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Tentation
par Helena
Chapitre 11 - Chacun enquête
Le Professeur Léonard fait entrer les visiteuses dans son
bureau, surpris de découvrir sous le nom de « Melle
André » son ancienne infirmière frondeuse.
- Candy ? Mais vous ne portiez pas le nom « André » quand vous travailliez à l’hôpital ?
- Eh bien disons que je l’avais provisoirement mis de
côté… Pour résumer, Professeur, je suis la
fille adoptive de Mr William Albert André, que j’ai
récemment fini par identifier- et vous le connaissez,
c’était le « patient de la chambre 0 »
- L’amnésique ? Votre père adoptif ? Et « le
» William André dont la presse a tant parlé il y a
quelques mois ? (le Professeur Léonard s’étrangle -
pourvu que ce patient ne lui ait pas gardé rancune de son
attitude, il pourrait renoncer à beaucoup de subsides pour
l’hôpital !)
- Et c’est justement à son sujet que je viens vous voir,
pour avoir votre avis. Mais laissez-moi vous présenter mon amie,
Annie Brighton.
- Brighton ? Comme le constructeur d’immeubles ? Si c’est
votre père, il fait de remarquables réalisations,
Mademoiselle.
- Je vous remercie, Monsieur. Je connais Candy depuis très
longtemps, et « William Albert » depuis plusieurs
années. Nous venons vous voir parce que nous sommes
inquiètes à son sujet, et souhaiterions votre avis.
- A-t-il finalement retrouvé complètement la mémoire ?
- Oui professeur, et il était retourné vivre dans sa
demeure, répond Candy, mais je l’ai vu il y a quelques
jours, et cette rencontre m’a inquiétée…
Elle résume en termes professionnels ces observations en
quelques minutes : l’air absent, fatigué,
l’étourdissement, les nausées… Le Professeur
l’écoute attentivement, puis se lève pour chercher
un livre dans sa bibliothèque.
- Où l’ai-je rangé ? Ah, le voilà. Tenez,
Candy, lisez ce chapitre. Ce traité a été
écrit à la suite de la guerre de Sécession, et
à l’usage de médicaments qui ont créé
des addictions.
- Créé des addictions ? Interroge Annie
- Des drogues détournées, si vous préférez.
Pour calmer la douleur de soldats, certains défigurés,
brûlés ou amputés, mes confrères ont
utilisé de la morphine, par exemple, ou de l’opium…
et d’après votre descriptif, je penserais à
celui-ci en priorité.
Candy et Annie se concertent du regard : de l’opium ! Le mot est terrible et elles ont la même réaction
- Ce n’est pas possible, Albert ne se drogue sûrement pas !
- On a pu lui en administrer à son insu… les effets
secondaires et la dépendance sont rapides. J’aurais
tendance à pencher pour cette éventualité :
pendant son séjour, je n’ai rien remarqué en
comportement lié à une addiction chez Mr André. Je
me souviens même que vous aviez beaucoup de difficultés
à le convaincre de prendre ses traitements, Candy, et
qu’il avait voulu très vite retourner vivre en
extérieur… s’il avait déjà
été dépendant, il nous aurait demandé
« de quoi tenir ».
- Mais il était amnésique !
- Il aurait eu des symptômes qui ne trompent pas… je pense
par ailleurs que celui qui lui fait prendre un dérivé
utilise sa situation d’ancien amnésique pour créer
le doute, et faire croire à une résurgence des anciens
malaises. Pouvez-vous me l’amener pour un examen ?
- J’ai bien peur que non. On m’a fermé la porte de la demeure André, sans doute définitivement.
- Mais pas à moi, dit Annie. Je suis toujours la fiancée d’Archibald, et je peux aller trouver Albert.
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Grâce à son uniforme, prestigieux en ces temps de guerre,
Charly n’a eu aucun mal à trouver une carriole pour
l’amener vers la Maison de Pony. Il saute prestement à la
croisée des chemin, salue le conducteur qui
s’éloigne, et rejoint en courant le facteur qui
s’avance sur un petit chemin.
- Monsieur, vous savez où je pourrais trouver la Maison de Pony ?
- J’y vais, jeune homme- dites, vous venez de l’Europe ?
- Oui. Est-ce qu’il y a des jeunes filles à la Maison de Pony.
- Il y a eu une ancienne pensionnaire qui est revenue à
plusieurs reprises, Candy. Qu’est-ce qu’elle a pu voyager !
Je me souviens, je ramenais ses lettres de Lakewood, du Mexique,
d’Angleterre, et finalement de Chicago. Mais elle n’est pas
là en ce moment. Sinon, il y a une New-yorkaise, dont le
fiancé est mort sur le champ d’honneur, un peu «
moderne », mais finalement gentille et qui… oh, mais
dîtes-moi, ce ne serait pas pour elle que vous viendriez ? Vous
êtes le futur père, et finalement pas si mort que
ça, hein ?
Charly acquiesce, ému d’entendre parler de Sandra- parce
que ça ne peut être qu’elle, quelle autre fille
pourrait venir de New York pour chercher refuge dans « ce trou
perdu » ? Il est cependant déçu d’apprendre
que Candy n’est pas là.
- Il faut que je lui parle, à tout prix. De son père
adoptif qui est menacé, et de Terry, à qui je suis
sûr qu’elle manque. Sandra, ma chérie,
j’arrive mais je ne pourrai peut-être pas rester longtemps,
je sens que j’ai une dette vis-à-vis de ces
deux-là, et je dois la payer.
Il ne se doute pas qu’une autre difficulté l’attend en arrivant à la Maison de Pony !
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Philip GOLD s’adosse au fauteuil, allume son havane, interpelle ses hommes de main.
- Alors ? Qu’avez-vous de plus comme éléments ?
- Nous avons bien vu « Mademoiselle » entrer et sortir
à plusieurs reprises dans la demeure des André, souvent
accompagnée par celle que vous aviez rencontrée à
l‘opéra.
- Et moi, je me suis fait passer pour un livreur, et j’ai
réussi à faire parler la cuisinière : elle est en
bonne passe de se fiancer officiellement avec le chef de la famille,
William André.
- Et lui, à quoi ressemble-t-il ?
- Un homme jeune, entre 25 et 30 ans. A priori, il avait disparu de la
famille pendant plusieurs années, et a repris sa place
récemment. C’est un original, il aurait eu aussi des
problèmes de santé, de mémoire exactement, suite
à la guerre.
- De mémoire ? Mais il a bien « toute sa tête » ?
- Oh oui : Il a la direction de toute la famille, des banques, des investissements… tenez, voici une photo.
L’ancien protecteur de Louisa la prend, et en frémi de
colère devant l’image d’Albert, jeune et beau, avec
Louisa à son bras, levant des yeux énamourés.
« Cette petite peste, que j’ai sorti de sa cambrousse et de
la ruine de ses parents ! Me quitter dès qu’elle trouve un
homme plus jeune, et plus respectable ! Sait-il la façon dont
elle m’a aguiché, ou a-t-elle encore utilisé ses
talents d’actrice et de courtisane ? »
Les hommes de Philip Gold l’observent. Il ne peut pas y avoir
pire humiliation que celle que lui a infligé son ex-petite amie,
et la loi du milieu réclame une vengeance exemplaire, pour
rétablir son honneur et surtout sa crédulité dans
« les affaires ». Qui traiterait avec lui sachant
qu’il s’est fait « avoir» par une «
gamine » ?
- J’ai autre chose à vous dire, Monsieur.
- Oui ?
- Ce « Monsieur William » a une fille adoptive qui a
le même âge que votre ex-amie et celle que nous avons vu,
elle s’appelle Candy et est infirmière.
- Intéressant, on pourrait en tirer parti…
- Et nous avons un complice dans la place, qui a tout
intérêt à éliminer Mr André, et
d’autres personnes.

Chapitre 1 - Les 4 vérités
- Melle Pony, on sonne à la porte.
- A l’heure du repas ? Qui cela peut-il être ?
- Je vais voir, Sœur Maria.
Et Sandra se lève, en se tenant les reins. Sa grossesse est
maintenant bien visible, elle est enceinte de bientôt 6 mois, et
le médecin du village lui a dit qu’il pensait
qu’elle attendait des jumeaux. En ouvrant la porte…
- Charly ! Charly, c’est bien toi ?
- Sandra, enfin je te retrouve !
Sous le regard éberlué des pensionnaires, qui pensait que
Sandra était veuve, ils s’embrassent, rapidement
interrompus par Sœur Maria.
- Jeune homme, jeune homme ! Et toi, Sandra ! Arrêtez cette
exhibition, on vous regarde ! Si vous voulez me suivre, nous allons
dans le bureau. Melle Pony ?
- Je viens. John, surveille les autres, nous revenons. Bonjour quand même, Monsieur !
- Euh… bonjour Mesdames
- Madame et Ma Sœur, s’il vous plaît !
- Si vous voulez Mad… Ma Sœur.
Charly suit Sandra et les deux directrices du Foyer dans le modeste bureau
« En voilà une qui n’a pas l’air facile !
Pauvre Sandra, elle sera bien contente de repartir avec moi ! »
- Eh bien, Monsieur, je pense que vous devez être le père des enfants de Sandra ?
- Les enfants ? Mais je ne l’ai mise enceinte qu’une fois, je le jure !
- Charly, chuchote Sandra, j’attends des jumeaux et je te jure que c’est toi le père…
- Des jumeaux ? Mais c’est formidable ! Vite, fais ta valise, je
vais aller chercher une carriole et je t’emmène à
la ville.
- Et vous l’emmenez où, je vous prie ?
- A New York, Madame, à Brooklyn, dans notre quartier que nous connaissons bien…
- Je vous ai dit de m’appeler Ma Sœur. C’est un peu
facile, jeune homme, de disparaître après avoir mis une
jeune fille dans une situation délicate, et de revenir des mois
après, sans même avoir écrit une lettre
entre-temps. Et si vous aviez disparu à la guerre, que
serait-elle devenue avec ses enfants, y pensez-vous ?
- Sœur Maria, c’est un jeune couple qui est juste
allé un peu trop vite… Vous avez une situation qui vous
permette d’assurer votre rôle de père de famille,
j’imagine, Charly ? Interroge Melle Pony
- Eh bien oui, Ma Soeu… je veux dire Madame. Maintenant que je
me suis engagé dans l’armée , et comme j’ai
de bons états de services, mon Colonel m’a dit que je
pourrais l’intégrer définitivement après la
guerre. J’aurai donc un métier, et un salaire pour nous
trois- non, nous quatre.
- Il n’en reste pas moins que vous avez un passé
très trouble. Nous ne laisserons pas Sandra repartir avec vous
sans l’accord de son père, à qui je vais
écrire. Allez le trouver, nous en reparlerons après.
Et, quelques heures plus tard, revoici Charly en route vers la gare.
« Je suis si heureux de t’avoir retrouvée, Sandra,
je reviendrai vite te chercher. Par où commencer ? Aller voir
ton père ou chercher Candy à Chicago pour la
prévenir de la menace ? En tout cas, je comprends le
caractère de « Miss Tâches de Son », comme
l’appelle Terry, avec une éducatrice pareille ! »
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En entendant frapper à la porte, Terry ressent une bouffée d’impatience.
« Qui vient encore me déranger ? J’ai
déjà eu mon compte, aujourd’hui, entre Karen et
Suzanne, avec en plus Eléonore et Mr Hathaway qui me rappellent
à la pièce ! »
Il ouvre brusquement la porte et se trouve… face au Duc de Grandchester, son père.
- Que venez-vous faire ici ? Si c’est pour me demander de rentrer en Angleterre, c’est inutile.
- Je ne viens pas pour ça, Terry. Tu me laisses entrer ?
- Asseyez-vous.
Père et fils s’observent, notant les changements de chacun en bientôt 3 ans.
- Terry, j’ai reçu une lettre de ta mère à ton sujet, qui m’a alarmé.
- Je n’ai aucun compte à vous rendre, je vis ma vie sans utiliser votre nom ou votre argent.
- Et crois-moi, je t’admire pour avoir eu l’audace qui
m’a manqué… mais je suis consterné de te
voir commettre les mêmes erreurs que moi.
- Quelles erreurs ?
- Je pense que tu as déjà rencontré la femme de ta
vie, mais que tu l’abandonne pour un mariage de raison… et
je pense que, comme je l’ai fait, tu prends une maîtresse
pour ta satisfaction physique- mais ça ne te rendra pas heureux
pour autant, crois-en mon expérience.
- Vous avez eu des maîtresses ? Je ne l’ai jamais su.
- Et plusieurs, aussi belles que ta mère, mais
j’étais discret. J’ai eu la reconnaissance sociale
d’un côté, la satisfaction charnelle de
l’autre, mais je n’ai jamais retrouvé l’amour
que j’avais connu avec Eleonore. Terry, écoute-moi, ne
pars pas maintenant !
- Je vous ai assez entendu. Et puis moi, je n’ai jamais rencontré une quelconque « femme de ma vie » !
- Tu me mens comme tu te mens à toi-même. Je suis
sûr que tu pense toujours à Candy, celle du
Collège. Terry, tu n’en trouveras pas d’autres comme
ça, et elle t’aimait vraiment.
Surpris par ces paroles, Terry reste figé sur place : les
mêmes que celles de Charly ! Et s’ils avaient raison ?
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Elisa entre triomphante dans la chambre de son frère, ignorant son air maussade, et la flasque de whisky.
- Mon cher Daniel, tout va pour le mieux : imagine-toi que Louisa a eu
des nausées ce matin, elle nous a confié en plus à
Maman et à moi avoir « du retard » : elle est
enceinte, c’est dans la poche pour le mariage avec Albert, et
rapidement !
- Ah bon ? Parce que tu penses que c’est lui qui l’a « engrossée » ?
- Pourquoi dis-tu ça ? Et quelle expression vulgaire ?
- Pas plus que ta mise en scène de départ… Albert
n’est pas le seul homme dans cette maison, et il n’a jamais
semblé très entreprenant avec sa fiancé.
- Parce qu’il est bien élevé.
- Tu crois que c’est tout ? Tu deviens naïve, ma pauvre… elle ne l’attire pas, ça se voit.
- Et quand bien même il ne serait pas le père, on ne dira
rien et ils se marieront. Rends-toi compte : nous serons bientôt
débarrassés d’Annie puisqu’il va faire
annuler le mariage, d’Archibald qu’il «
expédiera » ailleurs, et de Candy quand il annulera
l’adoption, et de la Tante Elroy renvoyée en retraite
à Lakewood Nous serons à la tête des André,
nous les Legrand, la « branche la moins glorieuse » !
- Et qu’est-ce qui te dit que je ne pourrais pas y arriver tout
seul ? Et avoir en plus Candy comme femme ou une maîtresse ?
J’en ai peut-être assez, de te suivre, dans tes complots
qui ne marchent quasiment jamais !
Pour la première fois, Daniel se rebelle face à sa sœur, surprise par le reproche qui est fondé.

Chapitre 13 - Un double enlèvement
En se présentant devant les grilles de la demeure André,
Candy et Annie sont aussi résolues l’une que
l’autre. Il faut arrêter le plan d’Elisa, et
d’urgence, pour le bien de tous. Comme convenu, seule Annie fait
sonner le chauffeur à la porte, Candy reste cachée dans
la voiture des Brighton.
Un majordome guindé se présente, qu’elle
reconnaît tout de suite : celui qui l’avait «
raccompagnée » ! Elle le voit hocher négativement
de la tête, et refermer la grille, et Annie consulter son
chauffeur pour se retourner, les larmes aux yeux. Renonçant au
plan initial, Candy saute alors du véhicule, et accourt
- Annie, que se passe-t-il ?
- Il vient de dire que je n’ai plus d’entrée dans la
famille André… que mes parents allaient recevoir un
courrier de Mr William annonçant la fin des
fiançailles… qu’il ne pouvait même pas
m’ouvrir la porte pour que je revois Archibald… oh Candy !
Annie éclate en sanglots sur l’épaule de son amie,
incrédule devant le tour que prennent les
évènement. Serait-il trop tard pour contrecarrer les
Legrand et Louisa ? Elles entendent alors des pas qui se rapprochent,
dans le parc des André. Louisa et Elisa, justement, triomphantes
!
- Eh bien Annie, tu pleures, comme d’habitude ? Tu ne sais faire
de toutes façons que ça, pleurer sur
l’épaule de ta chère Candy, depuis que je te
connais.
- Fichez-le camp, les orphelines ! Rentrez chez Pony ! Au fait, Candy,
félicitations pour tes fiançailles avec un petit
paysan…
- Tu devrais en faire autant, Annie : te trouver un gentil
garçon de ton milieu qui cherche juste une génitrice pour
lui faire plein de petits fermiers… lui ne sera pas trop
regardant sur une orpheline, pas comme Archi qui a enfin compris, et
qui s’intéresse depuis quelques semaines à une de
nos amies.
- Et laquelle, je vous prie ?
Archibald ! Le visage fermé, il sort de sa voiture et
s’approche à son tour du petit groupe. Il prend Annie par
les épaules, et chuchote : « ne t’inquiète
pas ! Tout est faux ! ».
- Ouvre la porte immédiatement, Elisa.
- A toi, oui, mais pas à ces filles. Mr William ne supporte plus leur vue.
- Ah oui ? Est-ce que ça ne serait pas plutôt
l’effet des pilules fournies par Louisa qu’il ne
supporterait pas ? Je les ai fait analyser, figure-toi, et je vais lui
en parler de ce pas.
Joignant le geste à la parole, Archibald sort la clé et
ouvre la porte. Elisa et Louisa se concertent du regard, rapidement la
première reprend la parole, jouant le tout pour le tout, et
interpelle Niel qui arrive sur les entre faits.
- Archibald, tu ne sais pas tout de ta petite amie. Avec ses airs
innocents, elle en fait des belles, de son côté,
n’est-ce pas Niel ?
- Hein ? Oh, oui, oui, tu ne sais pas tout, mon vieux.
- Pendant son dernier séjour ici, tu as bien du la chasser de ta chambre ?
- Oui, renchéri Louisa, elle était même venue te
surprendre dans ton bain ! Mais une fille née hors mariage, elle
a sûrement de qui tenir !
- Je ne crois pas un mot de votre histoire, je vous connais trop bien. Candy et Annie, suivez-moi !
A ce moment précis, la traction noire garée au bout de la
rue démarre, ralenti à la hauteur des deux amies qui sont
restées seules à l’extérieur de la
propriété. Deux hommes en costumes rayés, avec des
lunettes fumées empoignent sans ménagement les jeunes
filles, les entraînant dans la voiture… qui repart
aussitôt. Le chauffeur des Brighton démarre aussitôt
vers sa voiture, mais un des passagers de la traction sort alors un
pistolet, vise les pneus et c’est l’accident…
Archibald, d’abord saisi, court dans la rue
- Annie ! Candy ! Revenez ! Je vous retrouverai ! Annie !
Il se retourne alors vers les Legrand et Louisa, puis empoigne Elisa par le col de sa robe.
- Dis-moi où elles sont emmenées ! Dis-le moi tout de suite ! C’est encore un de tes sales tours !
- Je ne sais rien, Archibald, je te jure que je ne sais rien…
- Je ne te crois pas (il la secoue de plus belle), réponds-moi, sale chipie !
- Archibald, mais tu perds la tête ? Que fais-tu avec ma fille ? Et toi, Niels, tu ne dis rien ?
C’est maintenant au tour de Mme Legrand, qui est
accompagnée de la Tante Elroy et d’Albert
d’intervenir.
- On vient d’enlever Candy et Annie sous nos yeux, ma Tante. Et
je suis sûre qu’Elisa y est pour quelque chose !
- Enlevée, Candy ? Encore ? C’est encore toi, William ? demande Elroy.
- Non, ce n’est pas moi. Je ne savais même pas
qu’elle était encore à Chicago… Louisa, tu
m’avais bien dit qu’elle était partie retrouver son
fiancé en disant qu’elle ne voulait pas s’occuper de
moi encore une fois ?
- Oui, oui, c’est bien ce qu’elle a dit. Elisa est témoin, d’ailleurs.
- Et tu n’as pas trouvé ça bizarre, Albert, connaissant Candy comme tu la connais ? Éclate Archibald
- Si, bien sûr, d’ailleurs j’ai envoyé Georges
pour la chercher, mais sans succès : elle n’était
ni chez Melle Pony, ni à l’hôpital, ni chez Tom
Steve. Maintenant, je comprends mieux : elle était allée
tout simplement retrouver Annie…
- En tout cas, il faut appeler la police tout de suite.
Dans la traction noire, Annie et Candy ont été «
calmées » avec du chlorophorme, baillonnées et
ligotées pour le réveil. Les kidnappeurs les regardent
- On ne devait en enlever qu’une, et discrètement…
- Je crois que c’est la blonde, la fille de celui qui a une
dette. Tu sais ce qu’il a l’intention d’en faire ?
- Pas vraiment, non… une monnaie d’échange,
peut-être ? Ou alors la garder pour un de ses « clubs
privés » ?
- De toutes façon, on a fait une jolie prise, il sera content.
Les hommes ricanent, sans savoir que Candy, pas tout à fait
endormie, a tout entendu de la conversation. Qui est le patron ?
Comment Annie et elle vont-elles se sortir de ce piège ? Que
leur veut-on ? Elle se demande aussi confusément qui avait pu
indiquer qu’elle était la fille adoptive d’Albert,
et ce qu’il a à voir avec ses malfaiteurs…

Chapitre 14 - Rencontres et retrouvailles
L’inspecteur Potter écoute le récit d’Archibald, les sourcils froncés.
- Une traction noire ? Des hommes avec des costumes rayés ? Vous en êtes sûr, Monsieur Conwel ?
- Sûr et certain, mais je n’ai pas eu le temps de voir
exactement combien ils étaient, ni l’immatriculation.
- Votre description nous permet déjà
d’avancer… malheureusement, ce sont des indices
particulièrement inquiétants.
- Particulièrement inquiétants ? Interrogent Albert et Archibald Pourquoi ?
- Parce qu’il doit s’agir de la mano nera… plus connue sous le nom de mafia : vous connaissez ?
- J’en ai déjà entendu parler, répond Archibald, mais sans plus : et toi, Albert ?
- La même chose.
Un souvenir revient alors à Albert : dans la période
où il avait recouvré la mémoire, où il
rencontrait discrètement des hommes de loi pour retrouver sa
place dans la famille et les affaires des André, les voisins
avaient cru qu’il faisait partie de la mafia… même
Candy avait eu un doute !
« Candy, où es-tu ? Tu es comme ma deuxième
sœur, je ne veux pas te perdre comme Rosemary… »
- Excusez-moi de vous poser la question, Messieurs, mais avez-vous une
activité avec quelque un de lié à la mafia,
même occasionnellement ?
- Bien sûr que non, pourquoi nous posez-vous cette question ?
- Parce qu’un enlèvement d’une fille ou d’une
fiancée (et c’est doublement le cas aujourd’hui),
dans cette organisation ne se fait qu’en règlement de
« dette d’honneur ». Il faut donc que vous soyez
franc l’un comme l’autre, ce n’est pas pour une
sanction pénale, mais pour mieux comprendre et savoir où
trouver Melles Brighton et André.
Archibald et Albert se concertent : non, ils n’ont aucun lien
avec « le milieu » dont l’influence grandi
particulièrement à Chicago. Une idée vient
à Archibald :
- Et si on interrogeait Louisa ?
- Pourquoi Louisa ?
- J’ai cru comprendre que son père avait été
ruiné par des dettes de jeu… si ça se trouve,
c’est elle que ces hommes cherchaient, ils se sont
trompés. Et son père pourrait peut-être nous
indiquer où les trouver.
- C’est une idée, Monsieur Conwel. D’autant que
c’est la demoiselle que j’ai vu défaillir,
n’est-ce pas ?
- Oui, mais il peut y avoir une autre raison. Nous sommes fiancés, et Louisa attend un enfant, dit Albert.
L’inspecteur Potter réprime un geste de surprise.
« En voilà des choses inattendues dans une famille comme
celle-ci ! Une fille enlevée par la mafia, une fiancée
enceinte avant le mariage… ça ne ressemble pas à
leur réputation ! »
Une toux discrète se fait alors entendre.
- Monsieur William, excusez-moi, vous avez des visiteurs.
- Qui ?
- Je… eh bien j’hésite à les faire entrer :
2 cow-boys, un père et son fils, le plus jeune dit être
fiancé à votre fille. (le majordome fait clairement
comprendre qu’il a un doute).
- Albert, c’est Tom et son père ! Ils sont sûrement à la recherche de Candy !
- Faîtes-les entrer, qu’attendez-vous ?
- Oh, mon Dieu, William, cette Candy nous a toujours mis dans des
situations impossibles, bougonne la Tante Elroy. As-tu besoin de les
voir maintenant ?
- Bonjour, Monsieur André. Je suis le père de Tom, nous
n’avions pas eu de nouvelles de Candy depuis plusieurs jours,
nous avons préféré venir voir ce qui se passait.
- Bonjour, Monsieur Steve. Bonjour, Tom, nous nous sommes déjà vu chez Melle Pony.
- Bonjour. Bonjour Archibald, mais où sont les filles ?
- « Les filles » ? s’étrangle la Tante Quel langage, Seigneur !
- Oui, Candy et Annie, où sont-elles ?
- Asseyez-vous, nous avons une mauvaise nouvelle.
Alors qu’Albert, reprenant sa maîtrise de soi et les
rênes de la situation s’apprête à tout
expliquer, le majordome revient.
- Monsieur André, je suis désolé, vous avez une autre visite…
- Vous êtes très demandé, remarque l’inspecteur
- Rarement autant que aujourd’hui ! Rétorque Archibald. Qui sont ces personnes ?
- Deux jeunes gens. L’un d’eux me dit qu’il est un
ancien camarade de Collège de ces Messieurs et Demoiselles, et
je pense que c’est un de ses domestiques qui l’accompagne.
J’ai proposé au deuxième d’attendre dans le
vestibule, là où est sa place, mais il a refusé
dans des termes assez… virulents.
- Eh bien, qu’ils nous rejoignent !
Terry et Charly ! Si leur présence surprend Archibald,
c’est surtout Terry qui reste interloqué en voyant Albert.
- Albert ? C’est bien toi ? Mais que fais-tu chez les André ?
- De mon temps, on apprenais à se présenter et à
saluer, dit sèchement la Tante. Qui êtes-vous, tous les
deux, je vous en prie ?
- Veuillez m’excuser, Madame. (Terry la salue
théâtralement, ce qui a l’air de plaire à la
doyenne…). Je me présente : Terrence, acteur dans la
troupe Strafford de New York. Et voici Charly, un de mes amis
d’enfance.
- A moi de te donner mon vrai nom, Terry. Je suis bien Albert, mais
c’est mon second prénom. Et si je suis dans cette demeure,
c’est parce qu’elle est la mienne : je suis William Albert
André, le père adoptif de Candy.
- Terry, tu le connais ? Interroge Charly
- Oui, Albert est un de mes meilleurs amis de l’époque de Londres.
- Alors Monsieur, on a bien fait de venir. Vous courrez un danger, et
sans doute Candy avec : la Mafia a lancé un appel contre vous.
- Comment le savez-vous ? Demande l’inspecteur.
- Par euh… d’anciennes relations avec qui je ne collabore plus.
- Je te remercie d’être venu avec ton ami, Terry, mais
c’est trop tard. Candy et Annie ont été
enlevées sous mes yeux ce matin.
- Candy, enlevée ! Il faut vite la retrouver !
L’exclamation est sortie simultanément des bouches de Tom
et de Terry, qui se retournent pour se dévisager, puis se jauger
du regard.
« Terry ? Le grand amour de Candy, d’après
Annie… il doit encore l’aimer pour être venu de New
York pour la prévenir… il ne me la reprendra pas, cet
aristocrate ! »
« Sans doute le fiancé de Candy, dont Charly m’a
parlé. Elle a fait un bon choix, il a l’air solide, et de
l’aimer… elle est perdue pour moi, mieux vaut que je
reparte. »

Chapitre 15 - Réveils douloureux
- Candy, Candy, réveille-toi !
- Annie ? Où sommes-nous ?
- Je ne sais pas, mais nous
sommes attachées… comment sommes-nous arrivées ici
? Nous étions bien devant la grille des André, avec
Archibald ?
- Attends, ça me
revient… il était entré pour s’expliquer
avec Niel, Elisa et Louisa, et nous étions restées
dehors. Une voiture est arrivée, et des hommes nous ont fait
monter de force.
- Tu as raison, je m’en souviens bien maintenant. Et je crois bien que ces hommes avaient un accent…
Pour ne pas inquiéter
son amie, Candy ne lui parle pas de la conversation surprise.
Visiblement, elles doivent être dans un entrepôt : elle
remarque rapidement que la porte doit être lourde (sans doute
cadenassée), et qu’un soupirail est la seule ouverture.
La porte s’ouvre alors,
interrompant ces impressions. Un groupe d’hommes entre, et
l’un d’eux les désigne du doigt :
- Les voilà, Monsieur.
- Laquelle de vous est Candy André ?
- C’est moi. Que nous voulez-vous ?
- Ton père m’a
pris ma petite amie, tu dois bien être au courant. C’est
peut-être même toi qui a monté le coup !
- Qui est votre amie ? Louisa
? Je ne l’ai pas vue depuis mon départ du Collège,
il y a 2 ans ! Et elle était loin d’être une amie
pour moi, vous vous trompez de complice, allez plutôt demander
des comptes à Elisa Legrand !
- Quelle insolence ! De toutes
façons, même si tu n’as rien à voir avec
ça, tu dois payer pour lui. Ce William André ne te
reverra jamais, ça lui apprendra à se mêler de mes
affaires, et à me prendre mon bien. Il y a bien une «
maison » où on trouvera à t’employer…
je n’aime pas les blondes, mais ce n’est pas le cas de tout
le monde.
- Et pour l’autre, Monsieur, qu’allons-nous en faire ?
- Et bien…
Philip Gold s’approche
d’Annie, qui se recroqueville, terrifiée, pour lui prendre
le menton et la dévisager.
- Maintenant que je n’ai
plus cette petite peste de « Lola« , il m’en faut une
autre pour me distraire et me porter chance… celle-ci m’a
l’air plus docile que la fille André, elle est très
jolie, je devrais en tirer quelque chose. Souris-moi, petite, comment
t’appelles-tu ?
- Elle s’appelle Annie Brighton et je vous conseille de la laisser tranquille !
- Je t’ai déjà dit que tu étais trop insolente !
Le malfrat gifle violement Candy, qui serre les dents de rage.
- Laissons-les, elles ne
risquent pas de bouger. Une André et une Brighton : bravo les
gars, vous avez fait du bon travail !
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Dans la demeure des
André, Louisa est enfin revenue à elle, et est
accompagnée par la Tante Elroy dans le bureau « de
l’oncle William ».
- Albert, mon chéri ! Heureusement, tu n’as rien ! Dis-moi que ces hommes ne t’ont pas tiré dessus !
- Non, Louisa, je n’ai
rien. Par contre, nous avons besoin de toi pour nous aider à
identifier ceux qui ont enlevé Candy et Annie.
- Je ne vois pas pourquoi vous
les faîtes rechercher, mon Oncle. Après tout, elles ont
peut-être retrouvé leur place, maintenant.
- Que veux-tu dire, Elisa ?
- On ne sait rien sur la
naissance de ces filles… si ça se trouve, leurs familles
viennent des bas-fonds, et elles les auraient retrouvées.
Personnellement, j’ai toujours trouvé que Candy avait des
comportements violents.
- Elisa, je ne
tolèrerai pas des propos pareils sur Candy. Je la connais de
longue date, et je suis au courant de beaucoup de tes complots contre
elle pour la discréditer.
Elisa est surprise par le ton
d’Albert, qui semble redevenir lui-même. Elle ignore que le
Dr Martin a fourni un substitut à Archibald pour couper la
dépendance « aux cachets pour les maux de
tête… à base d’opium ».
- Louisa, tu m’avais dit
que ton père avait été ruiné suite à
des mauvais placements. Aujourd’hui, j’entends parler de
dettes de jeux… peu m’importe la raison de sa ruine, je
veux savoir si il a été en contact avec la Mafia, et
s’ils ont une raison de vouloir se venger.
- La Mafia ? Non, non, je
n’ai rien à voir avec eux, et mon pauvre Papa a
été ruiné par son banquier !
Louisa visiblement surprise et
terrifiée par le mot « mafia », se contredit en
parlant de « son pauvre Papa« après
l‘avoir discrédité. Albert se tourne alors vers la
porte de la bibliothèque et appelle :
- Louisa ne peut rien nous
dire de plus. Venez, il faut qu’on reprenne
l’enquête, et qu’on trouve un plan.
Les « invités
» entrent dans le bureau. Comme Elisa et Niel, Louisa est
surprise de reconnaître Terry, celui qui le suit la fait se
troubler encore plus. C’est Charly, qui s’exclame
- Mais je te reconnais ! Tu es « Lola la chanceuse » !
- Non, non, ce n’est pas moi… vous vous trompez.
- Allons donc ! Je
t’avais vue avec « ton protecteur » lors d’un
tournoi de poker à ma dernière permission ! Tu
étais même venue me trouver en douce pour me dire que je
te plaisais et qu’on pourrait s’éclipser dans un
petit salon pendant la partie…
- Louisa, je pense que tu nous dois des explications.
La Tante Elroy, qui a toujours
des problèmes de tension s’est évanouie… et
c’est Mme Legrand qui s’affaire, avec un visage
décomposé- Lola la chanceuse ? Elle cherche le regard de
sa fille, qui recule derrière un fauteuil, comme prise au
piège.
- Vous vous trompez, Monsieur… ou alors c’est sûrement Archibald qui vous paye ?
- Allons donc, ne fais pas
l’innocente. Philip Gold se vantait de « sa prise »,
tu t’étais enfuie de chez tes parents à cheval pour
aller le retrouver, et même blessée en le sellant-
d’ailleurs, tu avais un cicatrice sous le bras !
Charly prend alors la main de
Louisa, et relève la manche droite : aux yeux de tous, la trace
apparaît, datée de quelques mois mais bien là !
- Je t’avais bien dit,
Albert, que cette fille était du même acabit
qu’Elisa ! Aussi menteuses, et sans scrupules l’une que
l’autre !
- Et je le vois maintenant… mais trop tard. Si seulement je l’avais senti avant la visite de Candy…
Toute lucidité
retrouvée, Albert se demande comment il a pu se laisser berner.
Mais la question urgente reste surtout de savoir où sont Candy
et Annie, et comment les secourir.
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