Le puzzle reconstitué
par Helena

Chapitre 14 - Témoin surprise

Le soleil est radieux, la roseraie en fleur… tout s’annonce bien pour le premier mariage de cette génération de la famille André. Pour une fois, la Tante Elroy est satisfaite : tout s’annonce pour le mieux, les rumeurs sur les origines des « orphelines » ont été tues, et William Mac Gregor a légitimé la naissance de Candy avant de disparaître. Celle-ci est d’ailleurs devenue de loin le meilleur parti de la région, puisqu’elle a à la fois déjà l’héritage des Mac Gregor, et en perspective celui d’Albert.

Oui, tout s’annonce bien. La seule chose contrariante est le divorce annoncé chez les Legrand : l’enquête sur Sarah a non seulement mis en lumière toutes ces manigances contre Rosemary, mais aussi remis en cause les naissances de Daniel et d’Elisa : ils seraient bien ses enfants, mais rien n’est sûr concernant leur père… il est question entre autres du majordome, Alexandre, qui avait l’air tellement guindé ! Ces dames de la bonne société en font les gorges chaudes, ceci éclipse complètement les révélations sur Candy et Annie, mais la conséquence directe est que Mr Legrand a non seulement demandé le divorce, mais parle de déshériter ces héritiers dans lesquels de toutes façons il ne s’était jamais reconnu. Sarah osera-t-elle venir avec ses enfants ?

Annie attend, dans le salon. Sa tenue est magnifique, elle l’a finalement personnalisé avec l’aide de sa grand-mère. Candy, entrant dans la pièce, en reste clouée sur place.

- Annie ! Mais tu es encore plus belle que dans le magasin… je me trompe, où tu as changé plusieurs choses ?

- Tu ne te trompes pas. J’ai eu envie de quelque chose qui me plaise vraiment, pas seulement à ma mère ! Grand Ma Gordon m’y a bien aidé, et d’ailleurs, j’ai trouvé ma vocation.

- La mode ? C’était une évidence, te connaissant.

- Oui ! Ma mère n’est pas très contente, mais je vais reprendre le magasin familial, et Archi m’aidera : il m’a raconté comment il avait créé ta première robe de bal, quelle histoire !

Toutes deux éclatent de rire. Annie est détendue, enfin débarrassée de son ancienne rivalité (inavouée !) avec Candy. Archibald est resté admiratif : elle s’est imposée face à ses parents, et l’a convaincu qu’il pouvait prendre une autre voie que celle choisie par sa famille. Quand à la rencontre avec ses beaux-parents, elle s’est bien passée.

- Racontes-moi, et la grande « clinique joyeuse » ?

- Les travaux vont bon train. Le procès d’Arthur est terminé, conclu sur la légitime défense, il reprend donc ses études de vétérinaire… et je vois très régulièrement sa sœur

- On m’a dit qu’Albert et elle ?

- Comment, tu le savais déjà ? Mais par qui ?

- Georges, qui est sorti de sa discrétion légendaire pour une fois.

- Eh bien oui, je crois qu’Albert a trouvé l’âme sœur. Quelqu’un de pas très conventionnel, mais qui lui convient, qui a voyagé comme lui, et qui protège l’innocent comme lui…

- Je suis très heureuse pour lui. Et toi, Candy ? Avec Mikaël ?

- Les fiançailles de sa sœur ont été rompues, pour le motif dont tu te doutes… à leur tour, ces affreux Legrand vont apprendre ce que c’est que d’être rejetés du simple fait de la naissance ! Ça leur apprendra ! En attendant, Mikaël est quand même ici, devine avec qui il parle en ce moment ?

- Je ne sais pas… Albert ?

- Mais non, ta deuxième demoiselle d’honneur, voyons, Patricia ! Ils ont même l’air de bien s’entendre.

Annie se dit que la gaîté de Candy sonne un peu faux… il ne doit pas être facile pour elle de voir tous ces couples se constituer et de rester seule. Et pourtant, comme elle est belle, dans cette robe verte… et comme elle ressemble à ce portrait de la mère d’Anthony, en bonne place dans le grand salon.

- Annie, Candy, descendez ! C’est l’heure !

Le père d’Annie est venue la chercher. Il est finalement très fier de la conduire à l’autel, de voir qu’elle s’est affirmée, et a abandonné ce rôle de « poupée de salon » qu’ elle jouait depuis son adoption. Tous deux échangent un regard complice : une surprise de taille attend Candy.

Les notes de la marche nuptiale s’égrainent dans la chapelle de la famille. Tous les invités sont heureux d’être enfin réunis pour autre chose que pour un enterrement, et tournent la tête pour voir entrer les demoiselles d’honneur et la mariée.

Candy s’avance, le bouquet à la main, partagée entre l’émotion du mariage d’Annie, et celle de reconnaître tous ces témoins de son enfance et de sa vie… Melle Pony et Sœur Maria (doublement invitée) , Mr et Mme Brighton, Albert, Mr Legrand, Tante Elroy, puis au bout de l’allée Archibald, magnifique en costume de marié avec son témoin qui se retourne à la dernière minute.

Terry !

Que fait-il là ? Ses relations avec Archibald étaient souvent tendues. Non, Candy se trompe, ça ne peut pas être lui. Sur le coup de l’émotion, elle s’arrête de marcher. Patty arrive derrière elle, et lui souffle

- Avance, Candy ! On t’expliquera.

Et elle s’exécute. La cérémonie se passe comme dans un rêve… c’est bien lui, qui est là, chez les André… comment Archibald et Annie ont-ils pu être si cruels ? Suzanne est-elle dans l’assemblée, elle aussi ? Non, Candy regarde, mais ne la voit pas.

A la fin de la cérémonie, elle s’enfui, n’en pouvant plus. Elle entend des pas derrière elle, une main l’attrape par la taille, comme dans l’escalier de cet hôpital de New York. Elle voudrait que le temps suspende son vol…a tellement peur de l’entendre parler.

- Candy, arrêtes-toi. Et écoutes-moi pour une fois, Melle Tâches de Son !

Sur l’évocation de son ancien surnom, elle se retourne. Terry lui explique

- Archibald est venu me trouver. Il a passé le barrage de Suzanne et de sa mère en se présentant comme un ancien camarade de collège, venu m’annoncer son mariage. Au début, j’ai failli le renvoyer sans l’avoir vu, heureusement, il a insisté !

- Archi et toi ? Vous vous êtes parlé ?

- Oui… il m’a enlevé tout doute concernant ses sentiments à ton égard, m’a parlé de ton enquête de cette dernière année… il m’a dévoilé tes origines.

- Tu sais donc que je suis une enfant illégitime, pas seulement une orpheline ? Oh, Terry, comme j’ai honte… toutes ces personnes qui me dévisagent depuis…

- Mais moi, je t’aime, et peut-être encore plus en sachant qui tu es. Moi aussi, je suis un « enfant naturel », et je te comprends, comme moi tu m’avais compris en Écosse.

- Et Suzanne ?

- Elle s’était d’elle-même rendu compte que nous n’étions pas heureux ensemble, que nous n’étions pas faits l’un pour l’autre, avant même l’accident. Après la visite d’Archibald, nous nous sommes expliqués, et elle a décidé de continuer dans sa passion du théâtre, en créant son propre cours. Je reviens donc rien que pour toi, Tâches de Son. Candy… 

Terry l’embrasse… comme en Écosse, au temps de leur adolescence, mais cette fois-ci, elle ne le giflera pas…

Épilogue

Assise sur son fauteuil, toujours imposante, la Tante Elroy regarde la réception. 

Ces nouveaux couples, tous jeunes et pleins d’espoir…

Annie et Archibald, mariés radieux

Albert et le Dr Kelly, sortant de l’ordinaire

Patricia et Mikaël, se découvrant avec bonheur

Et surtout Candy et Terry, qui attirent tous les regards

Pour une fois, elle a l’intime conviction d’avoir bien agi, pas seulement pour des convenances. Elle est particulièrement heureuse pour Candy : toute sa vie, elle a regretté d’avoir laissé partir son premier amour : qui sait ce qui ce serait passé si elle s’était battue pour garder William ? Elroy sourit aussi en regardant la roseraie : Albert lui a raconté ce fameux jour où il était allé sur la colline de Pony avec sa cornemuse… quelques semaines avant, juste avant de « partir, sa sœur lui avait dit qu’il y trouverait « sa plus jolie création». Il pensait voir une rose… c’était Candy ! Il fallait vraiment l’esprit romanesque de Rosemary pour faire pareille métaphore ! Sa fille avait d’ailleurs autant d’imagination pour croire qu’Albert était un extra-terrestre ou un prince !

Demain, elle ira sur les tombes de ceux qui lui manquent

William, son fiancé terrible,

Rosemary, sa douce nièce,

Anthony, et Alistair ses petits neveux adorés

Elle sait que de là où ils sont tous, ils approuvent ce beau jour. Elle sait aussi qu’elle a bien fait de convaincre Archibald d’aller voir Terry, car sans cette démarche, rien ne ce serait terminé aussi bien…

Bientôt, une nouvelle génération viendra, elle espère vivre assez longtemps pour pouvoir la connaître. En particulier les enfants de Candy…

FIN

© Helena 2007