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Résurrection
(titre provisoire)
par Isatis 
Chapitre
1 "Patty ...
un jour, je te montrerai ce formidable soleil couchant qui s'étend à
l'infini ... "
Ses lèvres s'étaient à peine entrouvertes, sans pouvoir prononcer les
mots. Dans le vacarme du combat et de son avion qui flambait et se
brisait, Alistair chutait. Un instant il crut entendre une voix, une voix
allemande ; "Nein !!" ... Non ... il avait rêvé. Tout comme il
ne savait pas si cet instant suspendu dans le temps était réel ou
imaginaire. Son avion ne tombait pas à pic, mais lentement, par à-coups
bruyants, planant de façon presque ridicule ... Un des débris de bois
projetés s'était enfoncé dans son dos, et la douleur n'était
atténuée que par le fait que, s'étant cogné la tête, il n'était qu'a
moitié conscient. Il allait mourir...
Aucune larme ne perla au coin de ses yeux clos, mais ses deux mains se
crispèrent nerveusement, un peu tremblantes.
L'avion tomba dans l'eau brusquement, se brisant les ailes sur les
rochers, se faisant emporter par le courant ... Les yeux écarquillés,
Alistair regardait les immenses pics sur lesquels il serait sûrement
transpercé ... Le corps de l'avion, désarticulé et inutile, dans lequel
il se trouvait, fut violemment projeté contre un des plus grands rocs, et
y resta coincé. Le garçon fut à nouveau projeté en arrière,
réveillé par une gerbe d'eau en plein dans le visage, et son casque à
moitié décroché et inutile s'envola pour tomber dans la mer glacée. Il
observa d'un oeil amorphe l'escarpement de la paroi contre laquelle
s'appuyait son engin, se laissant bercer par les mouvements de plus en
plus violents provoqués par les vagues. Bientôt, la grande carcasse
serait décrochée, emportée contre un autre rocher ... et probablement
brisée en milles morceaux. Il regarda le ciel un dernier instant ; tous
les avions étaient partis, et ne restait plus que cette magnifique
couleur rouge qui envahissait tout. Il s'apprêtait à fermer les yeux
pour la dernière fois ... quand son regard, par hasard, se posa sur un
creux qui s'était fait dans la rocaille. Très étroit, ne pouvant
probablement pas contenir plus d'un homme, il était orienté de telle
façon que son sein était à l'abri de toutes les violences des vagues.
Alistair se leva à moitié de son siège, ne pouvant retenir une grimace
à cause de la douleur dans son dos, ne sachant que faire. C'était fou,
ça ne servirait au final à rien, mais ... il voulait vivre, il voulait
vivre. Cette envie, ce besoin, fut aussi violent qu'avait été douce sa
précédente résignation. Il extirpa ses jambes écrasées par le tableau
de bord, et, précautionneusement, ignorant sa tête qui tournait et sa
lancinante plaie, tenta de se mettre debout. L'avion n'en fut que
déstabilisé, et trembla encore plus. Alistair essaya d'avancer sur le
nez, manquant par deux fois de glisser, et apercevant une gigantesque
vague se former au loin il sut qu'il n'avait plus le choix. Prenant son
courage à deux mains, il sauta sur la roche, se faisant griffer et
manquant de se faire emporter ... c'est sans doute un miracle qui lui
permit, alors que son avion était submergé et emporté par la vague, de
réussir à se glisser dans le trou qu'il avait aperçu. Il s'y calfeutra
peureusement, s'accrochant sans force aux quelque morceaux de roche qui
n'étaient pas trop polis, et son corps fut parcouru de tremblement à
cause de l'eau glaciale qui lui arrivait jusqu'aux épaules. Le sel
attaqua rapidement sa blessure, et les larmes lui vinrent aux yeux. Le
vacarme autour de lui était assourdissant, et cet abri qu'il avait
trouvé se révélait autant sûr qu'inutile. Il était à l'abri des
vagues, et, tendant les pieds, ses orteils effleuraient le fond du trou
... mais, comment sortir d'ici ? Il était à des kilomètres de la terre
ferme, et ... Il baissa le visage et, doucement, rentra sa tête dans ses
épaules, comme pour se protéger. Il était gelé de la tête aux pieds,
sa plaie le faisait souffrir le martyre ... Il n'était pas homme à
préférer se jeter aussitôt dans les vagues et se laisser mourir, mais
il se demanda si ça n'aurait pas été mieux ...
Il regarda le ciel rougeoyant jusqu'a la dernière seconde, jusqu'a ce que
la nuit tombe. Puis, il sentit le sommeil et la fatigue l'envahir ... mais
il ne devait pas lâcher, hein ? Lentement, il tomba dans un état
semi-comateux, ne se tenant à la paroi que difficilement.
Cette nuit dura 1000 ans. Sans pouvoir dormir, sans pouvoir non plus
réveiller son esprit las et son corps engourdi, Alistair ne faisait pas
un geste, attendant simplement. A la fuite du jour avait suivi
l'adoucissement des violences de l'eau, et maintenant les vagues, douces,
clapotaient presque docilement tout autour. Si il avait été plus
téméraire, plus décidé, il en aurait profité pour sortir et ... mais
à quoi bon ? Il ne pourrait jamais rejoindre la terre ferme, alors
pourquoi quitter son abri ? Mort pour mort ... Ces pensées cyniques lui
arrachèrent un sourire douloureux.
L'aube arriva enfin. Son corps ne grelottait même plus ; il était froid,
figé. Ses yeux étaient entrouverts, mais vides, et sa respiration se
faisait plus lente à chaque instant. Il n'eut pas la force de sourire,
observant ce soleil levant. Quand en son milieu une ombre se profila,
Alistair en hoqueta de surprise. Un ... un hydravion ... ! Ce dernier
ralentissait au fur et à mesure qu'il s'approchait, et commença à faire
des grands cercles autour de la zone ou il se trouvait. Il avait une
chance ... une chance de vivre. Piochant dans ses dernières ressources,
il réussit à bouger, s'extirpant difficilement de sa cachette. Il
parvint à se tenir debout sur le rocher glissant, indifférent à ses
membres raidis par le froid et à sa brûlante blessure, et entreprit
d'ôter son foulard rouge. Quand il réussit enfin, malgré ses doigts
ankylosés, il releva le visage et se mit à l'agiter, faisant de grands
gestes. Peu importe pourquoi cet avion était ici, il devait le voir.. Il
le devait, oui. Pour sa vie, pour Patty, pour son frère, pour Candy, pour
tous ceux qu'il voulait revoir ... et aussi pour son ami mort au combat
qu'il ne reverrait plus. L'avion ralentit encore ... l'avait-il vu ? Mais
alors que l'espoir faisait enfin naître un pâle sourire sur ses lèvres,
ses jambes fatiguées et usées par le froid l'abandonnèrent, et il tomba
... rebondissant comme une vulgaire poupée de chiffon, se cognant le
crâne, et finalement sombrant dans l'eau froide ... Il n'y avait plus
rien. Un silence assourdissant, et c'était tout : la douleur avait
disparu, comme toutes les sensations ... Dans sa demi-conscience, Alistair
ne percevait que lointainement le fait que l'air lui manquait de plus en
plus, et qu'il allait mourir ... Près de deux minutes passèrent.
Alistair n'avait désormais plus conscience de rien et était à moitié
mort, quand deux bras puissants l'agrippèrent et l'entraînèrent vers la
surface. Son sauveur nageait avec rage, battant furieusement des jambes
pour réussir à remonter, malgré les vagues et celui qu'il devait
transporter. Arrivé à l'air libre il inspira une grande bouffée d'air,
et se remit à nager sans même attendre une seconde. Si Alistair avait
été conscient ... il aurait vu que ce garçon n'était autre qu'Hardy
Shnitzer. Le même homme qu'il avait épargné la veille venait de lui
sauver la vie, et était en train de l'emporter vers son hydravion posé
à peine plus loin. Quand enfin ils arrivèrent à l'avion, sans le
lâcher, Hardy monta d'abord avant de l'entrainer à l'intérieur. Le
corps d'Alistair s'étala mollement sur le sol, inanimé, sans un souffle
... L'allemand le
regarda avec quelque chose dans les yeux tenant du désespoir, mais ne se
laissa pas abattre. Il le mit sur le dos, et commença à lui appuyer sur
la poitrine par a-coups, fébrilement, à califourchon sur lui.
"Respire, respire ... "
Il se pencha, lui ouvrit la bouche, et scella leurs lèvres un instant
pour lui insuffler cet air si précieux.
"Nom de dieu, respire ... "
Plus fort encore, il continuait à appuyer sur sa poitrine, entre rage et
détresse.
"Putain ... ! "
Soudainement, une grande toux s'empara du corps qu'on aurait crû mort, et
Alistair recracha plusieurs gorgées d'eau, rouvrant les yeux. Son coeur
et sa poitrine s'affolaient, mais ... il respirait, il était vivant.
Vivant. Lui-même avait du mal à le comprendre, ses yeux écarquillés
fixés sur Hardy. Ce dernier en revanche, se mettant à coté du rescapé
et gardant un bras autour de ses épaules, éclata d'un grand rire
soulagé.
"Ah putain, putain, il s'en est fallu de peu ! Mais t'es vivant,
hein, mon gars ?"
Il avait parlé vite, avec cet accent fort et assuré qu'avaient tous les
allemands, et Alistair le regarda sans comprendre. Il hésita un instant,
une légère grimace sur le visage, avant de demander plus lentement :
"Tu comprends l'allemand ?"
Son interlocuteur, qui ne pouvait même pas se tenir assis et était
totalement soutenu par le bras autour de ses épaules, eut un peu de mal
à ouvrir les lèvres et à articuler :
" Y... ya ... je le comprends ... un peu ... "
Hardy sourit, et coucha doucement celui qu'il venait de sauver, lui
répondant, toujours lentement pour être compris :
"Je suis Hardy Shnitzer ... "
Alistair ouvrit grand les yeux. Oui ... tout à son étonnement, il
n'avait pas prit le temps de regarder le garçon, mais c'était bien le
même que celui qu'il avait entraperçu pendant la bataille ... !
" ... Je ne sais pas ce que tu comptes faire par la suite, mais pour
le moment soit tranquille, je vais m'occuper de toi. "
Il hocha doucement de la tête, remerciant l'allemand par un sourire beau
et sincère. Son corps était plein de grelottements, et c'est avec
étonnement qu'il se sentit couvert d'une veste, avant d'entendre les pas
de l'autre qui allait s'asseoir aux commandes et commençait à manœuvrer
avec l'avion. Quelques pensées éparses naquirent dans l'esprit d'Alistair
-le fait que faire atterrir un hydravion dans un endroit aussi rocheux
était bien risqué, la question de savoir pourquoi l'autre était revenu
le sauver ... -, mais il sombra dans un sommeil comateux, bercé par le
bruit du moteur.

Quand Alistair ouvrit les yeux, il
eu d'abord du mal à comprendre ce qu'il se passait. Il était dans un lit
chaud, débarrassé de ses vêtements mouillés, et une couverture lui montait
jusqu'a la taille ... mais il se sentait fiévreux, malade, et deux mains lui
tenaient fermement les épaules. Levant doucement le visage, il aperçut celui,
grimaçant, d'Hardy.
"C'était franchement pas le bon moment pour te réveiller, mon gars ...
"
Il n'eut pas le loisir de l'interroger, qu'il entendit une autre voix masculine
:
"Tiens-le bien. "
Et soudain, deux autres mains se posèrent sur son dos, provoquant une douleur
fulgurante. Sa blessure ... Il la triturait en tout sens, il la rouvrait
davantage ... Alistair ne put retenir un cri de douleur, et voulut bouger, mais
fut retenu par Hardy. Qu'est-ce qu'on lui faisait, mince ... ? Il sentit un
métal froid rentrer dans sa plaie, et poussa un autre hurlement, irrépressible,
quand il retira d'un coup sec le bout de bois resté dans son corps. Si
intérieurement, çà le rassurait - on ne lui voulait pas de mal, on le
soignait -, cela n'atténuait pas la douleur d'une plaie rouverte et à l'air
libre. Il serra les dents, n'entendant que lointainement la voix du probable
docteur lui dire :
"Ca va, maintenant, le plus dur est passé ... "
On lui appliqua du coton humide sur sa plaie, et il se crispa davantage ; car
même si "le plus dur était passé", se faire désinfecter à
l'alcool ne devenait pas une partie de plaisir. Il ne sait pas combien de temps
cela dura ; mais ensuite, on le fit se retourner et s'asseoir, et tandis
qu'Hardy le tenait par les épaules, le médecin le banda sans brusquerie.
"Ca ira mieux après ça. "
Alistair sourit et répondit d'un hochement de tête, même si en vérité il
n'était pas sûr du sens des paroles qu'il avait entendu. Il avait un assez bon
niveau d'allemand, et lisait même de temps en temps des livres en cette langue
; mais pour l'oral, c'était autre chose, et sa difficulté à comprendre les
autres n'avait d'égale que celle qu'il avait à avoir un accent correct. Après
l'avoir recouché et couvert, les deux autres se remirent à parler,
s'éloignant un peu. Mais leur vitesse de parole, associé à son propre état
(il se disait vaguement qu'il avait dû attraper la crève dans cette eau
glacée) lui rendaient très difficile la tâche de les écouter ...
"Qu'est-ce que tu comptes faire de lui ? Tu auras beaucoup de mal à le
faire sortir d'ici. Et pour l'emmener où ? En France ?"
Il eut un petit ricanement sans joie. Alistair tourna le visage vers lui pour
l'observer ; il était blond, les cheveux assez longs accrochés en un catogan,
le visage émacié et les yeux creusés.
"Espèce d'idiot ... Non, je crois qu'il pourra se planquer ici, dans le
cabanon de la colline, peut-être ... "
"Si tu fais sans cesse des allez-retour pour lui apporter à manger, tes
camarades se douteront de quelque chose et, fouineur comme ils sont ... "
Haussement d'épaules d'Hardy, qui lâcha d'un ton décontracté :
"J'ai confiance en eux, je leur dirai tout de suite de quoi il retourne,
ils ne me vendront jamais. "
"Hm ... j'espère que tu as raison, mais ... "
Le ton du médecin se fit plus grave, plus dur :
"Ne leur dis pas qu'il combattait chez les français. Parce qu'alors, ami
ou pas, ils ne te laisseraient pas faire. "
Hardy hésita, puis hocha la tête, un peu penaud. Son interlocuteur se
détourna pour s'éloigner, et déclara :
"Fais en sorte qu'il débarrasse de ma clinique le plus vite possible, et
ce pour notre bien à nous trois. "
Il s'arrêta devant le feu qui crépitait dans la cheminée et, sans demander
l'avis de qui que ce soit, prit les vêtements d'Alistair posés sur le dossier
d'une chaise et les y jeta. Leur propriétaire n'osa pas intervenir, mais ne
comprenait pas, n'ayant pas saisi que là ou il combattait auparavant ne devait
pas être révélé - et que donc son uniforme n'était franchement pas quelque
chose à conserver. Une fois le médecin sortit de la salle, Hardy s'assit à
l'envers sur une chaise, près du lit, sourire aux lèvres.
"Il s'apelle Erich. Il peut sembler un peu bourru ou strict, mais c'est un
brave type. "
Alistair hocha légèrement le menton pour montrer qu'il avait compris, et
demanda lentement :
"Où ... où somme-nous ? Dans une base allemande ? "
Le pilote eut une grimace, mais ne put qu'acquiescer.
"Ya, ya, mais ne craint rien, on est en sécurité dans la clinique
d'Erich. "
Après un silence il ajouta :
"Tu as compris ce qu'on disait tout à l'heure ? "
Gêné, Alistair dit, avec le signe de main correspondant :
"Moitié-moitié ... "
Hardy rit un peu, sans vraiment de moquerie, et se mit à expliquer, parlant
lentement, ce qui avait été dit et ce qu'ils devaient faire désormais ...
"On te fera passer pour un suisse, que j'ai ramassé par hasard. "
Finit-il par dire, avant de se lever, d'aller chercher des vêtements, et de les
tendre à Alistair.
"On a à peu près la même carrure, ça devrait aller. Enfile ça et on y
va ... je sais que tu es malade et blessé, mais on ne peut pas rester ici, je
vais t'emmener à l'endroit où tu te cacheras. "
Alistair acquiesça d'un signe de tête et, tandis que son sauveur se
détournait pudiquement, prit les habits et s'habilla en vitesse ... ce qui ne
fut pas de la plus grande facilité, entre ses membres encore engourdis, sa
tête lourde, et sa blessure qui lui faisait mal à presque chaque mouvement.
Quand il eu finis, Hardy se retourna, et ne put s'empêcher de rire encore.
"Quoi ?" Répliqua-t-il, un peu agacé.
"Rien, rien, mais ça fait bizarre de te voir avec mes habits ... "
Alistair se contenta de sourire un peu en levant les yeux au ciel, et se tourna
vers une petite glace pendue au mur. Impossible de manquer ses cheveux plus en
bataille que jamais, et il tenta de les coiffer d'une main, sans vraiment de
succès. Il haussa les épaules, et se dirigea vers l'allemand, qui ouvrit la
porte, lui intimant de le suivre en silence.
Ils traversèrent sans un mot les couloirs, ne croisant heureusement personne ;
il finit par murmurer :
"On a de la chance aujourd'hui, ils sont tous partis combattre. "
" ... pourquoi tu n'y es pas ?"
"En fait ... disons que je suis dans les bonnes grâces de notre
commandant, et hier je lui ai fait mon caprice pour placer mon jour de repos
aujourd'hui. "
Alistair sourit, mais son esprit était ailleurs. Après un instant il demanda :
"Tu ... c'était pour venir me chercher ...?"
" ... Tu sais, je n'apprécie pas les faibles, ceux qui manquent de
sang-froid ou n'osent pas tuer, mais toi ... ce que tu as fait pendant notre
combat était très noble. Je ... moi-même, je ne l'aurais pas fait."
Un silence gêné s'installa, les deux n'osant pas regarder l'autre. Ils
arrivèrent à la porte principale, et Hardy regarda dehors avant de laisser son
compagnon sortir.
"C'est bon, on y va, suis-moi, et essaye de te dépêcher. "
Alistair avait déjà eu du mal à tenir la cadence de pas rapide de l'autre,
mais il ne dit rien ; ils sortirent, contournèrent le bâtiment, et se
dépêchèrent pour s'engouffrer dans le bois qui bordait la base militaire. Ils
étaient presque arrivés quand il se prit les pieds dans une grosse pierre et
s'étala au sol de tout son long, s'écorchant les genoux et les coudes ; et
Hardy lança un juron en le récupérant et en le poussant vite derrière la
lisière des arbres.
"Idiot ! Fait attention !"
"Je ... oui. "
Il lui fit signe de le suivre, et les deux garçons reprirent leur route.
Alistair avait hésité à lui parler de sa mauvaise vue, mais avait fini par
renoncer, ne voulant pas avoir l'air de se chercher des excuses. Néanmoins,
après s'être pris les pieds dans des racines deux fois, et s'être cogné la
tête contre une branche qu'il aurait juré un peu plus haute, un sourire
contrit ne suffisait plus comme réponse aux ronchonnements d'Hardy. Ce dernier
venait de s'arrêter, et avait planté son regard bleu sombre dans le sien.
"Si tu es trop mal pour marcher, dis-le, au lieu de faire le fier ...
"
Il hésita, puis répondit, penaud, se frottant la nuque d'une main :
"Je ... je vais pas très bien, mais je t'assure que je peux marcher ...
c'est juste que j'ai vraiment pas une bonne vue, d'ordinaire je porte des
lunettes ... "
Il tenta un rire, mais Hardy se contenta de le regarder avec des yeux ronds.
"Et ils t'ont accepté comme pilote ? Ces français ont vraiment un grain
... "
Il haussa les épaules et finit.
"Bon, ok, c'est pas grave. Essaie juste de faire attention. "
Il reprit la marche, et, même s'il avait l'air de ne pas y toucher, il avait
nettement ralenti l'allure. Alistair s'en voulut un peu, mais fut surtout
touché par cette gentillesse discrète, qui n'attendait pas de remerciement ...
et, avouons-le, soulagé de ne plus avoir à presque trottiner derrière lui. Au
bout d'environ une trentaine de minutes, ils arrivèrent près d'une petite
cabane, assez grande, mais si bien entourée d'arbres et recouverte de
broussailles qu'on aurait pu passer à coté sans même la voir. Alistair
mourrait de chaud, et essuya discrètement la sueur sur ses tempes.
"Voilà, c'est là. On avait pris l'habitude de se regrouper ici, mes potes
de garnison et moi, mais ... "
Il hésita, puis finit d'une voix plus dure, haussant les épaules.
"Mais depuis que nous sommes tous décimés petit à petit, on n'a plus
vraiment envie de revenir ici. "
Alistair voulut dire quelque chose de gentil, mais ne trouva rien, et resta
finalement silencieux ... Ils entrèrent. L'endroit était assez spacieux ; on y
trouvait une grande table, un canapé, des étagères au mur, quelques matelas
empilés les uns sur les autres et des couvertures dans un coin ... Ce n'était
pas du tout le genre d'endroit qu'Alistair fréquentait d'ordinaire, mais la
modestie des lieux montrait plus de négligence que de pauvreté, au final. Ce
n'était pas luxueux, mais pas rebutant non plus, et il sentait qu'il pourrait
s'y plaire.
"Évite d'allumer la cheminée, c'est le meilleur moyen de te faire
repérer. Pour manger, il y a quelques conserves ici, mais ... bon, ne
t'inquiète pas, je te rapporterai d'autres provisions ce soir ou demain matin.
Tu as quelques livres par là. Tu n'auras qu'a ... attendre. Je finirai bien par
trouver un moyen de te renvoyer en France, va. "
Hardy s'était remis à parler un peu vite, et Alistair l'avait compris autant
qu'à ses mots qu'à ses signes de main ; et à sa dernière phrase il mit un
petit instant à bien le comprendre, avant de lui répondre par l'affirmative.
"Je te remercie ... Pour ça, et puis pour tout. "
Hardy haussa les épaules, se contentant de répondre.
"Que compte-tu faire si on arrive à te faire partir d'ici ? Te réengager
??"
" ... Sûrement."
"Alors quel importance ? Je t'ai sauvé aujourd'hui, mais tu te feras
probablement abattre demain."
Ces paroles attristèrent profondément Alistair, qui baissa le visage, disant
d'un ton neutre :
"Je ne veux pas mourir. Mais je ne veux pas laisser l'horreur de la guerre
se dérouler sans essayer d'y mettre fin, alors ... "
Hardy se mit à ricaner doucement, moqueur, dédaigneux même, faisant naître
chez Alistair une étrange colère sourde.
"Et, bien sûr, tu comptes mettre fin à la guerre en y participant ...
?"
"Je ... je ne sais pas ... mais qu'est-ce que je pourrais faire d'autre,
hein ... ?!"
Hardy remua négativement la tête et s'approcha d'Alistair, lui mettant une
main sur l'épaule et se pencha vers son oreille pour lui dire tout bas :
"Le mieux que tu aies à faire, c'est de rester tranquillement chez toi. La
guerre, c'est pour ceux qui cherchent la victoire, pas la paix. "
Sur ce, il s'apprêta à partir ... mais finalement il se retourna et, sans lui
demander son avis, il l'emmena prés du canapé, le força à s'y coucher, et le
couvrit d'une des couvertures, les lèvres pincées. Alistair voulut parler,
mais il le coupa, disant fermement :
"Tais-toi. Tu es blessé et malade comme un chien, alors ... tais-toi, et
dors. Je passerai ce soir, essaie de ne pas crever. "
Il sortit pour de bon, laissant Alistair seul. Celui-ci resta un court instant
à fixer l'âtre vide, son esprit divaguant. D'abord sur ce qu'ils venaient de
dire, sur les paroles d'Hardy qu'il ne pouvait admettre justes mais qui pourtant
... puis ... à cause de tous les événements qui s'étaient enchaînés, il
n'avait pas encore eu le temps de penser à ce qui lui était arrivé. Avec un
frisson, il se remémora là où il avait été à peine quelques heures plus
tôt. C'était très étrange d'être passé de ce trou inconfortable et rempli
d'eau sale à cette cabane, enroulé dans une couverture ... fiévreux et
tremblant, certes, mais tout de même ... Il se demanda un instant s'il n'était
pas en train de rêver, si tout ça n'était pas qu'un fantasme issu de son
esprit en train de mourir. Mais non ; il tâta ses mains, sentit l'odeur de pin
venant de la forêt ;tout çà semblait bien réel. C'était ... ... Un miracle
? Il ne trouvait pas d'autre mot. Avec un sourire un peu fade, il rentra sa
tête dans ses épaules et resserra légèrement la couverture autour de lui. Il
était vivant. Il allait revoir Patty, tout comme il reverrait tous ceux qu'il
aimait ... C'est en pensant à cela qu'il réussit à s'endormir, sans crainte
et tranquille.
Alistair était loin d'avoir dormi paisiblement. Après avoir passé quelques
heures à sommeiller sans rêves, il s'était réveillé, frigorifié, et était
tant bien que mal allé se prendre une seconde couverture. A peine une trentaine
de minutes plus tard, mort de chaud, il rejetait d'un coup de pied malhabile les
deux couettes qui le recouvraient. Puis ... la suite est évidente, tous le
monde à un jour été assez malade pour comprendre son état, et la journée
insupportable qu'il passa. Néanmoins, il finit par se rendormir plus ou moins
tranquillement, se réveillant au bout d'une heure sans se sentir vraiment mal
... pour voir le visage tranquille de Hardy, qui était assis juste en face de
lui, à même le sol. Pendant une brève seconde, il se demanda qui il était ;
puis tous les événements précédents lui revinrent en mémoire, et il n'osa
même pas parler, se contentant de le regarder.
"Ton sommeil était vraiment paisible ... "
"Heu ... oui, je ... "
Il parut gêné, mais c'est pourtant un sourire très sincère qui illumina son
visage.
"J'ai rêvé de tous ceux que j'allais pouvoir revoir ... Mes amis, mon
frère, et puis aussi Patty, qui ... "
Il s'arrêta là, mais le rougissement de ses joues en disant long sur sa
relation avec la jeune fille. Hardy fut simplement amusé d'abord, avant de
s'assombrir, disant :
"Attends ... Tu sais, à l'heure qu'il est, tu as sûrement déjà été
déclaré mort. "
Alistair se raidit. Mort ... mon dieu, alors ... Il s'imagina tous ceux qu'il
aimait pleurant, le pleurant, et fut accablé de remords, même si ce n'était
pas sa faute. Il répondit, sa voix laissant transparaître son état d'esprit :
"Tu ... tu crois que je pourrais leur écrire ?"
" ... Je ne pense pas. Le courrier est systématiquement fouillé, même le
nôtre, surtout celui pour la France ... "
"Je ne suis pas de France, mais d'Amérique. "
Hardy le regarda un instant, étonné, avant de remuer négativement la tête.
"Qu'importe ? Je suis désolé, mais c'est trop risqué, autant pour moi
que pour toi. J'aurais beaucoup de chance d'étre jeté en prison, et toi, ils
te retrouveraient et ... tu serais traité comme on traite tous les prisonniers
de guerre. "
" ... "
"Allez, ne te tracasse pas ... regarde plutôt ! J'ai pris sur mon argent
pour aller t'acheter tout ça de réserves de nourriture, et puis je t'ai aussi
pris un dictionnaire à la librairie, parce que je pense qu'il y a quand même
pas mal de mots que tu ne comprends pas, quand je te parle ... J'ai aussi posé
ici de quoi faire ta toilette, gant, brosse ..."
Alistair s'était assis, et sourit, le remerciant du bout des lèvres. Mais
l'autre déjà se levait et s'installait à coté de lui, lâchant :
"Ôte-moi ça au lieu de jouer les fillettes, Erich m'as dit de
désinfecter ta plaie 2 fois par jour pendant quelques temps. "
Sans un mot, il ôta la couverture de son dos et enleva son pull et son t-shirt,
frissonnant convulsivement quand le froid agressa sa peau. Il n'avait pas envie
de paraître morose ou désagréable, mais savoir qu'il ne pourrait pas écrire
à ses amis ... Hardy semblait lire dans ses pensées, car tout en commençant
à lui défaire son bandage il dit doucement :
"Ne te tracasse, je t'en prie ... pense plutôt au bonheur que tu feras à
ta Patty en réapparaissant. "
" ... Tu as raison. "
Il se l'imaginait déjà. Même, au début, elle serait plus effrayée que
réjouie ! Et puis ... ils s'enlaceraient, il les enlacerait tous. Rien que pour
cet instant, il était prêt à passer des années dans cette cabane, à relire
les mêmes livres en boucle !
Les mains glacées d'Hardy finirent de lui retirer la bande ; et, lentement, il
lui appliqua l'alcool, lui provoquant une grimace de douleur.
"Ca fait maaal ... " Geigna-t-il sans convictions, le nez baissé.
"Pas de chichis, soldat !"
Sans doute un peu sadique, il lui tapa sur la plaie qu'il venait de finir de
désinfecter, joyeux.
"Et ben voilà, fini !"
"Aie ! Espèce de malade ... "
Commença Alistair en tentant de s'écarter. Mais Hardy le retint en riant un
peu, lui repassant la bande autour du torse.
"Hé, bouge pas, laisse tonton Hardy finir de te soigner !"
" 'Tonton hardy ...' Oh my god ... "
Les deux blaguèrent un peu et même si, au final, ce n'était pas grand-chose,
cela faisait beaucoup de bien à Alistair. Après avoir vécu ce qu'il avait
vécu, et en sachant que tous ceux qu'on aime nous croient mort ... simplement
rire un peu, çà peut être beaucoup. Mais quand Hardy alla pour le quitter,
expliquant qu'il devait éviter de s'absenter trop longtemps de la caserne, et
fut à la porte ... Il se résolut à redevenir un peu plus sérieux, et lui
demanda :
"Attends ! Dis-moi juste quelque chose ... "
Hardy se retourna à demi, haussant un sourcil.
"Pourquoi t'es-tu engagé, toi ... ?"
Un silence s'installa, pesant, et le jeune allemand sembla perdu dans ses
pensées, avant de répondre doucement :
"Parce que ... parce que je voulais me prouver que je pouvais le faire ...
"
Puis, plus bas, après un coup d'oeil à Alistair :
" ... parce que je voulais rendre quelqu'un fier de moi ... "
Aucun des deux ne dit plus rien, et il finit par ouvrir la porte et sortir,
soufflant un simple "bonne nuit" à demi-étouffée par le grincement
des gonds.
Pour être tout à fait sincère, même si Hardy avait été nettement plus
bienveillant qu'à l'ordinaire, c'était loin d'être suffisant. Seul, Alistair
regarda d'un oeil amorphe la nourriture qu'il avait ramenée, et ne tenta même
pas de se lever pour aller en prendre. Il se contenta de se retourner, de
s'enfouir un peu plus dans sa couette, et d'essayer de regagner les bras de
morphée. Les assauts de la maladie revinrent vite, associés à la fièvre dûe
à sa blessure et au froid de cette nuit de début d'hiver ... si il avait été
de faible constitution, il aurait sans doute pu y rester. C'était bien pire que
ce qu'il avait traversé l'après-midi, et son esprit divaguait, formulant des
pensées à peine cohérentes. Une seule revenait régulièrement, comme un
fantôme obstiné ; Patty, le visage de Patty. Il se souvenait comme d'un vieux
rêve de leur premier rendez-vous, de leurs ballades silencieuses et main dans
la main, des baisers papillons qu'il lui volait en cachette, et en riant ...
A un moment, il se réveilla soudain totalement et se leva. Toujours aussi
fiévreux, mais brusquement empli d'une énergie folle ... Il fit les cent pas
dans la cabane, les poings serrés, le visage baissé, les lèvres entrouvertes
pour quelques injures bien rares venant de lui. Que fit-il ? Une chose des plus
stupides qu'on aurait espéré ne pas avoir à attendre de lui. Il ouvrit
brusquement la porte du cabanon et sortit, courant à travers la forêt, courant
comme il ne courait que rarement. Indifférent au froid et aux quelques gouttes
de pluie qui s'abattaient sans bruit, il alla ainsi tout droit, sans réfléchir
... Et quand la fatigue le prit, il s'arrêta, essoufflé, les poumons en feu.
Son esprit redevenait brumeux, et il n'avait plus qu'une envie ; se coucher ici
même, en chien de fusil, et ne plus bouger. Mais une conscience aigu le rapella
à l'ordre, ou peut-être était-ce simplement la peur de la mort qu'il avait
frôlé de si prés ... ? Il ne s'abandonna pas, et se mit, lentement, à
regagner la cabane. Le vent soufflait fort, le désorientant encore davantage,
et il se perdit à moitié ; ce n'est que par chance qu'il finit par retrouver
son abri. Sans demander son reste il y rentra, et se coucha autant qu'il
s'évanouit sur le canapé, tremblant, suant, les larmes aux yeux ... C'est à
peu prés ainsi qu'Hardy le trouva, vers 5heures du matin, alors qu'il s'était
levé plus tôt pour passer le voir avant d'être appelé. Il resta d'abord à
la porte, stupéfait, avant d'accourir vers lui et de le remuer par les
épaules.
"Hé ! Hé ! Merde, et c'est quoi son nom à lui ? Hé ! Ouvre les yeux !
Putain, il est plein de sueur ... "
" ... Alistair ... "
" ... hein ?"
"Mon nom ... c'est Alistair ... "
Hardy, surpris, eu un petit rire sans joie, et tâcha d'asseoir le malade, se
mettant à ses cotés et ne lâchant pas ses épaules.
"Tu allais pourtant pas si mal, hier ... "
Il mit sa main sur son front et grimaça.
"T'es bouillant ... "
Il n'eut rien le temps d'ajouter qu'Alistair perdait de nouveau connaissance,
lui tombant dessus, sans force. Hardy le redressa un peu, gardant son bras
autour de lui, ne sachant que faire. Il s'en voulait terriblement d'avoir cru
qu'il irait bien, et de l'avoir laissé seul ... Un coup d'oeil aux vivres
l'informa qu'il n'avait rien mangé ni bu, et il grimaça une fois de plus.
Doucement, il le déposa sur le canapé pour se lever et aller chercher de l'eau
; et c'est alors qu'il l'entendit. Un murmure ténu, issu des divagations d'un
esprit inconscient, mais bien réel :
"Patty ... Patty ... "
Il marqua un temps d'arrêt, puis renifla dédaigneusement. Ce type n'avait donc
que ça à la tête, sa chère "Patty" ? C'était ridicule ... Il prit
une bouteille, s'aprocha de lui et, lui tenant la nuque d'une main, le fit boire
comme il pouvait. Alistair toussa un peu, détourna le visage, mais il le força
à avaler quelques gorgées. Puis, lentement, il lui parla, espérant être plus
ou moins entendu :
"A ... Alistair ... Je peut pas rester, vraiment pas. Mais je te promets
que je vais voir Erich, je vais lui demander de venir, il passera dés que
possible. Ok ? Je pars, mais le médecin vient bientôt ... "
Il n'ajouta rien et se leva, mais hésita un long instant sur le palier avant de
partir réellement.
Comme l'avait promis Hardy, il prévint Erich ; et ce dernier, bien qu'occupé,
fit tout son possible pour venir dans l'heure. Alistair ne se souvient que très
vaguement de ce passage ; pourtant le médecin passa des heures à ses cotés,
le couchant sur un matelas, lui changeant ses couvertures, et lui posant des
serviettes mouillées sur le front. Vers le milieu de la matinée, Alistair
finit par aller mieux, et dormit d'un sommeil paisible. A son réveil, il se
sentait mieux que jamais, et la seule chose qui le tourmentait vraiment était
son estomac criant famine. Erich était là, plongé dans un livre à la
couverture abîmée, de fines lunettes sur le nez. Levant les yeux il vit que
son malade s'était réveillé, et s'approcha pour poser sa main sur son front.
"Hm, c'est bon, le plus gros est passé ... "
"Quel heure est-il ?"
Demanda Alistair en s'asseyant, ignorant stoïquement la plaie de son dos qui le
lançait.
"Une minute ... "
Il fouilla dans sa poche un petit instant avant d'en sortir une montre à
gousset, à la fine dorure argentée, mais paraissant pourtant très usée.
"Prés de midi. "
"Je vous ai fait perdre tout ce temps ... "
Il semblait véritablement gêné, mais Erich se contenta d'hausser les
épaules, rangeant son bien.
"C'est mon travail. Bien sûr, je ne suis sensé soigner que les gars de la
caserne, mais puisque c'est Hardy qui m'a demandé de venir m'occuper de toi ...
je lui dois bien ça. "
Sans laisser le temps à son interlocuteur de répondre, il ajouta en se levant
de sa chaise :
"Assez discuté. Il faut que tu manges pour reprendre des forces. Voyons
... pain, confiture ... hé, reste au lit ! Je te prépare à manger, et si tu
n'avales pas jusqu'à la dernière miette je te fais tout rentrer par un autre
orifice. "
Alistair resta interloqué, ne sachant pas si il devait rire ou ne surtout pas
se la ramener, devant le sérieux du docteur. Néanmoins il lui obéit, et quand
il lui amena la nourriture et une bouteille d'eau, il mangea avec appétit.
Puis, avec nettement plus d'habileté qu'Hardy, Erich lui changea son bandage,
désinfectant la plaie au passage.
"Bon ... je pense que ça devrait aller, maintenant. Il faut que je
retourne à la clinique, je ne suis pas sensé m'absenter. "
"Je ... merci. Je suis désolé de vous apporter autant de soucis, surtout
que je suis un ... 'ennemi' ... "
"Bof, tu sais ... pour moi comme pour Hardy, allemand ou français, un
homme est un homme. "
Il partit sans rien ajouter, se contentant d'un "salut" et d'un vague
geste de main, devant un Alistair muet. Alors, même chez les allemands, les
"ennemis", il y avait des types pour penser comme lui ... ? Mais
alors, à quoi servait la guerre, bon dieu ... ? A quoi ça pouvait bien lui
servir de prendre son avion et d'aller se battre pour mettre fin à cette
horreur, si dans l'autre clan des hommes faisaient pareil ? L'affirmation
d'Hardy lui revint en mémoire, plus vive encore que quand il l'avait énoncé
...
"La guerre, c'est pour ceux qui cherchent la victoire, pas la paix. "

©
Isatis 2007
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