Le puzzle reconstitué
par Helena

Chapitre 11 - Fiançailles rompues

Elroy est à sa fenêtre. Georges et Candy avaient prévenu de leur retour cette semaine, pour rien au monde elle n’aurait voulu les rater… tant de choses à savoir. Elle veut alléger sa conscience, se sachant perdue : le médecin de famille ne lui a pas caché qu’elle avait un cancer, et qu’elle n’en avait plus pour longtemps… peut-être n’assisterait-elle même pas au mariage d’Archibald et d’Annie.

Comme ils sont loin, les mariages d’antan… ces fêtes magnifiques où l’on réunissait le ban et l’arrière ban de la famille et des relations d’affaire. Elle se souvient de celui de son frère, de ses sœurs, et se dit qu’il est temps que tout le monde se réunisse pour autre chose que des funérailles… il y en a eu tellement…son frère et son épouse, sa nièce, Anthony, son petit neveu et dernièrement Alistair. William Albert aurait largement été en âge de convoler, mais avec la vie qu’il avait menée !

La voiture de « l’oncle William », comme disaient les garçons dans leur enfance, apparaît justement, et remonte la longue allée, longeant la roseraie de Rosemary. L’heure de vérité est venue. Enfin elle va savoir si Candy est arrivée par hasard à Lakewood, ou si c’était son destin… enfin elle va pouvoir éclaircir l’autre mystère, celui des origines d’Annie. Depuis que celle-ci était revenue du Collège de Saint Paul, charmante jeune fille présentée par ses parents comme « fille d’une parente éloignée », Elroy cherchait qui elle lui rappelait, puisqu’Annie aussi avait quelque chose de familier. Aujourd’hui, elle l saurait. On pouvait faire confiance à Georges pour son efficacité et sa discrétion et à Candy pour son entêtement !

- Melle Candy et Georges, Madame

- Laissez-nous.

Une fois de plus, Candy et la Tante se dévisagent. Chacune se demande ce que sait exactement l’autre, sans véritable antagonisme. Candy se jette à l’eau, ne laissant pas à Georges le temps de prendre la parole, comme chez les Legrand ou les Brighton.

- Je viens vous dire ce que vous saviez déjà. Je suis une fille de la famille André, celle que Rosemary a eu pendant sa longue absence, 2 ans après la naissance d’Anthony. Évidemment, mes parents n’étaient pas mariés, donc ça laissera la joie à certains de dire que non seulement je suis une enfant trouvée, mais en plus une « bâtarde« .

- Personne n’utilisera ce mot en ma présence. J’aimais trop Rosemary pour permettre cela… et ton père ?

- Un ingénieur de la mine dans laquelle Mr Legrand avait investi. D’ailleurs, sa femme avait dissimulé ma naissance, extorqué à Rosemary une promesse de mariage entre Anthony et Elisa, et ordonné à son chauffeur de me laisser dans un hospice de charité, où nul ne pourrait me retrouver.

- Et pour Annie ? As-tu trouvé quelque chose ?

- Sa mère était la demoiselle de compagnie de la mienne… vous la connaissiez, puisqu’elles se sont rencontrées par votre intermédiaire, et son père était un contremaître de la même compagnie minière que celle qu’exploitait mon père.

- Je vois (Elroy accuse les révélations). C’était donc ça, cette lettre que m’avait écrit Mme Gordon, mon ancienne modiste, et la mère de Betty. Elle me demandait de lui rendre sa petite fille, mais je ne savais pas ce qu’était devenue Betty… j’ai cru qu’elle avait perdu la tête, et ne lui ai jamais répondu.

- Vous n’allez pas empêcher le mariage d’Annie et d’Archi, n’est-ce pas ?

- Je l’aurais fait en d’autres temps… mais vois-tu, j’ai élevé et aimé 3 petits neveux, il ne m’en reste plus qu’un. Je ne voudrais pas perdre l’affection d’Archi, et j’ai surtout découvert avec l’âge que les mariages de convenance ne sont pas tous heureux… et qu’on ne devrait laisser les jeunes gens suivre leurs attirances. Par ailleurs, j’appréciais Betty pour sa douceur et sa discrétion, elle a beaucoup aidé Rosemary à surmonter la perte de ses parents. Non, je ne m’opposerai pas à ce mariage, quoiqu’on en dise. Et certains ne s’en priveront pas, Sarah par exemple !

- Mais alors, pourquoi n’avez-vous pas laissé ma mère divorcer, et se remarier avec Brian Mac Gregor ?

- Parce que c’était Brian Mac Gregor ? Tu es sa fille, donc la petite fille de… oh, seigneur !

Sous le choc, la Tante blêmi, chancelle…NON, elle ne s’évanouira pas, pas face à Candy ! Celle-ci l’aide à s’asseoir.

- Je ne savais pas… je te le jure, je ne le savais pas… je savais que c’était l’ ingénieur de l’exploitation de William Mac Gregor, mais je ne connaissais pas son nom… oh, seigneur, quel gâchis !

- Comment est-ce possible ?

- Je crois que je connais une partie de la réponse, dit Georges. Je ne sais pas pourquoi, il y avait un conflit profond entre les familles André et Mac Grégor. Déjà la génération précédente était allée faire ses études à Saint Paul en Angleterre, plutôt qu’aux Etats-Unis, pour ne pas fréquenter le même établissement que les Mac Grégor… sans cesse, vous vous disputiez des marchés, des honneurs… le nom de l’autre famille était interdit sous votre toit.

- Il avait fallu que Sarah se marie avec un camarade d’université du fils unique de William pour qu’il y ait à nouveau des liens entre les deux familles.

- Comment ça, à nouveau ? interroge Candy, oh… mais je crois comprendre…

- Monsieur William Albert, annonce le majordome

En réalité, Albert est là depuis plusieurs minutes… Georges lui avait déjà fait un rapport par écrit, en dépit de l’ordre de discrétion de la tante.

- Et je suis sûr que tu as compris la même chose que moi, Candy. Notre Tante n’a pas toujours été vouée au célibat…

- Vous avez été fiancé à Monsieur William ! Et lui qui a refusé de me dire ce qu’il savait sur la famille André !

- Parce que tu le connaissais ?, s’écria la Tante

- Il a fait partie de mes patients…j’ai accompagné ses derniers jours… nous nous sommes d’abord querellés, puis nous sommes finalement entendus, il y avait même une vraie complicité entre nous. Un peu comme avec vous, Albert.

- Parce qu’il y avait les liens du sang. C’est vrai que tu ressembles physiquement à ta mère, mais maintenant, je comprends mieux tes emportements, ton refus des conventions… William était pareil. Comme je l’ai aimé ! Mais il m’a quitté quelques temps avant notre mariage, il avait rencontré une autre jeune fille, et moi je l’ai laissé partir, par orgueil mal placé. J’ai su ensuite qu’il avait vécu heureux avec elle, du moins jusqu’à la naissance de son fils, où elle est morte. Jamais je ne l’ai revu… et la famille, humiliée par ces fiançailles rompues, a cessé toute relation avec les Mac Gregor.

- Leur nom était même interdit dans les conversations, se souvient Albert. Je comprends que Rosemary n’ait pas osé vous avouer l’identité de cet homme avec qui elle avait une liaison… vous pouviez être terrifiante, Tante Elroy !

- J’avais su par une lettre anonyme (Candy se doute de l’identité du « corbeau ») que ma nièce voyait un autre homme pendant les absences de son mari, profitant de soit - disant « voyages d’affaire « , mais je n’aurais jamais cru que c’était le fils de mon ancien amoureux… ni que William aurait laissé son fils exercer un métier aussi dangereux que dans une exploitation minière !

- On nous a dit que Brian avait un caractère terriblement indépendant, et que cette mine était son œuvre,contre l’avis paternel et sans son financement.

 

Elroy regarde maintenant Candy d’un autre œil. Elle, l’orpheline qui lui avait toujours résisté était finalement à la fois une André et une Mac Gregor. Elle aurait pu avoir une petite fille comme elle… et lui parlera maintenant comme une grand-mère à sa petite fille, pour son bien.

Chapitre 12 - Archibald intervient

Apercevant Sarah Legrand et sa fille à la dernière minute devant le grand magasin, Jeanne Brighton prend vivement la main de sa fille, et la tire vers elle.

- Annie, dépêche toi ! Il faut les éviter à tout prix !

Annie se laisse emmener sans résistance par sa mère. Ce qu’elle craignait était arrivé : le bruit des « vraies » origines d’Annie Brighton et de Candy Neige André s’était répandu comme une traînée de poudre dans les salons. Depuis, sa mère, honteuse d’avoir élevé la fille d’une domestique (car une demoiselle de compagnie n’est rien d’autre à ses yeux), évite depuis plusieurs semaines ses « amies », craignant leurs réactions condescendantes. N’avait-elle pas entendu dire incidemment que le jeune Archibald ferait mieux de choisir Candy, et qu’il ne se mariait avec Annie que par devoir moral, pour ainsi dire par pitié ? Depuis, Annie l’évitait, ne sachant plus où elle en était.

Au moment où le fiacre s’apprête à partir, la porte s’ouvre et Archibald apparaît.

- Annie, tu viens avec moi ! Pas de discussion. A bientôt, « Mère » !

Et voilà Annie « enlevée » dans l’ancienne voiture d’Alistair. Son cœur bat à tout rompre, elle est heureuse d’échapper à l’atmosphère lourde entretenue par sa mère depuis les « révélations » de Candy.

- Où m’emmènes-tu, Archi ?

- Tu verras bien. Je suis désolé d’en être arrivé à cet « enlèvement », mais ton majordome disait constamment que tu étais « indisponible » ou « en visite »… Voyons, Annie, c’est toi que j’aime, depuis ce jour où tu m’as avoué tes sentiments au Collège. Et peut-être même avant, mais comme mon frère me taquinait beaucoup, je refusais de le reconnaître. Tu le sais que c’était bien toi que je voulais comme femme, n’est-ce pas ?

- Oui… (Annie rougit : cette escapade est des plus romantiques : où donc l’entraîne son fiancé ?)

La route est longue… elle s’est endormie… quand elle se réveille, elle voit qu’ils ne sont plus en ville, le paysage lui est familier.

- Nous allons à la Maison de Pony ?

- C’est bien ça.

- Archi, je ne pourrai pas… non, s’il te plaît…

- Il le faut, Annie. Pour que tu redeviennes toi-même, pour notre bonheur à tous les deux.

Annie se doute qu’elle va revoir Candy. Son cœur est lourd, mais en même temps, elle est heureuse de la revoir. Son père lui a parlé longuement, et lui a appris que Candy avait demandé en personne à la Tante Elroy que le mariage soit maintenu. Une fois de plus, Annie s’en veut de sa faiblesse, et d’avoir trahi Candy… après pour l’adoption, la correspondance interrompue, le fait de l’avoir ignorée jusqu’au Collège. Elle s’en veut d’autant plus que son père lui avait rapporté que Rosemary André et sa mère étaient de véritables amies, sans se soucier de rang ou de fortune.

Pour une fois, les orphelins ne jouent pas dehors, n’accourent pas à l’arrivée de la voiture.

- Où sont les enfants ?

- Melle Pony les a amené chez votre ancien camarade, Tom. Il revient avec eux en fin de journée.

Annie pousse la porte… et reste pétrifiée. Qui sont toutes ces personnes ?

- Annie, je ne te présente pas Sœur Maria et Candy… tu les connais déjà. Voici Mr Nelson, un ami de ton père, Mme Gordon, ta vraie grand-mère, et enfin, Mr Brown, mon oncle, qui était le mari de Rosemary.

Annie en tremble… découvrir tous ces témoins de ces origines ! Archibald avait du passer du temps à réunir ces personnes, avec la complicité de Candy, qui préfère rester en retrait.

- Annie, commence Sœur Maria, jamais je ne m’étais doutée que tu pouvais être ma nièce. C’est vrai que tu ressembles à ton père, mon pauvre frère…

- Mais pas totalement, Katie, dit Mr Nelson . Il y a aussi beaucoup de sa femme

- Ma petite Betty, murmure la vieille dame…oui, c’est vrai, j’ai presque l’impression de la retrouver.

Elle s’approche d’Annie, les larmes aux yeux, et la prend dans ses bras. D’abord surprise, Annie sent ensuite une sensation de bien-être… elle se sent enfin aimée pour elle-même, elle qui avait toujours été en quête d’affection. Comme elle aurait pu être heureuse, en grandissant auprès de sa grand-mère !

- Je ne comprends pas pourquoi Betty, qui était ma belle sœur après tout, ne m’a pas écrit une autre lettre, plus explicite, se demande Sœur Maria, considérant la scène.

- Parce qu’elle te connaissais de réputation… répond Mr Nelson. Voyons, Katie, tu as toujours eu bon cœur, mais comme tu étais prude ! Il avait suffit que je t’avoue mes sentiments, alors que nous étions adolescents, pour que tu te réfugies dans un couvent ! Et Kevin qui ne voulait rien me dire, de peur que je ne te retrouve !

- Je pense que vous avez raison, Mr Nelson. Voyons, Sœur Maria, comment auriez-vous réagi au récit de l’amour adultère entre mes parents, dont je suis née ? Et à la « complicité » de votre frère et de votre belle sœur ? Interroge Candy, Pas très bien, je pense ?

- Sans doute… mais comme vos vies auraient été différentes.

Mr Brown, resté en retrait jusqu’ici, juge alors bon de prendre la parole.

- Archibald, tu m’as fait venir parce que tu savais que je pourrais dévoiler certaines choses, n’est-ce pas ?

- Oui… après la mort d’Anthony, vous nous aviez dit, à Ali et à moi, que vous vouliez voir Candy « pour lui dire bien des choses »

- A elle et à Annie, effectivement. J’aimais ma femme, mais je savais qu’elle n’était pas totalement heureuse avec moi. Heureusement, l’amitié de Betty lui permettait d’oublier la distance avec sa sœur, le décès de ses parents, la rigueur de sa tante, la jalousie de certaines personnes… Deux ans après la naissance d’Anthony, elle était pourtant devenue particulièrement mélancolique. Je pensais que c’était le départ de sa seule amie, mais non ! Il a fallu qu’elle soit malade, et qu’elle se sache condamnée pour m’avouer toute l’histoire… je l’aimais vraiment, et j’étais prêt à te retrouver, Candy, et à t’élever comme ma propre fille… mais je ne t’ai recherchée que dans les orphelinats de Chicago, et j’ignorais l’existence de la Maison de Pony. Quand Anthony, des années plus tard, m’a écrit en me parlant de toi et de ta ressemblance avec sa mère, j’ai su qui tu étais. J’aurais du normalement revenir pour la chasse au renard, afin de dévoiler toute la vérité, mais un de mes navires avait fait naufrage, et vous connaissez la suite. Mais sachez une chose, toutes les deux : vos mères n’étaient pas sœurs de sang, mais de cœur, et rien ne pouvait les séparer.

Annie et Candy se regardent.. Puis se jettent dans les bras l’une de l’autre… oubliées, les rancoeurs, les malentendus, les maladresses… 

Tous les observent, heureux… Archibald expliquera plus tard à Candy qu’Albert n’était pas allé par hasard sur la colline de Pony la première fois, mais à la demande de sa sœur. Pour l’heure, il doit repartir, une autre « mission » l’attend, et pas des plus faciles.

Chapitre 13 - Les choix d’une vie

Depuis leurs retrouvailles, plusieurs mois se sont passés où Annie et Candy se sont à peine vues… chacune prise par son projet.

Annie avance de plus en plus dans les préparatifs de son mariage, la plupart du temps en accord avec sa mère, mais également en faisant valoir ses idées. Elle a également annoncé à ses parents qu’elle avait rencontré sa grand-mère, et souhaitait la revoir régulièrement : fataliste, Mme Brighton la laisse faire…

La Tante Elroy a tenu parole, et libéré des fonds pour que Candy et le Docteur Martin puissent reprendre et développer l’idée de la « joyeuse clinique » : un lieu de soins convivial pour enfants dont les parents ne sont pas forcément suffisamment riches pour leur offrir un cadre confortable… ils sont épaulés par Mikaël, avec qui Candy trouve une certaine connivence, mais ont tous les trois envie d’aller encore plus loin dans l’innovation, et le bien être de petits malades. C’est alors, un jour où Albert est venu les rejoindre, qu’ils reçoivent une visite inattendue. On frappe à la porte

- Entrez !

- Bonjour Candy, bonjour Docteur. On m’avait donc dit vrai : c’est vous, le projet « d’hôpital chaleureux » ?

Le Docteur Kelly, accompagnée de son jeune frère, Arthur ! La surprise est grande… ils expliquent tous les deux qu’Arthur doit comparaître prochainement devant la justice, qu’il était en liberté conditionnelle, et qu’en attendant, sa sœur et lui arrêtaient (enfin !) leur course éfreinée, et voulaient retrouver les voies qu’ils s’étaient choisi : soulager la souffrance, et soigner les animaux. Albert, qui a suivi attentivement la conversation, et qui connaît déjà l’histoire par le récit de Candy intervient.

- Je peux sûrement faire quelque chose. Avec un bon avocat, Arthur, vous vous en sortirez sûrement… après tout, vous aviez les preuves des malversations de cet homme que vous avez accidentellement tué, et de son agressivité. J’ai largement les moyens de vous l’offrir.

- Ce serait magnifique, Monsieur… Monsieur ?

- Albert, dit aussi « oncle William ». Et j’ai une autre idée, que je voulais proposer aujourd’hui.

Albert s’explique… il dispose de l’ancienne (et immense !) demeure André, où il séjournait autrefois clandestinement. On peut y faire aisément un hôpital, et dans les bois un parc où les animaux seraient soignés, et s’ébattraient en liberté…

- Dans ma solitude, ces animaux ont été un véritable recours pour moi.

- Mais c’est une idée fabuleuse, Albert ! S’écrie Candy, moi non plus, je ne m’en serais pas sortie facilement sans la compagnie de Capucin !

- Vous tombez donc à pic, tous les deux, renchéri le docteur Martin, s’adressant « aux Kelly » : un médecin et un futur vétérinaire, voilà ce qui manquait !

L’enthousiasme gagne le petit groupe. Chacun a des idées qu’il expose… Mais Albert remarque au bout d’un instant une tristesse qui revient dans le regard de Candy. Il se doute de la raison : Candy avait rencontré Mr William Mac Gregor, très certainement son grand-père, dans le dernier mois de son existence… elle avait, pour lui, le malade irascible, introduit Mina, sa chienne, dans l’hôpital, et une complicité était née de cette infraction au règlement… l’idée d’Albert de rapprochement « malades - animaux » lui rappelle certainement cet épisode, d’ailleurs, elle demande à s’isoler.

Le Docteur Kelly interroge Albert du regard : cette mélancolie, ce besoin d’isolement ne correspondent pas au souvenir qu’elle a de la jeune infirmière. Il acquiesce, et sort, sur les pas de sa « fille » adoptive :

- Candy, que se passe-t-il ?

- Oh, Albert ! Je ne sais plus où j’en suis, ni qui je suis… Annie et Archi vont enfin se marier, mais je me pose énormément de questions… moi aussi, j’ai droit au bonheur, je voudrais créer une famille, moi qui n’en ai pas eu !

- Et c’est normal… tu penses à Terry, n’est-ce pas ?

- Non, non, je n’ai pas le droit de penser à lui : il a fait don de sa vie à Suzanne. Non, Mikaël et moi nous entendons bien, il m’a dit qu’il aimerait avoir une femme qui partage son idéal. Ce serait finalement bien, mais j’hésite encore.

- Il est juste un ami pour toi, ce n’est peut-être pas suffisant.

- Oui, c’est-ce que je ressens. Et puis, j’ai peur de faire comme ma mère, un mariage de raison, et de rencontrer après le vrai amour, et ne plus être libre.

Albert ne se serait jamais douté que Candy était arrivé à ce point de réflexion. Il n’ose pas ré aborder le sujet, mais il sait qu’elle avait déjà rencontré le vrai amour, avec Terry, mais que sa générosité l’avait laissé échapper. En revanche, il doit lui dire quelque chose

- Candy, ma sœur était une femme adorable, mais tu es différente d’elle.

- Comment ça ?

- Jamais Rosemary n’a eu ta volonté, ni ton caractère indépendant. Sans ça, elle ne se serait pas laissée marier par notre Tante Elroy (qui pensait faire son bonheur, soit dit au passage !). Elle aurait pu aussi aller au bout de son amour pour Brian, quitter son mari en emmenant Anthony, et tu l’aurais eue, ta vraie famille. Dans le même contexte que ma sœur, tu aurais fait autre chose.

- Je ne sais plus… j’arrive juste à oublier toutes ces questions quand je travaille sur le projet d’hôpital pour enfants avec le Docteur Martin, et toi… et avec Arthur et sa sœur maintenant ! Oui, il vaut mieux que je me concentre sur ça.

- Il y a autre chose Candy… dis-moi quoi.

- J’ai reçu ceci, cette semaine.

C’est une lettre… qu’Albert lit avec une surprise croissante. William Mac Gregor, dès sa première rencontre avec Candy s’était douté de son identité. Comme elle lui avait rapidement dit ne pas avoir connu ses parents, afin de ne pas lui créer de fausse joie, il avait demandé à son avocat de faire une enquête sur cet enfant posthume que son fils aurait eu…et l’avocat avait remonté, via un détective, toute la « piste » depuis l’exploitation minière. Il avait entre autres été aidé par la correspondance entre Brian et Rosemary… à quelques jours près, Mr Mac Gregor aurait annoncé à Candy son lien de parenté, et l’aurait officiellement reconnue. Le compte-rendu du détective est précis, mais ce qui a le plus touché Candy, c’est la lettre écrite par son grand-père, en cachette de son infirmière… il lui parle de sa vie, du choix qu’il avait fait de ne pas épouser la jeune fille que ses parents lui destinaient pour finalement choisir une jeune infirmière, Katleen, venue d’Irlande… il lui dit avoir retrouvé le même dévouement chez Candy, et tout son regret d’avoir refusé de rencontrer Rosemary Brown, tout à son entêtement et à sa douleur… il lui dit enfin que les choix d’une vie sont trop importants pour les prendre à la légère, et qu’il faut savoir écouter son cœur.

- Je suis très affectée par cette lettre, surtout en ce moment. Je dois encore prendre une décision pour mon avenir… ça me rappelle le jour où j’ai décidé, peut-être trop hâtivement, de ne pas me laisser adopter par les Brighton…

- Ou celui où tu as laissé Terry avec Suzanne ?

- Non, là, je n’avais pas le choix.

- Candy, les choix d’une vie n’appartiennent qu’à toi. Oublie ce qui est arrivé à tes parents, essaye d’oublier cette lettre, ne fais pas trop attention au bonheur d’Annie. Oui, j’ai deviné une petite pointe de jalousie, et c’est naturel ! Tu es jeune, tu as tout le temps de te décider. Mais sois égoïste, pour une fois.

Candy acquiesce. Mais voit toujours avec appréhension arriver le jour du mariage d’Annie…

A suivre...

© Helena 2007