Le sourire de Terry
par Fatalzmarion

Chapitre 31

Tu me dois la vie

Candy veilla la patiente jusqu’à son réveil en compagnie de Madame Marlowe qui ne cessait de pleurer. Stoïquement, Candy appliqua les directives du médecin mais le cœur ne comprenant que trop bien la réaction de la maman de Susanna qui ne pouvait s’habituer à l’image de sa fille … sans sa jambe.

« Son désespoir est tellement compréhensible » se dit-elle plus d’une fois « Je n’ose penser à ce que je ferais s’il arrivait un tel malheur à ma petite Terry ».

Les deux femmes n’échangèrent pas un mot durant cette première nuit.

Aux premières lueurs du matin juste après la relève du service, Susanna finit par se réveiller.

Elle apprit ce qui lui était arrivé et elle aussi pleura, pleura longtemps et amèrement. Elle était handicapée à vie, elle ne marcherait plus et elle ne jouerait jamais Juliette … Elle avait tout perdu. Sa mère maudissait le responsable de cet accident, Terrence Grandchester.

Candy était évidemment rentrée chez elle juste après son service. La petite dormait toujours à poings fermés mais Terry, lui, faisait les cent pas au salon. Il se sentait affreusement coupable de ce qui venait de se produire mais également de s’être montré si cruel envers Susanna. Elle lui avait fait connaître une vie infernale avec toutes ses avances ridicules pendant ces derniers mois et sa lettre anonyme à Candy avait encore renforcé le mépris de Terry envers elle, mais il lui semblait soudain qu’elle payait une addition bien trop lourde par rapport à la gravité de ses fautes … La pauvre ne méritait quand même pas cela !

Candy lui donna des nouvelles, le rassurant sur la stabilité de l’état de Susanna, celle-ci ne tarderait sans doute pas à se réveiller … Il lui expliqua les circonstances de l’accident … le projecteur qui allait lui tomber dessus … Susanna était intervenue pour lui sauver la vie et elle avait perdu sa jambe.

Candy réconforta son mari, effondré par trop de culpabilité pour ses jeunes épaules. Pourquoi chaque fois que sa vie semblait trouver un nouvel équilibre, fallait-il que le sort s’acharne pour le faire exploser en mille miettes d’une façon ou d’une autre.

Le soir, Candy repartit à l’hôpital pour prendre son service mais cette fois, Terry l’y accompagna. Il espérait que Madame Marlowe serait calmée et l’autoriserait à rendre une visite à Susanna. Il se sentait coupable de l’état de la jeune fille et tenait à lui dire à quel point il était navré.

Mais la mère était toujours aussi remontée contre lui. Elle avait donné consigne à la chef de service d’interdire à quiconque l’entrée à la chambre excepté le personnel soignant.

Madame Marlowe ignorant le lien qui unissait Terry et Candy, Madame Grandchester fut donc autorisée à prendre son service auprès de la jeune malade comme prévu. Elle rassura donc son mari en lui disant qu’elle prendrait bien soin d’elle et qu’à son retour, le matin, il recevrait des nouvelles de sa partenaire.

Candy pénétra dans la chambre pour préparer la malade pour la nuit mais là non plus, rien ne se passa comme Candy l’aurait espéré.

Susanna, assise bien droite sur le lit, la foudroyait du regard.

« Candy ?? Qu’est-ce que vous venez faire ici ? Sortez ! »

« Susanna !! Je suis votre infirmière, voyons. Je viens vous préparer pour la nuit. »

« Dites plutôt que vous venez me cracher votre bonheur au visage !!! Vous ne pensez pas en avoir assez fait ? »

« … Comment ?? … mais je … »

« CELA SUFFIT !!! » hurla Susanna « Je ne veux pas vous voir !!! »

« Mais Susanna, calmez vous ! Ce n’est pas recommandé de vous énerver comme ça ! Je suis juste ici pour faire mon travail … »

« Faire votre travail ?? Finir votre travail plutôt !!! Fichez le camp !! »

« Finir mon travail ?? Qu’est-ce que vous racontez ? »

« Oui parfaitement !!! Vous m’avez volé Terry !!! Et maintenant vous osez vivre avec lui maritalement en lui imposant votre petit bâtard et ce, sous mon nez !!!!! Et lui, grand imbécile, je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais il accepte cette situation sans broncher !! Nous étions heureux lui et moi avant votre arrivée dans sa vie !!! »

Susanna hurlait, elle tremblait, elle pleurait à chaudes larmes …

Elle était visiblement dans un état dépressif avancé et elle racontait n’importe quoi. Néanmoins Candy tenta une dernière fois de la calmer.

« Susanna » commença-t-elle de sa voix la plus douce « Je vous assure que Terry … »

« ASSEZ !!! Je ne veux rien entendre !!! SORTEZ !! »

Susanna se retourna pour pleurer dans son oreiller au moment où sa mère rentrait à son tour dans la chambre.

Candy en sortit … Les paroles de Susanna lui martelaient l’esprit … Nous étions heureux avant votre arrivée … Votre petit bâtard … Vous m’avez volé Terry …

Que faire ? Que se passait-il réellement avec cette jeune fille avant qu’ils se retrouvent à Chicago ? … le petit bâtard !! Candy était outrée de cette appellation !!! Comment était-elle au courant de l’existence de Terry ?

Terry … Terry … Il lui fallait défendre le bonheur de sa fille … Pauvre Susanna … Et la première de Roméo & Juliette à la fin de la semaine …

Robert Hathaway avait fait appel à Karen Kliss pour remplacer Susanna Marlowe. Au départ, celle-ci, fière et vexée de n’être choisie qu’en dernier recours, voulait refuser le rôle mais Monsieur Hathaway lui avait avoué que s’il avait opté pour Susanna, c’était uniquement parce que la blondeur de ses cheveux allait trancher avec ceux de Terry sur la scène, qu’il s’agissait donc juste d’un détail esthétique, mais que leurs deux prestations aux auditions avaient été tout aussi valables l’une que l’autre … Finalement donc Karen accepta de remplacer sa rivale et se jura de la surpasser. Elle allait travailler très dur pour être au niveau de son partenaire.

Candy avait changé l’attribution de certains patients avec Clémence, dont Susanna. Elle prenait régulièrement de ses nouvelles mais cet état d’énervement dans lequel l’actrice plongeait à la seule vue de sa rivale, lui était très déconseillé dans son état et à ce stade des évènements, Candy comprit vite que sa présence lui faisait bien plus de tort que de bien. Susanna ne réclamait que Terry et elle ignorait que c’était sa mère, elle-même, qui avait interdit au garçon de venir lui rendre visite.

Candy avait le cœur lourd d’entendre une autre femme réclamer la présence de son mari et les autres infirmières commenter cet amour démentiel que Susanna portait à Terry, à qui sa mère interdisait d’approcher.

« Ils vont tellement bien ensemble … »

« C’est lui Roméo et elle sa Juliette … que c’est beau»

« L’amour gagnera, c’est clair qu’elle l’aime … »

Les collègues de Candy ignoraient qu’elle était mariée à Terry et que leurs paroles lui faisaient mal …

Mais son bon cœur prit néanmoins le dessus à la première occasion. Lorsqu’un jour, Madame Marlowe finit par s’absenter pour prendre quelques affaires chez elle, Terry arriva une fois encore à l’hôpital pour tenter de voir Susanna ou à défaut pour en obtenir des nouvelles par Candy.

Celle-ci fit en sorte cette fois qu’il puisse lui rendre visite.

« Susanna … »

« Oh Terry !! J’étais certaine que tu finirais par venir me voir !! »

« Comment vas-tu ? »

« Le mieux du monde maintenant que tu es là, Terry »

« Susanna, si je suis venu te voir … c’est que, je voulais te dire que j’étais vraiment, vraiment désolé de ce qu’il t’est arrivé … je me sens responsable … »

« J’ai fait cela parce que je t’aime, Terry. Je n’aurais pas supporté de te voir sur ce lit d’hôpital à ma place » dit-elle en le regardant de son regard le plus tendre.

« C’est gentil de dire ça Susanna … mais tu t’es sacrifiée pour moi et je ne peux pas me le pardonner »

« Mais de toute façon, tu vas avoir tout le temps de te faire pardonner, mon chéri … » lui dit-elle alors.

« Que veux-tu dire ? »

« Mais voyons !! C’est de ta faute si je suis comme ça !! Tu dois rester avec moi pour t’occuper de moi ! »

« Mais Susanna … C’est impossible !! Tu sais que je suis … avec Candy »

« Et bien c’est fini pour vous deux ! Tu dois te consacrer à moi maintenant ! »

Susanna pétrissait maintenant son édredon de ses doigts rageurs, de grosses larmes se mirent une fois encore à couler sur ses joues pâles.

« Susanna !! Te rends-tu compte de ce que tu me demandes ? »

« C’est comme ça Terry ! Tu n’as pas le choix … »

Terry fut saisi de répulsion à l’idée d’imaginer une seconde perdre sa femme et sa fille pour se consacrer au bonheur de quelqu’un qu’il n’aimait pas. Il fallait qu’il sorte …

« Je m’en vais Susanna » dit-il simplement « Je reviendrai demain … »

La tête basse, Terrence Grandchester quitta le bâtiment sous le ciel de New York d’où tombaient de gros flocons en ce mois de novembre. Il n’en croyait pas ses oreilles … Susanna avait perdu l’esprit !! Elle exigeait qu’il lui consacre sa vie entière alors qu’elle savait pertinemment qu’il ne l’aimait pas … Il le lui avait dit tant de fois !

Pourquoi n’avait-elle pas laissé le projecteur s’abattre sur lui ? Tout aurait été tellement plus simple alors … Avait-il le droit de l’abandonner ? Elle semblait plongée dans une si grave dépression … ses propos étaient complètement incohérents … Candy … Terry … ses deux amours … sa femme … sa fille … Il était de son devoir de préserver leur intérêt.

Il parlerait à Susanna … demain.

« Love me love me

Say that you love me

Fool me fool

Go on and fool me

Love me love me

Pretend that you love me

Leave me leave me

Just say that you need me … »

 

The Cardigans

 

Chapitre 32 – La grande première

Terry vivait le cauchemar de la culpabilité … mais Candy aussi. Peut-être son mari était-il réellement amoureux de Susanna avant qu’elle ne le retrouve à Chicago et qu’elle lui mette la petite Terry sur les bras … Non, Terry était si amoureux, si prévenant … Il aimait tant sa fille. Ce n’était pas possible …

Et la première de Roméo & Juliette le lendemain qui s’ajoutait au stress de l’accident de Susanna.

Mais Candy allait avoir une nouvelle raison de s’inquiéter encore davantage et pour une tout autre raison …

En rentrant chez elle la veille de la première seule avec sa fille car Terry était resté au théâtre pour les dernières répétitions, elle découvrit deux lettres de Chicago.

La première était de Albert et elle était plutôt réconfortante :

« Ma Chère Candy,

J’ai le plaisir de t’annoncer que j’ai enfin retrouvé la mémoire … Lorsque je te reverrai, je t’expliquerai les circonstances dans lesquelles la machine de mes souvenirs a enfin recommencer à fonctionner. Je te remercie une fois encore pour tout ce que tu as fait. J’espère que tu es heureuse et que ta vie à New York est encore bien plus belle que tout ce que tu espérais.

Je t’enverrai d’ici peu une adresse où m’écrire. Sois patiente ma petite Candy.

Ton vieil ami, Albert. »

Candy sourit à la bonne nouvelle de son protégé. Elle fut soulagée d’apprendre qu’il avait retrouvé son identité et qu’il ne sentait dès lors plus perdu dans ce qu’il appelait « une parcelle de néant ».

Hélas, la seconde lettre était porteuse d’un bien plus triste message. Candy était informée par ses amis Patty, Annie et Archibald que Alistair avait pris la décision de s’engager comme volontaire dans l’armée. Il venait de partir pour la France. Patricia ne cachait pas sa tristesse et Archibald sa crainte de perdre son frère.

Pour Candy qui avait accumulé une pression énorme depuis l’accident de Susanna, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase et relâcher les larmes qu’elle avait refoulées depuis si longtemps. Elle pleura, pleura longtemps … sur Alistair, sur ses amis qui lui manquaient, sur Susanna et sur Terry …

C’est ainsi que son mari la découvrit en rentrant du théâtre très tard.

« Mon amour !!! Pourquoi pleures-tu ? »

Candy lui expliqua la terrible nouvelle de leur ami Alistair, le rétablissement d’Albert …

« Tu comprends Terry, Alistair fait partie de ma vie depuis tellement d’années et puis il m’a beaucoup aidée avec la petite … J’ai peur pour lui … Je ne supporterais pas de le perdre. J’ai besoin de son amitié »

Terry la serra très fort contre lui. Il avait aussi besoin de cette promiscuité physique avec Candy car il sentait bien qu’une tension imperceptible s’était installée chez eux depuis l’accident.

« Pleure ma Chérie, pleure tant que tu voudras … Je serai toujours là, Candy »

« Oh Terry, Alistair ajouté à Susanna, c’est trop pour moi … J’en ai assez … Elle me fait tellement de peine, couchée sur son lit d’hôpital pour t’avoir sauvé la vie … et je ne sais pas comment l’aider. »

Terry repensa à la demande vindicative de Susanna « Tu dois rester auprès de moi, Terry, c’est ton devoir » et serra sa femme en larmes encore un peu plus près de lui. Il ne pouvait pas lui avouer ce que Susanna avait osé lui demander. Il irait la voir après le spectacle demain soir pour lui faire entendre raison.

Le lendemain était le jour de la première. Candy travaillait jusque 16 heures puis devait repasser chez elle pour rester un moment avec Terry avant de la reconduire chez sa nounou où elle devait passer la nuit car il était évident que ses parents rentreraient très tard du théâtre.

Mais tout alla de travers …

Candy passa rendre visite à Susanna qui, comme à l’accoutumée, la mit à la porte, soutenue par sa mère qui l’accusait d’avoir pris le fiancé de sa fille. Candy n’insista pas mais une phrase que Susanna avait prononcée la perturba une grande partie de la journée …

Elle avait dit : « Ne vous culpabilisez pas, ce sera bientôt fini … »

Candy avait beau se répéter cette phrase, elle ne la comprenait pas mais quelque chose la dérangeait, comme un étrange pressentiment.

Elle rentra chez elle mais fut surprise d’y trouver l’épouse de Monsieur Hathaway chez elle. Terry faisait la sieste.

« Nancy ?? Que se passe-t-il ? »

« La nounou de Terry est tombée malade … la scarlatine si j’ai bien compris. Elle a donc fait prévenir immédiatement le théâtre pour que l’on vienne reprendre Thérèse le plus vite possible et comme Terry était débordé dans ses répétitions, je lui ai proposer de ma charger de la petite. Elle dort pour l’instant … »

« Oh Nancy, vous êtes adorable !! Que ferais-je sans vous ? … Oh mon dieu, pour la pièce ce soir, qu’est-ce que je vais faire ? Je n’ai personne pour garder Terry … »

« Nous y avons songé avec Robert … La loge de Susanna est inoccupée puisque Karen a refusé de l’avoir. Nous l’avons donc équipée vite fait pour qu’elle puisse accueillir Terry … Il n’est pas question que vous ne voyez pas votre mari ce soir ! »

« Oh mon dieu, Nancy, c’est trop gentil !!! Décidément, vous êtes une vraie amie pour moi … C’est tellement gentil à vous d’avoir pensé à cela ».

C’est ainsi qu’à 20 heures ce soir-là, Terry se trouvait dans la loge sous la surveillance de Madame Hathaway qui avait insisté pour que Candy se rende à la loge qui lui avait été attribuée et qu’elle puisse ainsi profiter pleinement du spectacle.

Elle croisa Elisa et Daniel Legrand dans la salle …

« Tiens voilà la fille mère !!! » lui lança la rouquine « Que fais-tu ici ? Tu n’est pas honteuse de te présenter dans ce théâtre chic dans ta situation ? ».

Candy fut surprise de la réflexion d’Elisa mais ne laissa rien paraître.

« Je suis ici car Terry m’y a invitée, Elisa. Je ne vois pas de quel droit tu t’énerves »

« Je m’énerve car tu déshonores notre famille avec un bâtard !!! Tu as un enfant naturel avec ton vagabond !!! Je le sais !! » lui lança Elisa de but en blanc.

Elisa avait découvert l’existence de Terry !! Comment ? Mais qu’importe, de toute évidence, elle était mal informée puisqu’elle ne connaissait qu’une partie bien déformée de la vérité alors Candy, qui ne tenait pas à se donner un nouveau sujet d’inquiétude, lui répondit simplement :

« Elisa, ce que tu penses, je m’en moque éperdument, bonne soirée »

Et elle s’éloigna en laissant le frère et la sœur en plan et se dirigea vers sa loge.

Daniel n’avait rien dit … depuis que Candy lui avait porté secours quelques mois plus tôt, il pensait à elle d’une nouvelle manière … et puis comme elle était jolie dans sa robe de soirée !!

Candy fit ensuite la connaissance pour la première fois de Karen Kliss, la remplaçante de Susanna. Elle trouva Karen très sympathique et un petit recoin égoïste de son esprit lui souffla qu’elle était très contente que ce soit elle qui joue Juliette et non la prétentieuse Susanna …

Mais Candy chassa immédiatement cette pensée noire de sa tête.

« Pauvre Susanna » pensa-t-elle « Sa place était ici sur scène et non sur ce lit d’hôpital … »

Le spectacle commença … Terry et Karen étaient stupéfiants … débordants de talent … Candy était si fière de son mari.

Chapitre 33 – C’est la volonté de Juliette

L’entracte arriva et Candy se rendit à la loge pour voir si Terry dormait toujours comme un ange. Elle demanda à Nancy Hathaway si elle voulait qu’elle la remplace mais celle-ci déclina la proposition de Candy.

Elle insista pour que la jeune Madame Grandchester retourne dans la salle, assister à la seconde partie de la consécration de son mari.

Mais en regagnant sa loge, Candy surprit la conversation d’un attroupement de femmes.

« Quel dommage pour la petite Marlowe, ce qui lui est arrivé est terrible ! »

« Il parait qu’elle souffre d’une grave dépression, on chuchote que sa santé mentale serait atteinte … »

« En effet, elle veut obliger Terrence Grandchester à l’épouser … elle fait pression sur lui »

« Je pense qu’il n’en est pas amoureux du tout !! Il ne la regardait même pas … »

« Il culpabilise m’a-t-on dit … »

« Il peut bien !! Il est quand même responsable de ce qui s’est passé et si quelque chose arrive à cette pauvre fille … »

Candy resta figée sur place … Voilà l’explication de l’attitude glaciale de Terry depuis l’accident … Le chantage et la pression … La culpabilité … Ces femmes avaient raison, Terry était responsable de l’état de Susanna … et Candy aussi. Son affreux pressentiment l’assailli à nouveau, redoublant de force.

N’écoutant que son intuition, Candy se précipita vers la sortie en direction de l’hôpital Jacob.

« Ce n’est pas de l’amour … Il faut que je la vois »

Roméo & Juliette continuait … La seconde partie promettait d’être encore plus passionnante que la première.

Mais les idées de Terry se brouillaient … Qu’avait-il fait ? De quoi était-il responsable ? Il voyait Candy … Terry … Susanna … la mère de Susanna …

« C’est de votre faute si ma fille est infirme !!! Votre devoir est de rester auprès d’elle !! »

Et la petite Terry lui tendait ses bras d’enfant plein d’amour … et ses yeux si semblables aux siens … et son sourire … Le sourire de Terry …

« Ma fille a ruiné sa vie pour sauver la votre !!! »

« Toi et Candy, c’est fini !!! Tu te dois de rester avec moi, c’est par ta faute si je suis comme ça ! »

Et Candy … Oh Candy …

« Candy, je veux que tu le dises … Dis moi quelque chose que je n’ai jamais entendu »

« … Je t’aime, Terry »

« Un jour, ici ou ailleurs, nous nous retrouverons … »

« Une seule chose me hante, c’est qu’on aurait pu ne jamais se rencontrer … »

Le trouble qui régnait dans l’esprit du jeune acteur faisait grandir encore la qualité de son interprétation. Il ne jouait pas Roméo, il était Roméo.

Candy arriva à l’hôpital et fonça en direction de la chambre de Susanna … Elle la trouva vide.

Ni sa mère, ni les infirmières ne savaient où elle se trouvait et ce fut la panique. Tout le monde cherchait la jeune infirme partout sans succès.

Candy passa alors devant l’escalier qui menait au toit et fut envahie d’un immense froid glacial … Une porte était ouverte …

Elle gravit les quelques marches et arrivée au sommet de l’hôpital, elle distingua à travers la neige qui tombait à gros flocons, la frêle silhouette de Susanna. Elle s’était débarrassée de ses béquilles et, penchée vers le vide, elle était prête à sauter.

« NOooooooooooonnnnnnn !!! » Hurla Candy « Ne faites pas ça !!! »

La pièce se termina en un immense triomphe pour les acteurs principaux, Terrence Grandchester et Karen Kliss. Ils saluèrent longuement le public qui ne tarda pas à réclamer un rappel.

Nancy Hathaway, voyant que la petite était profondément endormie, sortit de la loge un instant pour assister au rappel des acteurs.

Mais les applaudissements fournis faisaient un tel vacarme qu’ils finirent par tirer Terry de son sommeil …

« Ne faites pas cela Susanna !! Je ne vous laisserai pas faire !! »

« Si !!!! Je le ferai !! Car j’ai tout perdu et je ne serai jamais qu’un obstacle entre Terry et vous !!! Je veux mourir !!! »

« NON !!! »

Terrence tenait la main de Karen, saluant les spectateurs pour la énième fois.

Robert Hathaway prit alors la parole, ce qui fit cesser les manifestations bruyantes du public New Yorkais.

« En tant que Directeur de cette troupe, je tenais à vous adresser quelques mots, Mesdames et Messieurs, non seulement pour être venus si nombreux assister à cette représentation mais également pour vos applaudissements chaleureux qui me vont droit au cœur ainsi qu’à celui de toute la troupe.

Je voudrais également saluer les capacités de mes différents assistants qui travaillent dans l’ombre, techniciens, éclairagistes, décorateurs, maquilleuses et habilleuses.

Et par-dessus tout, je voudrais recueillir de nouveaux applaudissements pour le travail remarquablement professionnel qu’a fourni Mademoiselle Karen Kliss, qui incarnait Juliette aujourd’hui. »

Karen sentit le rose qui lui montait aux joues et ne lâchait pas la main de Terry. Cette main lui donnait confiance et pour le jeune Roméo, dont l’esprit était encore envahi de ses lourdes responsabilités et du fardeau de la culpabilité, la main de Karen constituait une sorte de rappel à la réalité, l’empêchant de suivre son esprit vers les chemins sinueux du tourbillon où il était entraîné depuis l’accident de son ancienne partenaire.

« Félicitations de tout cœur, Karen. Tu as disposé de très peu de temps pour répéter ton rôle mais tu nous as offert aujourd’hui une interprétation exceptionnelle !! Bravo … »

A ce moment, tout le monde applaudit la jeune comédienne aux yeux brillants d’émotion.

« Mon mot de la fin sera pour Terrence Grandchester qui interprétait pour vous Roméo ce soir. A toi aussi Terrence, je t’adresse toutes mes félicitations et je … »

Robert Hathaway ne put continuer … Il fut interrompu par une petite voix coquine que toute la salle et tous les acteurs avaient entendues …

« Papa !!!!!! »

Terry se retourna vers la voix pour s’apercevoir que sa fille courait vers lui en pyjama, les cheveux en bataille, les bras tendus tenant son ours dans une main …

« Papa !!!! »

Sans la moindre crainte, Terry traversa l’immense scène jusqu’à atteindre les bras de son père qui l’accueilli avec amour.

Elle répéta pour la troisième fois … « Papa … ». C’était son premier mot …

Une rumeur de stupéfaction se fit sentir parmi l’assistance.

Mais les quelques secondes où le jeune Roméo avait serré sa fille dans ses bras furent décisives pour lui et elles firent soudainement toute la clarté sur ce qu’il avait à faire, sur quel était son réel devoir.

« Bonsoir mes amis, moi aussi je voudrais vous remercier d’être venus ce soir. Je voudrais aussi féliciter Karen qui a été une Juliette admirable. Je remercie également Monsieur Hathaway qui nous permet d’exprimer librement notre talent, qui nous donne les moyens de le mettre en valeur et qui nous témoigne toute sa confiance.

Maintenant sur un plan plus personnel, je voudrais vous faire partager la joie de mon bonheur familial.

Je vais vous demander d’applaudir ma mère qui va me rejoindre sur cette scène, que vous connaissez déjà … »

Un nouveau murmure d’étonnement traversa la salle à l’instant où Eléonore Backer vint rejoindre son fils sur la scène … murmure suivi de nouveaux applaudissements.

« Eléonore Backer … C’est son fils, Terrence Grandchester !!! »

Eléonore profita des applaudissements pour glisser à l’oreille de son fils que Candy avait précipitamment quitté le théâtre à l’entracte.

A l’annonce de cette nouvelle, Terry se sentit pâlir et fut lui aussi envahi d’un étrange pressentiment. Mais il se reprit bien vite.

« Et pour terminer, je voudrais vous présenter cette petite coquine qui est venue me rejoindre alors qu’elle est censée dormir à cette heure tardive !!! Mesdames et Messieurs, voici ma fille Thérèse Eléonore Grandchester … Je n’ai pas ce soir l’occasion de vous présenter ma jeune épouse, Candy, car elle a du s’absenter mais je ne manquerai pas de vous faire faire sa connaissance très prochainement … Vous verrez que c’est la plus belle !! »

L’assistance recommença encore une fois à chuchoter, amusée par le dernier commentaire du jeune Roméo … décidément cette fin de spectacle était riche en surprises.

Il serra sa fille et sa mère contre lui ce qui déclancha un nouveau tonnerre d’applaudissements avant que le rideau ne se baisse définitivement.

Seules trois personnes ne s’étaient pas associées à la joie générale.

C’était Elisa, Daniel et Sarah Legrand …

L’enfant qu’Elisa avait reconnu immédiatement, le petit bâtard de Candy … était la fille de Terry !!! Pas celle du vagabond !!! Et Terry l’avait épousée !! La fille d’écurie avait gagné !!! C’était elle et pour toujours que l’on appellerait Madame Grandchester …

Chapitre 34 – Retour à la vie

Au moment où le théâtre allait s'endormir car tous les acteurs avaient quitté la scène et les spectateurs commençaient à quitter la scène, Madame Candy Grandchester se trouvait toujours à des mètres de distance de la terre ferme, sur le toit enneigé de l'hôpital Jacob, accrochée au corps fragile de sa jeune rivale à essayer de convaincre celle-ci de ne pas commettre l'irréparable ...

Jamais elle n'aurait pu se le pardonner et Terry non plus, elle le savait.

« Susanna, soyez raisonnable, ne faites pas cela »

« Lâchez-moi Candy, lâchez-moi !! Je ne veux plus vivre »

« Mais enfin Susanna il y a mille et une raisons qui vous ordonnent de continuer à vivre !! »

« Citez m'en une !! Vous qui avez gâché ma vie !! Tout est de votre faute à vous ... Vous avez tout et moi plus rien !! Et tout cela à cause de vous !! »

Candy n'entendait même pas les mots blessants de Susanna. Tout ce qui lui importait c'était de la ramener à la raison.

Elle était toujours accrochée à son corps lorsque enfin les infirmières et Madame Marlowe arrivèrent ... Candy put enfin souffler car Susanna était sauvée. Il lui était à présent impossible de sauter.

Candy entendit alors une voix familière derrière elle.

« Susanna !! Que c'est il passé ? »

C'était Terry. Il avait quitté le théâtre juste après le spectacle, laissant la petite aux bons soins d'Eléonore, lui aussi avait un étrange pressentiment et le départ précipité de Candy en plein milieu de la pièce n'avait fait que renforcer ses convictions.

Susanna reçu l'arrivée de Terry comme une apparition céleste ... Il était venu la voir. Il la prit dans ses bras et la ramena dans son lit.

Candy eut à cet instant le contre coup de tout ce qui venait de se produire sur ce toit. Les paroles blessantes de la jeune infirme lui arrivèrent enfin à l'esprit, elle la revit prête à sauter dans le vide et puis l'arrivée de son mari ...

Candy était assise dans une salle vide de l'hôpital et il lui sembla tout à coup qu'en une soirée, la terre avait tourné des dizaines de fois sur son axe jusqu'à lui en donner le vertige.

C'était peut-être elle la véritable responsable. Elle se sentit fatiguée, tellement épuisée d'un coup. Que fallait-il faire ? Quelle était la bonne décision à prendre ? L'attitude honorable à adopter ?

Candy pleura ... Pourquoi pour Terry et elle, rien ne pouvait donc jamais être simple ?

Elle fut interrompue dans ses noires pensées par la voix de Terry.

« Susanna aimerait te voir ... »

Terry avait une voix tellement sombre, tellement neutre.

Pour la première fois de sa vie, Candy fit quelque chose qu'elle ne se serait jamais crue capable de faire : Refuser de se rendre au chevet d'un malade.

Elle regarda son mari et lui dit :

« Non Terry, ce n'est pas moi mais toi qu'elle aimerait voir !! Vas près d'elle ... J'en ai assez !!! Je rentre ... chez moi »

Et elle sortit en courant vers l'escalier principal qui menait vers la sortie.

En descendant l'escalier, elle sentit deux mains qui la retenaient par la taille.

« Attends moi ma Chérie, je vais aller la saluer et puis nous rentrerons ensemble à la maison »

Candy se dégagea de cette étreinte.

« Non Terry !! Je rentre ... »

Et elle continua sa course vers la porte de l'hôpital sans se retourner. La pression nerveuse qu'elle avait accumulée ces derniers mois et la fatigue de cette lourde journée empêchaient la jolie blonde de réfléchir avec son calme habituel. Elle ne désirait qu'une chose : la paix ... Elle voulait quitter tout cela, elle désirait des bras compréhensifs pour l'accueillir, s'échapper à tout prix de toute cette tension, de tous ces reproches qu'elle ne méritait pas et dont elle ne voulait plus.

Terrence rentra alors dans la chambre de Susanna qui le regarda de ses yeux aimants comme elle avait l'habitude de le faire lorsqu'il venait lui rendre visite.

« Susanna !! Pourquoi as-tu voulu faire cette sottise ? »

« Parce que je t'aime Terry ... Je t'ai perdu à cause de cet accident stupide ... maintenant je ne pourrais plus jamais jouer au théâtre et tu ne m'aimeras plus ... mais quand je t'ai vu tout à l'heure sur le toit ... quand j'ai vu que tu étais là, alors je n'ai plus du tout eu envie de faire cela ... et c'est aussi grâce à Candy, elle a compris que je ne pouvais pas vivre sans toi ... Tu resteras à mes côtés maintenant, n'est-ce pas Terry ... »

Terry s'assit sur le bord du lit et prit la main de Susanna, la regardant dans les yeux.

« Susanna, ce que je vais te dire va probablement te faire mal mais ... Il faut que je te le dises. »

« Nooooooonnn Terry, tais toi !! Tu m'aimes !!! Terry ? Dis moi que tu m'aimes ! »

« Tu dois m'écouter Susanna !! Je me déteste quand je te dis cela car je sais combien cela te fait mal mais non, je ne t'aime pas, ou plutôt je t'aime bien, comme une amie ou une petite soeur. Je te l'ai déjà dit ... La femme que j'aime c'est Candy. »

« Mais tu pourrais apprendre à m'aimer ... C'est ton devoir de rester avec moi »

« J'ai une responsabilité dans ton accident Susanna et je serai toujours là quand tu auras besoin de quelque chose. Si les circonstances avaient été différentes, je serais probablement resté auprès de toi pour remplir ce devoir que tu me réclames ... mais je ne peux pas, je ne VEUX pas quitter Candy »

« Mais pourquoi Terry ? C'est simple de la quitter pourtant ... Je suis sûre qu'au fond de toi, tu m'aimes et que tu veux rester avec moi ... »

« Bon Susanna, tu m'obliges à te dire des choses que j'aurais voulu t'expliquer quand tu irais mieux mais voilà ... Je ne quitterai jamais Candy parce que je l'aime et parce que je l'aime, je me suis marié avec elle ... »

« ... que ... comment ?? … Vous êtes mariés ?? »

« Oui Susanna, nous sommes ensemble depuis le collège et nous nous sommes mariés »

Susanna pâlit tout à coup, ses yeux tremblaient et les larmes ne tardèrent pas à couler sur ses joues.

« Terry … Oh Terry … Mais alors … Qui est cette enfant que j’ai vu sur la photo ? »

« La photo ? Quelle photo ? De quoi parles-tu ? »

« Et bien … euh ... tu te souviens de la lettre que tu as reçue juste avant l’audition pour Roméo & Juliette … Je l’avais ouverte par mégarde … »

Terry se souvint tout à coup de ce fameux épisode. Il avait été furieux contre Susanna à ce moment mais avec tout ce qui s’était passé depuis, il avait presque oublié !

« C’est ma fille Susanna … »

« TA FILLE !!! »

« Ma fille et celle de Candy, Thérèse Elélonore. Et elle est toute ma vie »

« C’est ta fille ?? … Tu as eu un bébé avec Candy ?? … Vous formez une famille, vous avez un petit monde idéal à vous dont je ne ferais jamais partie … »

« Je t’aiderai Susanna, je t’emmènerai voir tous les médecins que tu voudras, je réglerai tes moindres frais, nous serons même amis si tu le veux … Candy aussi t’ouvrira la porte de son amitié, elle ne demande que cela … Cesse de la blâmer, je t’en supplie »

« Candy … Candy … Il est vrai qu’elle a toutes les raisons de me haïr. J’ai voulu gâcher son bonheur plusieurs fois et puis j’ai été si méchante avec elle ces derniers temps. Mais c’est au-dessus de mes forces Terry, je ne peux pas la côtoyer. Je voudrais tellement être à sa place … Je te promets de ne plus vous ennuyer, présente pour moi mes excuses à Candy et essayez d’oublier tout le tort que je vous ai occasionné »

« Je te promets que nous ne t’en voulons en aucune manière. Notre porte te sera toujours ouverte. »

« Vas-t-en Terry … cours rattraper ta femme » répondit Susanna amère.

« Au revoir Susanna »

« Adieu Terry … »

Et Terry sortit de l’hôpital, il n’avait qu’une idée en tête, courir chez lui et serrer Candy très fort. Il voulait lui dire qu’il l’aimait, qu’il l’aimait encore plus fort qu’au premier jour et l’embrasser, l’embrasser encore et encore jusqu’à l’étouffer. C’était la fin du cauchemar car Susanna avait bien voulu entendre raison, enfin.

Chapitre 35 – Pour le sourire de Terry

Terrence rentra dans son appartement. Enfin il allait pouvoir serrer son épouse contre son cœur et lui dire que tout était arrangé. Eléonore avait repris la petite chez elle pour le reste de la nuit.

Mais le calme inhabituel de l’appartement frappa Terry jusqu’au cœur au moment où il entra. Candy n’était pas là, il en était persuadé.

Il se précipita dans leur chambre pour vérifier son intuition et sur le lit, il vit une note écrite de la main de sa femme.

« Terry,

Je ne me serais jamais cru capable de faire cela. Au moment où je t’écris ces quelques mots, je sais que j’ai tort et que j’agis en dépit des intérêts de notre fille mais, j’ignore pourquoi, je le fais quand même. Je n’en peux plus Terry, j’ai besoin de m’extirper de cette situation inextricable. Je me sens à la fois coupable et innocente, responsable et inutile, je ne sais pas ce que je dois faire. Je ne sais plus si je dois vraiment offrir le bonheur à notre famille ou l’offrir à la fille à qui tu dois la vie.

Je rentre chez moi. Peut-être est-ce une certaine façon de fuir la réalité et il est probable que mon attitude ne soit pas celle d’une femme d’honneur mais je me dis que, peut-être, cela t’aidera à y voir plus clair. Je n’abandonne pas Terry mais nous sommes en plein hiver et je ne veux pas prendre le risque de l’emmener vers un lieu incertain par ce froid.

Terry je t’aime, je t’ai toujours aimé et notre fille est le plus grand bonheur qui me soit arrivé. Quand je me serai réétablie correctement, je reviendrai la chercher et qui sait, peut-être que tout s’arrangera …

Pardonne moi mon amour d’agir de la sorte mais cela m’a semblé être la seule façon de sauver sinon notre famille au moins l’amour qui nous lie.

Ta Candy »

Terry laissa tomber la lettre sur le sol … Candy !!! Candy est partie !!!

« Je rentre chez moi » avait-elle dit.

« Je suis sûre qu’elle est allée chez Mademoiselle Pony !! Il faut que je la rattrape. Mon amour … oh Candy … comment ais-je pu être aveugle à ce point ?? Je n’ai pas vu que toi aussi tu souffrais de cette situation … »

Sans réfléchir plus longtemps, Terrence Grandchester dévala les escaliers de l’immeuble jusqu’à se retrouver à nouveau dans la nuit noire de New York qui était recouverte d’un manteau blanc. Il courait, le plus vite qu’il pouvait en direction de la gare …

La gare de New York restait relativement active même durant la nuit. Des trains arrivaient, d’autres partaient.

Terry se précipita vers le guichet de renseignements.

« Monsieur s’il vous plait, pourriez-vous me dire si un train est parti en direction de Chicago ? »

« Chicago, vous dites ? » répondit l’employé « Non le train à destination de Chicago partira d’ici 5 minutes. C’est celui en provenance de Chicago, arrivé il y a 20 minutes, qui vient de repartir vers la gare de dépôt »

« Par hasard, auriez-vous vu une belle jeune fille blonde acheter un aller simple pour Chicago ? »

« Ce que vous me demandez là !!! Mais vous avez de la chance ! Effectivement, j’ai eu une très jolie jeune femme blonde avec des yeux verts il y a peu de temps. Elle pleurait … c’est pour cela que je m’en souviens. C’est peut-être elle que vous cherchez »

« C’est Candy !!! Je vous remercie Monsieur !!! »

« Dépêchez-vous, Monsieur !!! Les voyageurs sont déjà embarqués, le train va partir »

Terry couru le plus vite qu’il pouvait jusqu’au quai en partance pour Chicago. Comme le lui avait dit l’employé, le train était prêt à s’en aller et malgré la nuit et le froid piquant de l’hiver, le train était bondé de monde, les tarifs de nuit étant plus avantageux.

Terry sautait de fenêtre en fenêtre, essayant d’apercevoir son épouse, il criait son nom … mais il ne la voyait pas … quelques secondes plus tard, le train s’ébranla et ne fut bientôt plus qu’un point noir à l’horizon.

Le jeune acteur était tombé à genou sur le quai, il pleurait.

« Candy … Oh Candy … Je t’aime, je ne peux pas vivre sans toi. Je prendrai le prochain train pour Chicago … Je te retrouverai, je te le jure !!! Et nous serons heureux toute notre vie … Candy … Candy »

Soudain, il entendit une voix mélodieuse derrière lui …

« Mon amour … »

Terry se retourna … elle était là !!!! C’était vraiment sa Candy avec son manteau rouge, son béret assorti et son pompon blanc.

Il se précipita vers elle, il la prit par la taille et la fit virevolter autour de lui avant de la reposer sur le sol.

« Tu n’es pas partie !!! Oh mon amour … Comment aurais-je pu vivre sans toi ? »

« Je n’ai pas pu renoncer … Terry, je veux être heureuse auprès de toi jusqu’à la fin de notre vie. Je veux qu’on devienne vieux ensemble … deux croulants qui se moqueront de leurs rhumatismes !!! Mais avant cela qu’on voit grandir notre fille et qu’on aie pleins d’autres bébés … Qu’en dis-tu ? »

« C’est la meilleurs proposition qu’on m’ait faite depuis longtemps !!! C’est tout ce que je souhaite ma chérie !! Comment voulais-tu que j’imagine l’avenir autrement ? »

« Je t’aime !!! »

« Moi aussi je t’aime »

Et ils s’embrassèrent pendant très longtemps. Il y avait des semaines qu’ils ne s’étaient pas sentis aussi légers.

« Candy, qu’est-ce qui t’a décidé à rester ? »

« Et bien disons que j’ai été quelque peu influencée par un ami très très cher … que je ne pensais pas revoir avant longtemps »

« Qui ? »

« J’étais en larmes prête à monter dans le train lorsque quelqu’un m’a tapé sur l’épaule, c’était Alistair … »

« ALISTAIR !!! Je le croyais en Europe !! »

« Le bateau qui l’a ramené de France a accosté ce soir et il pensait reprendre le train de nuit vers Chicago … »

« Pourquoi est-il revenu ? »

« Il m’a expliqué qu’un de ses équipiers est mort sous ses yeux dernièrement … Cela lui a d’abord donné envie de venger son ami mais il m’a dit qu’il avait emporté avec lui un petit bout de paradis qu’il avait un jour vu voir de ses propres yeux. Il a dit qu’il savait où était le bonheur et qu’il ne voulait pas le rater »

« Un petit bout de paradis ? »

« Il a pris avec lui la photographie de Terry … quand elle joue en riant dans le bac à sable du parc de Chicago, là où Annie l’emmenait si souvent. Il m’a dit qu’en regardant Terry, il a entendu les larmes de Patricia et il a comprit où se trouvait sa joie. Son chemin était tout tracé et il s’en était détourné pour des raisons qui tout à coup lui avaient semblé si futiles et si pâles à côté du sourire de Terry. Il voulait partager le même bonheur que nous, avec Patricia. Il n’a pas eu besoin de me dire ce que j’avais à faire car j’ai su à cet instant que jamais, jamais, je ne monterais dans ce train … »

« Où est-il maintenant ? »

« Et bien je lui ai donné mon billet !!! Il est parti rejoindre sa chère et tendre !!! » pouffa Candy « Elle va en faire une tête en le voyant !!! Je regrette de ne pas être une souris pour voir la figure de Patty quand il va lui demander de l’épouser immédiatement !! »

Terry se contenta de sourire, soulagé. Il mit son bras autour des épaules de Candy.

« Viens ma Chérie, nous rentrons chez nous »

Un peu plus tard, Candy lui demanda :

« Terry … et Susanna ? »

« Elle a compris. Je lui ai expliqué la vérité, ce que j’aurais du faire depuis le premier jour mais bon … Je ne voulais pas lui faire de peine. »

« Tu ne crois pas qu’elle va vouloir encore mettre fin à ses jours ? »

« Je ne pense pas … Si elle avait vraiment voulu sauter, tu n’aurais pas eu le temps de la retenir, je crois. C’était plutôt un appel à l’aide … Elle aussi devait exorciser ses démons. Je crois qu’elle y est arrivée. Sa mère m’a dit qu’elles allaient quitter New York car cela apaiserait sans doute la peine de Susanna »

« Je souhaite qu’elle soit heureuse, sincèrement. Elle t’a sauvé la vie et je lui en serai toujours reconnaissante. Tout ce que je peux lui reprocher est d’être tombée amoureuse de l’homme le plus merveilleux de la terre, après tout ! »

« Et cet homme ne voit qu’une seule femme … sa jolie Tâches de Son »

« Oh toi !!!!!! »

Candy se dégagea des bras de son mari alors qu’ils avançaient dans les rues enneigées de New York en direction de leur appartement. Elle ramassa un amas de neige pour en faire une boule qu’elle lança au visage de Terry.

« Attends que je t’attrape !! Tu vas me le payer !!! »

Et ils se mirent à se poursuivre joyeusement pour se lancer de la neige et se taquiner comme deux gamins.

Monsieur et Madame Grandchester avaient retrouvé leur complicité. Ils étaient à nouveau les deux adolescents espiègles qui se retrouvaient au pied de l’arbre de la colline de Saint Paul à Londres. Ils avaient 15 ans et ils garderaient cet âge encore très très longtemps.

EPILOGUE

Candy, Terry et leur fille ne tardèrent pas à être convié à Chicago pour deux mariages …

Alistair avait fait sa demande mais avait en même temps convaincu Archibald d’en faire autant. Ces deux mariages furent marqués par la première apparition en publique du fameux Oncle William qui avait orchestré pendant tant d’années dans l’ombre la vie de ses chers descendants.

Qu’elle ne fut pas la surprise de Candy en découvrant que l’Oncle William n’était autre que son ami de toujours, Albert. Celui-ci avait retrouvé toutes ses facultés de mémoire suite à la visite de Daniel et Elisa à l’appartement de Chicago. Il s’était mis à chercher discrètement qui étaient ces deux jeunes gens qui en voulaient tant à Candy. Sa petite enquête l’avait mené au manoir des André et à la Grand Tante Elroy qui avait été heureuse de retrouver enfin son neveu qui avait disparu. Il n’avait pas fallut longtemps pour qu’Albert recouvre totalement sa mémoire.

Candy eut la joie de présenter officiellement à toute la famille son cher mari, Terrence Grandchester, et sa petite Thérèse Eléonore. Elle put également annoncer l’arrivée très prochaine du petit frère ou de la petite sœur de Thérèse, à la plus grande joie de tous.

La famille Grandchester termina son voyage par une visite au foyer Pony où ils restèrent quelques jours. Candy ne savait comment remercier ses chères mamans pour tout ce qu’elles lui avaient offert dans la vie mais une fois encore, Mademoiselle Pony su trouver les mots justes …

« Ma chère Candy, pour moi le plus grand remerciement est de constater ta pleine réussite. Tu es devenue celle que j’avais toujours souhaité te voir devenir et pour cette raison, c’est moi, ma petite, qui te dis merci. »

Susanna Marlowe et sa mère, comme elles l’avaient annoncé, quittèrent New York en direction de Houston. Là-bas, Susanna put enfin tourner la page, apprendre à remarcher grâce à la pose d’une prothèse et recommencer une nouvelle vie.

Un jour, elle en était certaine, elle trouverait la force de se rendre à New York afin de remercier une jeune dame blonde, qui aurait pu être son amie, de s’être un jour d’hiver 1914 accrochée à elle et qui lui a donné par son si grand cœur une immense leçon de courage et d’humanité.

© Fatalzmarion 2008