Joyeux Noël, ma douce Candy !
Par Leia

 

Candy referma la porte du dortoir sur les enfants endormis. Ils pouvaient se reposer paisiblement à présent. Mr Cartwright, le propriétaire de la maison Pony, très ému par le spectacle de Noël que Candy et les enfants leur avaient présenté, était finalement revenu sur sa décision et avait décidé de ne pas détruire l'orphelinat.  Mademoiselle Pony et Soeur Maria avaient crié de joie en apprenant la nouvelle. Elles s'étaient tant résignées à l'inévitable qu'elles avaient encore du mal à croire que leur cauchemar était terminé. Candy leur avait prouvé, une nouvelle fois, que l'on pouvait faire fléchir quelqu'un en sachant atteindre son âme - si tant est qu'il en ait une!... Elle restait en conséquence dubitative sur la capacité de remise en question de Daniel et Elisa Legrand, qui, malgré toute sa bonne volonté et sa meilleure intention, semblaient des cas désespérés. Depuis qu'elle avait décidé de vivre loin d'eux et de leurs manigances, l'air était beaucoup plus respirable, et le quotidien de Candy bien plus tranquille. Cette tranquillité restait malgré tout troublée par le souvenir omniprésent d'Anthony, dont la perte au début de l'automne, avait laissé dans son coeur un vide abyssal. Comme il lui manquait et comme il était douloureux de penser à lui sans pleurer ! Elle s'était pourtant jurée d'être courageuse et de lui montrer qu'elle continuait à avancer dans la vie, même sans lui... Comme cette veille de Noël lui semblait triste en son absence ! Dire que si Anthony avait été vivant, elle se trouverait à ses côtés, valsant à son bras au bal de la veillée de la majestueuse demeure de Lakewood.... Elle aurait pu sentir la chaleur de sa main au creux de la sienne, se noyer dans le bleu azur de ses yeux et  écouter son doux sourire lui prononcer des mots tendres. Mais tout ceci était destiné à ne jamais arriver. Ce n'était qu'un beau rêve auquel elle devait cesser de penser. Bouleversée, des larmes brûlantes vinrent ondoyer alors au bord de ses jolis yeux émeraudes. Il était temps qu'elle aille se coucher et qu'elle essaie de dormir, pour ne plus penser...

Elle poussa la porte de sa chambre en soupirant tristement et se dévêtit  pour mettre sa chemise de nuit. Une dernière fois, elle voulut saluer la rose "tendre Candy" qu'Anthony lui avait offert pour son anniversaire. En ce début d'hiver, elle se trouvait à l'état de bouton et somnolait dans son pot sur un petit guéridon devant la fenêtre. Elle s'approcha de la fleur et effleura du bout des doigts les feuilles dentelées qui frémirent sous son contact.

- Bonne nuit, ma tendre rose ! Repose-toi bien pour qu'éclosent de belles fleurs au printemps !

Candy se dit qu'elle pourrait bien l'abreuver d'un petit verre d'eau avant d'aller se mettre au lit. Elle n'était jamais trop aux petits soins de sa fleur bien-aimée. Elle avait de cette façon l'impression intime de rester en contact avec Anthony. Faire vivre sa fleur, c'était comme continuer à le faire vivre, lui... Au moment où elle prenait la carafe sur le guéridon, une étrange lueur provenant de l'extérieur l'interpella. Elle descendait du ciel, se détachant des autres étoiles, et se rapprochait en grossissant, se déployant dans un éclat aveuglant au point d'en cacher les barrières qui délimitaient le champ sur lequel se trouvait la maison Pony.  Candy se frotta les yeux. Il lui semblait distinguer une silhouette dans cette lumière, une silhouette familière qui marchait vers elle. Arrivée à sa hauteur, Candy ne put que constater la présence bien réelle de l'étrange silhouette devant elle. Les battants de la fenêtre s'ouvrirent tout d'un coup sans qu'elle ait esquissé le moindre geste et une brise légère aux fragrances de roses envahit la pièce. La silhouette lui fit signe de la suivre. Etrangement, Candy n'éprouva aucune crainte et enjamba lestement la fenêtre. Elle marcha en direction de l'apparition et remarqua que la neige sous ses pas se transformait en herbe verdoyante mouchetée de fleurs multicolores. Des arbres aux feuillages épais se dressaient autour d'elle en couronne, d'où le soleil se diffusait à travers en éclats chatoyants. Elle reconnaissait le lieu pour s'y être réfugiée à bien des occasions en quête de réconfort. 

- Bonsoir Candy, comment vas-tu ? - fit une voix identifiable entre toutes, une voix qui s'était tue depuis quelques mois mais qui habitait son esprit en permanence...

La jeune fille se retourna, toute tremblante. Elle écarquilla les yeux de stupéfaction. Un sanglot étouffa le cri de surprise qu'elle allait émettre, son regard se troubla d'émotion. La vision irréelle dont elle était témoin ne pouvait être ! C'était impossible !!! Ces yeux couleur azur, ces traits séraphiques qu'elle avait si souvent admirés, ce doux sourire...  Son coeur battait à tout rompre si bien qu'elle crut qu'il allait exploser ! 

- - An... Anthony !!! C'est toi ? - finit-elle par prononcer avec difficulté.  Tourneboulée, saisie par le choc de ce qu'elle voyait,  elle éclata en sanglots.

- Ce n'est pas amusant, c'est vraiment une blague cruelle ! - fit-elle en secouant la tête pour mettre de l'ordre dans son esprit. - Anthony est mort, tu ne peux pas être mon Anthony !

Un sourire serein se dessina sur la bouche du jeune garçon tandis qu'il se rapprochait. Elle pouvait distinguer les boutons de son costume blanc se soulever au rythme de sa respiration. Elle sentit soudain la paume de sa main contre sa joue. Elle pencha la tête légèrement et une chaleur réconfortante l'envahit. 

- Oh Anthony, est-ce vraiment toi ? - murmura-t-elle en fermant les yeux.

- En doutes-tu encore ? - lui répondit-il en caressant tendrement sa joue. Elle fit non de la tête et ouvrit les yeux tout grand.

Il se tenait là devant elle, c'était à présent une évidence. Il était d'une beauté angélique, son teint diaphane se perdant dans les mèches blondes qui étincelaient autour de son beau visage. Il n'avait rien perdu de l'innocence de son regard azuréen, qui la scrutait avec profondeur comme pour mieux lire dans ses pensées. Comme elle était jolie sa Candy avec ses taches de rousseur qui rosissaient un peu plus à chacune de ses caresses.

- Mais comment se peut-il  que ?... - voulut-elle lui demander tant elle peinait à croire à la réalité de l'instant.

Il posa un doigt sur ses jolies lèvres et fut surpris par ce doux contact. Comme la peau de Candy était douce, il l'avait presque oubliée...

- Chuut !... C'est mon cadeau de Noël !... Je voulais être présent près de toi, Candy, sur cette colline dont tu m'avais tant parlée ! Tu m'as l'air si triste !...

Pour toute réponse, Candy se jeta dans ses bras et l'enserra de toutes ses forces pour mieux le retenir. Elle pouvait sentir les battements de son coeur  à travers l'étoffe de son costume, et la chaleur de son corps envelopper le sien.

- Oh, Anthonyyyy ! - s'écria-t-elle en sanglotant - Tu m'as tant manqué ! Je suis si malheureuse sans toi auprès de moi ! Ne me laisse plus, je t'en supplie !

Le jeune garçon lui releva le menton et elle aperçut une vague de tristesse traverser son beau regard céleste.

- Tu me manques beaucoup toi aussi Candy ! J'aurais voulu rester près de toi plus longtemps, mais la vie en a voulu autrement, c'est ainsi!...

- Oh non ! - gémit-elle en secouant la tête - Ce n'est pas ça la vie ! Chaque chose que j'ai aimée, chaque bonheur que j'ai eu m'ont été retirés brutalement ! Je refuse cette vie là !

Anthony fut secoué d'un petit rire.

- Je reconnais là ton esprit frondeur, ma Candy ! Surtout ne change pas car c'est cette combativité d'esprit qui t'aidera à t'en remettre.

- Mais tu es là à présent !!! Tu ne me quitteras plus, n'est-ce pas ???

Le visage du jeune garçon s'assombrit.

- Je regrette, Candy... C'est impossible... Je n'ai pas beaucoup de temps....

Candy recula d'un pas, un frisson glacial lui parcourant l'échine.

- Mais que vais-je devenir sans toi, Anthony ??? Je n'ai plus de raison de vivre ! Jamais je ne pourrai être heureuse sans toi, ni... ni être capable d'aimer quelqu'un d'autre que toi ! C'est une telle souffrance de vivre sans toi !!!

- Tais ces vilaines paroles, ma Candy, elles ne sont pas dignes de toi !... Si je peux te rassurer, tu apprendras à vivre sans moi, peu à peu ta souffrance s'amenuisera, et je peux même te certifier que tu aimeras de nouveau, et bien plus tôt que tu ne le crois...

La jeune fille le regarda d'un air perplexe, puis secoua la tête négativement.

- Jamais je ne le pourrai !!! Je t'aime trop Anthony pour te remplacer par un autre !

Il caressa de nouveau tendrement sa joue et plongea son regard translucide dans le sien.

- Mais tu ne m'oublieras jamais, Candy !... Je sais que j'aurai toujours une place particulière dans ton coeur, mais je veux que tu vives pour deux, Candy ! Je veux que tu sois heureuse, car si tu l'es, je le serai aussi ! 

- Oh, Anthony, tu me demandes l'impossible ! Comment être heureuse sans toi ?

- Fais moi confiance, Candy, et sois courageuse !... Tu ne seras jamais seule car je serai toujours présent au fond de ton coeur. Tu as tant de choses à accomplir dans ta vie ! Je ne veux plus que tu sois triste ! Je veux que tu profites de la vie, que tu la croques à pleine dent, pour toi, mais aussi pour moi car j'aurai l'impression de la vivre à tes côtés. Promets-le moi, Candy !...

- Je... Je te le promets ! - finit-elle par dire en hoquetant. Elle ne pouvait rien lui refuser.

Anthony se retourna comme si on l'appelait.  Il tressaillit. 

- Je dois m'en aller, Candy. Il est grand temps pour moi de partir et de veiller sur toi, d'une autre façon...

Effondrée, Candy tenta de le retenir par le pan de sa veste, sa main crispée blanchissant aux premières phalanges.

- Oh, Anthony ! - gémit-elle - Ne t'en va pas ! Ne me laisse pas !

- Il le faut, malheureusement !... Sèche tes larmes, ma Candy, et n'oublie pas que je serai toujours présent auprès de toi. Sois heureuse !

Candy hésita un instant, puis opina du chef avec résignation.

- O... Oui, Anthony ! - fit-elle, le menton tremblotant - Je serai heureuse, je te le promets !

Elle s'efforça de lui sourire. Elle ne voulait pas qu'il garde d'elle le souvenir d'une fille en pleurs. 

- Voilà qui est mieux !... - fit-il en essuyant avec son pouce un dernière larme qui coulait sur sa joue - Tu es si jolie quand tu souris !

Elle voulut l'interpeller, une dernière fois.

- Es-tu heureux Anthony ? 

- Je suis très heureux, Candy ! Encore plus à présent car je sais que tu vas aller mieux. Tu sais, un jour nous nous retrouverons. Tu seras une grand-mère qui aura eu des enfants et des petits enfants. Tu auras eu une vie bien remplie. Et le moment venu, je serai là pour t'accueillir, tout comme ma mère était là pour me tendre les bras...

Candy écarquilla les yeux de stupéfaction.

- C'est bien vrai ? Ta mère était là ? Oh, comme je suis contente pour toi !

- Nous ne nous quittons plus depuis. C'est ma consolation de ne plus vivre à tes côtés, Candy...

Un sanglot enfla de nouveau dans la gorge de la jeune fille. Mais elle se ressaisit.

- Je suis rassurée de ne pas te savoir seul, Anthony. J'avais si peur pour toi.

- Ne t'inquiète pas pour moi, Candy. Tout va très bien.

La lumière éclatante enveloppait entièrement le jeune garçon à présent.

- Il faut que je parte, Candy ! Je dois m'en retourner d'où je viens.

Candy acquiesça, résignée. Il lui prit les mains et les baisa tendrement.

- Au revoir, ma Candy ! Prends bien soin de toi, sois courageuse, et surtout, reste la Candy que j'ai tant aimée !

Elle acquiesça tout en se battant farouchement pour retenir ses larmes. La silhouette d'Anthony s'éloignait tout doucement, hésitante. Candy lui fit signe de la main en guise d'adieu. Mais, contre tout attente, il s'arrêta et retourna sur ses pas. Il y eut un flottement tandis qu'il l'observait en silence. Il se tenait de nouveau si près qu'elle pouvait percevoir une certaine agitation qui faisait trembler involontairement son corps.

- Anthony ? Que ?... - voulut-elle demander quand brusquement il encercla avec fébrilité sa taille fine de ses bras et pencha la tête vers son joli visage...

- Pardonne mon audace, Candy... - fit-il en rapprochant ses lèvres des siennes - Mais je voudrais emporter ce doux souvenir avant de partir là où tu sais.  J'en ai rêvé bien des fois!...

- Oh Anthony ! Je t'en ai si souvent voulu de n'avoir jamais essayé de... . - murmura-t-elle en rougissant, son coeur bondissant d'allégresse dans sa poitrine.

Comme dans un songe, Candy ferma les yeux et attendit le doux contact des lèvres d'Anthony sur les siennes. Juchée sur la pointe des pieds, elle posa ses bras graciles autour du cou du jeune garçon et se laissa envahir de ce sentiment violent et éphémère de plénitude. Elle n'avait jamais ressenti un tel bonheur de toute sa vie. C'était son premier baiser, et c'était Anthony, son grand amour, qui le lui donnait. Elle pouvait sentir ses mèches blondes caresser ses joues, son étreinte autour de sa taille se resserrer un peu plus. Des sensations étranges s'emparèrent d'elle, des sensations où se mêlaient  l'excitation de la découverte, le plaisir inconnu qui en émanait et la pudeur extrême qui la bouleversait.  Comme c'était agréable !... Il lui sembla que ce baiser dura une éternité, mais quand elle sentit sa bouche à lui s'écarter de la sienne pour aller lui murmurer ces mots magiques, elle crut qu'elle allait s'évanouir !

- Je t'aime, ma Candy ! Je t'ai aimée dès notre première rencontre devant le portail de la roseraie, et je n'aurai de cesse de t'aimer, pour l'éternité... 

- Je t'aime aussi, Anthony ! Je t'aimerai toujours ! - s'écria-t-elle dans un sanglot étouffé, la tête enfouie contre sa poitrine.

- Au revoir, Candy!... - dit-il, sa voix se dispersant en écho dans l'espace.

Il s'écarta d'elle cette fois pour de bon. Elle sentit sa main effleurer une dernière fois la sienne puis la lumière l'absorba entièrement, et il disparut. 

- Anthony!... - fit-elle dans une ultime tentative, mais elle ne reçut que le silence en réponse. Elle regarda autour d'elle. La neige et la nuit avaient repris leur place. Elle était de retour dans sa chambre. Brisée par l'émotion, elle prit appui sur le rebord de la fenêtre, le dos courbé, chancelante - Oh, Anthony !... Ce n'était donc qu'un rêve !...

- Candy !!! Que fais-tu en plein courant d'air ! Tu vas attraper la mort !

La jeune fille sursauta. C'était Soeur Maria qui venait de surgir dans la pièce et se précipitait vers la fenêtre pour la refermer. 

- J'ai entendu du bruit en passant devant ta chambre. Heureusement que je suis entrée, tu dormais, assise devant la fenêtre grande ouverte ! Tu aurais pu finir gelée !!!

- Je ne comprends pas, ma soeur !... J'ai fait un rêve étrange mais qui m'avait l'air si réel !... Anthony... Anthony.... Il était...

- Ma pauvre chérie, ce sont toutes ces émotions de la journée qui t'ont bouleversée!... - Elle soupira - Tu pensais encore à Anthony... Tu verras, le temps se chargera de soigner tes blessures...

- Mais il était là, ma soeur ! Bien vivant ! En chair et en os !!! 

- Viens donc te coucher à présent.... - lui dit Soeur Maria d'une voix doucereuse comme si elle s'adressait à une grande malade  - Tu es très fatiguée et parfois la fatigue nous crée de drôles d'hallucinations. Demain matin tu y verras plus clair...

- Vous devez avoir raison, ma soeur !... - répondit docilement Candy. Soeur Maria disait vrai. Les morts ne pouvaient pas nous rendre visite, même ceux avec lesquels un amour fou nous liait... 

En se retournant pour aller rejoindre son lit, le regard de Candy se posa le pot qui contenait sa tendre rose. Elle ouvrit tout grand les yeux de stupeur.

- Oh, regardez ma soeur !!! Ma rose ! Elle a éclos !!!

Le bouton de rose qui sommeillait encore quelques instants auparavant en attente du retour du printemps, s'était réveillé comme par enchantement et offrait aux yeux émerveillés de Candy, une fleur éblouissante, aux riches pétales nacrés. Les beaux iris émeraudes de la jeune fille se brouillèrent spontanément d'émotion. Elle savait tout au fond de son coeur que l'éclosion précoce de sa rose n'était due au fruit du hasard, mais témoignait d'un signe céleste, un geste d'adieu d'Anthony, de son bel Anthony...

- C'était bien vrai alors... C'était bien lui !... - murmura-t-elle, une larme brûlante s'échappant malgré elle de ses beaux yeux et roulant lourdement sur sa joue.

Très émue, Soeur Maria se rapprocha de Candy et posa des mains réconfortantes sur les épaules de la jeune orpheline.

- C'est le miracle de Noël, ma chérie !... Je suis si heureuse que tu en aies été l'élue !...

Candy leva vers la religieuse un regard empreint de tristesse et d'espoir mêlés. Soeur Maria l'attira contre elle et la serra fort.

- Joyeux Noël, ma petite Candy ! Je te souhaite du fond du coeur un merveilleux Noël !

Candy ferma les yeux, bercée par la douce respiration de Soeur Maria. Elle savait qu'elle était en train de vivre le plus beau Noël de sa vie...

© Leia décembre 2007