Version d'une fan de toujours
par Hélène

CHAPITRE 31

 Droit devant soi... Plus vite... Toujours plus vite... Virage sec... Toujours tout droit... Vitesse... Constante Accélérée... La forêt le décor défile défile défile... Griserie vers l'oubli... Exutoire enivrant... Atteindre à la libération...

 Le parc sous la tonnelle "Damien je l'aime je l'aime et... Oh Damien je ne sais plus... Je voudrais... je..." Nouvel essai de se lever, chute prévenue...

 Suzanne... Se calmer... un tour... même bref mais... L'infini la liberté la puissance éphémère d'un bref échappatoire... Il pourrait revenir tout à l'heure quand...

 Suzanne... Il fallait y croire il fallait "je l'aime je l'aime et..."... Je ne peux pas...

 Une jeune fille au bord du chemin boucles blondes dans le vent... Gaie... Elle faisait un bouquet... Terry ralentit quelques instants... comme pour laisser au passé le temps de... quelques secondes seulement... Candy... Brève vision brève assimilation bref souvenir. La jeune fille poursuivait sa route et son bouquet... la voiture reprit sa lancée... vertige à la rencontre d'heures d'oubli... exaltation de l'inconnu... Tout défilait tout passait l'horizon le passé les images... La journée le sentier les flocons qui maintenant commençaient à le recouvrir... Droit devant... sans peur sans attaches sans rien... Vitesse Vertige Ailleurs... L'arbre soudain en travers de sa route... Brusque arrêt. Inconscience.

CHAPITRE 32

 Il neigeait de plus en plus maintenant.... Rentrer avant que... De plus en plus fort... Et si... L'inquiétude montait... Une tempête se prépare oui c'est sûr bientôt la voiture... Allons courage arriver à temps avant... Surmontant l'anxiété qui cherchait à gagner encore du terrain elle avançait encore... encore... prudence et résolution... cette anxiété qui... allons... décision... Encore un tournant contrôle... Et toujours la neige... elle cachait jusqu'à l'horizon maintenant... La forêt recommençait... les sapins là-bas tout au bout... La maison est là... encore quelques centaines de mètres... Là-bas juste après... dernier tournant... Mais... là... Au bord du sentier... Agnès s'arrêta. Au pied du grand sapin une voiture... Descendre, courir ouvrir la portière... Le jeune conducteur est seul... il a perdu connaissance... mais il ne semble pas blessé... avancer sa voiture l'y transporter... lentement, péniblement mais sûrement... je dois y arriver...Ca y est... La couverture.... voilà... Ne pas perdre de temps... Regagner la maison... elle est là-bas au bout de la courte ligne droite... On n'y voit plus rien maintenant tout juste si on devine les contours du chalet... Ca ne fait rien... elle le savait elle était arrivée. Se garer tout près de la porte le traîner jusque sur le sofa... éreintée... Raviver le feu... les couvertures... Rajouter du bois... encore... encore...

 La chaleur envahissait la pièce... douce... bonne... chaleur humaine chaleur du feu chaleur dansante des flammes du foyer... Il se sentait bien... comme en dehors de comme à la limite... dans un monde de chaleur immobile, douce, chaude chaude chaude... La vie revenait il approchait de la conscience... Il ouvrit les yeux... La pièce accueillante et chaude... le grand feu de bois la jeune fille qui ravivait les flammes... "Où... où suis je?" Il voulut se lever... Elle revint près de lui... Il était encore un peu faible ça tournait..., Elle l'aida à se rasseoir... "Vous avez eu un accident. Votre voiture... Je vous ai emmené chez moi. Je m'appelle Agnès. Agnès Anders". "Terrence Granchester"... Un silence... Chaud chaleureux apaisant calme... une image... un autre foyer d'autres flammes si chaudes si... un enfant et sa mère... Le présent... les flammes chaudes chaudes apaisantes... La jeune fille brune aux yeux verts qui plongeait dans le sien un regard calme et doux... Agnès... "Merci. Merci beaucoup"...

 Le chocolat était chaud, les flammes dansaient, le calme le rêve envahissaient la pièce la demeure... Il se sentait bien... déchargé de... oui comme en dehors... Entre doux souvenirs d'enfance... nostalgie... chaude béatitude... et "présent"... irréel comme magique... magie de la chaleur, du calme, de l'inconscience... A quelques heures de là il avait atteint le fond... total, complet... et là... dans la chaleur la chaleur qui réchauffait son corps qui réchauffait son âme... qui... il... il ne savait pas il ne savait plus mais il y avait cette chaleur ce calme... cette chaleur qui... Il se sentait seulement bien... fatigue... douce chaleur...

 Ce regard... toute cette lassitude qui semblait... Et cet accident... Etait-ce seulement la tempête... le manque de visibilité oui mais.... Elle ressentait qu'il avait dû vivre... que... c'était comme si quelque chose de brisé depuis longtemps voulait tenter de renaître, de la chaleur de l'âtre, de la douceur environnante de... voulait mais... Et c'était comme si son état de faiblesse d'engourdissement actuel se voulait à cela un facteur favorable... La magie des flammes, du chalet chaud, confortable, chaleureux magique au coeur de la tempête, du froid, de l'amertume, du fond début de la fin... de la fin à jamais de l'inconscience de la spontanéité du bonheur simple et pur... La magie qui voulait vaincre... de par la lassitude, l'apaisement, la chaleur... la chaleur... Elle avait alors de tout cela une conscience plus ou moins floue, plus ou moins précise, plus ou moins nette... Elle ne voyait pas bien sûr que cette chaleur ce calme il les retrouvait aussi de par elle, son aide son réconfort sa chaleur silencieuse la douce présence qui s'oubliait elle même... Mais elle devinait comprenait seulement la tristesse la détresse qu'il avait dû vouloir enfouir, l'amertume qui, l'ivresse de la conduite les préceptes de la tempête aidant... Soudain elle sut. Elle l'aimait...

 Elle était romancière. Elle aimait déjà ce chalet cadre de son roman en cours...

 Il fallait qu'il rentre maintenant. Les répétitions demain... Merci pour tout... Il voulut ouvrir la porte... Rafales. Rafales de vent, Rafales de neige... Rassembler toutes les forces pour la refermer. C'était l'évidence ils ne pourraient quitter le chalet... 

CHAPITRE 33

"Essaye encore..." Essaye... Tu y étais presque... Je suis sûr que cette fois... Prémonition ? Intuition ? Juste diagnostic ? Rêve accompli ?... Suzanne avançait vers lui, lentement équilibre précaire, faible bien sûr mais... encore quelques pas... encore... encore... encore... Oui ! La recevoir, la protéger, la féliciter, l'encourager... "Suzanne ! Suzanne c'est... c'est merveilleux tu vois tu..." Tremblement dans sa voix, bonheur rayonnant et calme que son regard bleu lui communiquait déjà ... De tout son être il se donnait à leur rêve, maintenant déjà réalité, de tout son être il y avait cru il y avait cru et... maintenant... "Tu vas remarcher bientôt tu verras je le sais crois-moi ça y est maintenant..."

 Elle n'osait encore y croire... Avait-elle... Oui venait-elle vraiment... La fatigue le bonheur ressentis étaient là... C'était vrai l'étreinte affectueuse aimante heureuse merveilleusement heureuse de Damien le souvenir merveilleux des dernières minutes... Oui c'était vrai, elle venait réellement de... de marcher !... "Oh Damien...! Je... je... je suis si... c'est... c'est..." "Je n'y croyais plus tu sais... je... je...Oh merci Damien! Merci..." Elle s'accrochait à lui, elle pleurait... pleurait... sanglots saccadés et violents... exutoire inconscient aux peines de ces derniers mois ? Elle se déchargeait de toute sa souffrance, elle lui donnait aussi toute sa joie présente elle lui donnait tout... Tout ce qui la faisait elle même... inconsciemment... spontanément... C'était pur, c'était vrai... C'était comme autrefois... Et Damien le ressentait... Ressentait tout... prenait tout... donnait tout... ses encouragements, son réconfort, sa joie partagée... Sa force sa vie il la lui transmettait... Comme autrefois quand à chaque chagrin à chaque bonheur d'enfant elle...

 Il l'avait aidé à s'asseoir il était près d'elle il la réconfortait, il l'aidait, il partageait son bonheur son extase incrédule épanouie des instants précédents il lui faisait croire en l'avenir, en la vie... il l'aimait...

Les saccades qui la secouaient diminuaient... Reprenaient... Pour finalement laisser la place à un visage ou seul était le bonheur... et le passé toute l'enfance heureuse... elle retrouvait celui qui sans que son jeune d'âge de jadis ait pu véritablement lui permettre de le réaliser pleinement était alors déjà son 1er amour... Damien qu'elle aimait tant... elle se sentait bien avec lui, protégée, réconfortée, heureuse, sûre d'elle et de l'existence... sûre que... Une pause dans ses larmes qui s'écoulaient encore silencieuses, tacites... Elle rencontra encore son regard bleu, si heureux et triste pour elle à la fois, si doux, tendre, réconfortant, aimant...

Tant d'heureux et doux souvenirs à sa mémoire, retrouvés... Et là maintenant elle ressentait si fort le bonheur du présent... Elle ressentait... que... que... Elle le lui rendit... Tous les souvenirs toute l'affection tout l'amour surtout qui affluait en elle... elle... elle l'avait toujours aimé tellement  tellement elle l'aimait tellement... elle... elle... elle l'aimait!...

  

CHAPITRE 34

La neige tombait toujours, le chalet les sapins la forêt elle recouvrait tout... Les rafales avaient été nombreuses... Maintenant elle tombait tombait, lentement, calmement, sûrement... dans le silence apaisant blanc... tout blanc... à l'infini...

Mais le temps continuait comme dans un rêve... La douce chaleur des flammes vives et chaudes la présence apaisante d'Agnès... Elle écrivait elle lui parlait quelquefois les romans qu'elle aimait la vie de ses personnages dans laquelle elle plongeait ils "vivaient"... La magie des personnages, du rêve, des "mots" la magie de l'écrit on écrit on écrit on se laisse emporter... L'oeuvre "vit" déjà... Son enfance calme et heureuse... avec ses parents et Caroline sa jeune soeur... Une petite maison de campagne blanche, chaleureuse et gaie... Elle comprenait. Elle devinait. Ses silences, ses passions, son amertume, son refus, ses souffrances, son sens de... et ses contradictions... Tout ce qu'il pouvait donner et tout ce qu'il pouvait reprendre... Tout ce qui faisait que...

Les jours avaient passé les semaines leur "entente" devenait telle qu'il s'était surpris à lui confier son dilemme... sa passion aussi pour le théâtre... un amour non partagé... une enfance... C'était par bribes, à ces moments des plus privilégiés où la compréhension, la confiance étaient... ressenties aussi... apogée... Il se sentait alors comme déchargé... de tout... changé heureux surtout... Des instants de bonheur qui s'imposaient à lui elle le changeait elle changeait... La vie était dure, incertaine, amère, les désillusions, "sens unique", les contraintes, le devoir, ce qu'il "fallait"... Et pourtant... Agnès... Agnès le faisait "vivre" à nouveau il retrouvait près d'elle tout ce qu'il aurait voulu... ce qu'il voulait être... Il se retrouvait... ses idéaux son besoin de vérité d'innocence retrouvée d'amour vrai passionné désintéressé pur... son besoin de défendre... Agnès... Son regard doux, chaleureux, décidé... Cet appel, cette harmonie... Il revivait... Il était... S'il pouvait si Suzanne...

Au-dehors la neige tombait... tombait toujours... Au-dedans la chaleur demeurait gagnait encore... La vérité soudain. Il l'aimait. Eperdument, réellement, passionnément il l'aimait.

Il n'aurait pas cru cela possible un jour et pourtant... et pourtant... Mais c'était impossible... A moins... à moins que ce spécialiste... Mais il n'osait encore y croire... Croire à la seule éventualité qu'après... il puisse lui aussi accéder au bonheur...

 © Hélène avril 2002