Seules et soeurs
par Fatalzmarion

 

Note de l’auteur :

Un peu bizarre ? Un peu spécial ? Un peu pas à votre goût ? S’il vous plait lisez la quand même jusqu’au bout …

New – York 1916

Terrence Grandchester avait quitté le théâtre fort tard comme à son habitude. Sa vie lui était tellement devenue insupportable qu’il préférait se noyer, au sens figuré, dans le travail et, au sens propre, dans les tonneaux de Whisky qu’il vidait quotidiennement.

Il restait au théâtre, déjà bien éméché, jusqu’à ce que le concierge le prie de s’en aller. Il faisait ensuite la tournée des bars obscurs desquels il était devenu un pilier assidu jusqu’à la fermeture. Il regagnait alors son appartement tant bien que mal avant de s’écrouler sur son canapé pour cuver tout l’alcool qu’il avait ingurgité.

Il se réveillait le lendemain matin ou début d’après-midi, de plus en plus souvent pris par des tremblements, signes du manque d’alcool dans son organisme, encore sonné de cette énième cuite. Il se faisait une brève toilette avant d’aller rendre la visite quotidienne qu’il devait faire à sa passionnante promise, Suzanne Marlowe.

Celle-ci marchait de mieux en mieux avec sa prothèse qui lui permettait d’être de plus en plus libre et indépendante. Cela comblait un peu le manque d’intérêt que Terry lui portait, compensait un peu ses fréquentes absences mais … Suzanne ne pouvait s’empêcher d’être extrêmement déprimée face à la situation.

Elle se disait souvent qu’elle avait fort mal agit en obligeant Terry à rester auprès d’elle. Elle avait eu vent du comportement du jeune homme au théâtre, elle savait qu’il était devenu un honteux alcoolique, et bien qu’elle refuse de l’admettre, elle se sentait affreusement coupable du malheur de celui qu’elle prétendait tellement aimer.

Un soir très tard, elle fut appelée par la logeuse de Terry. Celle-ci était furieuse contre lui car une fois de plus, il était rentré dans un état lamentable, hurlant des insanités dans les couloirs, vomissant dans l’escalier et brisant tout sur son passage.

« Mademoiselle Marlowe, je suis navrée de venir vous importuner ainsi mais il s’agit de votre fiancé. Il est encore saoul et cette fois, il est hors de question que ce soit moi qui repasse derrière lui. Je vous remercie de bien vouloir m’envoyer l’un de vos domestiques pour nettoyer … hum, disons les traces de son passage »

« Bien sûr Madame, comptez sur moi. Ce sera fait immédiatement et j’accompagnerais le domestique si vous n’y voyez pas d’inconvénient. »

« Comme il vous plaira Mademoiselle »

Et malgré les objections de sa mère qui ne voyait pas d’un très bon œil que sa fille, qui marchait encore très délicatement, se rende en plein milieu de la nuit au chevet du voyou qui la rendait si malheureuse, ivre de surcroît, Suzanne et Monsieur Gilles, leur homme à tout faire, allèrent jusque chez Terry.

Le spectacle dépassait la description de la logeuse. Tout le hall d’entrée était saccagé comme si une tornade y était passée.

« Monsieur Gilles, si vous voulez bien tout remettre en place, je vous en serai fort reconnaissante. Cette aventure nocturne vous sera largement indemnisée sur votre prochaine paie. Soyez en assuré »

« Mais à vos ordres Mademoiselle »

Laissant agir son efficace serviteur, Suzanne prit une grande inspiration pour se donner du courage craignant ce qu’elle allait découvrir et franchit péniblement les marches jusqu’à arriver à l’étage devant la porte de l’appartement de Terry restée entrouverte.

Elle poussa la porte et pût découvrir que l’appartement était dans un état encore plus crasseux que tout ce qu’elle pouvait imaginer.

Des vêtements sales traînaient partout, personne n’avait fait la vaisselle depuis des semaines, il faisait répugnant dans les moindres recoins … tout était si loin du fier Terry dont elle était tombée amoureuse.

« Pourquoi Terry ? Pourquoi ? Es-tu vraiment aussi malheureux avec moi ? »

Terry cuvait son vin sur le canapé, complètement endormi probablement jusqu’au lendemain et Suzanne pouvait à loisir farfouiller dans son intimité sans qu’il s’en rende compte.

La vérité n’allait pas tarder à lui sauter au visage …

Elle remarqua que Terry tenait en mains, tout contre lui, un objet métallique. Il le maintenait près de lui d’une manière curieusement affectueuse, comme un enfant serrant son nounours avant de s’endormir.

Suzanne s’approcha pour mieux identifier le mystérieux trésor de Terry et s’aperçut qu’il s’agissait d’un vieil harmonica.

Cet harmonica ?? Il tenait donc tant que cela à cet harmonica, lui qui semblait ne vouloir s’attacher à rien.

Suzanne tenta de lui prendre l’instrument pour mieux l’examiner mais Terry, dans son sommeil, réagit : « Non, c’est à moi … et je ne le prête à personne ».

Surprise par la réaction soudaine de l’ivrogne, Suzanne renonça à s’emparer de l’harmonica et son attention fut attirée par autre chose. Face au bureau où Terry s’asseyait pour travailler à ses personnages, il y avait un portrait de femme, une ravissante jeune fille blonde représentée au bord d’un lac en plein été avec une toute simple robe beige bordée de rouge.

C’était une peinture, faite à la main, visiblement de manière très artisanale mais vraiment fort bien réussie.

La femme sur ce dessin … c’était elle. Suzanne la reconnaissait. Elle l’avait vue à Chicago le jour de la représentation du Roi Lear et elle l’avait revue ce sombre soir de neige à New York. Désespérée de savoir que le cœur de Terry ne lui appartiendrait jamais, Suzanne avait tenté de mettre fin à ses jours mais la jeune fille au cœur d’or qui avait la chance d’être tant aimée de Terry l’en avait empêchée et s’en était allée lui laissant Terry. Du moins sa présence car son cœur, son âme et tout son amour, elle les avait emporté avec elle.

« Oh Candy, qu’avez-vous fait pour ainsi l’hypnotiser à tout jamais ? J’ai beau déployer tous mes charmes de séduction et ma gentillesse à son égard, il reste prisonnier de votre image et je ne lui inspire que du mépris et de la pitié ».

Détournant son regard du tableau, elle entreprit de mettre un peu d’ordre sur le bureau de Terry sur lequel traînaient d’innombrables feuilles volantes et recueils de pièces de théâtre lorsqu’elle remarqua à nouveau quelque chose qui allait lui déplaire mais qui l’attirait inexplicablement. Il fallait qu’elle regarde.

Soigneusement posé sur le côté droit du bureau, juste sous un ruban de cheveux rose qui rappelait curieusement quelque chose à Suzanne mais elle ne savait pas quoi, un petit recueil de velours rouge semblait la narguer.

Sur la première page, elle pouvait lire une écriture soignée :

« A toi amour,

A nous qui sommes éloignés,

A tout ce que la destinée nous a volé,

A tes yeux qui ne pourront plus me regarder,

Oh je pourrais être damné

Pour avoir la joie de toucher

Une seule fois encore ta crinière dorée

Mon cœur t’appartiendra toujours

Tu es une fleur sauvage,

La nature du printemps,

La beauté du crépuscule et de l’aurore

Pourquoi à tes côtés avais-je l’impression

Que tout était parfait ?

Je t’aimerai jusqu’à la fin du jour,

Je t’aimerai jusqu’à la fin de ma vie,

Je t’aimerai jusqu’à la fin du monde,

Je t’aimerai jusqu’à la nuit des temps »

Et le recueil continuait ainsi à torturer Suzanne qui continuait sa pénible lecture de poèmes en réflexions, de cris d’amour en désespoirs, de doux souvenirs en perspectives bien sombres mais le tout, toujours et encore écrit à l’attention d’une seule et unique personne.

Lorsqu’elle eut terminé, elle soupira et continua à regarder autour d’elle. Tout lui semblait alors tellement clair. L’appartement de Terry était sale et complètement ravagé, à l’exception de quelques objets, quelques souvenirs qui le liaient au fantôme de son passé.

Ces précieux vestiges étaient entretenus, maintenus propres et avaient été épargnés par les violents accès d’humeur du jeune alcoolique qui occupait les lieux et qui avait pris la fâcheuse manie de tout détruire sur son passage lorsqu’il était saoul.

Outre le tableau, le recueil et l’harmonica, Suzanne pouvait découvrir tous les minuscules détails que Candy avait laissés sur son passage et auxquels Terry se raccrochait contre vents et marées.

« Je ne ferai jamais le poids, je le sais. Mais je ne peux renoncer à lui Candy. Je l’aime tellement, je veux qu’il reste près de moi ».

Elle fut interrompue dans ses réflexions par Monsieur Gilles :

« J’ai terminé Mademoiselle, le vestibule et l’escalier sont impeccables. Nous pouvons rentrer ».

« Je viens Gilles ».

Et Suzanne, le recueil à la main, s’en alla en jetant un dernier coup d’œil à Terry, qui ronflait profondément et semblait serrer encore plus affectueusement son harmonica contre sa joue, un sourire dessiné sur ses lèvres …

L’écosse … Le lac … Les arbres … et le chant des oiseaux.

Elle est là … Elle semble m’attendre, c’est peut-être à moi qu’elle pense …

Mais oui c’est mon nom qu’elle prononce …

« Alors on rêve ? »

« Quoi ? »

« Mais oui, je sais lire sur les lèvres et j’ai deviné que tu prononçais mon nom … je ne savais pas qu’il t’arrivait parfois de penser à moi … c’est à un autre que tu penses d’habitude »

« Ca ne va pas recommencer … »

Oh que ces disputes sont agréables Candy, chaque minute en ta compagnie est un instant béni … tout est parfait.

L’Ecosse toujours … La résidence du Duc … La cheminée … et le feu qui crépite.

Elle est là … A mes côtés … je lui dois le bonheur d’avoir retrouvé l’amour de ma mère mais elle semble si triste tout à coup …

« Qu’est-ce qu’il y a Candy ? »

« Rien … mais j’aurais tellement voulu avoir une mère comme … »

« Comme la mienne ? »

« Oui … mais je n’aurais jamais cette joie »

« Candy, veux-tu que nous restions ici tous les deux jusqu’au coucher du soleil ? »

« Oh oui Terry, je t’aime »

« Moi aussi je t’aime … je t’ai toujours aimée … »

Mais Terry ressenti à cet instant un terrible mal de tête …

Il y était habitué … il se réveilla … ce n’était qu’un rêve. Un merveilleux rêve …

« Bonjour mon amour » dit-il comme chaque matin au portrait souriant qui le regardait.

Accrochées au mur de son bureau, les émeraudes de l’héroïne de son rêve semblaient lui crier tout l’amour qu’ils avaient partagé pendant ce songe qu’il faisait si souvent.

Terry se leva titubant encore. Il n’avait pas encore désaoulé complètement de la veille mais tenait à coucher sur le papier de son recueil tout l’amour qui se bousculait dans son esprit, toutes ses pensées matinales qui allaient tout droit à l’amour de sa vie … elle si loin, là bas à Chicago.

Il se mit à chercher son petit livre rouge mais sans succès.

Où est-il ? Il trouva le ruban rose. Il le sentit … Il a toujours l’odeur de ses cheveux … Ma Tâches de Son …

Mais le bouquin ? Où est-il ???

Il remarqua alors que des choses avaient été déplacées dans l’appartement … Il était rentré dans un sale état la veille mais se souvenait clairement de l’emplacement de plusieurs objets et ceux-ci avaient été déplacés.

QUI ?? Qui s’était permis de pénétrer ainsi chez lui pendant qu’il dormait ? De toucher à ses affaires ? Et pire, le recueil de Candy ? Ce visiteur nocturne, maudit soit-il, l’avait emporté !

Qui ??

Quelqu’un frappa à la porte … Terry alla lourdement ouvrir.

« Ca par exemple !! Vous êtes réveillé !!! »

« Madame Gordon, ma logeuse, quelle agréable surprise ! » répondit sarcastiquement Terry.

« Cher Monsieur, je suis venue ce matin car j’ai quelque chose d’important à vous communiquer. Il faut que vous soyez en état d’enregistrer ce que je vous dit, il fallait donc que je m’adresse à vous alors que vous êtes à jeun ».

« Crachez votre venin et allez vous en ! »

« Mon venin … Insolent personnage … Vous avez encore cette nuit dépasser largement la mesure par votre conduite inqualifiable. Vous êtes une fois encore rentré ivre mort !! Cela ne me concernerait pas si vous n’aviez pas au passage saccagé et repeint mon hall d’entrée et mes escaliers, si vous voyez ce que je veux dire !!! »

« Je vois parfaitement Madame, j’ai fait la fête c’est tout. On ne va pas en faire un fromage. Je vais venir nettoyer et vous indemniserai pour les dégâts »

« Inutile mon cher, car votre fiancée s’en est chargée. Elle a rangé votre appartement cette nuit pendant que son serviteur s’occupait de mon vestibule. Mais je voulais simplement vous prévenir que c’est la dernière fois que ce genre d’incident se produit. La prochaine fois, vous irez dormir ailleurs, j’en ai plus qu’assez de votre comportement !!! Ou vous vous calmez, ou c’est la porte ! »

Ne répondant pas, Terry referma la porte au nez de sa logeuse.

« Suzanne … c’est donc elle qui est venue cette nuit. Elle a pris ton livre mon amour … »

Terry s’habilla précipitamment et sortit en direction de chez les Marlowe.

Suzanne encore troublée de ses découvertes de la nuit avait eu peine à trouver le sommeil. Elle venait de terminer son petit déjeuner quand elle entendit un vacarme venant de la pièce jouxtant le salon.

« Non, vous ne pouvez pas la voir, elle déjeune au salon. Vous attendrez grossier personnage !! Pensez-vous qu’elle est à votre disposition sur commande !! Vous attendrez, voilà tout … »

« Il faut que je la voit tout de suite et ce n’est pas vous qui allez m’en empêcher. Faut-il que j’enfonce cette porte ? »

Et un Terrence Grandchester en furie pénétra au salon sous les yeux éberlués de Suzanne.

« Terry, mais qu’est-ce que tu fais ici ? Tu ne viens jamais le matin » lui demanda-t-elle avec douceur « Tu peux nous laisser maman »

« Mais Suzanne … »

« Laisse nous, s’il te plait »

A contre cœur, Madame Marlowe sortit. Elle détestait depuis le début les manières arrogantes du jeune acteur. Comment sa fille pouvait-elle s’être entichée d’un garçon pareil ? Cela lui avait déjà coûté une jambe et ce voyou ne la respectait même pas. Il venait la voir le strict minimum, ne lui parlait jamais d’avenir, passait son temps à boire et elle le soupçonnait d’être infidèle à Suzanne … comme tous les piliers de comptoir.

Une fois sa mère sortie, Suzanne repris : « Alors Terry, que se passe-t-il ? »

« Suzanne, je veux que tu me le rende !!! »

« Mais de quoi parle tu ? »

« Tu es venue cette nuit chez moi, tu as mis ton nez dans mes affaires et je veux que tu me rendes ce que tu as pris ».

Suzanne comprit mais elle continua à faire l’innocente. Il s’était déjà aperçu de la disparition du bouquin ! Fallait-il qu’il y tienne !! Qu’il tienne tellement à elle …

« Mais Terry, je ne comprends pas. Je suis venue chez toi, c’est vrai. Madame Gordon me l’avait demandé mais je n’ai rien pris … »

A ce moment Suzanne baissa les yeux et Terry comprit alors qu’elle mentait.

Il saisi les accoudoirs du fauteuil sur lequel elle était assise, la regardant sévèrement.

« Ecoute moi bien Suzanne … Je te demande pour la dernière fois de me rendre ce que tu as pris hier ».

Suzanne hésita, c’était plus fort qu’elle … Elle aurait tellement voulu effacer toute trace du passé de Terry de son esprit. Peut-être alors l’aurait elle eu rien qu’à elle ? Mais il restait prisonnier de ce fantôme qui le hantait jour et nuit, qui l’empêchait d’éprouver un sentiment d’amour envers une autre femme et qu’il ne voulait pas oublier.

Ce culte du souvenir faisait plus de mal à Suzanne que s’il l’avait trompée réellement … mais pouvait-elle blâmer quelqu’un d’autre qu’elle-même d’avoir enchaîné auprès d’elle un homme qui ne l’aimait pas et qui tenait à une autre plus qu’à sa propre vie ?

« Terry, pourquoi es-tu si dur avec moi ? Pourquoi y a-t-il un portrait d’elle chez toi ? »

Terry fut choqué de sa question. Elle osait lui demander cela !

« Suzanne, tu as souhaité après ton accident que je reste auprès de toi pour m’occuper de toi. Tu savais pourtant que je ne t’appréciais que comme une partenaire de théâtre ou comme une bonne amie. Je ne t’ai pas caché que mon cœur était déjà pris … »

« Mais je pensais que tu apprendrais à m’aimer. A force de ne plus la voir, tu devrais finir par l’oublier … mais tu n’y mets pas beaucoup de cœur. Ce n’est pas en créant un véritable musée en sa mémoire chez toi que tu parviendras à te la sortir de l’esprit » supplia désespérément Suzanne.

« Mais je ne veux pas l’oublier !!! C’est elle qui me fait me lever le matin et qui me sourit ! C’est elle qui m’accompagne chaque fois que je viens te voir ! Et c’est à elle que je m’adresse de tout mon cœur lorsque je déclame mes textes sur scène, elle est toujours parmi les spectateurs, elle n’a jamais raté une seule de mes représentations »

Ces mots frappaient la poitrine de Suzanne comme des poignards. Comme elle aurait aimé être l’objet d’une telle passion dans le cœur de Terry. Rien que le fait d’évoquer Candy semblait transporter l’acteur au plus haut firmament. Se tenant bien droit au milieu du salon de Suzanne, il semblait tenir le plus grand monologue de sa carrière. Il y mettait tant de cœur.

Contrairement à ce qu’elle aurait voulu, oubliant sa contenance habituelle, Suzanne fut à son tour en colère.

« Terry, comment peux-tu dire ça. Moi je suis là, je suis avec toi et je t’aime. Elle est absente et dieu sait dans les bras de qui elle a déjà du t’oublier !! Tu me dois la vie Terry et tu dois m’aimer et me respecter !!! » hurla-t-elle « personne ne l’a obligée à te quitter ce soir là !! C’est elle qui a pris la décision. Si elle t’avait demandé de rester avec elle, tu m’aurais abandonnée. Cette fille ne t’aimait pas autant que moi, voilà tout !!! C’est de sa faute … »

Elle arrêta de parler sachant qu’elle en avait déjà bien trop dit et qu’elle allait payer cher son blasphème à la femme que Terry mettait sur un piédestal.

Mais Terry retrouva tout à coup son calme … qui inquiétait bien plus Suzanne que ses plus grandes colères.

« Ma Chère, sache que « cette fille » a la plus grande bonté que la terre ait jamais connu. Elle fait passé la plus vile des créatures du monde avant son bonheur personnel. Je l’ai vu rien que d’un sourire ou juste avec ses yeux accomplir plus de miracles que les plus grands magiciens. Elle m’a abandonné, comme tu dis, pour m’éviter d’être constamment pris entre mon amour et mon devoir, entre ma passion et ma pitié. Elle a voulu me rendre les choses plus faciles et surtout elle a eu, pardonne moi de te dire cela, pitié de toi … Quand elle t’a vu désespérée, elle a oublié sa propre enfance malheureuse, notre rencontre, tout le bonheur que nous nous étions créé ensemble et qu’il nous tardait de retrouver, tout ce temps passé l’un sans l’autre vivant chacun dans l’espoir de se revoir un jour. Elle n’a plus vu que toi et tes larmes, et elle t’a fait passé avant elle.

Suzanne, je te le demande encore une fois, rends moi ce livre … »

Elle hésita encore.

« Je ne l’ai pas Terry, pardonne-moi ».

Terry fut alors persuadé qu’elle avait détruit le bouquin de colère.

« Adieu Suzanne »

Et il sortit.

« Terry !!!!! »

Elle cria après lui, elle le suivi mais elle se déplaçait nettement moins vite que Terry …

Terrence Grandchester sortit de chez les Marlowe en rage. Sa décision était prise, la comédie de l’amour avait suffisamment duré. Il quitterait Suzanne, il quitterait encore une fois la compagnie Strasford, il quitterait New York. Pour aller où ? A Chicago, à Londres, en Ecosse, en enfer ? Il ne le savait pas encore mais il en avait assez …

Il traversa la rue sauvagement sans se soucier du véhicule lancé à vive allure qui arrivait à sa gauche …

L’accident était inévitable, la voiture le percuta de plein fouet …

Le corps du jeune acteur virevoltant dans les airs paraissait tout à coup comme si léger. Il se vit s’envoler, ressentir un étrange choc qui ne lui fit pas mal, pour tout à coup ne plus rien voir, ne plus rien entendre … pas même le hurlement désespéré de Suzanne, arrivée sur le trottoir puis se précipitant vers lui. Autour de Terry, un attroupement s’était déjà formé.

La jolie blonde put vite comprendre au murmure de la foule et à l’expression sur le visage désormais si serein de Terry qu’il n’y avait plus rien à faire …

Il l’avait quittée pour toujours …

Chicago

Mademoiselle Candice Neige André, riche héritière de Monsieur William Albert André, faisait désormais partie du gratin de la haute société de Chicago. Elle représentait de loin le meilleur parti de la région car la jeune rebelle blonde, en plus de représenter une future grande fortune, était une très belle jeune femme, pleine de vie, qui avait gardé toute la fraîcheur de son enfance.

Elle cumulait à présent deux postes d’infirmière. Elle était devenue la plus jeune chef de service de l’hôpital Sainte Joanna après avoir été réintégrée à la demande de son père adoptif, Monsieur William Albert André, demande fortement appuyée par le jeune Daniel Legrand, amoureux éconduit, qui ne désespérait pas qu’un jour l’objet de son affection puisse changer d’avis à son égard.

Parallèlement, elle assistait toujours le Docteur Martin à la joyeuse clinique.

Ses deux activités lui permettaient d’être occupée à plein temps et de ne pas réfléchir à ce qui restait inachevé en elle …

Les prétendants se présentaient les uns après les autres auprès d’elle mais aucun d’eux ne parvenait jamais à conquérir son cœur, au grand désespoir de la Grand Tante Elroy, qui craignait que l’héritière de la fortune des André ne finisse comme elle, vieille fille …

Albert lui aussi aurait voulu que Candy connaisse enfin le bonheur amoureux qu’elle méritait mais ne voulait pas la brusquer tant il savait que les plaies ouvertes au cœur de sa protégée n’étaient pas encore refermées.

Belle et adorable comme elle était, il ne s’inquiétait pas qu’elle finisse vieille fille mais d’avantage qu’elle ne puisse à nouveau aimer comme elle avait aimé ses amours d’antan …

Candy arriva ce lundi là à 8 heures 30 à la joyeuse clinique. Le lundi, elle y passait toute la matinée. Les bambins des environs avaient passé leur dimanche à se chamailler, à courir, à grimper, et les plaies et bosses à soigner étaient bien souvent fort nombreuses le lundi matin.

« Bonjour Docteur Martin !! » dit elle joyeusement en entrant dans la petite salle de consultation.

« Bonjour Candy »

Le Docteur Martin, comme à l’accoutumée, terminait de lire le journal et Candy pouvait à son tour, devant une bonne tasse de café, découvrir les dernières nouvelles avant de commencer les consultations à 9 heures.

« Alors quoi de neuf ce matin ? » demanda-t-elle gaiement en examinant la première page du quotidien.

Mais ce matin là, le Chicago Tribune était porteur d’un bien funeste message qui allait briser définitivement jusqu’au cœur et à l’âme la pauvre Candy.

 

Nos Adieux à l’Etoile Filante de Broadway

« Il allait avoir vingt ans en janvier prochain … Le jeune acteur qui avait ravi le cœur de toutes les New-Yorkaises, Terrence Grandchester, a été foudroyé ce dimanche à l’aube de sa gloire, victime d’un terrible accident de la circulation.

Quand les secours sont arrivés sur place, il n’y avait déjà plus rien à faire pour le jeune prodige qui manquera cruellement à tous ses proches et admirateurs.

Le jeune Roméo qui allait incarner Hamlet prochainement laisse derrière lui sa mère, Eléonore Backer, sa fiancée, Suzanne Marlowe et son ami, Monsieur Robert Hathaway, directeur de la compagnie théâtrale Strasford, ainsi qu’une foule de proches et d’admirateurs.

Nous leur adressons très sincèrement nos plus sincères condoléances.

Hommage à toi Terrence, petit prince aux ailes dorées, qui brille à présent dans nos cœurs et dans le ciel de Broadway ».

 

Des larmes chaudes coulaient sur les joues de Candy sans qu’elle fasse le moindre effort pour les retenir.

Le Docteur Martin fut surpris par ces larmes, tellement inhabituelles dans les yeux de son infirmière.

« Candy ?? Qu’est-ce qu’il y a ? » lui demanda-t-il doucement.

« Oh Docteur … »

Candy ne pouvait pas parler, elle se contenta de montrer le journal d’un geste du menton avant de sombrer dans une longue fontaine de larmes. Le vieux médecin n’avait jamais vu pleurer Candy mais en plus comme ça, avec un tel désespoir !!

« C’est ce jeune homme Candy ? Vous en étiez admiratrice ? C’est vraiment très triste … »

« Oh Docteur, il était tellement plus que cela … La vie est tellement dure quand elle abandonne des êtres aussi formidables que lui !! »

« C’était l’un de vos amis Candy ? » insista le Docteur Martin toujours aussi stupéfait d’une telle réaction de Candy.

« Oh Docteur … c’est pour lui que je vivais … même au loin, je savais que nous nous aimions tellement fort que … mais maintenant … oh Docteur, je voudrais mourir »

New-York

L’attroupement au cimetière commençait à diminuer. Les funérailles de Terrence Grandchester auraient pu se dérouler intimement mais la notoriété du jeune acteur avait attiré une foule innombrable.

Néanmoins les services de sécurité avaient pour mission de prier la foule de se retirer afin de permettre à la famille et aux amis intimes du défunt de se recueillir sur la tombe de leur cher disparu.

Suzanne Marlowe, toute de noire vêtue, ses longs cheveux blonds tranchant avec la tristesse de sa tenue restait immobile debout devant la croix. Elle allait partir la dernière.

« Pardonne moi Terry … Pardonne moi d’avoir gâché ta vie … Nous nous sommes quittés fâchés »

A l’entrée du cimetière, Candy tentait de convaincre un garde de sécurité de la laisser entrer mais celui-ci s’obstinait à le lui refuser.

« Je suis navré Mademoiselle mais seule la famille proche est autorisée à se rendre sur la tombe de Terrence Grandchester aujourd’hui, revenez dans quelques jours ».

Les ordres du garde étaient stricts et il était tenu de les faire appliquer mais quelque chose chez cette jeune fille semblait lui dire qu’elle était différente des autres groupies désespérées qui voulaient se recueillir sur la tombe de l’acteur.

Candy qui avait puisé dans tout ce qu’elle avait en elle depuis l’annonce du décès de Terry, n’avait plus la force de tenir tête au garde et elle s’apprêtait à rebrousser chemin quand elle entendit :

« Laissez la entrer … »

Candy regarda le visage de la femme qui vêtue de noir également sortait du lieu de recueillement, les yeux gonflés d’avoir tant pleuré. Cette femme était Eléonore Backer.

Eléonore avait immédiatement reconnu Candy, cette beauté sauvage qui avait été source de tant de bonheur pour Terry et qui lui avait permis de regagner le cœur de son fils … cet été là, en Ecosse … cela lui semblait si loin. Elle se souvint de l’audition pour le rôle de Roméo à laquelle elle était venue assister. Ce jour là, elle avait été émue aux larmes par la prestation de son fils et avait deviné aisément que toute la passion que Roméo déclamait à cet instant ne s’adressait pas à Juliette mais à Candy Neige.

Et elle était là, elle était venue de si loin, les yeux aussi gonflés de larmes, pour se recueillir et partager sa peine.

« Candy, comme je suis heureuse de vous revoir. Votre présence me réconforte tellement. Quand vous êtes là, il me semble soudain que tout va mieux »

« Madame … »

Candy avait la gorge si serrée que pour une énième fois depuis qu’elle avait appris la mort de celui qu’elle aimait, elle ne pouvait plus émettre un seul son.

A la seule vue d’Eléonore et de ses yeux tellement semblables à ceux de Terry, ces yeux qui ne la regarderaient jamais plus …

« Allez-y Candy, je vous attendrai ici. Il y a tant de choses que je voudrais vous dire. Mais allez y, il vous attend »

Et Candy, empoignant son courage jusqu’au plus profond de ses forces, marcha stoïquement jusqu’à l’allée qui serait à jamais la dernière demeure de son cœur.

Suzanne contemplait toujours la tombe en silence quand elle sentit une présence derrière elle. Sans se retourner, elle devina sans trop savoir pourquoi, qui était là.

« Candy … » dit elle.

« Bonjour Suzanne »

Suzanne se retourna alors.

« Je m’attendais à ce que vous veniez »

Suzanne ne pouvait soutenir le regard pourtant si bon de son éternelle rivale, elle fit à nouveau face à la tombe mais baissa les yeux pour regarder le sol. Il lui semblait entendre Terry la chasser de ce doux tête à tête qu’il attendait depuis si longtemps.

« Candy, je vous demande pardon. Je me suis immiscée dans cet amour parfait que vous aviez créé. Je croyais pouvoir briser ce fil invisible mais pourtant si fort qui vous liait tous les deux et je me suis lourdement trompée. J’avais deviné, la première fois que je vous ai vue à Chicago, que Terry et vous étiez faits l’un pour l’autre et que rien ne pourrait vous séparer et pourtant … Je n’ai pas voulu le reconnaître … si j’avais été moins égoïste et si vous n’aviez pas eu pitié de moi à New-York, rien ne serait arrivé et il serait encore avec vous … »

« Suzanne, il ne faut pas dire cela. C’est un accident et je suis certaine que Terry vous aimait. Il était heureux avec vous … »

« Non Candy, tout cela n’était que mascarade. Il n’y a jamais eu de place dans son coeur que pour vous. Tenez je vous le rend »

Et Suzanne tendit à Candy le petit recueil qu’elle avait emporté de l’appartement de Terry quelques jours auparavant.

Avant que Candy puisse répondre, elle ajouta : « Restez avec lui maintenant, je crois que vous avez bien des choses à vous dire et que je serais de trop. Je vous attends à la sortie car je dois absolument vous montrer quelque chose. Prenez tout le temps qu’il vous plaira Candy »

Et Suzanne s’éloigna.

Candy se trouva enfin seule face à la froide pierre. Face à elle, un nombre incalculable de fleurs et couronnes trônaient tristement.

Elle ne savait par où commencer ce monologue de recueillement qu’elle avait pourtant soigneusement préparé durant l’interminable voyage en train.

Elle redoutait l’arrivée au cimetière. Elle craignait de s’effondrer réellement en se retrouvant en face de ce qui serait la dernière demeure de Terry. Mais curieusement, elle n’eut à cet instant aucune envie de pleurer comme elle l’avait fait pourtant au décès d’Alistair.

Et elle se mit à parler à Terry comme s’il était avec elle, plus présent que jamais.

« Alors Monsieur Grandchester, Tâche de Son au rapport ! Comme ça vous m’avez faussé compagnie. Je crois me souvenir que vous aviez le goût du risque au Collège Royal de Saint Paul. Vous étiez le mauvais garçon de service qui se battait comme un chiffonnier, buvait comme un irlandais et fumait comme un pompier …

De là à devenir cascadeur voltigeur, mon cher, il y a de la marche !!! Ne pouvais tu pas penser qu’une automobile était plus dure que ta petite tête ?? »

Seul le vent piquant répondait aux paroles de Candy et les larmes qui étaient restées bloquées derrière ses iris verts commencèrent à couler.

« Terry … Qu’as-tu fait là ? Tu m’avais promis d’être heureux, pour nous, pour notre amour et tu n’as pas tenu ta promesse. Maintenant, je peux te le dire, je t’aime toujours. Je t’ai toujours aimé … pourquoi n’es tu pas ici avec moi à jouer de l’harmonica ? Terry, c’est le rôle le plus nul que tu aies joué … »

« Terry, pourquoi m’as-tu abandonnée ? Je me sens comme ce jour où tu es parti du collège, ce jour où tout ce qui me semblait en couleurs la veille devenait tout à coup bien gris et terne. Mon Terry même si nous étions séparés, je pouvais sentir ton amour avec moi, en moi, et ça me donnait la force d’avancer mais aujourd’hui … Terry, aujourd’hui, tu me laisses vraiment toute seule et pour toujours … Terryyyyyyyyy … »

Et Candy, la fière et forte petite fille qui avait combattu de toutes ses forces la méchanceté des Legrand dans son enfance, qui avait protégé son amie Annie qu’elle voyait comme une sœur, qui avait été si courageuse à la mort de son cher Anthony, qui avait affronté l’austérité du Collège Saint Paul malgré sa soif de liberté, qui avait ouvert le cœur de l’indomptable Terrence Grandchester et avait raccroché ce cœur à celui de sa mère, qui s’était échappée du collège pour suivre la voie qu’elle voulait elle-même choisir, qui avait accepté stoïquement la séparation d’avec celui qu’elle aimait, qui avait fait face à son renvoi de l’hôpital suite aux manigances de Madame Legrand, cette même Candy s’écroula alors le long de la croix qui dominait la tombe du pauvre Terry comme son amie Patricia l’avait fait au jour des funérailles de ce cher Alistair, parti au combat en Europe d’où il ne reviendrait jamais plus.

« Candy … Venez Candy »

C’était Suzanne. A son tour, elle sauva Candy du désespoir comme celle-ci l’avait fait pour elle sur le toit de l’hôpital quelques temps auparavant.

« Non, je veux rester ici près de lui »

« Venez, je veux vraiment vous montrer quelque chose. Nous reviendrons ici plus tard, c’est promis »

Et à contre cœur, Candy suivi Suzanne à l’extérieur du cimetière et par les rues de New-York qui avaient représenté pour elle tellement d’espoirs mais aussi tant de déception. Candy serrait contre elle le petit livre rouge que Suzanne lui avait donné sans savoir encore que celui-ci était porteur d’un merveilleux message d’amour.

Suzanne entraîna Candy jusqu’à l’appartement de Terry. Eléonore était rentrée chez elle mais avait fait promettre à celle qu’elle aurait tant voulu voir devenir sa belle-fille de venir passer la nuit auprès d’elle avant de reprendre le train pour Chicago, le lendemain, ce que Candy avait accepté bien volontiers.

« Suzanne, je ne sais pas si je désire vraiment aller chez lui maintenant … je crois que c’est trop tôt »

« Si Candy, il le faut, je veut que vous voyez ce que j’ai à vous montrer »

Et devant tant d’insistance, la garde de Candy baissa et elle suivi Suzanne qui montait lentement les marches.

En pénétrant dans la pièce, Candy prit un profond soupir. Elle cru un instant se trouver mal mais si curieux soit-il, le regard encourageant de Suzanne à ses côtés décuplait ses forces, repoussant ainsi à l’extrême les limites de son chagrin.

« Candy, je vous ai dit tout à l’heure qu’il vous avait aimée, vous et seulement vous … maintenant je vais vous le prouver … »

Et Suzanne fit visiter à Candy les moindres recoins du temple que Terry lui avait élevé … sa robe de Juliette posée sur un mannequin de cire, l’écharpe que Candy avait posé sur la jambe de Terry la nuit où il était entré dans sa chambre au collège à la suite d’une bagarre, l’affiche de Roméo et Juliette où Terry avait supprimé le nom de Karen Kliss pour le remplacer par celui de Candy Neige, le billet du voyage sur le Mauritania un certain 31 décembre 1911.

Candy et Suzanne connaissaient chacune la signification des indestructibles souvenirs de Terry, l’une pour y avoir participé et l’autre pour avoir fait leur connaissance au travers du petit recueil rouge …

« Il vous aimait Candy, vous étiez sa femme et vous le serez toujours … regardez … »

Et Candy vit enfin le tableau … elle s’approcha pour pouvoir effleurer du bout des doigts la toile qui avait tenu compagnie à Terry tout ce temps de séparation, en bas à droite était indiqué :

«  Ma Tâche de Son,

Madame Candy Grandchester,

Avec tout mon amour »

« Il n’y a qu’un de ces liens entre vous que je ne peux vous montrer » ajouta Suzanne « car Terry l’a emporté avec lui dans la tombe. J’ai tenu à ce qu’il l’accompagne car c’était de loin ce à quoi il tenait le plus … »

« Et qu’est-ce que c’était ? » la questionna Candy.

Suzanne attendit une seconde, regarda les yeux verts de Candy, et pour finir lui répondit :

« Un harmonica … »

Une fois de plus, Candy ne put retenir une larme qui coula sur sa joue alors qu’elle se revoyait quelques années plus tôt dans le parc du collège à échanger le paquet de cigarettes de Terry contre le vieil instrument.

« Il l’avait gardé … » fut tout ce qu’elle trouva à dire.

Elle regarda encore une fois la robe de juliette.

« Suzanne, ça vous ennuie si je la passe un instant ? »

« Mais elle est à vous, comme tout ce qui se trouve ici … »

De sentir à nouveau contre sa peau le délicat tissu faisait ressentir à nouveau à Candy de bien doux souvenirs. Elle se revoyait valsant avec Terry dans le parc du collège.

« Mais comment Terry a-t-il pu retrouver cette robe ? Je l’ai laissée au collège quand je l’ai quitté … »

« Ah ça Candy cela fait partie de ses petits secrets mais je ne doute pas que vous trouviez un jour la réponse à bien des questions et peut-être plus vite que vous le pensez … »

« Comment cela ? »

« Lisez le livre que je vous ai remis … lisez le. J’aurais vraiment aimé que ce bouquin s’adresse à moi mais le sort en a décidé autrement. Vous êtes certainement la meilleure personne qu’il y ait sur cette terre et c’est pour cela que Terry vous avait choisie. J’ai appris à vous connaître grâce à ce livre et je suis persuadée qu’en d’autres circonstances nous aurions pu devenir de grandes amies. »

« Suzanne … »

« Je vous ferai envoyer toutes les affaires de Terry. Tout ce qui se trouve ici vous parviendra chez vous. Laissez moi votre adresse pour que je puisse vous transmettre les colis et puis je me plait à croire que vous seriez heureuse d’avoir à l’occasion de mes nouvelles comme moi j’aimerais en avoir de vous »

« Mais bien sûr Suzanne, il est vrai que le différend qui nous a opposé est plutôt un point commun après tout … Mais je dois vous prévenir que je ne retournerai pas à Chicago à mon retour d’ici. »

« Mais où irez vous donc ? »

Candy hésita, elle se demandait si elle devait confier à Suzanne, qui lui semblait décidément si fragile et si secouée par la vie, la décision grave qu’elle avait prise en apprenant la mort de Terry.

« Où Candy ? Dites moi ! »

« En Europe … »

« En Europe ? Mais que comptez vous faire en Europe ? Pardonnez moi indiscrétion mais ce départ me parait si subit … »

« Je me suis engagée comme infirmière volontaire à la Force d’Expédition Américaine. Je pars rejoindre sur le front plusieurs collègues médecins et infirmières en poste là-bas depuis le début de la guerre » dit Candy d’un trait.

Suzanne la regarda de ses yeux immenses, effrayée par ce qu’elle venait d’apprendre, une main sur les lèvres.

« Candy … Vous n’y songez pas … Mais c’est tellement dangereux »

Suzanne ne pouvait qu’imaginer ce qu’aurait dit Terry en apprenant que l’objet de toute son affection avait décidé d’aller risquer sa vie au milieu des balles, des grenades et des explosions. Il lui semblait l’entendre lui dire : « Fais quelque chose !! Retiens là »

« Mais pourquoi Candy ? Vous y risquerez votre vie !! Vous ne devez pas partir là bas !!! Pensez à ce qu’aurait dit Terry s’il avait appris une chose pareille »

« Justement c’est parce qu’il n’est plus là que ma décision est définitive !! Je dois vous faire un aveu. Lorsque le premier groupe de volontaire de l’hôpital qui m’emploie a été envoyé en France, c’est Terry qui m’avait fait hésiter à m’engager. Je voulais tant le revoir. Il préparait l’audition de Roméo & Juliette et m’avait déjà promis dans ses lettres que s’il obtenait le rôle, il m’enverrait une invitation pour venir le rejoindre à Broadway et l’applaudir. Egoïstement, je n’ai alors plus pensé à cet engagement car mon amour pour Terry passait avant. Mais maintenant que plus rien ne me retient, je pars. Un nouveau destin se présentera à moi là-bas … »

« Un nouveau destin !!? Ou une mort certaine ? Voyons Candy combien de soldats et infirmières y ont déjà laissé leur peau ? J’ai entendu suffisamment d’échos de cette stupide guerre pour m’être rendue deux fois par semaine à l’hôpital Jacob pour la rééducation de ma jambe depuis le début de la guerre !! Vous êtes inconsciente de ce que vous faites ma parole !! »

« Justement non Suzanne, je le sais trop bien … Je viens de perdre mon cher cousin qui s’était engagé dans l’aviation comme soldat volontaire. Il a été abattu par l’ennemi. C’était quelqu’un de formidable et je n’ai eu de cesse de le dissuader de s’engager. Il a profité de mon absence à New-York pour la première de Roméo & Juliette pour partir. Je ne le reverrai jamais ».

« Mais alors pensez-vous que cela ferait plaisir à votre famille que vous alliez vous faire tuer aussi ? »

« Advienne que pourra Suzanne ».

Candy tendit à Suzanne une main franche pour lui faire comprendre que la discussion était close et qu’elle ne pourrait la faire changer d’avis.

« Au revoir Suzanne, c’est ici que nos chemins se séparent. J’espère que nous nous reverrons et je vous promets de vous envoyer des nouvelles. Ne faites pas cette tête, depuis mon enfance, je suis toujours revenue grandie de tous les voyages que j’ai faits et tous les changements survenus dans ma vie se sont toujours avérés positifs ! Je considère cette aventure vers laquelle je me dirige comme une nouvelle expérience, une étape supplémentaire, nous verrons ce que la vie a en réserve pour moi … »

Suzanne embrassa Candy sur la joue et lui souhaita bonne chance.

Candy passa comme promis la nuit chez Eléonore. Les moments passés avec l’actrice, malgré la tristesse ambiante, furent presque heureux pour Candy. Cela la conforta dans l’idée qu’elle aurait vraiment souhaité avoir une mère comme elle et Eléonore, une fille comme Candy.

Candy ne trouva pas le courage d’expliquer à la mère de Terry qu’elle avait décidé de s’engager dans l’armée et qu’elle serait envoyée au front français à son retour à Chicago. Il lui semblait inutile de donner à la pauvre femme qui venait de perdre son fils que l’être le plus cher au cœur de celui-ci courait au devant d’une mort quasi certaine.

« Nous verrons bien ce qu’il se passera » se dit Candy « Un jour peut-être pourrais-je lui demander pardon et lui expliquer pourquoi j’ai tenu à la ménager ».

Candy prit congé d’Eléonore Backer le lendemain matin et de la façon dont celle-ci la serra dans ses bras avant de la regarder s’éloigner, Candy se dit qu’elle avait pris la bonne décision en lui cachant la vérité sur ses projets.

Candy repassa par le cimetière où le calme était désormais revenu et où elle pu approcher la tombe de Terry facilement cette fois.

Elle recommença à nouveau un monologue face à cette froide pierre.

« Voilà Terry je suis venue te dire au revoir. Je te laisse et je pars à la rencontre de mon destin. Je sais que tu n’aurais pas approuvé la décision que j’ai prise tant tu tenais à ma sécurité mais essaie de me comprendre. Je suis toute seule, éternellement seule et j’ai tellement mal depuis que tu es parti que j’ai l’impression par moment que je vais me déchirer. Je compte sur toi et le crucifix de Mademoiselle Pony pour veiller sur moi durant ces périodes pénibles qui m’attendent là-bas … car à toi je peux le dire, Terry, j’ai peur … Je tremble de peur de ne pas savoir ce qui va m’arriver et si je reviendrai un jour de ce voyage en enfer que je m’apprête à affronter. Mais il y a quelque chose qui me rassure Terry, c’est que même si je suis amenée à suivre le même chemin qu’Anthony, Alistair, toi et tant d’autre personnes que j’aimais et qui sont parties, je peux toujours espérer vous retrouver là-bas au ciel … avec les anges ».

Candy reprit le train dans la matinée en direction de Chicago où elle devait encore régler différentes choses avant son départ imminent. Il lui fallait adresser différentes lettres à l’attention de ses amis les plus chers : Annie et Archie, Albert et Mademoiselle Pony.

Et il lui fallait également trouver une remplaçante à la joyeuse clinique pour ne pas laisser le docteur Martin dans l’embarras.

Au cours du voyage qui la ramenait à Chicago, elle découvrit avec émotion le poignant cri d’amour que Terry lui avait adressé à travers son recueil et son cœur était partagé de divers sentiments. Elle était extrêmement triste pour Suzanne qui avait découvert la vérité mais en même temps, elle se sentait tellement privilégiée d’avoir connu au moins une fois ce qu’on appelle le Grand Amour.

Chaos, désolation, terreur, …

Violence, explosions, armes, …

Amputations, infections, famine, …

Souffrance, larmes, cris, …

Voilà un bref résumé de ce que Candice Neige André découvrit en posant le pied sur le sol français où elle avait été envoyée avec son peloton de volontaires américains.

Cette Europe qu’elle avait connue si calme et si belle, cette France, qu’elle avait découvert au fils des pages des manuels d’histoire du Collège Royal de Saint Paul comme l’un des plus beaux pays du monde, semblait se détruire un peu plus chaque jour rien que sur la minuscule parcelle que Candy pouvait voir de ses propres yeux sans oser imaginer ce qu’il pouvait se passer là-bas sur le front, dans ces horribles tranchées noires et boueuses.

C’est par centaines que des soldats affreusement blessés étaient acheminés dans les hôpitaux volants, aménagés avec les moyens du bord et où des chirurgiens épuisés tentaient de les opérer dans de bien piètres conditions. Bien des patients mouraient avant d’avoir pu recevoir les soins appropriés ou décédaient après l’opération par manque d’hygiène.

Rien que la première semaine, le cœur de Candy fut en plus d’une occasion mis à rude épreuve tant les conditions de travail étaient pénibles. Elle se demandait bien souvent après son service, épuisée par les heures passées en salle d’opération à seconder des médecins, jusqu’où la sottise humaine conduirait cette Europe dévastée. Quels étaient les tenants et aboutissants d’une telle barbarie ? Elle tentait chaque jour de diminuer les souffrances de ces soldats, pour la plupart souvent âgés de moins de 20 ans, que l’on espérait au plus vite retaper pour les renvoyer au front dès que leur état le leur permettait. Les plus grièvement blessés étaient quant à eux, rapatriés chez eux mais hélas avec une jambe ou un bras en moins, ou aveugles, ou défigurés à vie.

Un matin, alors qu’elle n’avait pu se reposer que cinq heures cette nuit là, Candy fut réveillée comme souvent pas la cloche d’urgence. Cela signifiait qu’une nouvelle bataille avait fait rage pendant la nuit non loin de là et qu’un nouveau convoi de blessés allait arriver d’un instant à l’autre.

« Candy !!! Dépêche-toi, ils sont des dizaines cette fois … » lui criait le chirurgien auquel elle était affectée depuis son arrivée.

« J’arrive Docteur » répondit-elle tout en courant jusqu’à la salle d’arrivage pour effectuer un premier tri parmi les soldats qui leur avaient été attribués.

Il sembla à cet instant à la jeune blonde qu’ils n’étaient pas des dizaines mais des milliers, que toute l’armée française s’était écroulée ce matin là et qu’elle était seule pour pouvoir lui venir en aide. Et elle savait que dans toutes les autres salles de l’hôpital régnait le même chaos. Un médecin, parfois sans la moindre qualification en chirurgie, et une infirmière se voyaient attribuer des dizaines de blessés présentant tous des blessures plus graves les unes que les autres et ayant pour simple mission de faire du mieux possible avec le moins de moyens possibles !!

Candy, qui avait rapidement acquis une excellente organisation face à ce genre de situation dès son arrivée, s’avoua quelque peu perdue face à l’ampleur de ce spectacle offert si crûment à son si doux visage.

Mais elle se reprit bien vite ! Bien loin dans sa mémoire, elle entendait deux voix qui lui criaient :  « Allons Tête de Linotte, ne restez pas là à bailler au corneille !! Ces hommes ont besoin de vos compétences d’infirmière, pas d’une pleurnicharde qui s’effraie à la vue du sang … ».

Ces voix, elle les reconnaissait tellement bien … Mademoiselle Marie-Jeanne et Flanny … Depuis quand ne les avait-elle pas vues ni entendues ? Mais leurs paroles sonnaient aux oreilles de Candy de la même manière que si elles avaient été derrière elle, dans la même pièce.

Et Candy se mit à l’ouvrage. Stoïquement, elle se mit à numéroter les soldats, à couvrir d’un drap ceux pour qui il était déjà trop tard, à les classer selon l’ordre d’urgence de leur état et enfin à nettoyer les cas les plus critiques et à les préparer pour la salle d’opération.

Elle travaillait vite et si bien que le chirurgien lui-même se surprenait à puiser son énergie dans la force de caractère de la jeune femme.

« Si une personne qui parait tellement douce et si fragile peut effectuer toutes ses tâches pénibles et me seconder aussi bien, il est impossible pour moi de flancher. Je dois prendre exemple sur celle, qui au lieu de courir les campagnes en courant et danser chaque semaine au bal jusqu’à s’en étourdir, est ici avec moi, plongée dans le désastre et le sang jusqu’aux chevilles, à essayer de sauver des vies ».

« Mademoiselle, Mademoiselle, … » l’appela péniblement un soldat américain dont Candy reconnaissait l’accent sans difficulté « j’ai trop mal, pitié occupez vous de moi … »

« J’arrive Monsieur. Tenez bon, cela va être votre tour »

Mais alors qu’elle s’apprêtait à conduire un soldat présentant une horrible fracture ouverte à la jambe, elle fut inexplicablement attirée par la voix de ce jeune militaire qui la suppliait de lui venir en aide.

« Cette voix, je l’ai déjà entendue … Charly !!! Charly … ». Et se penchant sur le visage ensanglanté du blessé, Candy reconnu les yeux du garçon qu’elle avait rencontré à son retour d’Angleterre qui était aussi l’ami de Terry et qui s’était fait passer pour lui lorsqu’il fut admis en urgence à l’hôpital Sainte Joanna de Chicago où Candy travaillait. A cette époque, il avait confié à la jeune fille son désir de s’engager dans l’armée après avoir purgé sa peine de prison.

« Charly … C’est bien toi ! Alors tu t’es engagé comme tu me l’avais dit il y a si longtemps … »

« Oui, C… Candy » répondit péniblement le jeune homme « et … je ne regrette pas … même si ça fait mal auj … aujourd’hui. Mais toi Candy, qu’est-ce … que tu fais ici ? Et Terry, où il est ? »

A la mention de ce prénom, Candy baissa les yeux qui se remplirent instantanément de larmes. Son emploi du temps chargé à l’hôpital volant lui évitait de trop penser mais la question de Charly, si grièvement blessé, au sujet de Terry lui fit ressentir un sentiment de manque cruel, elle fut soudain prise d’une irrésistible envie de confier tout son chagrin à son ami blessé.

« Quoi Candy ? Pour … pourquoi ce regard si triste ? Vous n’êtes pas sép … séparés, dis moi ? Vous deux c’était pour la vie … moi je … je sais bien. Dis moi et ne mens pas ».

« Si Charly nous sommes séparés »

« Pas possible, c’est forcé … ment une … erreur, Candy. Vous vous aimiez trop pour que ça se termine un jour. Je n’y … crois pas. Tu sais ce que tu vas faire … cet endroit n’est pas pour toi alors tu vas demander ta démobilisation de l’armée et … courir le retrouver … promets … Candy … promets le moi »

Les larmes coulaient maintenant sur les joues de la jeune blonde, comprenant que les forces de Charly étaient en train de l’abandonner et qu’il allait la quittait avant d’arriver à la salle d’opération.

« Je ne peux pas Charly, les blessés ici ont besoin de moi » répondit-elle, sans trouver le courage d’avouer à son ami mourant que Terry n’était plus de ce monde et que c’était la principale raison pour laquelle elle s’était engagée dans cet enfer.

« Terry … je le connais … Lui, il a besoin de toi … Pas eux … Il n’aime que t … toi … Promets moi Candy, promets d’aller le retrouver et que vous serez … heureux … »

« Je te promets de le rejoindre Charly » lui répondit Candy. Et son ami lâcha la pression qu’il maintenait sur sa main à cet instant … lui aussi lui avait dit au revoir pour toujours.

« Charlyyyyyyyyyy !!! Charly NON !! Pourquoi tous ceux que j’aime me quittent ? »

Candy sentit alors une main se poser sur son épaule. C’était le docteur …

« Oh Docteur James !!! Pourquoi sommes nous aussi impuissants face à tout ce carnage ? Il n’avait pas encore 20 ans … »

« Nous sommes bien trop peu nombreux Candy, tout simplement … Il faudrait prodiguer les soins plus rapidement mais … nous ne pouvons pas faire des miracles Candy. Nous devons juste donner le meilleur de nous-même afin de soulager leurs souffrances et attendre patiemment que cette boucherie se termine ».

« Docteur, le meilleur de moi-même ne me suffit plus !! Je ne pourrais jamais oublier le visage de Charly et de dizaines d’autres qui sont morts ici dans mes bras avant que je n’aies eu le temps de faire la moindre chose pour eux »

« Mais qu’est-ce que tu proposes Candy ?? » lui demanda le médecin éberlué de la soudaine brusquerie de la jeune américaine qu’il avait toujours connue si douce depuis son arrivée.

« Je propose que dès demain, je me porterai volontaire pour être acheminée à l’hôpital de campagne !!! Là-bas je serai vraiment utile ! »

« En première ligne, mais enfin Candy, tu n’y penses pas ?? Cela revient à courir à la mort !! Tu te suicides en faisant cela et il n’est pas question que je te laisse faire »

« Docteur ma décision est définitive. Vous exagérez en pensant qu’aucun médecin ou infirmière ne revient jamais de ce genre de mission !! »

« Mais Candy c’est du suicide » protesta le médecin « tu es jeune, jolie, tu devrais croquer la vie à pleine dents … »

« Docteur » le coupa Candy « Ne croyez surtout pas que je n’aime pas la vie. C’est vrai qu’elle m’en a fait baver en m’arrachant bien des personnes à qui je tenais mais je la remercie pour tout le bonheur qu’elle m’a donné en compensation et je me dis que si le Bon Dieu m’a conduite ici, c’est que j’ai quelque chose à y faire et je ne veux pas le faire à moitié !!! Dieu me protègera partout où j’irai et s’il a décidé de me rappeler à lui, j’accepterai cette idée. Je n’ai pas peur de la mort Docteur ».

« Mais Candy … cette promesse que tu as faite à ton ami ? »

« Ma promesse ? »

« Oui, ce n’est pas que je voulais écouter ce que tu disais Candy, mais comme tu n’arrivais pas avec le blessé, je suis venu voir et j’ai surpris la fin de votre conversation. Il parlait d’un jeune homme qui t’aime et tu lui as promis d’aller le rejoindre !! »

« Justement … C’est peut-être cette promesse qui m’a fait me décider. Maintenant continuons à soigner ceux qui attendent notre aide ici Docteur ».

Le médecin insista jusque tard le soir, à la fin du service, pour tenter de dissuader sa jeune assistante de prendre de tels risques mais rien n’y fit. Candy s’en alla le lendemain matin.

Les renforts étaient toujours accueillis avec beaucoup d’enthousiasme en hôpital de campagne surtout quand ces renforts étaient des personnes aussi décidées et compétentes que Candy.

Les conditions de travail de l’hôpital de campagne, situé à quelques kilomètres seulement de la première ligne de combat, étaient encore plus désolantes qu’à l’hôpital volant.

L’hygiène semblait être devenu un concept inexistant à cette surface de la terre. Aux jeunes oreilles de Candy, qui avaient pendant des années entendu rire les enfants de la pension Pony, le son des cornemuses, les cloches du collège Saint Paul et la mélodie de l’harmonica de Terry, ne résonnaient plus que les détonations, qui semblaient se rapprocher au fil des heures, et les hurlements des soldats qui mourraient à ses pieds.

Pourtant Candy était déterminée. Elle acceptait cette nouvelle épreuve stoïquement quand une voix familière l’interpella, une voix qu’elle aurait reconnue entre mille.

«Ca par exemple, Mademoiselle Tête de Linotte en personne !! »

« Flanny !! »

« Je vois que décidément rien ne vous arrête ! Quelle idée vous a pris de vous engager dans cet enfer ? Ce n’est pas un endroit pour vous ! Votre place est dans un salon de thé »

« Toujours aussi aimable cette Flanny » se dit Candy, mais elle décida de se montrer aimable avec son ancienne condisciple comme elle l’avait toujours été malgré la mauvaise humeur de celle-ci.

« Bonjour Flanny, je suis très heureuse de vous revoir même si j’aurais aimé que cela se fasse dans des conditions différentes »

« Toujours aussi bavarde !! Mais sachez Candy que si vous pensiez venir vous frotter aux portes du purgatoire sans vous salir les mains, vous faisiez une grave erreur ! »

C’est alors qu’une troisième voix se fit entendre elle aussi familière à Candy, c’était celle d’un jeune homme blond, grand et mince, vêtu d’une blouse blanche de chirurgien en dépit de la saleté qui régnait aux environs.

« Mademoiselle Hamilton ! Vous êtes là … mais … c’est Candy !!! »

« Michaël !!! »

Candy venait de revoir pour la première fois depuis longtemps ce jeune médecin qu’elle avait rencontré chez les André et qui avait été pour elle un exemple à suivre.

« Mais Candy qu’est-ce que vous faites là ? »

« Et bien Michaël, j’ai obtenu mon diplôme d’infirmière comme vous pouvez le constater et me voici en renfort !!! Je crois que vous avez bien besoin !! » Répondit-elle sur le ton le plus enjoué qui se prêtait à ces sinistres retrouvailles inattendues.

« Hum, excusez moi de vous interrompre, mais vous deviez me demander quelque chose Docteur ? » interrompit Flanny.

« En effet Mademoiselle Hamilton, j’aurais besoin que vous accompagnez le convoi avec une de vos collègues car une grave explosion vient de se produire mais je ne désespère pas de pouvoir sauver quelques soldats. Seulement, il faudrait leur prodiguer les premiers soins sur place. Emmenez une personne compétente avec vous ! Et soyez prudente »

« Oui Docteur »

Candy dévisageait la jeune brune aux yeux noirs pour laquelle elle avait la plus profonde admiration.

« Flanny, vous devez vous rendre en première ligne ? Là même d’où on entend toutes ces détonations »

« Comme vous l’avez entendu Candy ! Excusez-moi mais je dois vous laissez, il me faut me trouver une partenaire de risque ! »

« Je vous accompagne !! »

« Mais vous n’y songez pas ! Vous venez d’arriver et puis je ne tiens pas à vous ramener ici en petits morceaux. Je me suis déjà rendue une fois en première ligne et je vous assure que j’en suis revenue in extremis. Vous restez ici, c’est clair. »

« Non Flanny ! Je vous accompagne et cette fois, c’est vous qui allez écouter ce que je vous dis. Je viens avec vous que cela vous plaise ou non ! »

Et Flanny Hamilton, face à la détermination et à la froideur inhabituelle de Candy, céda. Un quart d’heure plus tard, avec tout leur matériel, elles se trouvaient toutes les deux à l’arrière d’un camion, courant au devant du combat qui faisait rage.

Comme à son habitude, Flanny gardait le silence. De son air le plus grave, elle fixait le paysage de désolation que la bâche arrière du camion laissait entrevoir. Candy était habituée à l’humeur de sa collègue et étant donné les circonstances, elle préféra elle aussi garder le silence. Sa surprise fut grande quand Flanny, elle-même, se mit à parler.

« Candy, pardonnez ma curiosité car vous savez que cela n’est pas dans mes habitudes mais qu’est ce qui vous a poussé à venir ici en Europe »

« C’est ma vocation d’infirmière Flanny. Je voulais déjà me porter volontaire lorsque vous-même avez été désignée pour venir ici … mais maintenant que je suis là, je ne regrette pas et me sens bien à ma place »

« Vous savez Candy. Cela peut paraître un peu saugrenu de vous dire cela maintenant mais je tiens à vous confier qu’elles ont été mes pensées lorsque j’ai quitté Chicago pour venir ici en France ».

« Je vous écoute »

« Toutes mes pensées allaient vers vous Candy. Je me suis dit en quittant Sainte Joanna que votre spontanéité et votre charisme systématique avaient le don de m’horripiler mais que vous deviendriez sans nul doute une bonne infirmière.

Et vous êtes devenue une bonne infirmière … »

Candy fut surprise par ce soudain accès de bavardage de la part de sa compagne et répondit simplement : « Merci Flanny »

« Encore une chose Candy, car je tiens à vous dire quelque chose car je ne peux ignorer que nous ne reviendrons peut-être pas de cette mission et que c’est peut-être ma dernière occasion de vous dire ce que j’ai sur le cœur depuis trop longtemps »

« Oui ? »

Candy était éberluée par le comportement de Flanny, soudainement devenue si loquace. Cette guerre avait transformé son caractère.

« Je voudrais m’excuser pour mon comportement envers vous. Je n’ai pas toujours été juste à votre égard et ne vous ai pas laissée la moindre chance. Je vous ai directement cataloguée dans le camp des petites gosses de riches qui ne pratiquent pas leur métier d’infirmière par vocation mais par caprice et je m’en excuse Candy, sincèrement. Votre présence ici me prouve que vous aimez votre métier et que vous vous dévouez pour lui »

« Flanny … »

« Je me demande si ce n’était pas de la jalousie de ma part après tout. Vous parveniez à tellement vous faire aimer de chaque malade alors que j’en étais incapable et puis il y avait vos amis dont vous n’arrêtiez pas de parler et qui vous aimaient sincèrement comme ces deux garçons qui nous avaient emmenés si gentiment en voiture à notre arrivée à Sainte Joanna … »

« Archibald et Alistair … Vous savez Flanny, Alistair est mort. Il a été abattu au début de l’année 1915, ici en France »

« Oh pardon Candy, je l’ignorais et je ne voulais pas vous rappeler ces pénibles souvenirs. Mais il y a autre chose, en plus de mon comportement, dont je veux m’excuser. Un soir, au début que nous étions à Chicago, un garçon est venu à l’accueil de l’hôpital pour vous voir. J’étais furieuse que vous soyez partie au théâtre en vous faisant remplacer par Nathalie et encore une fois, je crois aussi que j’étais jalouse de l’amour et la joie à l’idée de vous revoir que je lisais dans les yeux de ce garçon. On aurait dit qu’il aurait remué ciel et terre pour vous voir un instant … Alors je lui ai dit que vous n’étiez pas là et je l’ai odieusement prié de quitter les lieux. Je sais qu’il vous a attendue des heures durant sur les marches de l’entrée. Je l’ai observé plusieurs fois cette nuit là ce qui ne faisait qu’accroître mon amertume envers vous. J’ignore si finalement vous avez pu vous rencontrer mais … je vous demande pardon Candy ».

Candy était bouleversée par la confession de Flanny …

« Terry … mon Terry, pourquoi le destin a-t-il été aussi cruel ? Je devrais en vouloir à Flanny pour cette rencontre manquée à Chicago mais ce n’est même pas le cas. Pourquoi cette succession d’évènements tragiques nous arrive à nous ? »

« Ce n’est pas grave Flanny. Moi aussi je vous demande pardon de ne pas avoir pu vous comprendre mieux. J’aurais voulu que nous soyons amies vous savez »

« Il n’est pas trop tard Candy mais répondez-moi s’il vous plait … Qu’est-il devenu ce garçon qui vous attendait ? Je ne crois pas qu’il était prêt à renoncer à vous … »

« Il est mort … » répondit candy dans un souffle. Flanny était la première personne à qui elle confiait la mort de Terry. Jusque là elle n’en avait parlé à quiconque même pas à ses amis proches, eux aussi des connaissances de Terry comme Annie et Archibald ou Albert. Elle avait laissé le soin aux journaux, qui ne cessaient de s’étendre sur la disparition prématurée du jeune prodige, de leur apprendre la triste nouvelle.

Flanny s’étrangla : « Mort ??! Mais comment ? »

« Un accident de la route mais je préfère ne pas en parler, Flanny. Sa disparition est encore récente et il m’est pénible de l’évoquer »

Flanny n’en dit pas plus mais cette nouvelle lui paraissait une parfaite explication à la présence de Candy en Europe et à son comportement étrange depuis son arrivée. Elle qui était si bavarde, si pleine de vie et de spontanéité lui avait paru soudainement bien plus froide et distante. Ce subtil changement dans le comportement de la jeune blonde ne pouvait être décelé que par quelqu’un qui la connaissait suffisamment pour le remarquer car Candy était toujours souriante et aimable mais Flanny avait remarqué la disparition de certains traits de caractère qui étaient la marque de fabrique de la Candice Neige André qu’elle avait quittée à Chicago.

Elle ne fit aucun commentaire supplémentaire, respectant le silence de Candy, jusqu’à qu’elles arrivent sur les lieux du drame où on les avait envoyées.

Dès que le chauffeur du camion arrêta le moteur, les filles n’entendirent plus que les détonations vraiment toutes proches et les hurlements des soldats blessés qu’elles étaient venues chercher. Le major donna ses instructions.

« Mesdemoiselles, vous restez ici à couvert, si l’on peut dire, installez le matériel d’urgence. J’accompagne les soldats chercher les blessés et nous vous les ramenons. Je ne sais pas comment on s’organisera ensuite mais nous verrons. Tachez de ne pas vous exposer inutilement et de vous préparer à recevoir certains blessés rapidement »

« Oui Docteur ».

Et les filles observèrent un bref instant les cinq hommes qui s’éloignaient. Ceux-ci n’avaient pas hésité à se porter volontaire pour cette mission dont il était peu probable que tous reviendraient indemnes et ils se jetaient de sang froid dans la gueule du lion ! Candy ne pouvait que saluer cet impressionnant courage. Mais alors …

« Oh mon dieu, Flanny, regardez … »

La jeune brune, qui s’affairait déjà à décharger le matériel du camion, se retourna dans la direction que lui indiquait Candy alors qu’elle entendait une détonation encore plus terrible que les autres, toute proche cette fois. Et tout ce qu’elle pu voir fut le passage forestier, où venaient de pénétrer leurs cinq compagnons de campagne, exploser en cent mille miettes de bois, terre, chair et sang.

« Salopards d’allemands !! » souffla Flanny « C’était un piège ».

Mais alors Candy entendit crier le médecin. Son hurlement faisait bien comprendre qu’il était blessé mais il était en vie !!

« Nous y allons Flanny, il faut le sauver !!!! »

« Mais ils vont nous tirer comme des lapins … »

« Nous y allons … »

Et les deux jeunes infirmières n’écoutant que leur courage, coururent, courbées vers l’avant, tentant d’éviter les tirs ennemis, en direction des cris du médecin.

Elles allaient atteindre leur but quand Candy perçut à sa gauche un sifflement étrange.

Elle pu juste crier …

« Attention Flanny !!!!!!!! »

Dans un réflexe de protection pour son amie, Candy la poussa de son épaule droite …

Le bras tendu devant le visage de Flanny …

Leurs deux corps roulèrent vers les bosquets à leur droite …

Ces petits arbres touffus allaient les mettre à l’abri des mitraillettes pendant un moment.

Flanny Hamilton n’avait eu le temps de rien comprendre. Tout s’était passé tellement vite …

Elle courait vers le médecin blessé, Candy à sa gauche …

Candy lui avait crié « Attention !!! » et elles avaient roulé toutes les deux sur le sentier en contre bas pour finir leur course derrière des arbres … Et elle était saine et sauve !

« Candy … Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je n’ai rien vu venir, je dois vous dire merci »

Mais Candy ne lui répondit pas.

« Candy … »

Mais seul le silence faisait échos aux appels de Flanny, étrangement les détonations elles-mêmes semblaient s’être étrangement calmées.

Flanny regarda le visage de sa jeune collègue, il semblait tellement serein. Puis elle regarda vers sa poitrine et elle comprit à ce moment que Candy avait bel et bien été touchée par l’assaut allemand en cherchant à la protéger, elle, Flanny, fille de Hamilton l’ivrogne, elle qui avait été tant et tant de fois insupportable envers cette jolie blonde dont elle enviait le charisme et l’amour des autres.

« Candy !!!! Candy … Non, pourquoi toi ? Candy … Ce n’est pas juste !!! Candy !!!!!!!! »

Cette douce chaleur, cette odeur de miel … serait-ce l’été ??

Candy avait l’impression de s’être endormie si profondément …

Et elle venait d’ouvrir les yeux, elle était couchée au bord d’un lac sous un soleil et un ciel radieux. Elle portait une ravissante robe beige bordée de rose et des cheveux était bien coiffés, attachés avec un ruban rose assorti à sa robe. Elle se demanda où étaient passées son horrible tenue militaire et la coiffe qui retenait ses cheveux sales et prisonniers.

« Mais où suis-je ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

Elle se souvint alors … la guerre, l’assaut, Flanny … Et elle venait de se réveiller en plein été, au bord d’un lac et le paysage lui été familier.

« Mais où est Flanny ? Je ne comprends rien !! »

C’est alors qu’elle aperçut une silhouette qui s’approchait d’elle. Une ravissante dame blonde marchait au devant d’elle, une rose à la main.

« Bonjour Candy, nous vous attendions »

« Bonjour Madame. Vous m’attendiez ? J’ai peur de ne pas comprendre. Où suis-je ? Qui êtes vous ? »

La dame sourit.

« Je suis habituée à cette réaction, personne ne comprend jamais ce qu’il se passe ici !! »

Son visage semblait empreint d’une telle bonté que Candy décida de lui faire confiance, d’autant qu’elle lui rappelait vaguement quelqu’un. Il lui semblait avoir déjà vu les yeux azurs de la jeune femme quelque part.

« Candy, je m’appelle Rosemary. Mon fils m’a demandé de venir vous chercher »

« Rosemary ? Votre fils ? »

« Oui, mon fils, Anthony »

« Anthony ?? Vous êtes la maman d’Anthony ? Mais alors vous êtes la sœur d’Albert … »

« En effet Candy »

« Mais je croyais que vous étiez … »

« Morte ? »

« Euh … oui »

« C’est en effet ce qui t’a été dit là en bas et c’est exact !!! »

Candy pâlit.

« Mais alors vous êtes un fantôme ! AAAAAAAGhhh, j’ai vu un fantôme … »

Et Candy voulu courir, mais dans sa précipitation, trébucha sur une racine et se retrouva la tête dans l’herbe fraîche qui sentait tellement bon et le derrière en l’air.

Quand elle se retourna, Rosemary lui faisait toujours face et la regardait encore avec la même bonté et ses yeux si doux.

« Si tu veux bien Candy, je vais t’expliquer »

« Ben voyez vous, je veux bien … parce que ça ne va pas aller ; je crois que je vais me trouver mal. Tout est si bizarre ici, j’ai l’impression d’être sur Mars ou sur je ne sais quelle planète !!! »

« On t’a toujours dit dans la famille André que j’étais morte et ceci est exact. On t’a toujours dit également que tout le monde meurt un jour et d’ailleurs, je ne pense pas me tromper en avançant que tu as été confrontée bien des fois à la mort durant ta jeunesse. »

« Oui en effet … » osa répondre Candy presque à voix basse.

« Et bien cette mort, qui est tellement redoutée chez les hommes en général, ne correspond pas tout à fait à ce qui nous est décrit de notre vivant. En fait, la mort est un passage, une étape, et en fonction du comportement que tu as eu sur la Terre, tu es envoyé à l’endroit qui convient quand tu arrives ici »

« Mais alors vous voulez dire que je suis morte … »

« Et bien Candy, cette idée à l’air de t’effrayer !! Mais c’est bien normal car tu entends encore ce mot comme quelque chose de terrible et de triste mais tu verras bien vite que ce voyage en valait la peine !! On n’est pas si mal ici … »

« C’est magnifique mais cela ressemble … à un endroit que j’ai déjà vu. Je suis déjà venue ici. »

« Oui c’est tout à fait possible. Au niveau de la configuration des lieux en fait, je dois encore t’expliquer plusieurs choses. Quand nous arrivons ici, pourvu que nous ne soyons pas envoyés à l’autre endroit en raison d’un mauvais comportement sur la terre, il nous est possible de composer ce que dans le monde des … hum … « vivants » ils appellent « Le Paradis », notre propre paradis, comme nous le voyions ».

« Ca y est, je me souviens !! » s’écria Candy « Ce lac est le lac d’Edimbourg, je l’ai vu en Ecosse durant le plus bel été que j’ai jamais passé. J’y ai vécu des moments merveilleux ».

« Et bien ce lac fera partie de ton paradis Candy »

Candy marchait au bord du lac avec Rosemary. Elle commençait à rassembler ses idées et à comprendre ce qu’il s’était passé … Elle était morte … mais ce n’était pas si mal tout compte fait. Elle avait quitté le sang, les tripes, les amputations de la guerre pour se promener en plein été au bord d’un lac écossais.

« Rosemary ? Je peux vous poser une question ? »

« Bien sûr Candy »

« Vous m’avez parlé d’Anthony … où est-il ? Je peux le voir ? »

« Mais bien entendu. D’autant plus que c’est lui-même qui m’a envoyée te chercher. Il pensait que tu serais moins choquée car tu ne me connaissais pas que s’il s’était présenté lui-même … Il m’a demandé de te remettre ceci, c’est une partie de son paradis … »

Et Rosemary tendit à Candy la rose qu’elle tenait en main.

Candy reconnu instantanément la fleur : « Une tendre Candy … »

« Allons voir les voir … Ils sont très impatients de t’accueillir »

« Ils ? »

« Surprise Candy !! »

Et sortant de la clairière, marchant vers elle … bien vivants …

« Anthony !!! Alistair !!! »

Candy courut vers ses amis sous le regard attendri de Rosemary.

« Qu’est-ce que je suis contente de vous voir !!! »

« Oh nous aussi Candy. On pensait que tu ne nous rejoindrais pas de sitôt et te voilà … »

« Ben moi non plus je ne pensais pas vous revoir de sitôt !!! »

Et les trois amis éclatèrent de rire.

« Viens Candy, on va te faire visiter » dit Anthony « maman, tu nous accompagnes ? ».

« Volontiers mon chéri »

« Oh oui on a pleins de choses à te montrer, Candy !! » ajouta Alistair.

Et ils avancèrent sur le sentier de sable. Candy pouvait regarder les arbres couverts de fruits et entendre les oiseaux qui y chantaient. Elle se disait que dès que l’occasion se présenterait, elle se ferait un plaisir d’y grimper !!

Et tout en avançant, discutant de choses et d’autres, ils arrivèrent à la roseraie qu’Anthony avait recréée.

« Oh Anthony, c’est magnifique. C’est encore bien plus beau qu’à Lakewood. »

« Merci. Nous sommes à deux pour en prendre soin, c’est pour cela que les roses sont si belles ! Et puis, c’est peut-être compliqué à comprendre pour toi pour l’instant mais ici il n’y a pas de saisons, c’est toujours l’été … alors mes Tendre Candy sont éternelles »

« Elles sont magnifiques … »

« Elles t’attendaient Candy. Je me réjouissais que tu les vois mais comme tu étais heureuse en vie je devais souhaiter que tu les découvre le plus tard possible ».

« Et moi aussi je dois te montrer quelque chose Candy » dit Alistair.

« Quoi ? »

« Mon atelier, ici toutes mes inventions fonctionnent du premier coup !!! »

Candy éclata à nouveau de rire. Il lui semblait n’avoir pas ri de si bon cœur depuis bien longtemps. Quand était-ce la dernière fois ?

« Alors je veux voir ça Ali !! »

« Allons y »

Ils continuèrent leur chemin, en passant devant la villa où vivaient Rosemary, Anthony et Alistair qui était simple mais tellement jolie, jusqu’à l’atelier d’Alistair.

« Regarde Candy, j’ai trois voitures ici. Je les ai toutes conçues et pas une seule fois je ne me suis retrouvé dans le lac !! Voici mon bateau poste volant. Je ne m’en sers pas souvent car j’ai d’autres moyens ici pour envoyer des messages aux copains et puis il n’y a ni la mère supérieure, ni la Tante Elroy pour nous empêcher de communiquer mais il me rappelle le bon vieux temps. J’ai enfin mis au point mon détecteur de mensonges mais comme ici personne ne ment jamais, il ne sert à rien non plus !!! »

Anthony et Candy rirent à nouveau. Et à cet instant, Candy se dit que son vieil ami Alistair n’avait pas changé et qu’il lui avait énormément manqué.

« Oh là Candy !! » cria un Monsieur installé au bord de la rivière toute proche.

« Il y a quelqu’un qui m’appelle ? »

« Mais oui Candy ! Ici tout le monde te connaît ! Ce monsieur est un pêcheur invétéré … tu vas être ravie de le revoir, il m’a tellement parlé de toi » lui dit Anthony.

C’est alors que Candy le reconnu : « Monsieur Mac Grégor !!! »

Et elle couru vers son ancien patient avec lequel elle avait tellement de souvenirs.

« Ma petite Candy ! Te voilà déjà !!! »

« Monsieur Mac Grégor ! Je suis tellement heureuse de vous voir … »

« Tu n’as pas entendu ? Je t’ai dit « te voilà déjà ?? » cela veut dire que je veux une explication sur ce qu’il t’es arrivé. Pourquoi es-tu déjà parmi nous ? »

« Oh Monsieur Mac Grégor, c’est long à expliquer »

« Et bien explique ! »

« La guerre a éclaté en Europe et plusieurs de mes collègues se sont portées volontaires pour devenir infirmières militaires en 1914. J’ai hésité à me joindre à elles, mais j’ai réfléchi égoïstement car à cette époque, j’entretenais une relation avec un garçon que j’aimais et qui m’aimait en retour. Nous avions des projets … et je ne voulais pas risquer ma vie. Puis la destinée nous a contraints à nous séparer et il est mort en 1916 d’un accident. J’ai donc décidé alors de m’engager dans l’armée pour soigner les soldats blessés … et me voilà … mais j’y pense, vous aussi vous me devez une explication. Nous avions aussi des projets !!! Vous deviez m’emmener à la pêche avec Mina et vous m’avez lâchée !! »

« Ah ça Candy, je n’ai pas choisi mon moment … mais je ne regrette pas ! Ne trouve-tu pas que je suis bien mieux ici qu’à l’hôpital Joseph ?? Et tu te rendras bien vite compte que la nourriture y est nettement meilleure que chez cette chère Marie Jeanne !!! » plaisanta Monsieur Mac Grégor.

« Mais au fait, vous ne me demandez pas des nouvelles de Mina ? Cela m’étonne … »

« Je vois Candy qu’on ne t’a pas encore tout expliqué mais c’est bien naturel. Rosemary veut peut-être ménager le suspens et tes émotions !! »

« Que voulez-vous dire ? »

« Je veux dire que lorsqu’on arrive ici, nous avons le privilège de recevoir des nouvelles de deux êtres qui sont chers à notre cœur jusqu’à ce que ceux-ci nous rejoignent. Par exemple, cette chère Rosemary avait désigné son frère Albert et son fils Anthony, puis Anthony est arrivé donc elle ne reçoit plus d’informations que concernant Albert »

« Ah bon !!? » dit Candy éberluée.

« Oui et je peux te dire que tu avais du succès ici Candy !! » dit Monsieur Mac Grégor dans un rire aussi chaleureux que le soleil qui brillait fièrement dans le ciel azur.

« Comment ça ? »

« Et bien figure-toi que moi-même t’ai désignée ainsi que Mina, mais tu as également été désignée par Anthony, qui recevait aussi des nouvelles de son cousin Archibald, et par Alistair, qui avait choisi en second une certaine Patricia. Alors tu vois !!! On a beaucoup entendu parler de toi. Le mage Théo en avait sans doute assez que tous ses clients ne pensent qu’à une certaine Candy !!! »

« Le mage Théo ?? »

Candy fut rejointe à cet instant par Alistair et Anthony.

« On a encore des tas de choses à t’expliquer Candy »

« Je crois que je ne suis pas au bout de mes surprises !! »

« Le mage Théo est celui qui accueille officiellement chaque nouvel arrivant. Il est le plus sage d’entre nous. Il recueille les noms de ceux dont tu désires obtenir des nouvelles et quand quelque chose t’inquiète, il est toujours là pour te conseiller » lui expliqua Anthony.

« Et bien d’ailleurs, le voilà » dit Alistair en montrant la colline où apparaissait un cheval au trot « Il vient te recevoir Candy ».

« Mais c’est moi qui aurait du me rendre auprès de lui … Pourquoi le chef se déplace-t-il pour moi ? »

« Il n’est pas le chef au sens où tu l’entends Candy » lui expliquèrent ses amis  « Ici chacun, vit et travaille ensemble dans le respect et l’amour de l’autre et il n’est pas besoin de règle et de dirigeant comme en bas !! D’ailleurs, les dirigeants en bas, tu parles, ils sont juste bons à provoquer des guerres et des catastrophes !! Le mage Théo est notre ami, pas quelqu’un que l’on craint »

Le cheval arriva près du petit groupe. C’était une jolie jument à la robe couleur café et avec des yeux d’un noir profond entre lesquels se dessinait une marque blanche en forme d’éclair qui lui donnait un air taquin. La jument donna instantanément confiance à Candy qui effleura le bout de son nez tout en regardant pour la première fois le cavalier.

« Bonjour Monsieur. Votre cheval est magnifique »

« Bonjour Candy. Elle s’appelle Bergamote, elle ne me quitte jamais, c’était le cheval de ma petite fille mais elle n’est pas encore ici. J’espère qu’elle en a encore pour très longtemps avant de nous rejoindre alors Bergamote et moi l’attendons ensemble !!! Enfin je mets un visage sur cette fameuse Candy dont chacun ici voulais recevoir des nouvelles !!! Et bien mes amis, elle est bien comme vous me l’aviez décrite. Mais cela nous éloigne du sujet ! Je suis venu ici pour te souhaiter la bienvenue et prendre connaissance des deux personnes que tu as laissées sur le Terre dont tu voudrais être informées … Je t’écoute »

« Et bien Mage, que je réfléchisse. Peut on parler entre nous des nouvelles que l’on reçoit de nos amis communs ? »

« Bien sûr Candy. Rien ici n’est fait pour te contrarier »

« Parce que je pensais demander des nouvelles d’Albert et d’Archibald mais puisque Rosemary et Anthony en reçoivent déjà, ils pourront me tenir informée. Par contre, je connais d’autres personnes pour qui je suis inquiète … mon dieu, je n’ose penser à ce qu’elles diront quand elles vont apprendre ma disparition ».

« Attention Candy, je dois te prévenir. Que tu reçoives de leurs nouvelles ne veut pas dire qu’il t’est permis d’intervenir dans leur existence de quelque manière que ce soit alors si tu penses que le comportement de certains de tes êtres chers risque de te causer du chagrin, mieux vaut ne pas les désigner. »

« Je ne peux pas intervenir ??! Mais alors à quoi ça sert ? Je vais quand même pas choisir quelqu’un qui m’indiffère et il est dans ma nature de m’inquiéter pour les gens que j’aime et partager leur douleur »

« Candy quand je te dis que tu ne peux pas intervenir, cela veut seulement dire que tu ne peux pas leur parler, ni intervenir dans leur vie pour changer certaines choses. Mais ces personnes que tu choisis sont plus réceptives à tes prières et si tu les vois en peine, il t’est possible de leur envoyer un message … hum disons subtil … à elles d’interpréter au mieux la manifestation de ta présence à leur côté. »

« Ah bon, je vois … Je serai une sorte de second souffle pour eux »

« Oui »

« Bon alors je vais choisir Annie … Je sais qu’Archibald veille sur elle mais … elle a toujours pu compter sur moi »

« Pas de problème Candy, tu n’as pas besoin de te justifier » lui dit le mage « moi j’ai choisi ma fille et ma petite fille à protéger et personne ne m’a rien demandé !! Et la seconde personne qui est-ce ? »

« Je choisis Suzanne Marlowe » répondit Candy.

« SUZANNE MARLOWE ?? » crièrent en même temps Alistair et Anthony « Cette chipie qui t’a séparé de Terry ?? »

« Mais vous êtes au courant de cette histoire tous les deux ? » s’étonna Candy.

« Mais oui Candy puisqu’on désirait avoir de tes nouvelles !!! »

« Ah oui, je ne suis pas encore habituée à penser comme vous, que je suis bête ! »

« Alors dis nous pourquoi tu veux des nouvelles de cette fille, on ne critique pas le comportement des simples mortels ici mais celle-là, elle ne fait pas vraiment partie de notre conception du paradis ! »

« Et bien les garçons, je dois dire qu’elle m’a fait beaucoup de peine ça c’est sûr mais elle en a eu aussi, vous savez. Et après tout, la seule chose que je peux lui reprocher est d’être tombée amoureuse du même garçon que moi ! Puis-je vraiment l’en blâmer ? Mais elle a essayé de me dissuader de me rendre en Europe et je sais que l’annonce de ma disparition va beaucoup la toucher. Je m’inquiète pour elle … après tout elle a déjà perdu Terry … mais au fait … où peut-il être ? Je ne l’ai pas encore vu ».

Alistair, qui n’avait pas entendu les explications que Candy avait donné à Monsieur Mac Grégor concernant Terry, fut très surpris : « Terry ? Mais il n’est pas ici … Tu dois faire erreur. C’est qu’il n’est pas mort sinon il se serait déjà manifesté ».

« Mais si il est mort !! Il a eu un accident et je suis allée au cimetière le jour de son enterrement, je vous assure qu’il est mort … »

« Il y a forcément une explication … » dit Anthony.

Le mage Théo reprit la parole.

« Mes enfants, je peux peut-être vous la fournir cette explication … »

« Oui Mage, vous savez où est Terry » répondit rapidement Candy, ses yeux verts remplis d’espoir.

« Candy, depuis que tu es arrivée, je sens que se dégage de toi un aura tout particulier que je n’ai connu que bien peu depuis que je suis ici. Je ressens que tu es ici, ça c’est clair, mais que ton âme te tire vers … ailleurs … »

« Vers où ? » dirent les trois amis, en même temps.

« C’est comme si ton âme était attachée à une autre qu’elle cherche, qu’elle appelle … et je me demande s’il ne s’agit pas de celle de ce garçon, Terry »

Alistair dit alors : « Mais Mage, ce n’est pas cela que l’on appelle « Les Ames Sœurs » ? »

« Si Alistair, tu as tout compris !! Et ces âmes ne peuvent jamais être séparées … Si l’une arrive ici pour quelque raison, l’autre voudra la suivre et la retrouver … que ce soit ici ou sur la Terre, ces âmes ne peuvent être l’une sans l’autre. C’est pour cela que si ce garçon a eu un accident et est décédé, ton âme, Candy, t’a immédiatement donné l’ordre de courir au devant de ta propre mort pour rejoindre sa moitié perdue … »

« Ben ça alors » fut tout ce que Candy trouva à dire « Mais où est-il alors ? Pourquoi je ne le vois pas, il doit savoir que je suis là … »

« Et bien ça Candy, je n’en sais rien, je t’avoue que je n’ai jamais vu cela. Normalement, dans le cas des âmes sœurs, la première attend l’autre ici et est supposée l’accueillir dès qu’elle arrive … » Répondit le mage.

« Il faut que je sache Mage, vous comprenez, il faut que je sache … »

« Je vais chercher Candy. Je te donnerai une explication c’est promis. Dès que j’ai ta réponse, je reviendrai ici ; mais aie confiance, rien ne peut séparer les âmes sœurs. »

Et le mage Théo, sur son cheval, repartit comme il était venu derrière la colline.

Candy passa sa première nuit à la villa en compagnie de ses amis et de Rosemary. Cette première journée avait été riche en émotions et Candy dormi comme un loire.

« Bonjour Candy » dit Rosemary, qui était en train de prendre son petit déjeuner sur la terrasse de la villa.

« Bonjour Rosemary, c’est curieux. Je n’avais jamais pensé qu’au paradis, on puisse faire des choses aussi ordinaires !! »

« Comme quoi donc Candy ? » lui demanda Rosemary étonnée.

« Et bien, dormir profondément comme je l’ai fait cette nuit, prendre une douche, s’habiller et déjeuner, par exemple »

« Mais Candy, nous vivons ici tout à fait normalement !! Exactement de la même manière que lorsque nous étions « vivants » à la manière où tu l’entends. A la seule différence que nous ne faisons que ce que l’on aime. On se lève, on s’habille et on déjeune, on mène cette vie normale et paisible parce qu’on aime cela et non par obligation »

« C'est-à-dire que si on voulait se passer de dormir par exemple, on pourrait le faire ? »

« Bien sûr, si l’envie te disait de ne plus prendre de repos et de mener une activité continue comme un sport, faire la fête ou même travailler, tu pourrais le faire. Un simple exemple, lorsqu’Alistair se met à travailler à une nouvelle invention, il lui arrive de ne pas dormir ni manger pendant des jours !! »

« Ah bon !! » répondit Candy incrédule.

« Tout cela est encore bien irréel pour toi mais ne t’en fais pas, avec le temps tu t’habitueras à tout »

« Bonjour les filles !! » fit une voix gaiement

C’était Anthony.

« Bonjour Anthony, tu t’es levé de très bonne heure ma parole ».

« Oui maman, mais j’ai beaucoup de travail à la roseraie ce matin car si les roses en sont à leur pleine floraison, il en est de même pour les mauvaises herbes ! Bonjour Candy »

« Bonjour Anthony ! »

« Alistair n’est pas encore levé ? »

« Si, il est à l’atelier, je crois qu’il bricole encore quelque chose ! »

A ce moment, une des voitures d’Alistair déboula sur le sentier et celui-ci, le sourire aux lèvres, sortit du véhicule.

« C’est moi !! » lança-t-il gaiement.

« Qu’as-tu encore mis au point cette fois Alistair ? » demanda Rosemary.

« Mais comment sais tu que j’ai inventé quelque chose ? »

« Parce que chaque fois que tu as ce sourire là, c’est que tu as conçu un nouvel engin !!! »

« Et bien oui et c’est pour Candy … »

« Qu’est-ce que c’est Ali !! Dis moi !! » demanda Candy curieuse.

« Ce sont des ailes !! » répondit Alistair qui brandit fièrement tout un attirail de plumes qu’il avait mis au point et qui ressemblait effectivement à deux ailes.

« Des quoi !!! » crièrent en même temps Anthony, Rosemary et Candy.

« Des ailes … Ben quoi, Candy est un ange après tout et le dernier baptême de l’air que je lui ai proposé a bien failli se terminer en catastrophe … donc voilà, … »

Les trois autres éclatèrent de rire de si bon cœur qu’Alistair en fut presque vexé.

« Vous avez fini de vous moquer de moi ? Vous savez pourtant que tout ce que j’invente depuis que je suis ici, ça fonctionne TOUJOURS !! »

La tête outrée d’Alistair ne fit que redoubler les rires de Candy et Anthony …

« Décidément » se dit Candy « J’ai bien fait de venir !!! Qu’est-ce qu’on s’amuse ici ! »

Finalement, Candy consentit à tester la nouvelle invention d’Alistair. Non seulement parce qu’elle ne voulait pas décevoir son ami et aussi parce qu’Anthony lui avait garantit qu’il était impossible qu’elle se fasse le moindre mal même en cas de chute.

« La notion de douleur n’a pas le même sens ici » lui avait-il dit « Et tu sais ce qu’on disait quand on était sur Terre ? »

« Quoi ? »

« On ne meure qu’une fois !!! Et tu es déjà morte Candy … »

« Ah d’accord je vois ! »

Et en toute confiance Candy s’était laissée porter par les ailes d’Alistair.

« Oh Cher Alistair, ta boite à bonheur, tes gants d’homme araignée ou tes pistolets magiques … aucune de ces inventions ne peut rivaliser avec celle-ci … c’est merveilleux »

Elle pouvait découvrir le paysage merveilleux à des kilomètres à la ronde … et il lui sembla encore bien plus beau que dans tous les rêves qu’elle ait jamais pu faire.

Quand l’ange Candy redescendit sur le sol, le mage Théo était de retour, il avait l’air grave.

« Mage, vous avec déjà des nouvelles pour Candy ? » demanda Rosemary.

« Oui … mais c’est compliqué »

« Parlez Mage, je veux savoir » supplia Candy « Vous avez des nouvelles de Terry ? »

« Oui. J’ai fait pas mal de recherches depuis hier et voici ce que j’ai découvert. Terry est bien mort exactement comme tu nous l’a dit et son âme a commencé immédiatement réclamé la tienne de la manière que je t’ai expliquée hier. Mais c’est la que les choses se corsent !! Terry ne peut avancer ni reculer sans toi en quelque sorte. Vos deux âmes sont liées, il était donc impératif que tu viennes le rejoindre ici dans les meilleurs délais mais la volonté de son subconscient lui ordonne de te protéger et lui fait refuser ta mort … »

« Comment ? Je ne comprends pas … il doit savoir que je suis morte »

« Oui c’est ainsi que cela aurait du être mais son amour pour toi est tellement fort qu’il n’a pas voulu écouter son âme lui disant que tu étais morte. Son âme n’a pu le conduire ici puisqu’il lui manquait son âme sœur et son cœur ne peut se détourner de son amour pour toi de la façon dont il l’éprouvait sur la terre ».

« Et en clair cela veut dire qu’il est où ? » demanda alors Alistair qui ne comprenait pas mieux que Candy.

« Dans une sorte de passage. Il a du se créer un paradis ou un enfer, je ne sais pas trop, quelque part à mi-chemin entre ici et la terre où son âme perdue attend celle de Candy et où son cœur n’accepte pas qu’elle puisse mourir ».

« Mais il faut aller le chercher » dit Candy « Il est en enfer et c’est un endroit qu’il ne mérite pas !!! »

« Non Candy, il n’est pas en enfer au sens où tu l’entends avec des flammes et des diables à subir on ne sait quelle punition car le purgatoire est réservé aux suicidés ou à des mortels qui ont commis des fautes graves … Terry est plongé dans son propre enfer … et nul ne sait où il se trouve ni comment aller le chercher. Je ne sais même pas si c’est possible. Il faudrait que son cœur accepte ta mort et alors son âme serait guidée tout simplement jusqu’ici »

« Et bien c’est la mienne qui se laissera guider jusqu’à lui ! »

Ils regardèrent tous Candy, éberlués de la certitude avec laquelle elle avait dit cette dernière phrase.

« Mais enfin Candy, comment pense tu t’y prendre ? » demanda Rosemary.

« Je vais partir et me laisser guider par mon instinct et je suis sûre d’arriver jusqu’à lui. Je ne sais pas vous expliquer ce que je ressens mais j’ai l’impression que tout est très simple en fait, qu’il me suffira de suivre mon cœur pour le retrouver »

« Tu peux toujours essayer Candy car ce que tu proposes n’est pas impossible mais je dois te prévenir. Si tu retrouves Terry, il est bien possible qu’alors les choses se compliquent. Il est probable qu’il ne te reconnaîtra même pas. Ton aspect physique n’a aucune importance ici. Il ne te verra pas de la manière qu’il te voyait sur terre » Ajouta le mage.

« Mais pourquoi ? »

« Tant la force de son cœur est puissante ! Si cet amour est assez fort pour refuser ta mort et pour s’opposer à la volonté de son âme, ce n’est pas le fait de t’avoir face à lui qui changera quelque chose. Il te faudra alors puiser dans toute la complicité de vos âmes pour lutter contre la force de caractère de Terry. Il te faudra briser cette volonté, disons encore trop « humaine » qui demeure en lui pour laisser enfin son âme se libérer et se rendre compte que tu es là et que vous êtes réunis »

« J’ai compris. Je pars immédiatement à sa recherche »

« Candy, si tu veux bien je t’accompagnerai » dit Anthony.

«  Bien sûr Anthony, mais … »

Candy se demandait pourquoi Anthony voulait l’accompagner, pourquoi il ne ressentait aucune animosité envers Terry alors que celui-ci lui avait « volé » son cœur.

Qu’importent les raisons, Anthony l’accompagnerait à la recherche de Terry et cette présence la rassurait. Peu après, ils dirent au revoir au mage Théo, Rosemary et Alistair qui leur souhaitèrent bonne chance.

Les raisons du comportement d’Anthony intriguaient cependant Candy et elle ne tarda pas à leur chercher une explication

« Ce sont peut-être les sentiments qui ne sont pas les mêmes ici que sur la Terre mais … je voudrais te demander quelque chose, Anthony » hasarda Candy au détour du premier sentier.

« Tu te demandes pourquoi je souhaite tellement que tu retrouves Terry alors que je devrais vouloir te garder pour moi seul … » lui répondit-il d’une traite.

« En quelque sorte … oui »

« Quand je suis arrivé ici Candy, j’avais du mal à accepter mon sort. Je m’en voulais tellement de t’avoir laissée seule … Comme je recevais de tes nouvelles régulièrement, je pouvais voir comme je te manquais … Je ne pouvais plus supporter de te savoir si malheureuse alors j’ai supplié le mage de faire quelque chose qui est en principe défendu … mais je me suis montré si convaincant qu’il a fini par accepter et puis ce n’était pas bien méchant, je n’intervenais pas directement »

« Que lui as-tu demandé ? » demanda Candy, curieuse.

« D’inverser le cours des choses … »

« Inverser le cours des choses ?!!! Que veux-tu dire ? »

« En principe, il était prévu que tu retournes au foyer Pony comme tu l’as fait mais tu aurais du accepter la proposition de Monsieur Cartright de faire de toi sa fille adoptive et tu aurais épouser Tom quelques années plus tard. Le ranch des Steve et celui des Cartright n’auraient ainsi plus formé qu’une seule famille et tu aurais mené la vie paisible et proche de la nature comme tu l’aimais loin des contraintes de la haute société. Seulement, la tristesse que t’avais causée ma disparition t’empêcha de renoncer à la famille André et tu semblais prête à vouloir mener la même vie que Mademoiselle Pony et Sœur Maria, c'est-à-dire dévouée aux autres, en particulier les enfants, mais désespérément seule. Ton cœur ne voulait plus aimer. »

« Mais alors … »

« Alors le mage a eu une brillante idée ! Il s’intéressait depuis quelque temps à l’étude des âmes sœurs et des âmes seules. Il me parla d’un jeune garçon désavoué depuis sa plus tendre enfance et qui, malgré le luxe et l’aristocratie dont il faisait partie, cachait en lui de profondes blessures que rien ne pouvait guérir, c’était une âme seule … Ton cœur et ta bonté étaient très grands mais ta peine semblait vouloir te transformer aussi en âme seule. Alors il décida d’une sorte d’expérience. Ta route croiserait celle de ce garçon rebelle et ta mission, si je puis dire, serait de l’apprivoiser et peut-être plus si affinité, mais il ne pouvait rien faire que de diriger ta route vers lui. Il n’a jamais été question de te surveiller et de t’assister.

C’était à toi de jouer … J’ai immédiatement accepté cette expérience pour toi car j’étais convaincu qu’elle serait couronnée de succès … Mais bon apparemment, tout cela a pris des proportions phénoménales et vos âmes sont devenues sœurs par je ne sais quel phénomène … Candy, je suis désolé de t’avoir mise dans un pareil pétrin … mais je croyais bien faire et je me sens maintenant comme responsable de cet amour que j’ai créé ».

« N’appelle pas cela un pétrin Anthony … parce que les moments que j’ai passé avec Terry n’ont été que magiques. Rien ne m’a jamais plus passionné que la conquête de ce cœur indomptable. Je ne me suis jamais rendue compte que c’était mes propres peines que je soignais au travers des siennes et tout cela c’était toi en fait …

Quand j’ai rencontré Terry sur le bateau, je croyais que c’était toi. Je n’ai jamais compris mais ce reflet dans la brume, je suis sûre et certaine que c’était toi !!!  »

« Et bien oui si on veut, ne le dis jamais au mage car c’est interdit de faire ça mais j’ai osé me manifester à toi … je voulais te dire vas-y Candy n’aie pas peur, vas vers lui … »

« Je t’ai entendu Anthony … »

Candy laissait son cœur les guider de la façon dont elle l’avait expliqué au mage. Il lui semblait toujours savoir quel chemin prendre et Anthony la suivait, intrigué néanmoins par les étranges certitudes de Candy qui semblaient toujours de plus en plus précises au fur et à mesure qu’ils avançaient.

« As-tu une idée de l’endroit vers lequel nous allons Candy ? »

« Oui et non, je sais quel chemin prendre mais je ne sais pas encore ce qu’il a créé ni où il est bloqué … Le mage a parlé d’un paradis ou d’un enfer et je crois que cela peut vouloir dire plusieurs choses. Nous avons connus ensemble plusieurs endroits alors je me dis que peut-être son paradis comporterait l’un de ces endroits mais si son enfer a pris le dessus peut-être est-il justement enfermé là où je ne peux le trouver. Tu sais, Anthony, sa détermination et son entêtement peuvent être tellement forte … je ne sais pas de quoi il est capable. Il pouvait changer d’humeur en une seconde, il lui arrivait souvent en une phrase de me complimenter et se moquer de moi sans que je ne voie rien venir. Il y avait en lui à la fois tant de gentillesse et tant de malaise déguisé en méchanceté ».

« Quel personnage !! »

« Mais tellement attachant … Lorsque nous avons été surpris tous les deux dans l’écurie du collège par la mère supérieure suite à manigance de cette chère Elisa Legrand … Tu te souviens d’Elisa ? »

«  Elisa !!! Comment oublier une pareille créature … »

« Bref, la mère supérieure avait décidé de me mettre à la porte du collège et de garder Terry, dont le père faisait des donations importantes au collège. Mais Terry n’a pas hésité à se sacrifier pour moi et il a quitté le collège pour que je puisse y rester. La nuit de son départ, il est venu jouer de l’harmonica à la porte du cachot pour me dire au revoir et m’aider à m’endormir. C’est bizarre mais une fois qu’il a commencé à jouer je m’étais sentie tout de suite mieux et j’avais pu trouver le sommeil … »

« Mais c’est normal Candy c’est ton âme sœur alors tu ne te trouvais bien qu’en sa

présence … »

« Oui tout est plus clair maintenant et puis l’harmonica était mon instrument favori … c’est pour cela que je lui avais offert … » Candy arrêta tout à coup de parler.

« Oui s’il était venu jouer du tambour, ça ne t’aurait pas fait le même effet que !! » plaisanta Anthony, mais quand il vit l’air grave de Candy et la concentration de son visage, il reprit son sérieux « Candy, … Candy, ça va ? »

« L’harmonica !!!! Suzanne m’a dit qu’il l’avait emporté dans sa tombe. Je parie qu’il est en train d’en jouer … »

Les images défilaient dans la tête de Candy.

« Que faites vous ici Terrence Grandchester ? »

« Vous m’avez surpris j’ai cru que c’était la mère supérieure !! »

« Je croyais vous avoir interdit de polluer l’air de mon arbre !!! Je vous ai apporté quelque chose … »

« Un harmonica ? »

« Oui c’est mon instrument favori … »

 

« Cette colline est mon domaine, elle me rappelle des souvenirs, je l’ai appelée la colline retrouvée »

 

« Elisa va sûrement revenir, allons tous les deux faire un petit tour près de votre arbre »

 

« Le jeune homme qui est venu nous voir a demandé où se trouvait la colline de Pony, il nous a dit que tu lui en avais beaucoup parlé … il est allé y jouer de l’harmonica … puis il est parti en carriole »

 

« Il n’y a qu’un de ces liens entre vous que je ne peux vous montrer car Terry l’a emporté avec lui dans la tombe. J’ai tenu à ce qu’il l’accompagne car c’était de loin ce à quoi il tenait le plus … »

« Et qu’est-ce que c’était ? »

« Un harmonica … »

Tout lui semblait tout à coup tellement évident.

« Viens Anthony, je sais où il est allé !!! »

Et Candy se mit à courir. Terry n’était plus très loin, elle le savait.

Ils arrivèrent à un paysage plus urbain. Là, c’était l’automne et les quelques arbres qu’ils voyaient perdaient leurs feuilles rouges.

Anthony demanda alors : « Mais où est-on Candy ? »

« Nous sommes à Londres. Il m’attend au pied de l’arbre sur la colline du collège, il y joue de l’harmonica et c’est l’automne. C’est à cette saison qu’il a quitté le collège et que nous avons été séparés. Cela a marqué la fin de notre période la plus heureuse ensemble … tout est devenu bien plus compliqué après … et tout s’est très mal terminé »

Ils marchèrent encore un peu et arrivèrent devant un austère édifice que Candy reconnu en un clin d’œil.

« Mon Cher Anthony, je te présente le Collège Royal de Saint-Paul. Charmant n’est ce pas ? »

« Oui fort sympathique … Tu crois vraiment qu’il est là ? »

« J’en suis certaine … je ne sais pas l’expliquer mais je suis aussi certaine de ça que du fait que je te parles en ce moment … allons-y »

« Non Candy, toi tu y vas. Ma présence risquerait d’être un élément perturbateur. Je vous attendrai à la roseraie … tous les deux. Tu y arriveras Candy. Vas le voir, et ramène le parmi nous. »

« Merci Anthony … Merci pour tout ce que tu as fait … pour ici et pour tout ce que tu as fait avant »

Candy serra Anthony dans ses bras et se retourna pour faire face au bâtiment sinistre que jamais au grand jamais, elle n’aurait cru revoir un jour …

Comme elle s’y attendait, elle aperçu Terry au pied de l’arbre sur la petite colline du collège. Il y jouait de l’harmonica.

« A nous deux Terrence Grandchester, j’ai déjà percé le secret de ton cœur une fois, cette seconde rencontre sera un jeu d’enfant » se dit-elle pour se donner du courage.

« Bonjour … »

« Qui êtes vous ? Que me voulez vous ? »

Candy hésita sur la manière de se présenter. Elle ne savait pas trop quel chemin suivre pour ramener Terry à elle.

« Je suis une nouvelle élève. Je ne connais personne ici alors je me promène dans le par cet comme j’ai entendu le son de l’harmonica, je me suis approchée »

« Vous ne connaissez personne mais vous êtes fort bavarde en tout cas !! »

« Aucun doute, tu es bien mon Terry toi !! » pensa Candy mais avant qu’elle réplique à son sarcasme, il ajouta autre chose.

« Vous aimez l’harmonica Mademoiselle Pipelette ? »

« Oui, c’est mon instrument favori » répondit-elle d’une traite espérant une réaction de Terry.

« Et vous savez en jouer ? »

« Non mais peut-être pourriez-vous m’apprendre avec le votre ? »

« Pas question, il est à moi et je ne le prête à personne !! »

« Ah bon !! Cela doit être un cadeau d’une personne qui vous est très chère … » osa dire Candy.

Une image traversa l’esprit de Terry.

… Une main claire lui tendait l’instrument … puis plus rien.

« Qui vous l’a offert ? »

Mais l’image avait disparu.

« Je ne sais pas, je l’ai depuis toujours »

« C’est peut-être votre mère qui vous l’a offert … »

« NON, je n’ai pas de mère » rétorqua violemment Terry.

Candy se dit alors : « C’est pas vrai, voilà qu’il recommence. Non seulement, il lutte pour me chasser de son esprit mais il lutte aussi pour en chasser Eléonore ».

« Mais si bien sûr vous avez une mère … »

« Qu’est ce que vous en savez ? Vous ne me connaissez pas !! »

« Et bien parce que tout le monde a une mère … »

« Pas moi et puis mêlez vous de ce qui vous regarde !! Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! »

« Oh si je le sais trop bien parce que je n’ai jamais connu mon père ni ma mère »

A ces mots, de nouvelles images envahirent l’esprit de Terry.

… « J’ai eu la chance d’avoir des éducatrices et des amis qui m’aimaient mais c’est en venant ici en Ecosse que j’ai découvert ce que pouvait être l’amour d’une mère. Rien ne le remplace, ni le dévouement des professeurs, ni l’amitié des camarades … et si j’avais la chance d’avoir une mère, je ferais tout pour la garder » …

Cette fois, Candy sentit comme un souffle dans son cœur. Elle gagnait du terrain, l’esprit de Terry allait libérer son âme. Elle lisait sur son visage qu’il se passait quelque chose alors elle continua.

« Je n’ai jamais connu mon père ni ma mère mais je sais qu’ils existent quelque part ou en tout cas qu’ils ont existé un jour ».

« Je vous ai menti, Mademoiselle la Pipelette. J’ai effectivement un père et une mère mais ils ne correspondent pas tout à fait aux parents parfaits … mais bon, ce sont quand même des parents, si je vous ai blessée, je m’en excuse … »

« Tu n’as décidément pas changé Terry, toujours les mêmes changements d’humeur ! » se dit-elle.

« Vous me disiez être nouvelle au collège Mademoiselle ? Pourquoi êtes vous ici ? On vous trouvait trop bavarde dans votre ancienne école ? »

« Non, mais on dit qu’ici on reçoit la meilleure éducation pour faire de nous de parfaites jeunes filles du monde alors mon père adoptif m’y a envoyée. Et puis dans mon ancienne école, on se moquait toujours des tâches de son que j’ai sur le nez ! »

… Vous avez le visage couvert de grains de son et cela vous va mal … Vous allez sans doute me dire que je suis jaloux de votre nez …

« Cette école n’a pas l’air très joyeuse en tous cas » continua Candy qui sentait qu’elle était sur bon chemin « on dirait une prison, moi qui adore rire et grimper aux arbres, je ne sais pas si on me laissera faire cela ici … »

« Attendez vous n’avez encore rien vu, vous n’avez pas encore fait la connaissance de la mère supérieure !! Elle est très à cheval sur les convenances, vous jugerez par vous-même en assistant à l’office chaque matin !! »

« La mère supérieure ?? Oh la la, elle a l’air très sévère … »

« Vous pouvez le dire … » mais Terry cessa de parler car de nouveau, ces images curieuses venaient l’assaillir.

…  C’est cette tête de mule de mère supérieure !! Elle m’a enfermé dans la chambre de méditation et je dois y rester jusqu’après le grand festival !! … Cette bonne femme est donc vraiment sans cœur ! …

Et les images continuaient

… Où est-elle ? Je me suis glissé jusqu’à la chambre de méditation, elle était vide. Je suis sûr qu’elle se cache ici quelque part …

… Si l’habit de fait pas le moine, le jolie robe fait la grande dame ! … Vous m’avez regardée changer de costume, c’est très mal …

Terry ne se rendit pas compte qu’il répondit à voix haute à cette dernière pensée.

« Je vous ai forcément vue mais voir ne veux pas dire regarder !! Allons tous les deux faire un petit tour auprès de votre arbre … »

Candy eut alors une idée soudaine. Il fallait le faire réagir, il devait la reconnaître. Son âme était toute prête à être libérée, il suffisait d’un rien … elle ferma les yeux …

La voix de Rosemary lui revint en mémoire : « Ici, tout est une question de volonté, l’aspect physique n’est pas le même qu’en bas … »

Quand elle rouvrit les yeux, elle avait revêtit la robe de Juliette, la perruque et le masque.

Elle regarda Terry.

« Reviens Terry … Je suis là » se dit-elle « regarde moi … »

Il sembla à Terry qu’un voile léger venait de se lever. Il se réveillait d’un rêve étrange où le rêve, le cauchemar, l’invention et la réalité semblaient se mêler. Et c’est à ce moment qu’il la vit … enfin. Ce n’était plus l’automne mais l’été, les oiseaux chantaient dans le parc du collège, il avait revêtu son costume de Roméo et il entendait la valse au loin …

« Princesse Juliette voudriez vous me faire l’honneur de m’accorder cette valse ? »

Et elle tendit la main … et au seul contact de leurs peaux …

« Candy … »

« Je suis là Terry »

« Je croyais t’avoir perdue pour toujours … »

« Je suis là … je serai toujours là »

Et ils échangèrent enfin ce long baiser qu’ils avaient si souvent désiré … tellement fort depuis leur premier échange d’amour au bord du lac d’Edimbourg.

Candy et Terry retournèrent ensemble vers la villa où leurs amis les attendaient … avec d’autres.

Anthony et Alistair apparurent en voiture lorsque Candy et Terry allaient aborder le dernier sentier. Ils venaient les accueillir et les escorter jusqu’à la villa où une fête avait été organisée en leur honneur.

Terry reconnut alors un solide gaillard qui avait accompagné les garçons …

« Charly !!! »

« Terry, mon frère !! »

« Qu’est-ce que je suis content de te voir ici !! »

Charly s’adressa alors à Candy : « Je vois que tu tiens toujours tes promesses ma chère Candy !! Je vous avais dit que vous deux s’était pour la vie … Il faut toujours écouter l’ami Charly ! »

La fête battait son plein quand une dernière invitée pointa enfin le bout de son nez …

Cette fois ce fut Alistair qui remarqua la nouvelle venue.

« Candy, Terry, vous voyez ce que je vois ????? »

« La mère supérieure !!! Mais elle porte une chemise à fleurs !»

« Mère Joseph !!! »

« Oh Candice Neige André, Terrence Grandchester, Alistair Cornwell, vous êtes là ?? Pourriez-vous m’expliquer ce qui m’arrive ?? Je ne comprends rien … Sœur Margareth m’a emmenée à l’infirmerie du collège parce que je me trouvais mal et je me retrouve ici … dans cette tenue ! »

Toute l’assemblée éclata de rire face à la mère supérieure complètement perdue !!!

Le mage Théo prit alors la parole : « Et oui, Mère Joseph, s’occuper d’adolescents qui préfèrent l’accouplement à la prière pendant tellement d’années, ça met le cœur à rude épreuve !!! »

Le mage déclama le même discours d’accueil à leur nouveau membre que celui que Candy avait entendu quelques jours plus tôt.

« Quelles sont donc les deux personnes dont vous voulez recevoir des nouvelles, ma mère ? »

« Et bien, Dieu pardonne ma curiosité, je dois dire que durant toutes ces années, il me démangeait de savoir ce qu’il était advenu des intrépides Candice et Terrence Grandchester. Ces deux là m’avaient fait avoir des cheveux blancs avec leurs idées mais ils furent de très loin mes deux élèves favoris … mais bon comme ils sont ici, je vais plutôt prendre des nouvelles de la Sœur Margareth qui devra me remplacer à la direction de l’établissement … la pauvre je lui souhaite bien du plaisir … »

Et tout le monde éclata de rire une fois encore … le rire de la mère supérieure !!! C’était bien ça le paradis …

« Pardonnez-moi ma mère mais vous devez désigner une seconde personne, qui est-ce ? » lui demanda Terry.

« Ce sera votre père, Terrence. Il m’a secondée durant ma mission d’enseignante au collège de Saint-Paul financièrement bien sûr mais moralement également. C’est notamment lui qui m’a offert cette chemise à fleurs !!! Il voulait que je prenne la vie du bon côté. Et il me l’a apportée le jour de la rencontre avec la femme de sa vie … votre mère, Terrence, Eléonore Backer ».

« Mon père ?? »

« J’en suis certain Terry » ajouta le mage « lorsque vos parents seront amenés à nous rejoindre ici, ils se retrouveront enfin … »

« Vous voulez dire que … ? »

« Mais oui, eux aussi sont des Ames Sœurs … mais peut-être n’avez-vous pas envie de les attendre, vous et Candy ? »

« Comment cela ? » demandèrent ensemble Terry et Candy.

« Vous pouvez y retourner et croyez moi, vous vous retrouverez à nouveau et ce sera toujours aussi fort … vos âmes sont sœurs … »

« Qu’est-ce que tu en penses Tâches de Son ? »

« Pourquoi pas ? » répondit Candy sans lui lâcher la main « Après tout, je t’ai rencontré en plein milieu de l’Atlantique, je t’ai retrouvé dans l’immensité du paradis, je devrais arriver à te rejoindre sur la terre … »

« Alors allons-y ! »

Lisbonne 1974

Le diplomate américain Jackson Higgs voyageait constamment à travers les pays du monde. Il adorait sa Californie natale, la Chine et l’Australie mais l’endroit auquel il était le plus attaché et où il avait tenu à avoir sa résidence principale pour élever, avec son épouse, ses trois enfants était le Portugal. Il y avait fait construire une ravissante villa et ses enfants y avaient grandi, au bord de la méditerranée.

La plus jeune, sa fille unique, Helena était depuis toujours protégée par ses deux grands frères, Antonio et Alessio. Elle était tellement jolie avec ses yeux verts et ses longs cheveux blonds et bouclés qu’elle faisait l’admiration de toute personne qui la connaissait et était dotée d’une gentillesse et d’un charisme incomparable.

A seize ans, outre l’équitation, le passe temps favori de la jeune femme était la lecture et l’écriture de romans fantastiques au bord de la piscine de la villa familiale.

Helena regarda Maria, la bonne, se diriger vers le portail pour ouvrir la porte à un visiteur inattendu qui venait de sonner et elle abandonna sa lecture pour se rendre elle aussi à la grille … inexplicablement attirée.

« Qu’est ce que c’est Maria ? »

« Oh Sinora Helena, c’est un jeune homme qui est en panne de voiture. Il demande s’il peut téléphoner »

Helena regarda alors le garçon. Le bleu iridescent de ses yeux tranchait avec ses longs cheveux marron … et ces yeux croisèrent le regard vert émeraude d’Helena.

« Sinora, je m’appelle Diego. Je suis musicien et ce fichu moteur m’a lâché devant chez vous !!! ».

Helena souriait.

« Vous êtes musicien dites vous ! Quel est votre instrument favori ? »

Et Diégo sourit également …

« L’harmonica Mademoiselle ».

« Alors soyez le bienvenu Diégo … »

Et au moment où les deux jeunes gens se serrèrent la main, ils éclatèrent de rire sous le regard stupéfait de la pauvre Maria qui n’y comprenait rien !!!!!!

FIN

Note de l’auteur :

Le Mage Théo est mon grand-père, il m’a quittée il y a six ans et c’était le meilleur homme qui soit … J’espère de tout cœur que ma vision des choses est la bonne et qu’il m’attend vraiment dans cet endroit merveilleux qu’on appelle « Le Paradis ». Je me plais à croire qu’il y galope paisiblement sur le dos de Bergamote à accueillir les nouveaux venus et à transformer les Ames Seules en Ames Sœurs …

 


© Fatalzmarion 2008