... - observa Melle Pony en la scrutant sous ses verres épais de myope.

- Je vous assure que je n'ai rien ! Cela doit être la fatigue du voyage...

- Une fois l'aiguille, une fois la fatigue... Tu ne nous cacherais pas quelque chose mon enfant ? - demanda Sœur Maria en essayant de retenir le regard fuyant de Candy.

- Tu sais que tu peux tout nous dire... - fit Melle Pony avec douceur - Peut-être pourrions-nous t'aider?...

- Personne ne peut m'aider ... - murmura tristement Candy.

- Que se passe-t-il donc ma chérie - insista Melle Pony, ayant remarqué les yeux brouillés de Candy et ses grimaces pour retenir un sanglot.

Je..., Je... - bredouilla-t-elle, les mots butant au bord de ses lèvres.

Sœur Maria prit tendrement la main tremblante de Candy et la serra fortement.

- Je...Je me sens tellement perdue ! - laissa finalement échapper Candy en fondant en larmes.

Les deux femmes se regardèrent étonnées et entourèrent Candy.

- Allons, allons - fit Sœur Maria en secouant doucement les frêles épaules de sa protégée - Cela ne doit pas être si grave...

- Détrompez-vous Ma Sœur ! - fit Candy entre deux hoquets - Je ne pourrai jamais racheter ma faute !...

- De quoi parles-tu ? - demanda Melle Pony, inquiète.

Candy se contenta de secouer la tête comme si elle voulait faire taire ces voix qui chuchotaient à l'intérieur.

- Je t'en supplie Candy, confie-toi à nous ! - l'implorait Sœur Maria visiblement alarmée par le comportement inhabituel de la jeune femme.

Candy se tourna vers l'âtre de la cheminée. Un de ces petits feux de soir d'été s'y consumait. Cela lui rappela cette soirée passée avec Terry dans sa villa au bord du lac, en Ecosse, où ils avaient parlé devant un feu comme celui-ci et évoqué leurs projets personnels et communs... Les meubles rustiques de la Maison Pony, la longue table rectangulaire bordée de bancs sur lesquels s'asseyaient les enfants, la petite cuisine aux céramiques blanches, les fenêtres aux rideaux vichy s'étaient évanouis pour céder leur place au magnifique et spacieux salon du Manoir Grandchester. Brusquement, il lui semblait qu'il était présent à ses côtés, fixant le feu sans oser la regarder de ses yeux bleus et pénétrants à vous faire chavirer le cœur et l'âme... Terry...

- Terry... - prononça-t-elle presque inaudiblement - Terry est venu à Lakewood...

- Mon Dieu !!! - s'exclamèrent en cœur Melle Pony et Sœur Maria - Mais que voulait-il?

- Me voir, me parler, je suppose... J'ignore la raison de sa visite car nous ne nous sommes pas rencontrés... C'est le contremaître qui m'a rapporté le mouchoir qu'il avait oublié dans la roseraie...

- Mais pourquoi ne s'est-il pas manifesté ? demanda Melle Pony avec agitation.

- Parce qu'il a dû me voir en famille, avec Arthur et Albert... Et... Et cela a dû lui briser le cœur !!! - s'écria-t-elle en se jetant dans les bras de la vielle femme.

- Ohhhh... Mon petit oiseau...

- Jamais je n'aurais pensé que le savoir si près de moi me mettrait dans cet état... - dit Candy en essayant de refouler un flot de larmes - Mais je sais que s'il a osé venir jusqu'à Lakewood, c'est parce qu'il est malheureux, et cette idée m'est insupportable!...

- Vous vous aimez encore, n'est-ce pas ?...- fit Sœur Maria avec douceur.

- Je voudrais tellement que cela fut le contraire ! - pleurait Candy - Jusqu'à ces derniers jours, je vivais heureuse en compagnie d'Albert et d'Arthur. Et puis il a fallu qu'un seul geste de Terry balaye tout et me fasse réaliser que malgré toutes ces années loin de lui, je n'avais cessé de l'aimer...

- J'ai honte de moi ! Je me sens coupable ! - poursuivit-elle en enfouissant sa tête dans ses mains - Je suis maudite à jamais d'aimer un homme qui n'est pas à moi, alors que j'en ai épousé un autre... Mais vous savez... - dit-elle en redressant la tête - ...J'aime sincèrement Albert! Je l'aime vraiment !...

- Nous n'en doutons pas ma chérie - dit Sœur Maria en remettant de l'ordre dans la coiffure ébouriffée de Candy - Dieu te met seulement à l'épreuve...

Candy écarquilla ses grands yeux larmoyants.

- Aie confiance en notre Seigneur mon enfant - poursuivit-elle doucement en la fixant tendrement - Dieu se joue souvent des hommes pour tester leurs limites, mais il sait aussi être juste... Crois en ton destin Candy... Crois en toi et tu y puiseras la sagesse....

- Mais ma Sœur...

- Sœur Maria a raison - fit Melle Pony - Ecoute ton cœur, il saura te guider sur la bonne voie...

- J'ai peur que mon cœur ne me trahisse !... - gémit Candy.

- Tu as peur d'un rêve Candy... - répondit Sœur Maria - d'un rêve qui ne se réalisera jamais... Dieu a donné un cœur aux hommes pour leur permettre d'aimer... Il n'y a pas de honte d'aimer... tant que l'on ne ment pas à soi-même... De quoi as-tu peur Candy ? Vous ne vous êtes même pas parlé...

- 'ai peur... J'ai peur - sanglota Candy - J'ai peur de l'aimer plus que mon mari!...

- Qui t'interdit de l'aimer excepté toi Candy ? - dit fermement Sœur Maria - Crois-tu être la seule sur terre à avoir ces errances de sentiments? Sache que les confessionnaux croulent sous ce genre de démonstrations sentimentales ! Telle est la faiblesse humaine et tu en subis la triste expérience...

- Mais que vais-je faire ? - fit Candy dans un cri de désespoir - Je ne veux pas faire souffrir Albert ! Je l'aime et le respecte trop pour cela...

- Il ne te reste plus qu'à lutter pour ton bonheur... Tu connais ta faiblesse... Ecoute ton cœur... Il saura la combattre...

- Je voudrais pouvoir vous croire, Ma Sœur - soupira Candy - Comme vous l'avez dit, je connais ma faiblesse... Celle de ne pas être sûre d'être de taille à résister à cet amour qui me lie à lui !...

- Tu ne le sauras que le jour où vous serez confrontés l'un à l'autre...

- Candy lui jeta un regard désespéré et redoubla de sanglots. Melle Pony, bouleversée, la prit dans ses bras pour la consoler, la berçant comme lorsqu'elle était enfant.

- Tu devrais aller te coucher maintenant ma chérie ! Tu m'as l'air épuisée ! La nuit porte conseil tu sais...

- Vous avez raison Melle Pony - fit Candy en reniflant - Je me suis laissée emporter par mes émotions... Bonne nuit à toutes deux - dit-elle en les embrassant.

Lasse et fatiguée, Candy traversa lentement la pièce et ouvrit la porte qui menait sur le couloir de sa chambre à coucher. Elle se retourna une dernière fois et leur sourit tristement avant de fermer la porte derrière elle. Melle Pony et Sœur Maria attendirent qu'elle se fut suffisamment éloignée pour se lancer dans leurs commentaires.

- Je me fais beaucoup de souci pour Candy - commença Sœur Maria - Je doute qu'elle soit suffisamment forte pour résister au mirage de l'amour...

- Ce n'est pas un mirage - riposta doucement Melle Pony en allant vers la fenêtre - Ces enfants sont faits pour s'aimer... Je l'ai su à la première minute où il est entré chez nous...

- Je crains que vous ayez raison... - soupira Sœur Maria en se remémorant le jour où Terry leur avait rendu visite - Il semblait si troublé d'être parmi nous, mais si heureux en même temps... Il a manqué en oublier son manteau en partant, malgré le vent glacial qui cinglait et la neige qui tombait à gros flocons...

- On voyait dans ses yeux qu'il ne vivait que pour l'aimer...

- Je vous trouve bien romantique ! - observa avec ironie Sœur Maria.

- J'aime les belles et tragiques histoires d'amour... - dit Melle Pony en baissant les yeux - Quand on a la chance de vivre une passion comme la leur, qui pourrait leur reprocher de ne pas savoir y résister?...

- Que Dieu leur vienne en aide - dit Sœur Maria en implorant le ciel - Lui seul est à même de les unir ou de les séparer... Ce n'est pas à nous de juger...

- Qu'il veuille bien nous entendre... - murmura Melle Pony, une de ses éternelles larmes roulant sur sa joue fripée...

La semaine s’était écoulée paisiblement. Albert était reparti depuis quelques jours à Chicago pour affaires et avait prévu de revenir chercher Candy et leur fils le week-end suivant.. On n’avait plus reparlé de Terry. Soeur Maria et Melle Pony considéraient qu’elles s’étaient suffisamment immiscées dans l’intimité de Candy. Cette dernière semblait d’ailleurs peu disposée à se confier de nouveau, vu l’énergie qu’elle déployait à paraître gaie et à s’amuser avec les enfants de l’orphelinat. Ces quelques jours passés à la Maison Pony lui avait permis d’oublier ses problèmes personnels, retrouvant le plaisir de s’occuper des autres, leur apportant soutien et réconfort, comme lorsqu’elle travaillait en tant qu’infirmière. Les petits pensionnaires le lui rendaient bien, trop heureux qu’ils étaient d’avoir une troisième maman pour prendre soin d’eux. Candy avait l’impression de revenir quelques années en arrière en observant Arthur et ses camarades. Elle réalisait combien elle avait été heureuse en ce temps là, loin de l’environnement luxueux et superficiel des André qui l’avait plongée dans une oisiveté passive dans laquelle elle s’était étrangement complu. Souffrant terriblement de sa rupture avec Terry, elle s’était lancée dans une quête absolue du bonheur, s’investissant corps et âme dans tout ce qu’elle entreprenait, recherchant cette satisfaction à travers celle que lui renvoyaient les autres jusqu’à ce qu’elle parvienne à trouver un jour la sienne. En s’unissant à Albert, elle s’était sentie libérée, car elle avait trouvé ce qu’elle cherchait. Elle pouvait enfin cesser de vouloir oublier à tout prix, puisqu’elle était désormais heureuse auprès de son prince. Choyée par Albert et mère comblée, elle ne s’était pas rendu compte du temps qui passait, ni de l’isolement dans lequel elle s’était cloîtrée, tellement elle voulait préserver et protéger cette aisance dans laquelle elle évoluait. Aisance bien fragile qui, tel un château de cartes, menaçait au moindre souffle de s’effondrer. Elle avait ainsi bâti une forteresse autour de son existence, omettant simplement d’en construire une autour de son coeur, s’étant naïvement convaincue que ce garçon qu’elle avait follement aimé dans sa jeunesse, ne deviendrait plus qu’un lointain souvenir, la France, puis à présent Lakewood étant trop éloignés de New-York et le monde trop vaste pour que leurs chemins se croisent à nouveau. La visite inopportune de Terry avait certes rouvert des plaies qu’elle croyait fermées sinon guéries, mais surtout réveillé son esprit combatif et rebelle. Elle avait décidé de réagir et de cesser de s’apitoyer sur son sort. Elle voulait rapidement retourner à Chicago pour enfin suivre sa vraie nature et redevenir la Candy qu’elle avait été auparavant, faisant fi de ses états d’âme pour ne se consacrer qu’à son prochain. Le sort voulut une nouvelle fois s’assurer de ses bonnes résolutions, en s’employant à la mettre à l’épreuve dans le jeu pervers et cruel qu’il lui destina le matin précédant son départ pour Chicago...

Ce matin là, Candy fut réveillée plus tôt que d’habitude par un Arthur visiblement soucieux.

- Arthur ??? Que se passe-t-il mon chéri ? Tu as fait un cauchemar ? - demanda Candy en baillant.

- Maman, c’est Capucin, je n’arrive pas à le réveiller ! - répondit le petit garçon.

- Il doit encore avoir sommeil, voilà tout... - fit Candy en se levant et en se dirigeant vers le dortoir.

Elle poussa délicatement la porte, en prenant soin de ne pas réveiller les autres enfants et aperçut dans l'obscurité faiblissante son fidèle compagnon, couché sur le lit de son fils enroulé comme un escargot. Elle s'approcha de lui et lui caressa tendrement le pelage.

- Capucin, mon ami ? - fit-elle en le remuant doucement.

Il semblait profondément endormi. Elle s'étonna cependant de la froideur de son corps malgré les rayons du soleil matinal qui l'enveloppaient. Une pensée terrible lui traversa l'esprit. D'une main tremblante, elle souleva la patte du raton laveur qui retomba lourdement.

- Oh NON !… - murmura-t-elle, les larmes aux yeux - Ne me laisse pas !!!…

- Maman ?! - s'écria Arthur, d'une voix chevrotante - Il n'est pas… Dis-moi ! Il n'est pas…?! N'est-ce pas ?

- Je suis désolée mon chéri !… - répondit-elle, incapable de réprimer un sanglot - Capucin s'est endormi… pour toujours…

- NON ! NON!!! - hurla l'enfant en se blottissant contre sa mère - Fais-le revenir, je t'en supplie!!! - l'implorait-il en s'écartant d'elle, ses grands yeux bleus noyés de larmes.

- Je ne peux pas !!! - fit-elle impuissante - Je donnerais cher pour pouvoir le ramener parmi nous!

Serrés l'un contre l'autre, ils laissèrent échapper leur désespoir, ayant tous d'eux perdu leur meilleur ami, camarade de jeu d'Arthur depuis sa naissance, et compagnon des bons et mauvais jours de Candy. Elle sentit tout à coup une main affectueuse se poser sur son épaule. C'était Melle Pony, qui alertée par leurs cris, était venue voir ce qui se passait. Plongés dans leur peine, ils n'avaient pas remarqué les enfants qui les entouraient et qui pleuraient eux aussi à chaudes larmes.

- Melle Pony !!! - s'écria Candy, retrouvant en un instant sa voix de petite fille.

La vieille dame lentement s'approcha d'eux, les enlaçant de ses petits bras fatigués, dont la chaleur réconfortante savait apaiser les âmes les plus torturées.

- Aujourd'hui est un triste jour… - dit-elle, ses petits yeux fendus brillant de larmes difficiles à contenir - Capucin nous a quitté… Il est allé rejoindre les êtres chers que nous avons aimés et perdus, dans ce monde merveilleux là haut dans les nuages… Tu es malheureux - poursuivit-elle en s'adressant à Arthur - car tu vois dans la mort une fin en tout… Mais détrompe-toi mon enfant, si Capucin n'est plus là physiquement, il le reste au fond de ton cœur… C'est en pensant aux êtres que nous aimons que nous continuons à les faire vivre… Il est maintenant près de Dieu qui prend soin de lui…

- Balivernes !!! - s'insurgea-t-il, le visage mouillé de pleurs mais les yeux brillant de colère - Vous ne me ferez pas avaler ces sornettes!!! Votre Dieu m'a pris mon ami et je le hais !!! - hurla-t-il en s'enfuyant.

- Arthur !!! - fit Candy en essayant de le retenir.

- Laisse-le s'en aller - lui dit doucement Melle Pony - Il a besoin de rester seul. Ce n'est pas facile pour un enfant de son âge d'accepter la mort…

- C'est difficile à n'importe quel âge - fit Candy en sanglotant - Oh Capucin !!! - s'écria-t-elle en se couchant sur le corps inerte du pauvre animal.

Il lui revenait en mémoires d'innombrables souvenirs, des moments de complicité qu'elle n'avait partagés qu'avec lui. Capucin, témoin de ses plus intimes secrets, qui avait su par sa présence mais aussi par l'affection qu'il lui prodiguait, l'aider à surmonter les obstacles que la vie lui avait si cruellement réservée...

- Tu les as rejoint désormais - lui murmura-t-elle en songeant à Anthony et Alistair - Dis-leur que je vais bien… Et prends bien soin d'eux maintenant…. Tu vas terriblement me manquer, mon ami !!!

On enterra Capucin en fin de journée, sous le grand chêne, à l'heure des adieux grisonnants du couchant. Les enfants avaient fabriqué une petite boite en planches que Candy avait remplie de fleurs des champs et de quelques pétales de roses qu'elle avait ramassés en compagnie d'Arthur. Ce dernier n'avait pas ouvert la bouche de la journée, s'enfermant dans un mutisme qui inquiétait Candy. Ce n'est que devant la tombe de son ami, quand on eut recouvert le trou de terre et posé la croix, qu'il sortit de sa petite poche un collier de glands de sa fabrication et le posa sur le bout de bois.

- J'ai aussi quelque chose d'autre pour toi… - dit-il en courant vers la maison Pony. Il revint quelques instants plus tard, les bras chargés de la cornemuse qu'Albert avait laissée pour lui avant son départ. Comme l'instrument était un peu trop grand pour lui, il s'assit et entreprit de jouer.

- C'est papa qui m'a appris ce morceau - dit-il à l’attention de sa mère - Cela s'appelle "Le renouveau des défunts"… J'accompagnerai ainsi son âme dans son dernier voyage…

- A bientôt, mon ami !… - murmura-t-il tristement en prenant son souffle.

Les notes de cornemuse, comme des plaintes, s'élevèrent vers les hauteurs du chêne, se mêlant à ses branches qui vibrèrent en écho. Candy ne put retenir ses larmes en regardant son petit garçon, tragiquement stoïque dans son exercice, exécutant de ses petites mains un des plus beaux airs qu'elle ait jamais entendus. Elle se rappelait cette émouvante mélodie que l'on avait jouée lors du décès d'Anthony, puis d'Alistair. Comme en ces tristes moments, il lui semblait qu'on lui arrachait le cœur. Puis la musique se tut. Il ne restait plus que le vent du soir qui venait souffler à cet endroit comme de coutume, un vent qui leur parut à tous glacial et malvenu. Melle Pony et Sœur Maria firent signe aux enfants de partir sans bruit afin de laisser Candy et son fils se recueillir seuls devant la tombe de leur ami. Arrivées aux abords de la maison, elles se retournèrent, posant une dernière fois leur regard bienveillant sur ces deux fragiles silhouettes, blotties l'une contre l'autre, leurs corps courbés sous le poids de leur chagrin que soutenait une petite croix de bois…

 

- Il s’est enfin endormi ! - dit Candy en poussant la porte de la salle à manger. Elle alla se servir un tasse de thé brûlant qui réchauffait sur la cuisinière et vint s’asseoir aux côtés des deux femmes devant la cheminée - Je me demande si je ne devrais pas retarder mon départ pour Chicago. Arthur est si bouleversé...

- Ne te fais pas de souci - la rassura Melle Pony - Nous allons bien nous occuper de lui pendant ton absence. Cela vous fera du bien de vous éloigner l'un de l'autre. Il ne verra pas ainsi le chagrin sur ton visage et cela l'aidera à surmonter la mort de Capucin.

- Vous croyez ?… - fit Candy sceptique.

- Aie confiance en nous - ajouta Sœur Maria - Tu as grand besoin de changement. Ton travail à Chicago t'occupera les pensées, t'apportera de nouvelles satisfactions, et quand tu reviendras à la fin de l'été pour la rentrée des classes d'Arthur, il retrouvera une maman transformée.

Candy soupira, l'air pensive.

- Veuillez m'excuser, mais c'est l'heure de ma prière - dit Sœur Maria suivie un bruit de chaise que l'on recule - Je vais moi aussi m'assurer que Dieu prend bien soin de notre petit Capucin…

La sœur quitta la pièce pour aller se recueillir à la chapelle, non sans poser en passant une main affectueuse sur l'épaule de Candy.

- A demain, Ma Sœur - dit Candy en souriant tendrement - Je pense que je serai couchée à votre retour…

- Repose-toi bien ma chérie, tu en as besoin. A demain.

Candy émit un soupir las quand Sœur Maria eut fermé la porte.

- Albert me manque énormément en cet instant, Melle Pony. Je suis impatiente de son retour demain. Je regrette seulement de me plaindre de son absence uniquement quand j'ai besoin de lui… Croyez-vous que je l'aime vraiment ?

- Bien sûr que tu l'aimes, mon enfant. Mais l'amour revêt de multiples facettes. On aime chaque personne de façon distincte puisque chaque relation est différente.

- Vous savez Melle Pony… Excusez mon audace, mais je vous trouve très informée sur le sujet…

Melle Pony fronça du sourcil avec étonnement et s'éclaircit la gorge avec embarras.

- Oh, excusez-moi ! - fit Candy en remarquant la confusion de la vieille femme - Je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise…

- Cela ira - répondit-elle en souriant - Je peux bien t'en parler à toi. Nous sommes si proches toutes les deux. Et puis il y a si longtemps de cela maintenant….

- Racontez-moi, Melle Pony… - fit Candy en lui prenant la main.

La vieille femme se leva et alla à la fenêtre. Elle aimait bien cet endroit quand elle avait quelque chose d'important à annoncer, car de leur place, les gens ne pouvaient voir son visage, ou du moins ne parvenaient-ils qu'à distinguer une ombre dans le reflet de la vitre. Elle se sentait ainsi protégée du regard des autres, mais elle ne craignait pas celui de Candy, car elle savait qu'elle saurait la comprendre mieux que quiconque…

- Je venais d'avoir 18 ans…- commença-t-elle - J’avais terminé mes études et trouvé un emploi de préceptrice auprès du fils d'un notable important de Boston. L'enfant était charmant… Mais le père l'était encore plus… Je l'ai aimé dès le premier regard que nous avons échangé. Je l'aimais comme on aime à cet âge là, avec passion et démesure… Je gardais pendant de longs mois mon amour secret car je le savais marié bien que sa femme soit souvent absente… C'était un mariage arrangé qui n'allait pas très bien… Un jour, profitant de l'éloignement de son fils, il m'embrassa sous la verrière, parmi les iris et les magnolias… J'ai ainsi su qu'il m'aimait aussi… pour notre malheur… Il était près à tout sacrifier pour moi, son nom, sa fortune, sa réputation… Nous étions fous… fous amoureux… Quand il a informé son épouse de sa décision de divorcer, elle lui a juré qu'elle ferait tout son possible pour lui enlever la garde de leur fils et qu'il ne le reverrait jamais. Elle a même menacé de se suicider ! Je n'ai pu supporter cela et je suis partie le lendemain. Je ne voulais pas qu'il souffre par ma faute... Je ne l'ai jamais revu. Il doit être mort à présent...

- Oh, Melle Pony!.. - fit Candy avec compassion en s'approchant d'elle.

- …Je me suis réfugiée chez les carmélites qui ont bien voulu m'accueillir en laïque. J'y ai fait pénitence pendant plus d'une année, incapable étais-je de me pardonner ma faute… Et puis, je suis partie et je suis arrivée ici, dans cette région isolée du Michigan. Comme j'étais la femme d'un seul homme et que je ne pourrais jamais avoir d'enfant de lui, j'ai décidé d'ouvrir un orphelinat, et ainsi de m'occuper d'enfants qui n'avaient plus leurs parents. Je pouvais alors leur donner tout l'amour que j'avais en trop… Puis Sœur Maria est venue me rejoindre et tu connais la suite…

- Votre histoire est si triste Melle Pony ! - fit Candy, la gorge nouée - J'ignorais que vous aviez autant souffert dans votre jeunesse…

- Je ne m'en suis jamais vraiment remise - répondit tristement la vieille femme en se retournant - Je me suis consacrée toute ma vie aux autres dans l'espoir d'oublier, et puis... Ton histoire a réveillé en moi ces tristes souvenirs. Je me suis revue en toi, et je ne peux que partager ta peine et ton désarroi. Si tout était plus simple, je te dirai de partir le retrouver, mais tu es mariée et mère d'un enfant...

- Je sais, Melle Pony, j'en suis bien consciente. C'est une lutte permanente. Je sais qu'il ne se passera jamais rien entre Terry et moi, mais je ne peux m'empêcher de culpabiliser de continuer à éprouver des sentiments pour lui alors que je suis l'épouse d'un autre.

- Il te faudra accepter de vivre avec cela, ma chérie, si tu ne veux pas te perdre. Tu peux contrôler tes agissements, mais pas ce que tu ressens pour quelqu'un. Tu en as le droit, tu sais... C'est humain...

- Oh, Melle Pony!... - gémit Candy, larmoyante - Vos paroles sont d'un tel réconfort! Merci !... J'agirai au mieux, je vous le promets.

- Tu n'as pas besoin de me le dire, je le sais déjà, ma petite. Tu as toujours fait passer le bonheur des autres avant le tien, et tu ne dérogeras pas à la règle. Albert a bien de la chance d'être ton époux...

- Je vous surprends encore à bavarder ! - les interrompit sur un ton taquin Sœur Maria qui revenait de sa prière - Tu n'es pas encore couchée Candy ?…

- J'allais y aller Ma Sœur… - répondit Candy en baissant les yeux - Bonne nuit à toutes les deux!

- Bonne nuit, ma chérie - lui chuchota Melle Pony quand elle vint l'embrasser - Ecoute ton coeur et tout ira bien...

Candy se coucha l’esprit confus, les paroles de Melle Pony revenant sans cesse en un écho lancinant. Elle se tourna puis se retourna dans son lit, incapable de trouver le sommeil. Elle se refusait pourtant à cette évidence, qu’elle aimait un autre homme alors qu’elle était l’heureuse épouse d’un mari merveilleux. Son bonheur avec Albert n’avait pas de prix. Mais qu’en serait-il s’il en avait été autrement ? Quelle valeur aurait-elle pu donner à son union avec Terry ? Son coeur parlait pour elle par la douleur intérieure qu’il lui témoignait à la simple évocation de cet impossible hypothèse. Elle frissonna en pensant à sa réaction si Terry devait se présenter de nouveau devant elle. De toute façon, elle devait se rendre à l'évidence. Il ne se passerait jamais rien entre eux, ce n'était même pas envisageable. Elle aimait Albert et lui avait juré fidélité. Ils avaient eu un adorable fils ensemble. Elle ne pouvait pas tout briser pour un merveilleux rêve qui s’était achevé plus de dix ans auparavant, sous la neige et le vent glacial de New York. C’est sur ces bonnes intentions qu’elle ferma les yeux et s’endormit.

"Un rêve, Tu n'as été qu’un beau rêve, Terry..." - murmura-t-elle en sombrant tout doucement dans le sommeil, une larme solitaire venant rouler et mouiller son oreiller....

 

Terry poussa la porte du salon et aperçut, au fond de la pièce, son épouse endormie, allongée sur un large canapé de velours sombre, quelques oreillers aux motifs colorés lui calant la tête et le dos. Il eut un pincement au coeur en observant sa frêle silhouette en contre jour, les mains posées sur son ventre qui s’était considérablement arrondi. Il s’étonnait toujours devant la propension qu’avaient les femmes à adapter leur corps aux exigences de la nature. Il s’approcha silencieusement d’elle et vint déposer un baiser sur son front. La grossesse lui allait bien, ayant même rosi son teint qu'elle avait originellement très pâle.

- Oh, c’est toi Terry ? - fit-elle en ouvrant les yeux - Comme je suis heureuse ! Comme tu m’as manqué !!!

- Comment vas-tu Suzanne ? - demanda-t-il en s’agenouillant à ses côtés.

- Je vais très bien, tu vois - dit-elle en se redressant, les yeux brillants de larmes de joie - Le bébé grandit et il remue tu sais ! - fit-elle en prenant la main de Terry pour la poser sur son ventre.

Instinctivement, Terry s'écarta.

- Que t'arrive-t-il ? - demanda Suzanne, blessée par le comportement froid et distant du jeune homme.

- Excuse-moi - dit-il en fuyant son regard - J'ai encore beaucoup de mal à me faire à cette idée…

- Je pensais que t'éloigner de moi t'aurais permis de réfléchir et d'accepter cette réalité… Je vois qu'il n'en est rien… - dit-elle tristement, les mains crispées sur la couverture qui lui couvrait les jambes - Pourtant, il n'y a pas de mal à avoir un enfant après toutes ces années que nous vivons ensemble…

- Tu sais très bien que je n'en voulais pas ! - répliqua-t-il , glacial, en allant se servir à l'autre bout de la pièce, un verre d'alcool au bar .

- Il ne s'est pas fait tout seul que je sache ! - s'écria-t-elle moqueuse - Tu as une grande part de responsabilité dans cette affaire !

- Une affaire, tu as employé le mot juste Suzanne ! - lança Terry en se retournant avec une moue de dégoût - Voilà à quoi se résume notre relation, une affaire, un accord passé entre toi, moi et ta sainte mère pour que je m'occupe de toi afin de payer ma faute d'être encore en vie et de t'avoir fait perdre une jambe !…

- Terry !… - s'écria-t-elle, désespérée, le visage plongé dans ses mains - Tais-toi, je t'en supplie!!!

- Me taire ? Pourquoi donc ? Parce-que tu n'aimes pas entendre la vérité Suzanne ? Comment appelles-tu notre relation alors ? De l'amour ???

- Oui, de l'Amour !!! Car moi je t'aime Terry !!!

- Tu m'aimes au point de m'avoir emprisonné toutes ces années en brandissant la menace du suicide !…

- C'est faux !!! - gémit-elle en sanglotant - Je t'ai proposé d'aller la rejoindre ce soir là, mais tu m'as répondu que tu avais fait ton choix et que tu m'aimais !…

- Je voulais m'en convaincre… - marmonna-t-il en avalant une gorgée de whisky - Je ne voulais pas que tu en profites pour te jeter de nouveau du haut d'un immeuble ou sous une voiture dès que j'aurais eu le dos tourné !… Tu savais très bien manier les cartes de la sensiblerie !

- Comment… - ajouta-t-il avec mépris - Comment peux-tu te contenter des miettes que je te donnes ? N'as-tu aucune fierté ?..

- Mais Terry, j'ai tout fait pour que tu m'aimes !!!

- C'est vrai, tu as tout fait pour me laisser traîner cette culpabilité permanente qui me ronge l'âme depuis tout ce temps en restant clouée sur ce fauteuil roulant pour me rappeler ce que je te dois !…

- Tu es injuste ! Je n'ai pas d'autre moyen pour me déplacer !…

- Et qu'as-tu fais de cette jambe artificielle que j'ai fait venir tout spécialement d'Angleterre ? Tu ne l'as jamais essayée car tu savais qu'elle te remettrait sur pied. N'étant amputée qu'au-dessous du genou, tu aurais très rapidement appris à remarcher avec un peu de rééducation, et tu serai devenue pareille aux autres. Tu aurais pu remonter sur les planches et rejouer à mes côtés. Mais tu avais trop peur de me renvoyer l'image d'une femme autonome ce qui aurait pu m'éloigner de toi… Plutôt que de prendre ta vie en main, tu as préféré continuer à m'inciter à la pitié à ton égard pour me forcer à rester près de toi!

- De la pitié, c'est donc tout ce que je t'inspire ?… - agonisait-elle.

- Pour notre malheur, j'en suis même parvenu au stade de l'indifférence… - dit-il d'un ton mort.

- Tu l'as revue, c'est cela !!! - s'exclama-t-elle dans une ultime joute - Voilà pourquoi tu me dis toutes ces choses horribles maintenant ! Voilà pourquoi tu ne m'as pas donné de nouvelles durant des semaines !…

- Ne sois pas ridicule ! - fit-il sur la défensive - Pourquoi la reverrai-je, elle vit en France, et tu sais bien qu'elle est mariée…

- Figure-toi que j'ai appris qu'elle était rentrée depuis peu ! Je vis dans l'inquiétude depuis ce jour ! - sanglotait-elle - Je sais que tu l'aimes encore et qu'elle t'aime aussi !!! C'est bien pour cette raison que j'ai voulu en finir car je ne supportais pas l'idée que tu sois à une autre !!!

- Ta confession ne me surprend guère Suzanne - soupira-t-il amer - Elle n'est que la confirmation de ton égoïsme. Tu prétends m'aimer, mais quand on aime vraiment, on aime sans rien attendre en retour…

"Comme m'aimait Candy…" - pensa-t-il - "…qui n'a pas hésité une seule seconde à se sacrifier pour me laisser libre de faire un choix, le choix de Suzanne… Quel idiot j'ai été de croire que tout serait plus simple ensuite, qu'il suffisait de le vouloir pour aimer quelqu'un… Mais quand on a connu et aimé quelqu'un comme Candy, on ne peut plus jamais l'oublier !…"

- Je m'en veux tellement !!! - se lamentait-elle, cherchant dans le regard de Terry une lueur de compassion - Mais tu es toute ma vie !!! Si je te perdais, j'en mourrais !!!! - hurla-t-elle en appelant de sa main tendue un geste tendre de la part du jeune homme qui l'observait immobile.

- Cela suffit ! - jeta-t-il impassible - Je suis las de tes jérémiades incessantes ! Tu es pitoyable!

- Terry !!!… - cria soudain Suzanne en se tordant de douleur.

- Suzanne !!! Que se passe-t-il ??? Réponds-moi !!! - fit-il en se précipitant vers elle, alors qu'elle glissait inanimée dans ses bras, les yeux révulsés.

Pris de panique, Terry se rua dans le couloir afin d'alerter un domestique pour qu'il appelle de toute urgence un médecin.

- Suzanne !!! Je t'en supplie !!! Réveille-toi !!! - l'implorait-il de retour auprès d'elle.

- Qu'ai-je fait !!! Mon Dieu, qu'ai je fait !!! - répétait-il en serrant désespérément contre lui le corps inerte de la jeune femme…

 

- Comment va-t-elle Docteur ? - demanda Terry avec inquiétude au médecin qui sortait de leur chambre.

- Elle va bien. Elle s'est endormie… Ce n'était qu'une alerte…

- J'ai eu si peur !!! -gémit Terry dans un sanglot étranglé - J'ai cru qu'elle était …

- Allons, Allons… - fit le docteur en secouant l'épaule du jeune homme - Reprenez-vous… Je vous assure qu'elle va bien maintenant… Il faut simplement lui éviter toute émotion supplémentaire. Les femmes enceintes sont très sensibles vous savez…

- J'aurais pu la tuer !!! - s'écria Terry visiblement choqué en levant des yeux désespérés vers son interlocuteur.

- Calmez-vous… Il arrive souvent qu'à ce stade de grossesse des contractions douloureuses se fassent ressentir… Votre dispute n'a fait qu'accélérer les choses, voilà tout… C'est pourquoi je vous suggère de modérer vos propos désormais… Il faut prendre des précautions… L'enfant est loin d'être à terme…

- Ma présence ici n'est peut-être pas le meilleur remède… - soupira Terry.

- J'en conviens - opina le médecin - Un nouvel éclat, un nouveau choc, et cela pourrait devenir dangereux pour la santé du bébé mais aussi pour la sienne…. Vous devriez vous éloigner d'elle, le temps que naisse l'enfant… Cela vous permettra de réfléchir… Venez, allons dans le salon, nous en discuterons plus tranquillement…

 

- Terry ? - fit Suzanne en ouvrant les yeux.

Pour toute réponse, elle n'obtint que la fraîche sensation d'un linge humide sur son visage. Elle battit des paupières pour se libérer du voile opaque qui lui gênait la vue et aperçut sa mère penchée au-dessus d'elle.

- Maman ?… Où est Terry ? - demanda la jeune malade.

- Là… Tout va bien… - répondit Mme Marlowe en caressant le front de sa fille.

- Où est Terry ??? - répéta Suzanne avec agitation.

- Il est parti… - dit-elle embarrassée - Cet ignoble personnage t'a une fois de plus abandonnée… Si j'en avais le pouvoir - s'emporta-t-elle - je le ferais ligoter à ton lit pour qu'il ne s'échappe plus, et je le traiterais moins qu'un chien !…

- Parti ?… - fit Suzanne en ignorant les paroles haineuses de sa mère, une impression de vide l'envahissant soudain - Mais pour aller où ?

- Je l'ignore ma fille ! Je suis bien la dernière personne à qui il fait des confidences, tu penses bien ! Ce lâche a même ordonné que l'on me fasse part de ton état qu'après son départ!… Il est méprisable !

- Qu'est-ce que c'est ? - demanda Suzanne en remarquant une enveloppe posée sur la table de chevet.

- C'est une lettre qu'il a laissée pour toi. Tu veux que je te la lise ?

- Non merci, j'y arriverai bien toute seule - dit Suzanne en attrapant le mot - Je voudrais que tu me laisses à présent, Maman…

- Mais ma chérie… - fit Mme Marlowe, interloquée.

- S'il te plait Maman… - fit-elle, plus fermement cette fois.

- Bon, si tu y tiens… - dit-elle contrariée - Si tu as besoin de moi, je serai dans la pièce à côté…

Suzanne attendit que sa mère ait disparu pour ouvrir d'une main tremblante la lettre de Terry. Comme à son habitude, il avait rédigé quelques lignes qui résumaient succinctement son état d'esprit.

"Suzanne,

Pardonne-moi, les mots ont dépassé ma pensée… Je ne sais pas ce qui m'a pris de te parler ainsi. J'aurais souhaité que nos retrouvailles se passent dans les meilleures conditions qui soient et j'ai tout gâché… La naissance de notre futur enfant me bouleverse tellement que mes sentiments à cet égard sont exacerbés et incontrôlables.

Je crois qu'il vaut mieux que je parte de nouveau quelque temps pour faire le point mais surtout pour vous protéger de moi. le docteur est de mon avis. Je reviendrai dans quelques semaines, quand le bébé sera prêt à arriver. Mes pensées vous accompagneront où que je sois...

Terrence"

"Une fois de plus ta lettre est courte Terry, bien trop courte…" - se dit-elle en repliant la lettre, de grosses larmes brûlantes roulant sur ses joues - "Pourquoi m'as-tu abandonnée?!!!" - fit-elle en sanglotant - "J'ai tellement besoin de toi ! Je t'aime tant que je suis prête à tout accepter de toi, même ton mépris, même ta distance, du moment où je te sais près de moi…"

"Car tu es à moi… - poursuivit-elle dans son délire - Je me suis sacrifiée pour toi !.. Et cela te hantera toute ta vie ! C'est pour cela que tu me reviendras… Comme à chaque fois, tu me reviendras… S'il le faut, j'userai de lui pour t'y obliger…" - se persuada-t-elle en posant une main complice sur son ventre qui venait de bouger…

© Leia novembre 2006