Le sourire de Terry
par Fatalzmarion

Chapitre 16. La couleur des lilas

Les André accompagnèrent Eléonore Backer jusqu’à la grille du manoir et en prirent congé.

La Grand Tante Elroy était encore tellement honteuse de ce qu’Elisa avait osé demander qu’elle n’aspirait qu’à une chose, rentrer au salon et lui passer l’envie de recommencer.

Eléonore eut donc le loisir de leur donner l’illusion de monter en voiture mais, dès qu’ils eurent tous le dos tourné, d’en redescendre et prier son chauffeur de l’attendre encore un instant.

Elle voulait voir Candy et lui parler à loisir.

Elle se dirigea dans la direction que Candy avait prise et ne tarda pas à apercevoir la petite cabane ainsi que Candy et Annie qui jouaient avec une petite fille d’environ un an. A la vue de l’enfant, elle ne put s’empêcher d’avoir un pincement au cœur. Elle pensait à son propre fils qu’elle aimait tant et qui lui avait été arraché quand il était tout petit …

« Mademoiselle André … » appela-t-elle, utilisant ce nom de famille qui faisait moins familier.

Annie eut le souffle coupé en voyant à qui appartenait la voix qui venait d’interpeller son amie.

« C’est donc vrai ?? » dit Annie stupéfaite « Eléonore Backer est venue voir la Grand Tante ici ?? »

« Tu pensais que je t’avais menti ? » lui répondit Candy, moitié amusée de la réaction d’Annie, moitié inquiète par la visite de l’actrice à la cabane.

« Mademoiselle André ? Puis-je vous parler encore un instant ? » insista Eléonore.

« Volontiers Madame »

Et Candy se leva et se mit à marcher aux côtés d’Eléonore. Elles s’éloignèrent un peu …

« Candy, je n’ai jamais eu l’occasion de te remercier pour ce que tu as fait en Ecosse pour Terry et moi … »

« De rien, Madame, je n’ai pas fait grand-chose »

« Oh si tu as ouvert les yeux à mon fils … Et ce n’était pas une mince affaire, il peut être extrêmement entêté quand il veut ! Nous avons retrouvé le contact grâce à toi et je t’en serai toujours reconnaissante »

« Comment va-t-il ? » demanda Candy timidement.

« Tu peux t’imaginer qu’il est aux anges ! Il a décroché ce premier rôle conséquent dans le Roi Lear … il mise beaucoup dessus. Il fait preuve de beaucoup de conscience professionnelle lors des répétitions. Je suis convaincue que la représentation sera un immense succès »

« Je serai là pour l’applaudir … avec toute la famille » répondit Candy, un brin de tristesse dans la voix.

« Candy, il ne faut pas prêter attention à ce que le jeune fille a dit tout à l’heure concernant Susanna Marlowe, tu sais. »

« … »

« Mon fils est fort discret quant à sa vie privée et il ne m’en a jamais parlé mais je suis convaincue qu’il n’y a rien entre eux »

« Oh mais Madame, … je … »

« Tu es gênée ? Pardon Candy si je t’ai embarrassée … »

« Non … pas du tout … mais c’est que je … j’aurais tellement voulu le revoir. Nous étions très amis … »

Eléonore fut amusée par l’embarras de Candy …

« Je ne pense pas le voir avant jeudi car il est débordé par les répétitions … De plus, nous ne nous fréquentons pas outre mesure car il ne veut pas que la presse soit au courant de notre lien de parenté avant qu’il soit devenu un acteur de renom … Il est orgueilleux … Tu connais Terry ! Mais je me rendrai à la réception du maire qui suivra la représentation et je lui glisserai à l’oreille que tu es ici à Chicago ».

Un sourire illumina alors le visage de Candy.

« Oh ce serait formidable ! J’aimerais tellement le … féliciter pour sa réussite ! » répondit pudiquement Candy.

Eléonore la remercia encore chaleureusement pour tout le bonheur qu’elle lui devait d’avoir retrouvé son fils puis elles se dirigèrent vers la cabane où Annie les attendait.

« A propos Candy, elle est adorable cette petite fille près de ton amie. Quelle belle enfant ! »

« Euh … oui, c’est sa petite cousine … nous nous en occupons aujourd’hui »

Eléonore continua à marcher et arriva près d’Annie qui devint rouge comme une pivoine quand la célèbre comédienne lui serra la main.

« Bonjour Mademoiselle, je me présente, Eléonore Backer »

« Euh … je … Bonjour Madame … Annie Brighton »

Eléonore dégageait une telle douceur, une telle bonté mais aussi une telle simplicité qu’elle en fascinait Annie ! Celle-ci ne pouvait en détacher le regard.

Eléonore s’agenouillât alors près de Terry qui lui souriait …

« Bonjour Mademoiselle … Comment t’appelle-tu ? »

« Elle s’appelle Thérèse » répondit rapidement Candy qui était de plus en plus embarrassée.

Oh mon Dieu, si jamais Annie appelait la petite par son diminutif … !! Annie ignorait le lien entre Eléonore et Terrence !! Oh la la … danger, terrain glissant !

Eléonore prit Terry dans ses bras qui la regardait avec les mêmes yeux que son fils bien des années auparavant.

En tenant la petite, Eléonore fut envahie d’un sentiment étrange … Elle lui rappelait tellement son propre enfant quand il était petit. Les meilleurs souvenirs qu’elle avait avec lui étaient évidemment ceux de la toute petite enfance de Terry et ce bébé, qui la regardait avec la même espièglerie dans les yeux et la même insolence subtile dans le sourire, lui inspirait une affection et une attirance immédiate qu’elle ne pouvait expliquer.

« Tes yeux ont la couleur des lilas, Thérèse » pensa-t-elle.

« Je dois vous laisser, Mesdemoiselles. J’ai encore beaucoup de familles à visiter aujourd’hui » dit-elle à Annie et Candy en leur rendant Thérèse après l’avoir embrassée spontanément.

« Au revoir, Madame » dirent-elles ensemble.

« Au revoir Mesdemoiselles. Nous nous reverrons peut-être jeudi soir au théâtre. »

Candy poussa silencieusement un soupir de soulagement … ouf, tout c’était bien passé. Eléonore ne se doutait de rien. Elle voulait que Terry soit le premier informé de la grande nouvelle et plus les jours passaient, plus elle était anxieuse.

Eléonore s’éloigna … puis se retourna une dernière fois.

« Ce sourire … »

« Que voulait-elle te dire ? » demanda Annie à Candy, une fois Eléonore éloignée.

« Oh rien, elle désirait me poser des questions sur l’hôpital et les choses dont nous avions besoin en priorité pour améliorer le quotidien des malades »

« Oh … je vois »

« Pardonne-moi, Annie » se dit Candy « Mais je devais te mentir … »

Chapitre 17. Chien de garde à abattre

Le début de la semaine se déroula sans autre problème. Le trio Archie, Ali et Annie étaient de mieux en mieux organisé … Ils se relayaient durant la journée et se débrouillaient pour emmener la petite en dehors du manoir. Celle-ci prenait donc l’air une bonne partie de la journée … heureusement, il faisait très beau.

Le soir, ils allaient retrouver Candy au parc de l’hôpital pour qu’elle passe une heure ou deux avec Terry.

Puis Annie retournait au manoir la coucher et passait la nuit avec elle.

La Tante Elroy n’y avait vu que du feu et le jeudi fini par arriver.

Les André étaient fins prêts pour partir au théâtre et Elisa, malgré les remontrances de la tante, était excitée comme un petit coucou à l’idée de revoir Terry.

Annie prétexta une migraine pour ne pas les accompagner à la représentation et après le départ de la famille, elle retourna au manoir avec Terry pour aller la coucher.

Candy aurait du être de garde ce soir-là mais elle avait finalement pu convaincre sa collègue Nathalie de la remplacer. Elle se précipita enfin au théâtre Elmore … c’était moins une !! Un instant plus tard et elle n’aurait pas pu entrer.

La tante Elroy lui refusa l’accès à sa loge … elle n’avait plus besoin d’elle pour représenter sa précieuse famille !!

Alistair et Archibald étaient prêts à tenir tête à la matriarche mais Candy les découragea.

« Restez ici les garçons … Je trouverai bien un autre endroit pour voir la scène »

Et Candy était allée s’installer au pigeonnier.

Elle fut très émue de revoir Terry … son amour … sur scène, il lui paraissait encore plus séduisant. Au fur et à mesure que la pièce avançait, elle sentait les larmes lui couler sur les joues tant la prestation de Terry la faisait frissonner.

Il remporta un véritable triomphe. La salle était en extase devant ce jeune acteur qui avait fait preuve de tellement de talent.

Candy se précipita dans les coulisses et à la sortie des artistes pour tenter de parler à Terry mais il y avait tellement d’admiratrices qui se pressaient pour l’apercevoir qu’elle ne put l’approcher. Elle hurla, hurla son nom mais il ne l’entendit pas …

C’est le cœur brisé qu’elle le vit monter en voiture avec sa partenaire de scène, la fameuse Susanna Marlowe, dont Elisa avait parlé.

Candy voulu renoncer … mais l’image de la petite Terry lui traversa l’esprit … elle devait insister … pour sa fille. Terry n’était pas responsable des erreurs de ses parents. Candy était sa mère, elle devait tout faire pour lui faire rencontrer celui que Terry était en droit d’appeler Papa … Susanna Marlowe ou pas !!

Elle décida d’écumer tous les hôtels de la ville … elle finirait sûrement par tomber sur celui où la troupe était descendue.

Candy l’ignorait mais Terry l’avait bel et bien entendue … Cette voix … Il l’aurait reconnue entre mille. Il ne pouvait y croire car il pensait que Candy était encore en Angleterre mais … il était si troublé.

Il arriva à la réception du maire où il rencontra Elisa …

« Elisa !! Tu es rentrée d’Angleterre ?? Candy aussi ? »

« Je n’en sais rien » menti la chipie.

« Où est Candy ? Dis le moi !! » Insista Terry en l’empoignant durement par le bras.

« Terry !!! Calme toi » intervint Susanna « Reconnais-tu ceci ? »

Et Susanna lui tendit un mouchoir avec les initiales TG que l’on avait trouvé au pigeonnier. Il avait donné ce mouchoir à Candy !!! Elle était ici en ville !! A Chicago … Et elle était venue le voir !!

Sous les yeux médusés de sa partenaire, Terry prit ses jambes à son cou et quitta la réception.

Dans le hall d’entrée, il croisa sa mère qui arrivait avec deux autres acteurs.

Ils échangèrent un regard et Eléonore devina à cet instant ce qu’il se passait … mais elle ne pouvait rien dire car elle était accompagnée.

Terry se mit à arpenter la ville … mais où chercher ? Où pouvait-elle vivre ? Il croisa alors Alistair et Archibald qui eux aussi étaient à la recherche de leur amie.

« Alistair ! Archibald ! Où est Candy ? »

« On ne sait pas ! On la cherche … »

« Elle était au troisième balcon, n’est-ce pas ? Il faut que je la voie !! Dites moi où elle est ! »

« On n’en sait rien Terry !! Elle aussi veut absolument te revoir, elle ne vit que dans cet espoir … » répondit Alistair.

« Où habite-t-elle ? »

« Elle est élève infirmière à l’hôpital Saint Joanna et elle loge là-bas … »

Alistair n’eut pas le temps de finir sa phrase, Terry fonça en direction d’une voiture pour courir à l’hôpital.

« Attends Terry !!!! » cria Archibal « Elle est sûrement en train de te chercher dans toute la ville !!! »

Mais Terry n’écoutait plus … il était déjà parti.

Il arriva à Sainte Joanna où il rencontra Flanny et Nathalie. Flanny lui dit que Candy, contrairement aux ordres reçus, avait osé échanger son tour de garde avec sa collègue et qu’elle n’était pas là. Sur le ton le moins aimable du monde, elle le pria de quitter les lieux.

Terry obtempéra et il se mit lui aussi à chercher Candy partout en se demandant où elle avait bien pu aller.

Candy cherchait, cherchait … Finalement, elle arriva au dernier hôtel où la troupe était susceptible de s’être installée. Elle était à bout de nerfs … épuisée, elle en voulait à la terre entière … Où était-il ?

« Excusez-moi Monsieur, est-ce que ce serait dans cet hôtel que la troupe Stratford est descendue ? »

Mais avant que le réceptionniste puisse lui répondre, Candy reçu la confirmation de ce qu’elle cherchait … là, sur l’escalier qui menait aux chambres, se tenait Susanna Marlowe …

« Vous cherchez quelque chose, Mademoiselle ? » lui demanda-t-elle alors qu’une étrange intuition l’avait envahie. Cette fille était-elle l’explication de l’attitude mystérieuse de Terry dont elle était tellement amoureuse depuis le premier jour et qui ne semblait pas vouloir se décider à répondre à ses attentes ?

« Euh … oui … Je voudrais voir Terry. Je veux dire Terrence Grandchester »

Le cœur de Susanna sauta dans sa poitrine.

« Ce n’est pas possible Mademoiselle. Les admiratrices n’ont pas accès aux chambres des acteurs. Monsieur Grandchester se repose »

« Mais je ne suis pas une admiratrice, je suis l’une de ses amies »

« Mademoiselle, connaissez-vous le nombre de fans qui prétendent être nos amis ? »

« Je vous assure que je le connais personnellement et qu’il est de la plus haute importance que je le vois. Pouvez-vous simplement lui dire que Candy est ici ? »

Susanna était exaspérée de l’insistance de la jeune blonde.

Elle n’était pas comme les autres … il fallait à tout prix qu’elle la garde éloignée de Terry.

« Mais pour qui me prenez vous, Mademoiselle ? Je ne peux pas aller réveiller Monsieur Grandchester comme ça !! »

Pourquoi tant d’insistance ? Qui était elle ?

Candy aussi commençait à être exaspérée par cette pimbêche qui la prenait de haut. Terry était là, à quelques mètres d’elle …

« Il est de la plus haute importance que je le vois … »

« Pour la dernière fois, Mademoiselle, je vous prie de quitter les lieux !! Monsieur Grandchester n’a pas de temps à vous accorder ! » lui ordonna Susanna.

« Oh quelle chipie !! » se dit Candy, mais pensant à sa fille, elle se dit que ça n’allait pas se passer comme ça !! Elle devait voir Terry et elle le verrait !!

Elle se précipita vers l’escalier, bousculant Susanna au passage qui tomba le derrière sur les marches.

« Poussez-vous !! » lui dit-elle sans se retourner et elle gravit les marches quatre à quatre.

Elle criait à tue-tête … « TERRY !!!! Terry c’est moi, c’est Candy !!! TERRYYYY !! »

Certains clients de l’hôtel sortirent de leur chambre en entendant le vacarme et Candy pu reconnaître certains comédiens mais elle ne voyait pas Terry.

Susanna était outrée !!! Remise de sa première frayeur, elle se mit à son tour à poursuivre Candy dans l’hôtel.

« Mademoiselle, revenez ici !!! Revenez ou j’appelle le directeur et vous serez jetée dehors !!! »

Mais Candy ne l’écoutait pas … elle continuait ses recherches en scandant le nom de Terry …

« Il doit bien être quelque part … Terry !!! TERRYYYYYYYY !! »

Susanna la rattrapa par le bras …

« Non mais quel toupet !! Je vous dis de sortir de cet hôtel, je n’ai jamais vu une groupie aussi hystérique et mal élevée !!! »

« Et moi je vous dis que je ne suis pas une groupie mais une amie de Terry !!! Lâchez-moi tout de suite !! »

Quelle ne fut pas la surprise de Monsieur Hathaway, directeur de la troupe, quand à son tour, il ouvrit la porte de sa chambre en entendant le tapage et qu’il découvrit Susanna Marlowe aux prises avec une jolie blonde qui hurlait le nom de son nouvel acteur vedette.

« Mais qu’est-ce que c’est que ce remue-ménage ? »

« Monsieur Hathaway » pleurnicha Susanna « Cette hystérique veut à tout prix rencontrer Terry !! Elle m’a bousculée quand je lui ai barré le passage … »

« Monsieur, je suis une amie de Terry. Je vous en prie, il faut absolument que je le rencontre. C’est très important !! S’il le faut je coucherai sur les marches de l’entrée pour le voir demain matin !! » Supplia Candy.

Robert Hathaway, amusé et interdit à la fois par l’entêtement de la jeune fille, l’invita dans sa chambre.

« Bon soit, entrez ici, Mademoiselle »

« Mais Monsieur Hathaway !! Vous n’y pensez pas » Risqua Susanna qui voulait empêcher cette rencontre à tout prix.

« Ca ira, Susanna, je m’occupe de Mademoiselle »

Il referma la porte de sa chambre. Candy commença à se calmer car cet homme avait l’air compréhensif.

« Alors Mademoiselle ?? On est une fan inconsidérée de Monsieur Grandchester ? »

« Je ne suis pas une simple fan » lui dit Candy de sa voix maintenant redevenue douce comme à l’accoutumée « Je le connais personnellement et il est de la plus haute importance que je lui parle »

« Comment vous appelez vous ? »

« Candy »

« Et bien Candy, vous devez comprendre qu’il y a énormément de jeunes filles qui prétendent connaître mes comédiens personnellement pour tenter de les approcher … »

« Comment puis-je vous prouver que je le connais ? »

Candy inspirait confiance à Monsieur Hathaway.

« Je vais vous poser quelques questions auxquelles seule une personne proche de Terrence pourrait répondre … Ce n’est pas un garçon qui parle facilement de sa vie privée mais je peux me vanter d’être son ami. Il lui est arrivé de se confier à moi à plusieurs reprises … Nous allons voir ».

« Allez-y, je suis prête »

« Lorsque Terrence est arrivé aux Etats-Unis, d’où venait-il ? »

« D’Angleterre, Monsieur, nous étions au même collège »

« Première réponse correcte » se dit Hathaway « mais il se peut qu’elle ait lu cela dans la presse »

« Terry est un fervent amateur d’un certain instrument de musique. Il en joue à la moindre occasion … Avez-vous une idée de ce que peut être ce mystérieux instrument ? »

« Probablement un harmonica » répondit sans hésiter Candy.

Ça alors, elle savait cela aussi … mais à nouveau, elle pouvait l’avoir appris dans un journal car de plus en plus de monde se posait des questions sur la relation qu’entretenait Terrence avec ce précieux objet qui l’accompagnait toujours quand il s’isolait sur le toit.

« Dernière question. Vous a-t-il parlé, Chère Candy, de la … hum disons… particularité de sa famille ? »

« Son père est le Duc de Grandchester … »

« Et sa mère ? Qui est-elle, Mademoiselle ? »

Pour la première fois depuis qu’elle était au courant de ce secret, Candy décida de risquer de trahir la promesse qu’elle avait faite à Terry de ne jamais souffler mot à personne concernant l’identité de sa mère … c’était le seul moyen de le rencontrer et puis Monsieur Hathaway avait l’air honnête.

« C’est l’actrice Eléonore Backer »

Chapitre 18 – Un cadeau de toi

Elle disait la vérité ! Elle connaissait vraiment Terry ! Monsieur Hathaway en était convaincu et ils devaient même être très très proches pour que Terry lui ait confié le secret de sa naissance …

« Bon Mademoiselle, je vois que vous me dites la vérité !! Mais il y a un souci »

« Lequel ? »

« Terry n’est pas ici … Il a quitté précipitamment la réception … comme s’il avait le diable au corps ! Sa partenaire, dont vous venez de faire la connaissance, lui a remis un mouchoir et il est parti en courant »

« Un mouchoir !! ?? »

Candy se mit à chercher son mouchoir dans son sac mais elle l’avait bel et bien perdu !

« Il me cherche !! Où est-il allé ? Oh la la, il faut que je le retrouve ! »

Candy se leva et voulu repartir vers le couloir mais Hathaway la retint.

« Attendez ici, voyons ! Sinon vous risquez de faire des chassés croisés jusqu’à l’aube et de vous rater ! »

« NON !! Il faut que je le trouve ! »

Et Candy sortit précipitamment pour se heurter à un jeune homme affolé dans le couloir …

« Tâches de Son ?? »

« Terry !!!!!! Enfin, je te retrouve »

Terry était rentré à l’hôtel et le réceptionniste venait de l’avertir qu’une admiratrice déchaînée l’attendait de pied ferme et qu’il devait être prudent.

Terry prit Candy dans ses bras par la taille, la soulevant du sol … il se contentait de la regarder … cela lui semblait tellement irréel de la retrouver … enfin.

Et il l’embrassa sous le regard complice de Monsieur Hathaway …

Susanna aussi regardait la scène et elle en eut le cœur brisé … Terry était fou amoureux de cette jeune fille … il eût fallu être aveugle pour ne pas le voir !!

Terry ne pouvait plus lâcher Candy, il l’embrassait sans parvenir à s’arrêter sans se soucier qu’il avait des spectateurs car le tapage de Candy avait éveillé bien des curiosités parmi les clients de l’hôtel …

Donc la jolie blonde, que tout le monde avait prise pour une groupie hystérique, était bel et bien la petite amie de Terry.

« Viens ma chérie, allons dans ma chambre, nous serons plus tranquilles pour parler … Tu m’as tellement manqué ! »

Terry et Candy se dirigèrent vers la chambre du jeune acteur main dans la main.

Susanna Marlowe avait l’âme en mille morceaux … Le cœur de Terry était déjà pris et bien pris … Elle referma la porte de sa chambre, alla s’asseoir sur son lit et pleura, pleura jusqu’à ne plus avoir de larmes.

« Oh mon amour …je n’arrive pas à croire que tu sois là … dans mes bras. Tu m’as tellement manqué »

« Toi aussi Terry, tu m’as manqué. Je ne pouvais que t’attendre. Je ne vivais que pour te revoir et j’ai bien cru aujourd’hui que j’allais te manquer »

« Tu es venue me voir au théâtre ? Tu étais au troisième balcon, n’est-ce pas ? »

« Oui … Tu étais tellement exceptionnel sur scène ! Oh Terry je n’ai jamais été aussi émue »

« Et tu étais à la sortie des artistes non ? Je t’ai entendue j’en suis sûr ! »

« En effet, Monsieur Grandchester … vous avez l’ouïe fine !! Mais j’aurais espéré que vous vous seriez retourné !! »

« Pardonne moi mon amour » supplia Terry avec un regard de chien battu.

Tout à la joie de leurs retrouvailles, ils se câlinèrent quelques minutes mais Candy ne songeait qu’à une chose … Terry.

Il fallait qu’elle lui en parle … mais elle était on ne peut plus stressée … Comment allait-il réagir ?

« Oh Terry, comment te l’annoncer ? Vas-tu te sentir pris au piège ? Je ne supporterais pas que tu nous rejettes toutes les deux … »

Il fallait parler … Candy était au pied du mur et ne pouvait plus reculer. C’était maintenant ou jamais. Elle interrompit le flot de baisers dont Terry lui assaillait le visage, le cou, les cheveux, …

« Terry … »

« Oui ma chérie »

« Il faut que je te dise quelque chose »

« Quoi mon amour ? Tu vas me dire que tu as rencontré l’homme de ta vie et que tout est fini entre nous ? » plaisanta Terry « Je ne pourrais pas le supporter, tu sais »

« Sois sérieux une seconde Terry. C’est important »

A regrets, Terry interrompit ses assauts sentimentaux et regarda Candy qui affichait une expression sur son visage qu’il ne lui avait encore jamais vue … Il lui semblait que sa Tâches de Son avait changé … Elle semblait plus sérieuse, plus femme …

« Vas-y Chérie, je t’écoute »

Candy prit une profonde inspiration.

« Vas-y Candy, tu ne peux plus attendre … » se dit-elle.

« Mon amour, je dois te parler d’un … hum problème … qui te concerne »

« Un problème ? »

« Oui … euh … tu te souviens je suppose de l’orage en Ecosse ? »

« L’orage ?? » demanda Terry sans rien comprendre.

« Et de la cheminée ? »

« La cheminée ??! Candy explique-toi car je ne comprends pas du tout ! Il n’y a qu’une chose qui m’a marqué en Ecosse … Nous nous sommes juré un amour éternel et je t’ai promis le mariage. C’est une promesse que je tiendrai, Tâches de Son »

« Oh Terry » pensa-t-elle « Tu me rassures … Je me lance »

« Terry, quand tu as quitté le collège, je t’ai suivi … et je suis rentrée à la maison Pony. Mais quand j’y suis arrivée, j’ai eu une surprise taille ! J’ai découvert que tu m’avais laissé un cadeau … »

« Un cadeau ? »

« Un merveilleux cadeau … Une petite fille … » termina Candy d’une toute petite voix.

« … »

Terry avait la bouche grande ouverte mais aucun son ne pouvait en sortir !

Candy regardait le sol, elle n’osait pas lever les yeux vers Terry tant elle craignait d’y découvrir de la colère, du mépris, ou tout autre réaction négative. Il allait peut-être lui en vouloir … Elle avait tellement ressasser ces mauvaises pensées depuis qu’elle avait appris sa venue.

Terry lui prit finalement le menton de la main droite et tourna son visage vers lui.

« Qu’est-ce que tu dis ? » demanda-t-il.

« Nous avons une petite fille, Terry. Elle va bientôt avoir un an … » répondit-elle presque à voix basse.

A sa plus grande joie, Candy ne put lire dans les yeux de Terry aucun sentiment agressif.

« Tu es en train de me dire que je suis papa ? D’une petite fille ? »

« Oui »

« Ce n’est pas une blague ? »

« Terry !!! Crois-tu vraiment que j’oserais plaisanter avec une chose pareille ? »

« Où est-elle ?? Je veux la voir !!! Oh Tâches de Son !!! Tu es pleine de surprises !!! »

« Ca veut dire que tu es content ? Tu n’es pas fâché ? »

« Mais c’est le plus beau jour de ma vie !!! Pourquoi veux-tu que je sois fâché ? »

« Et bien … je … comme tu démarres ta carrière … j’avais peur de t’encombrer avec Terry … »

« Terry ?? »

« Euh … oui … elle s’appelle Thérèse mais je l’appelle Terry »

« Thérèse … »

« Thérèse Eléonore »

C’était trop d’émotions d’un coup qui envahissaient Terry et Candy …

Terry avait si bien réagit que Candy ne parvenait pas à y croire … Il avait l’air tellement content … Il la serrait si fort dans ses bras … Terry allait être heureuse … son papa l’aimait déjà sans la connaître … c’était bien plus qu’elle ne pouvait espérer.

Candy lui faisait le plus merveilleux des cadeaux … Il avait si peur de ne jamais la revoir, il craignait qu’elle l’ait oublié … Et en une seconde, ils se retrouvaient unis par le plus merveilleux des liens … le fruit de leur amour … une merveilleuse petite fille qui devait être aussi belle que sa maman.

« Où est-elle Candy ? Oh mon dieu ma chérie, comment as-tu fait pour te débrouiller toute seule tout ce temps ? »

« J’ai été bien entourée » répondit simplement Candy « Je suis restée chez Mademoiselle Pony jusqu’à ce que Terry ait presque quatre mois puis j’ai commencé des études d’infirmière car je voulais pouvoir nous assumer toutes les deux … je ne pouvais pas abuser de Mademoiselle Pony éternellement.

Mais je n’avais d’autre choix que de me séparer de la petite provisoirement donc je l’ai confiée à mes deux mamans … »

« Tu veux dire qu’elle est chez Mademoiselle Pony ? » dit Terry, un peu déçu.

« Non … Quand j’ai appris ta venue, j’ai voulu tenté ma chance de te la présenter … grâce à Alistair, Archibald et Annie, qui ont été formidables, Terry est ici à Chicago … »

« Elle est ici ??!! » glapit Terry « Mais je veux la voir !! Où est-elle ?? »

« Elle est cachée au manoir des André, Annie est avec elle … »

« Au manoir des André ! »

« Oui … ces derniers jours n’ont d’ailleurs pas manqué de piment car il fallait la cacher d’Elisa et son frère … et puis de la tante Elroy !!! Je dois une fière chandelle à mes amis »

« Archibald a pris soin de ma fille ?!! Quand je pense qu’on a failli encore se taper dessus juste avant que je ne quitte le collège »

« Il est formidable avec Terry, tu sais »

« Allons-y !! »

Et main dans la main, le jeune couple ressortit de l’hôtel en pleine nuit en direction du manoir. Terry affichait une gaieté que Candy ne lui soupçonnait même pas … c’était presque trop beau pour être vrai.

Chapitre 19 – Le fruit du vigneron

Il était plus de trois heures du matin quand les amoureux arrivèrent au manoir. Tout y était calme. La Tante Elroy était rentrée se coucher sitôt après la représentation et dormait probablement à poings fermés.

Candy pénétra dans le hall d’entrée et voyant que tout était tranquille, elle fit signe à Terry d’entrer.

Ils se dirigèrent jusqu’aux appartements de l’Oncle William.

«  Voilà c’est ici … »

Ils entrèrent dans la chambre sans faire de bruit. Ils y trouvèrent Annie qui dormait comme un bébé et dans le second lit …

« Approche Terry, elle dort … » murmura Candy après avoir vérifier le sommeil de l’enfant.

Terrence Grandchester s’avança vers le lit le cœur battant la chamade. Il ne pouvait encore bien réaliser ce qui était en train de se produire. Il devenait père … il se sentait aussi fier que le vigneron dégustant le fruit de son travail … Le résultat d’un doux mélange céleste et terrestre … fusion du ciel, du soleil, de la terre, de sa main et de tout son amour.

La petite dormait comme un ange et son père pouvait ainsi découvrir chaque trait de son visage pour en imprégner sa mémoire à tout jamais … Jamais, jamais, il n’oublierait cette première rencontre.

Il ne pouvait pas voir ses yeux mais chaque détail de cette frimousse lui rappelait tellement son propre reflet …

« Candy » murmura-t-il  « Je me trompe ou elle me ressemble ? »

Candy sourit …

« C’est ton portrait craché … Tu devrais la voir quand elle joue et quand elle me regarde … J’ai l’impression que c’est toi ! »

Terry s’assit délicatement sur le lit de sa fille … l’admirant sans pouvoir trouver les mots qui décriraient son émotion. Quand enfin, il regarda Candy à nouveau, celle-ci put voir ses deux yeux lilas briller d’humidité … elle y voyait une expression qu’elle n’avait jamais connue dans les yeux de son compagnon.

« Comme elle est belle, Candy … merci »

« Terry … »

« Je ne te demanderai jamais assez pardon de t’avoir abandonnée et t’avoir obligée à assumer toute seule … j’aurais tant voulu être auprès de toi chaque jour »

« Tu ne pouvais pas savoir Terry, tu as cru bien faire et tu t’es sacrifié pour moi mon amour. C’est la plus belle preuve d’amour qu’on m’ait jamais donné ».

Terry jeta un coup d’œil vers Annie qui dormait, elle aussi, du sommeil du juste.

« Je ne la remercierai jamais assez de tout ce qu’elle a fait pour toi et pour la petite … et aussi Archibald et Alistair … et puis ces deux saintes femmes du foyer Pony … Oh Candy, cela aurait du être moi à tes côtés … Je devrais m’agenouiller devant toutes ces personnes pour leur dire merci ».

Candy le prit dans ses bras … elle l’aimait tellement … elle n’aurait pu espérer une meilleure réaction de l’homme à qui elle avait décidé d’offrir sa vie entière.

Il allait être un père merveilleux, elle le sentait … Elle pouvait espérer fonder avec lui ce foyer dont elle aurait tant rêver quand elle était petite.

« Terry, je t’aime »

« Oh moi aussi je t’aime »

Et il l’embrassa longtemps …

Puis à regrets, Candy et Terrence sortirent de la chambre car la dure réalité devait reprendre le dessus … Candy devait rentrer à l’hôpital où elle allait sans doute ramasser un savon de la part de Flanny après que Terry lui ait raconté la manière dont il avait été reçu par la jeune brune à lunettes.

Terry, quant à lui, devait rejoindre son hôtel et retrouver la troupe.

« Je viendrai te voir à la gare demain, avant ton départ … »

« Je pars à midi »

« Je suis en pause à ce moment là, je serai là, c’est promis … Je t’aime »

Ils avaient beaucoup parlé sur le chemin du retour vers l’hôpital où Terry raccompagna Candy presque à l’aube.

Terry devait terminer la tournée du Roi Lear car celle-ci allait lui rapporter, non seulement beaucoup d’argent dont il pourrait envoyer une partie à Candy afin qu’elle prenne un appartement pour elle et Terry, mais également allait lui ouvrir la porte vers de nouveaux rôles encore plus conséquents.

« Des bruits courent dans la troupe que pour la fin de l’année, nous montions une grande pièce de Shakespeare. Je ne sais pas encore laquelle ce sera mais je ferai tout pour obtenir un des rôles principaux, mon amour. D’ici là, tu auras ton diplôme et tu pourras venir t’installer avec moi à New York. En attendant, je t’enverrai de l’argent et je viendrai vous voir dès que possible ».

« Oh mon amour … C’est encore mieux que je l’aurais espéré … Si tu savais comme je t’aime. Maintenant que j’ai eu Terry auprès de moi ici à Chicago, je ne pouvais concevoir de la ramener chez Mademoiselle Pony et ne pas être auprès d’elle pour son premier anniversaire. »

C’est le cœur tout regonflé d’espoir que Candy retourna vers la clinique où l’attendait Flanny de pied ferme pour lui passer une remontrance sans pareille !! Flanny promit finalement de ne pas parler à la surveillante de l’escapade nocturne de Candy pour ne pas risquer de ternir la réputation des élèves de Marie-Jeanne mais si jamais elle osait recommencer, ce serait le renvoi !

La matinée, parut évidemment interminable à la jeune blonde … Elle n’avait pas dormi et il lui tardait d’être à midi pour revoir Terry et l’embrasser.

A l’heure dite, elle se précipita à la gare avec Annie et Terry …

Annie resta un peu à l’écart avec la petite afin de ne pas éveiller les soupçons de la troupe par la troublante ressemblance entre Terry et sa fille.

Terry ne pouvait que l’observer de loin mais l’image de cette petite fille si belle et si pleine de vie, qui le regardait et lui envoyait le reflet de ses propres yeux jusqu’au fond de son cœur, allait s’ancrer dans son esprit jusqu’à la fin de sa vie. Il serra Candy dans ses bras sous les yeux rageurs d’Elisa qui était venue elle aussi le saluer et ceux de Susanna qui regardait tristement le jeune couple.

« Tu es peut-être dans ses bras aujourd’hui, Candy, mais d’ici quelques minutes, c’est moi qui serai à ses côtés pour la tournée … Loin des yeux, loin du cœur … Je n’abandonnerai pas aussi facilement … Il sera à moi … de gré ou de force ! » pensa-t-elle.

Terry et Candy ne prêtaient pas attention aux regards des deux chipies et des autres voyageurs ; tout à leur bonheur de s’être enfin retrouvés et de la tristesse d’encore une fois se séparer, ils se murmuraient leurs projets d’avenir.

« Tu vas me manquer »

« Oh vous aussi, vous allez me manquer toutes les deux … Je viendrai vous voir dès que possible »

« Je t’écrirai mon amour, je t’écrirai tous les jours »

« Prends bien soin de Terry et de toi. Sois courageuse ma chérie … je penserai à vous tout le temps »

Terry regarda une dernière fois vers Annie qui tenait Terry dans ses bras et monta dans le train.

« Papa t’aime mon bébé … Il me tarde de te serrer dans mes bras … »

Chapitre 20 – Les lettres de Candy

Candy rentra à l’hôpital le cœur gros et Annie reprit le chemin du manoir pour y retrouver les garçons.

Candy avait congé le lendemain et elle pourrait donc chercher un appartement pour se loger avec la petite. Terry lui avait déjà remis un chèque colossal qui la mettait à l’abri du besoin pendant un moment. Après tout, dans moins de trois mois, elle présenterait son examen final et si elle réussissait celui-ci, elle deviendrait une infirmière diplômée et percevrait donc un salaire. Les difficultés financières seraient en principe de courte durée.

Elle ne pouvait plus se résoudre à se séparer de Terry maintenant qu’elle avait connu le bonheur de l’avoir à ses côtés pendant ces derniers jours … et puis le déchirement d’une nouvelle séparation avec son père lui avait semblé tellement plus intense encore que la première fois, qu’elle avait besoin de reporter tout ce débordement d’amour sur sa fille … Elle se refusait à l’abandonner une fois encore.

Annie avait évidemment consenti à garder Terry quelques jours de plus car elle y était déjà très attachée. Si Candy s’installait en ville avec la petite, elle pourrait venir la voir très souvent et la garder lorsque Candy serait de garde … cela la comblait de bonheur.

Candy devait également prévenir l’hôpital qu’elle voulait quitter l’internat et s’installer seule. Quelle excuse donner à la surveillante pour justifier ce changement … Où avait-elle trouvé l’argent ?

« L’Oncle William … Il pense que je serais mieux installée … plus à l’aise pour étudier … » se dit-elle « Oh mon Dieu, pardonnez moi d’utiliser tous ces mensonges … C’est un pêché, je n’ai jamais autant menti sur toute ma vie que ce que j’ai pu le faire ces dernières semaines !! Il me faudra me confesser … mais c’est pour le bien de Terry »


Le lendemain, Candy et Annie trouvèrent un petit appartement avec deux chambres, grâce à l’appui d’Archibald et Alistair qui connaissaient le propriétaire des lieux. Celui-ci accepta de loger Candy et sa fille. Il fut même décidé que son épouse garderait Terry durant la journée lorsque Candy serait à l’hôpital.

« Votre père m’a rendu bien des services dans notre jeunesse, les garçons » dit Monsieur Barsi, le logeur de Candy « Je ne vais pas refuser de secourir votre amie »

Et Candy avait déjà pu emménager le jour même. La surveillante de l’hôpital n’avait pas fait d’histoires, elle savait que Candy faisait partie de la richissime famille André et bien que cette idée lui déplaisait, elle trouvait normal que son oncle lui accorde ces facilités. Malgré son statut de riche héritière, Candy s’était avérée une infirmière toute dévouée à ses patients et pleine de joie d’exercer son métier. Elle décida donc de ne pas lui garder rancune de ce privilège que lui procurait sa famille.

Mais ce ne fut pas le cas de ses condisciples … Flanny et les autres furent terriblement vexées d’apprendre que Candy allait s’installer en ville, à la demande de sa famille leur avait-on dit, pour étudier à son aise.
« La digne famille André pense que l’internat n’est pas un endroit pour une jeune fille de leur rang !! » dit Léonore outrée.

« Je n’adresserai plus la parole à Candy » ajouta Judy.

« Après le service que je lui ai rendu l’autre jour pour qu’elle puisse se rendre au théâtre, elle pourrait avoir un peu plus de tact à notre égard !! » termina Nathalie.

« Si vous étiez à sa place, vous feriez pareil ! » trancha Flanny « Qui refuserait un pareil privilège ? Personnellement, je suis ravie de ne plus subir ses bavardages au dortoir ! Je serai moi aussi plus à l’aise pour étudier et je ne vais pas m’en plaindre ! »


Candy organisa progressivement sa nouvelle vie entre sa fille, son nouvel appartement, ses examens qui approchaient à grands pas, ses amis pour la seconder et ses lettres à Terry ...

Chicago, 13 avril 1914
"Mon amour,
Je suis tellement soulagée de pouvoir t’écrire maintenant autant que je veux ... Ce n'est pas comme si tu étais là évidemment mais cela me réconforte tellement ... Tu me manques ...
Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un blessé qui portait ton nom à mon retour de la gare ... Il s'appelle Charly en fait ... Je pense que vous êtes amis ... Il m'a longuement parlé de toi ... J'aurais tant voulu lui présenter notre fille mais je sais que je dois encore être patiente ... Je t'aime"

Belleville, Arkansas, 25 avril 1914
"Ma chérie,
Vous me manquez vous aussi ... Je dois jouer le Roi Lear dans une ville proche des rives du Mississippi, Belleville en Arkansas... J'aimerais tellement que vous soyez là, votre amour me donne des ailes ... Charly est effectivement l'un de mes meilleurs amis, quand nous étions jeunes, il m'a sorti de bien des ennuis ... Je t'envoie un chèque un peu plus important cette fois ... Comme ça tu pourras régler la facture d'hôpital de Charly ... Ne lui en parles pas car il déteste qu'on lui fasse ce qu'il appelle la charité ...
Je vous aime et je vous embrasse"



Chicago, 1er mai 1914
"Mon petit Papa,
Juste une petite lettre pour te dire que je t'aime très fort ... Tu nous manques ... Il me tarde de te voir et que nous fassions plus ample connaissance ... En ce moment, je me donne vraiment beaucoup de mal pour commencer à marcher ... mais après tout je vais seulement avoir un an dans quelques jours ... J'ai encore du temps devant moi ...
Je t'envois tous mes encouragements pour tes prochaines représentations ...
Je t'aime mon papa"


Chicago, 4 mai 1914
"Oh Terry,
Quel bonheur de t'avoir vu aujourd'hui même si ce ne fut que pour quelques heures ... Je voudrais que tu remercie Monsieur Hathaway pour moi, il m'a fait un si beau cadeau en t'autorisant à venir jusqu'ici ... Tu étais là pour le premier anniversaire de ta fille ... Tu es un père si merveilleux. Te voir plein d’émotion la serrer enfin contre ton cœur … Terry t’a ouvert les bras et t’a ouvert tout son amour … Vous vous ressemblez tellement … La même espièglerie … Je ne me rends pas encore compte de la chance que j'ai ... Te serrer dans mes bras était si bon et sentir ta peau contre la mienne … Ces courts instants étaient les premiers depuis l’Ecosse … Oh Terry comme je t’aime ... Même si cette nouvelle séparation était encore plus déchirante que les précédentes ... Il me semble t'aimer toujours de plus en plus ... Les yeux de Terry quand elle me regarde ... J'ai l'impression de plonger dans les tiens, mon amour ... La couleur de ses iris fait pâlir celle de l'Atlantique ... Et le sourire de Terry ... Oh Seigneur comment as-tu pu créer de pareils sourires qui me font chavirer ?
Elle était si heureuse de voir son papa ... Je t'aime Terry, reviens moi vite.

Gare de Chicago, 4 mai 1914
« Oh mes deux anges,
Comment vous dire combien je vous aime ? Il n’y a pas de mots pour cela … Vous retrouver même si peu de temps était un tel bonheur … Je pensais ne pas avoir été gâté par la vie mais toutes les bénédictions dont je suis assailli depuis que tu es entrée dans ma vie, Candy, n’ont de cesse de me prouver le contraire … Je suis tellement fier de toi, du courage dont tu fais preuve … Je te promets d’être bientôt à tes côtés pour toujours. J’ai enfin vraiment rencontré ma fille …, elle est mon reflet … Ce n’est pas de la prétention de ma part … mais comment exprimer à quel point je la trouve belle ? … mais cette beauté là dépasse les mots et l’entendement … S’il m’est donné de vivre cent ans, jamais je n’oublierai la première fois où ses yeux se sont plongés dans les miens … Je peux sentir tellement d’amour venant tout droit de sa candeur d’enfant … Je te promets, Terry, que tu auras le meilleur …
Je vous aime »

New-York, 15 mai 1914
"Mes deux amours,
La tournée du Roi Lear est terminée ... Je t'envoie cet argent que je t'avais promis ... N'hésite pas à offrir à Terry tout ce qu'elle désire ... Je sais qu'il n'est pas bon de satisfaire tous les caprices des enfants mais nous avons tous les deux une telle créance sur l'amour parental que celui-ci est tenu de payer sa dette à notre petite merveille et puis je me sens si coupable de ne pas encore vivre à vos côtés ... Elle ne manquera pas de l’amour que nous n’avons pas reçu..
Et ne t'oublie pas ma Chérie, n'hésite pas à te gâter, tu mérites le meilleur après le cadeau merveilleux que tu m'as offert ... Je n'ai jamais été aussi heureux ... Je commence à chercher un appartement suffisamment grand ici à New York pour accueillir ma reine et ma princesse comme elles le méritent ... Il me tarde de vous revoir"



Chicago, 23 mai 1914
"Oh Papa, une si grande nouvelle ... Je marche ... Tatie Annie était là pour assister à mes premiers pas avec Ali et Archie ... Je tenais à attendre qu'ils soient ici pour le voir ... Ils l'ont mérité ... ils s'occupent si bien de moi. Tu me manques Papa ... lorsque nous nous reverrons, je pourrai courir vers toi !! Je t'aime ..."


Chicago, 29 mai 1914
"Terry, mon amour
La vie est bien cruelle quelques fois ... Je le savais déjà mais certains évènements me le rappelle une fois encore ... Nous avons reçu un nouveau blessé de guerre ce matin parmi tout un convoi d'autres soldats qui ont été rapatriés d'Italie ... Il s'agit de Monsieur Albert ... Ici à l'hôpital, ils pensent qu'il s'agit d'un espion ... Tu te rends compte Terry ? Monsieur Albert un espion !! A part l'observation de la nature, qu'est-ce qui l'aurait jamais intéressé dans l'espionnage ?? ... Il ne se souvient de rien, pas même de son nom ... Il est amnésique ...

New-York, 3 juin 1914
"Mon amour,
J'ai enfin la confirmation de la pièce que nous allons jouer à la fin de l'année ici à New York ... Roméo & Juliette ... Je vais tout faire pour obtenir le rôle de Roméo ... Il parait que j'ai toutes mes chances ... Je suis quand même angoissé car ils sont très vigilants sur le texte ... Je répète sans cesse ... Je pense à vous et cela me donne tellement de courage ... Je suis tellement désolé pour Albert ... remets lui mes amitiés même s'il ne se souvient pas de moi ... J'aimerais tellement le revoir"


Chicago, 10 juin 1914
"Cher Terry,
Je m'occupe toujours d'Albert en cachette car le professeur Léonard refuse de me le confier tant que je suis pas diplômée ... Cette guerre m'inquiète, Terry ... Les Etats Unis finiront par déclarer la guerre à l'Allemagne eux aussi ... Ma collègue Flanny, dont tu avais fait la connaissance le soir où tu me cherchais à Chicago, a été envoyée sur le front ... Je prie chaque soir pour son salut ... Je regretterai toujours de ne pas avoir pu ouvrir son coeur ... Je suis convaincue qu'elle avait deviné l'existence de Terry et elle ne m'a pas trahie ... Nous n'avons jamais été amies, mais elle a gardé mon secret pour elle ... J'aimerais la revoir ... Je suis certaine que c'est une meilleure personne que ce qu'elle laissait paraître ... Je t'aime Terry, je pense à toi et je sais que tu auras le rôle de Roméo ... Nous serons ensemble pour toujours"

New-York, 18 juin 1914
"Mes amours,
La date et l'heure de l'audition de Roméo sont arrêtées ... Ce sera pour le 28 juin à 15 heures ... Oh Candy, à toi je peux le dire ... J'ai peur
Je t'aime ..."



Chicago, 18 juin 1914
Terry, mon Chéri
La date et l'heure de mon examen final est arrêtée ... Ce sera pour le 28 juin à 15 heures ... Un examen écrit puis le grand jury ... Terry je t'avoue que j'ai très peur ... et si j'échouais ? ... je t'aime"



Terry travaillait d'arrache-pied à la répétition de la pièce et Candy à la préparation de son examen ... Si elle était reçue, elle obtiendrait enfin son diplôme ... Elle pourrait s'occuper de Monsieur Albert qui était délaissé par le personnel de l'hôpital et n'avait pas encore retrouvé la mémoire. Candy aurait pu tout lui raconter mais cela pouvait lui causer un choc irréparable ... Il devait se souvenir tout seul.
D'autre part, une fois diplômée, elle pourrait envisager son installation à New York auprès de Terry. Avec ses deux Terry, elle allait avoir la famille de ses rêves ... 

© Fatalzmarion 2008