De l'ombre à la lumière
par Dinosaura

CHAPITRE 25

Candy et le Duc se levèrent d'un bond pour se précipiter au-dehors. Ils faillirent heurter Terry qui revenait vers la maison à grandes enjambées en portant le corps inanimé d'Elisabeth.

« Elle a eu un malaise, expliqua-t-il bien inutilement. »

Il tourna son visage bouleversé vers la jeune femme.

« Tu sais certainement ce qu’il y a à faire ! Candy, je t’en prie... »

Déjà les réflexes acquis au cours de nombreuses années d’expérience reprenaient le dessus chez l’infirmière. Elle distribua ses ordres sans réfléchir, et aucun des deux hommes ne songea un instant à la contredire.

« Porte-la dans sa chambre, Terry, et allonge-la sur le lit. Monsieur, continua-t-elle en se tournant vers le duc, il faut prévenir votre médecin, ou mieux, le Dr Douglas à St John.

- J’ai fait installer le téléphone. Je vais contacter l’hôpital.

- Y a-t-il d’autres médicaments pour Elisabeth que ceux que j’ai vus dans l’armoire de la nurserie ?

- Non, tout a été regroupé à cet endroit.

- J’espère que je trouverai ce que je cherche, s’exclama Candy en gravissant l’escalier quatre à quatre. »

Terry se tenait au pied du lit quand elle pénétra dans la chambre, et elle l’écarta d’une poigne ferme pour examiner l’enfant. Celle-ci était très rouge et son coeur battait à une vitesse folle. Il fallait absolument réussir à le calmer avant qu’il ne provoque une embolie. Elle se précipita dans la pièce voisine et revint avec un petit flacon. Elle versa quelques gouttes du liquide qu’il contenant dans une carafe d’eau et servit un verre pour faire boire Elisabeth. Sa main tremblait : Et si elle se trompait ? Si elle administrait à la petite un médicament létal ? Elle croisa le regard de son mari qui la fixait et n’exprimait qu’une immense confiance.

Le duc pénétra dans la pièce les sourcils froncés pour annoncer :

« Le Dr Douglas est prêt à venir, mais il ne dispose pas d’un moyen de transport. Terrence, ta voiture est dans la rue, pourrais-tu...

- J’y vais, répondit simplement l’acteur. »

Il était dehors avant que son père ait le temps de le remercier.

Pour Candy il n’était plus question d’attendre. Bien qu’elle connaisse la conduite sportive de Terry, il lui fallait le temps de se rendre à l’hôpital et de revenir. Elisabeth ne tiendrait pas jusque là dans son état. Résolument, elle prit le verre d’une main qui ne tremblait plus et fit boire quelques gorgées à la petite fille. Puis elle se tourna vers son beau-père dont l’anxiété était presque palpable.

« Pourriez-vous ordonner qu’on m’apporte une bassine d’eau glacée et des serviettes, s’il vous plait. Je vais rester auprès d’elle et faire tout ce que je pourrai en attendant le médecin. »

Richard Granchester comprit qu’il s’agissait là d’une manière diplomatique de le congédier, mais il acquiesça et sortit. Si l’état de l’enfant devait empirer, Candy préférait que son père ne soit pas présent.

Elle vécut de longues minutes angoissantes en attendant l'arrivée du médecin. La mine qu'affichait celui-ci à son entrée indiquait qu'il avait lui aussi connu une expérience traumatisante en tant que passager dans la voiture de Terry. Il ne fit pourtant aucun commentaire et apporta immédiatement ses soins à Elisabeth. Il félicita la jeune femme pour son choix d'administrer de la digitaline, et c'est l'esprit soulagé que Candy l'assista de son mieux.

Terry avait rejoint son père dans son bureau. Persuadé d'être la cause du malaise de sa petite soeur, la culpabilité l'empêchait de parler. Le duc faisait les cents pas devant la cheminée, peu soucieux d'entamer la conversation. Quand la pendule sonna quatre heures, l'acteur sursauta. Il n'avait pas vu le temps passer. Il aurait dû se rendre au théâtre, mais ne pouvait se résoudre à quitter les lieux, trop inquiet qu'il était quand à l'état d'Elisabeth.

« Ne devrais-tu pas rejoindre tes collègues ? Vous avez une représentation à donner ce soir. »

Terry sentit renaître l’éternelle rancoeur qui l’opposait à son père depuis si longtemps. Le croyait-il donc insensible au point de préférer son métier à sa soeur ?

« Pourquoi dites-vous cela, père ? L’affection que je porte à Elisabeth est sincère, et vous me renvoyez à mes occupations comme si j’étais un étranger !

- Ne crois pas cela, rectifia le duc. Tu es parti depuis longtemps. Tu ne sais pas ce que sa mère et moi avons vécu depuis que nous avons découvert sa maladie. Des journées comme celle-ci, j’en ai déjà passé de nombreuses ! Il n’y a rien à faire, qu’attendre et prier. »

Abattu, le duc se laissa tomber dans son fauteuil, la tête entre les mains. Terry ne reconnaissait pas l’homme qui se trouvait devant lui et qu’il avait toujours connu si autoritaire. Sa douleur était visible et le jeune homme comprit à quel point il était difficile pour lui d’exprimer ses sentiments. Avec l’arrogance de la jeunesse, il l’avait mal jugé. Après tout, il ne valait pas mieux, lui qui refusait d’admettre ce qu’il éprouvait réellement pour Candy. Il ne savait que la blesser. Sans doute le sang des Granchester était-il plus puissant dans ses veines qu’il ne voulait le reconnaître.

« Je ne pourrais pas monter sur scène en sachant qu’Elisabeth est si malade à cause de moi ! » avoua-t-il dans un souffle.

Le duc redressa la tête et considéra son fils avec attention. Il ne s’était pas trompé sur lui : Malgré ses frasques et son mauvais caractère, il était devenu cet homme sensible et bon qu’il avait toujours soupçonné.

« Tu ne dois surtout pas te sentir responsable. Les malaises d’Elisabeth peuvent survenir à tout moment sans qu’on puisse rien y faire.

- Mais elle était tellement excitée cet après-midi...

- Elle était heureuse, c’est tout. Tu lui as beaucoup manqué et elle souhaitait ardemment te revoir. Je n’aurais jamais imaginé te dire cela un jour, mais je crois sincèrement que tu devrais assurer la représentation de ce soir. C’est une chose que j’ai apprise de ta mère : Le spectacle doit continuer. Au fond, c’est une autre manière de te dire que tu dois respecter tes engagements, ce qui était le maître mot de mon propre père. Toi aussi tu as une vie à construire. Sans vouloir t’offenser, ta carrière n’a pas été très brillante ces derniers temps. Ton récent succès est fragile. Tu as choisi une voie que je n’approuvais pas, tu le sais, mais tu te dois d’y exceller si tu ne veux pas fait affront à la lignée de Granchester. Nous avons la médiocrité en horreur. »

Terry leva un regard étonné vers son père, mais l’entrée du Dr Douglas lui évita de répondre.

« La crise est passée, dit simplement le médecin, mais la patiente est encore sans connaissance. Je vais la surveiller pour m’assurer qu’elle se remette, mais je ne vous cache pas que son état me préoccupe.

- Je vous remercie Docteur, dit le duc dont le soulagement était visible. »

Le praticien ne répondit que d’un simple hochement de tête avant de retourner vers la chambre de l’enfant.

« Tu vois, reprit Richard Granchester en se tournant vers son fils. L’alerte est passée, une fois de plus.

- Je vais suivre votre conseil, père, et me rendre au théâtre. Si vous le permettez, je souhaiterais repasser après la représentation.

- Tu es toujours le bienvenu, mon fils. »

Les dernières paroles de son père résonnaient dans la tête de Terry tandis qu’il roulait à tombeau ouvert vers la demeure des Granchester. Il avait quitté le théâtre sitôt la représentation terminée sans s’accorder le temps d’aller saluer sa mère. Il était passé dans sa loge en arrivant et l’avait trouvée souriante et heureuse; entourée d’admirateurs. Il tenait à la rassurer sur le sort de Candy, mais trop occupée à sourire à ses courtisans, elle avait juste répondu d’un air absent qu’elle était sûre qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.

Absorbé par ses propres soucis, le jeune homme n’y avait pas prêté attention. A l’instant même il ne pouvait chasser de son esprit l’image de sa femme et du regard si triste qu’elle avait posé sur lui en le voyant. Il était persuadé qu’elle n’était pas étrangère au brusque changement d’attitude du duc. N’avait-elle pas réussi autrefois à transformer l’adolescent rebelle et querelleur qu’il était en amoureux transi ? Aujourd’hui il la retrouvait chez son père et celui-ci le recevait à bras ouverts. Où puisait-elle la force de réaliser de tels miracles ?

Le temps semblait s’être arrêté quand il pénétra dans le bureau. Le duc de Granchester était assis dans le même fauteuil que lorsqu’il l’avait quitté plusieurs heures plus tôt et on aurait pu croire que quelques minutes seulement s’étaient écoulées. Son père l’accueillit d’un hochement de tête.

« Comment va Elisabeth ?

- Elle a repris connaissance, mais elle se repose. Le médecin est parti il y a deux heures. Il souhaitait qu’elle soit hospitalisée à St John, mais Elisabeth a refusé. Candy veille sur elle. »

A l’énoncé du nom de sa femme le visage de Terry s’anima ce qui n’échappa pas à son père. Un pâle sourire, le premier depuis le matin, éclaira ses traits fatigués. Son diable de fils était amoureux comme un collégien, et plus il connaissait Candy, plus il l’approuvait. Il appréciait le caractère bien trempé de sa belle-fille qui lui permettait de dompter le tempérament emporté de Terry. Mais la rencontre de deux personnalités aussi fortes ne pouvait que provoquer des étincelles. Seul l’amour pourrait les aider à surmonter leurs différents, mais ces deux têtes brûlées ne réalisaient pas le trésor qu’ils tenaient entre leurs mains.

Les deux hommes parlèrent peu cette nuit-là, mais la jeune infirmière qui veillait Elisabeth aurait été bien surprise d’apprendre qu’elle était le principal sujet des quelques phrases qu’ils échangèrent. C’est un Terry en proie au doute qui poussa la porte au petit matin alors qu’elle venait de succomber au sommeil, épuisée par deux nuits blanches riches en émotions. Richard Granchester observa son fils soulever sa femme dans ses bras et l’étendre sur le lit de camp qui avait été installé dans la chambre de la fillette. Une main ferme posée sur son épaule, il le fit ensuite sortir sans bruit et le conduisit jusqu’à la chambre qui avait été préparée pour lui.

Candy ne dormit que trois heures d’un sommeil agité. Quand elle s’éveilla, elle se demanda comment elle était arrivée sur le lit. Puis elle croisa le regard d’Elisabeth et relégua la question au fond de son esprit pour se consacrer à sa patiente. Celle-ci était pâle mais souriante.

« Quand tu dors, tu ne fais pas semblant, constata la petite fille amusée.

- Pourquoi dis-tu cela, demanda Candy en rougissant ?

- Tu ne t’es pas réveillée quand Terry t’a transportée sur le lit. »

La jeune femme rougit de plus belle. Terry était là ? Et il l’avait surprise endormie alors qu’elle était sensée veiller sur sa soeur ! C’était une terrible faute professionnelle !

« Tu ne dormais pas ?

- Il y a longtemps que je ne dors plus beaucoup, avoua la fillette. Alors je réfléchis. »

Émue par le ton sérieux de l’enfant, Candy s’assit près d’elle et prit ses mains dans les siennes.

« Tu es trop jeune pour encombrer ton esprit avec des soucis. A ton âge, les petites filles ne doivent penser qu’à s’amuser.

- Mais je ne pourrai pas m’amuser toujours. Je sais que je vais bientôt partir. »

Il était évident qu’Elisabeth ne faisait pas allusion à un éventuel retour dans son pays, mais à un voyage dont on ne revient pas. Une telle maturité était étonnante chez une enfant de cet âge.

« Il y a des choses très importantes que je veux faire avant de m’en aller pour toujours. Je vais te les dire, d’accord ? »

Les yeux pleins de larmes, Candy écouta le discours de la petite fille sans l’interrompre. Quand celle-ci eut terminé, elle la serra dans ses bras en retenant les sanglots qui lui nouaient la gorge et lui promit de l’aider de son mieux.

La porte s’ouvrit sans bruit sur Cynthia, une des petites bonnes engagées par le Duc à son arrivée.

« Oh ! S’exclama-t-elle en les trouvant toutes deux éveillées. Madame Granchester, Monsieur le Duc m’a envoyée voir si vous étiez réveillée et si vous souhaitiez prendre le petit-déjeuner avec lui. Je vais m’occuper de Mademoiselle pendant ce temps. »

Ainsi, même son beau-père savait qu’elle s’était endormie ! Avec un profond soupir, Candy se prépara à descendre. Elle fit une rapide toilette mais fut obligée de remettre ses vêtements de la veille. Ceux-ci lui avaient été prêtés par Cynthia, la seule dans la maison à faire la même taille, pour remplacer la robe du soir qu’elle portait en arrivant.

Elle respira à fond et carra les épaules avant de pénétrer dans la salle à manger, prête à affronter le Duc de Granchester. Mais il n’était pas seul dans la pièce et la jeune femme perdit son peu d’assurance sous le regard froid de Terry qui la détaillait des pieds à la tête d’un air réprobateur. Son beau-père par contre l’accueillit chaleureusement et fit signe au domestique de la servir.

Après les salutations d’usage, Candy se sentit obligée d’aborder le sujet qui les avait réunis :

« Elisabeth est réveillée, dit-elle simplement. Elle va mieux, mais je crois qu’elle devrait garder la chambre encore aujourd’hui et éviter tout effort. Elle souhaite vous parler, Monsieur, précisa-t-elle en levant les yeux vers le duc.

- Je vais aller la voir dans un instant, mais j’aurais aimé m’entretenir avec vous auparavant. »

Candy plongea le nez dans son assiette, évitant ainsi de regarder les deux hommes, certaine qu’ils allaient lui reprocher son manque de professionnalisme pendant qu’elle veillait l’enfant.

« Je suis désolée de m’être endormie, balbutia-t-elle intimidée. »

La tête basse, elle ne vit pas le sourire amusé qui naquit sur les lèvres de Terry, ni le regard qu’il échangea avec son père.

« Vous étiez épuisée, je le comprends, constata le duc. C’est de votre avis d’infirmière dont j’ai besoin.

- Mon avis ?

- J’ai parlé au Dr Douglas hier soir, mais son opinion était mitigée. Je crois pourtant que je vais lui demander d’opérer Elisabeth. Aussi mince soit-il, je ne veux pas laisser passer le moindre espoir de la soulager. Qu’en pensez-vous ? »

La main de Candy se mit à trembler si fort que sa tasse et sa soucoupe s’entrechoquèrent avec un cliquetis désagréable. Elle abandonna l’une et l’autre sur la nappe et cacha ses mains sous la table. Elisabeth l’avait prévenue, mais elle ne croyait pas que le duc prendrait sa décision aussi vite. Elle jeta un rapide coup d’oeil à son mari et croisa ses yeux interrogateurs. Lui aussi vivait à cent à l’heure et fonçait avant de réfléchir. Ce devait être un trait dominant dans la famille. Elle tenta de retarder le moment fatidique en plaidant :

« Je ne suis pas médecin.

- Mais vous avez plusieurs années d’expérience derrière vous en tant qu’infirmière. Je suis certain que vous avez déjà rencontré des cas similaires. Je sais que je peux vous faire confiance. Dites-moi la vérité, Candy ! »

La jeune femme ferma les yeux un instant. Quand elle les rouvrit, le duc y lut une farouche détermination et il redouta la réponse qu’elle allait lui donner, mais il était trop tard.

« L’opération serait un échec. L’état d’Elisabeth est trop grave pour espérer une amélioration et elle court même le risque de ne pas survivre à l’intervention ! »

Candy avait parlé très vite, mais sa voix ne tremblait pas. Elle soutint le regard de son beau-père pendant ce qui sembla une éternité. Puis l’homme se leva et quitta la pièce sans un mot.

Le coeur de Candy se brisa devant son air abattu. Elle savait qu’elle venait de lui enlever le dernier espoir auquel il pouvait encore se raccrocher, celui qui l’avait poussé à entreprendre cette traversée de l’Atlantique malgré la guerre et les risques que cela représentait. Elle le mettait en face du plus terrible désespoir qui puisse frapper un être humain : Lui annoncer la mort de son enfant ! Même s’il ne s’agissait pour le moment que d’une perspective, le duc allait devoir accepter cette réalité. Elisabeth ne vivrait plus très longtemps.

Écrasée par le poids de la responsabilité qu’elle avait une nouvelle fois dû assumer, Candy en avait oublié la présence de Terry. Sa voix dure la fit sursauter.

« Tu viens de lui briser le coeur, Candy. A lui aussi.

- Pourquoi dis-tu cela ? C’est ton père qui m’a demandé de lui dire la vérité !

- Parfois les hommes mentent, tu sais. Surtout quand ils souffrent.

- Et moi ? Crois-tu que je n’ai pas mal ? Je ne suis pas aussi forte que vous avez tous l’air de le penser ! Je n’en peux plus de cette situation, mais je n’avais pas le choix. Je n’ai jamais eu le choix ! »

Le ton était monté pendant sa diatribe, mais la voix se brisa sur les derniers mots et les sanglots nouèrent la gorge de Candy. Elle sortit en courant pour s’enfermer dans sa chambre.

Terry ne comprenait pas ce qu’elle avait voulu dire, mais il était évident qu’il était en train de la perdre. Sans réfléchir il se lança à sa poursuite, pas assez vite cependant et elle eut le temps de claquer la porte et de la verrouiller avant qu’il ne la rejoigne.

« Candy ! Ouvre-moi ! »

Il tambourinait sans succès contre le battant, lorsque le duc apparut sur le palier.

« Terry ! Cesse ce vacarme immédiatement ! Oublie-tu qu’il y a une malade ici ?

- Je ramène Candy chez nous, père. Je comprends que vous lui en vouliez après ce qu’elle a dit, mais vous n’aurez plus à supporter sa présence.

- Elle est ici chez elle au même titre que toi ! »

Le duc saisit son fils par le bras et l’entraîna dans son bureau au rez-de-chaussée.

« Sa mère lui manque, et Elisabeth souhaite retourner en Angleterre, annonça-t-il. Je ne sais pas quand je pourrai trouver un bateau pour regagner Londres, mais d’ici là, je compte demander à Candy de veiller à demeure sur ta soeur.

- Mais elle vient de vous ôter votre dernier espoir ! Vous ne lui en voulez pas ? Savez-vous qu’elle a fait de ma vie un enfer !

- En es-tu sûr ? Ne cherches-tu pas plutôt un bouc émissaire pour tes propres erreurs ? Par Saint Georges, mon fils, s’emporta le duc, ne réalises-tu pas le trésor que tu possèdes ? N’attends pas de l’avoir perdue pour comprendre à quel point elle comptait pour toi ! Jamais je n’ai rencontré une femme aussi généreuse et possédant une telle noblesse de coeur que la belle-fille que tu m’a donnée. Notre famille a recensé pas mal de personnages peu recommandables au cours des siècles, à commencer par un bon nombre de coureurs de jupons. Il semblerait que tu tiennes d’eux !

- Que voulez-vous dire ? Demanda Terry, interloqué.

- Que si j’avais la chance d’être aimé d’une femme comme Candy, je ne collectionnerais pas les maîtresses ! »

Le visage de Terry affichait l’incompréhension la plus totale, et le duc redouta soudain d’avoir fait fausse route. La fragile réconciliation qu’ils avaient esquissée risquait de voler en éclat s’il intervenait trop directement dans la vie de son fils. Il sortit d’un tiroir de son bureau le même journal que celui que Candy avait lu à l’hôpital et le tendit au jeune homme.

« Tu es un homme, et je n’ai pas à me mêler de ta vie. Mais j’ai lu ceci, et j’ai vu ma belle-fille en pleurs frapper à ma porte en pleine nuit pour s’éloigner d’un mari qui la trompait. Voilà pourquoi je sais que tu pourras démolir sa porte, elle ne repartira pas avec toi. Tant qu’elle est ici, les ponts ne sont pas tout à fait coupés entre vous. A toi de voir si tu peux réparer les dégâts que tu as causés. Je souhaite que tu réussisses. »

Dans un état second, Terry feuilletait le magazine sans comprendre ce qu’il lisait. Son père lui posa une main sur l’épaule et il tourna vers lui un visage bouleversé.

« Terry, il y a quelques années, tu es venu solliciter mon aide, et j’ai refusé de te l’accorder. Ce jour là, j’ai perdu un fils. Aujourd’hui je l’ai retrouvé et je lui offre une aide qu’il ne me demande pas, Mais je suis sûr de faire le bon choix. Candy n’est pas aussi forte qu’elle veut le laisser paraître. Elle ne pourra pas éternellement porter sur ses épaules le fardeau des responsabilités qu’elle se donne. Elle a besoin de quelqu’un sur qui la soutienne, de quelqu’un qui l’aime. Peu importe ce que tu as souffert. Seul compte le bonheur qu’elle pourra t’apporter, mais c’est à vous de le construire. »

Il sortit sur ses mots, laissant dans la pièce un Terry décontenancé, seul à se débattre avec ses doutes et ses espoirs.

Fin du chapitre 25

CHAPITRE 26

Terry jeta un coup d'oeil circulaire autour de lui avant de refermer le couvercle de la valise posée sur le lit. Il avait fait l'effort de remettre un peu d'ordre dans l'appartement et était satisfait du résultat, ainsi que des mesures qu'il avait prises. Ce serait une surprise pour Candy.

Toute la matinée, son humeur avait oscillé entre rancoeur et espoir. La gravité de l'état de santé d'Elisabeth était ce qu'il avait le plus de mal à accepter. Il avait gardé le souvenir d'une toute petite fille en adoration devant ce grand frère qui n'était pas souvent à la maison. Même si elle avait toujours été de santé fragile, il n'aurait jamais imaginé être confronté si tôt à la dure réalité de sa mort prochaine. L'idée lui en était d'autant plus pénible qu'il éprouvait pour l'enfant une réelle tendresse. Si ses sentiments envers les deux autres enfants de la duchesse étaient plus proches de l'hostilité, la petite dernière avait conquis son coeur sans restriction.

La facilité avec laquelle son père avait intégré le terrible verdict le surprenait. Mais celui-ci avait vécu avec l'enfant depuis toujours et avait eu tout loisir de voir évoluer sa maladie. Il devait redouter la nouvelle depuis longtemps.

Cela n'excusait pas la manière abrupte dont Candy lui avait ôté son dernier espoir. Sous le coup de la colère, il avait été très dur avec elle. Malgré lui, il s'était revu quatre ans plus tôt dans cet hôpital où elle lui avait annoncé de but en blanc qu'elle ne voulait plus de lui et l'avait envoyé rejoindre Susanna.

Mais bien des choses avaient changé depuis quatre ans. Il n’était plus le jeune homme irrésolu qu’il était à l’époque. Écrasé par la culpabilité, il avait sombré dans l’alcool et la dépression. Aujourd’hui il avait retrouvé toute sa combativité. Cette fois il obtiendrait une explication.

Il posa la valise sur le siège passager et allait prendre place au volant quand une voix l’interpella :

« Monsieur, Granchester ! Attendez s’il vous plait. »

Incrédule, Terry reconnut Mallone, le détective qu’il n’avait plus vu depuis des mois. Celui-ci devait l’attendre dans la rue, mais il avait surgi près de lui sans qu’il le voie approcher.

« Mallone ! Que faites vous ici ?

- Je voulais vous parler discrètement.

- En pleine rue ! Je croyais avoir été clair, Mallone. Je ne veux en aucun cas que vous approchiez de mon domicile !

- Votre charmante épouse est absente pour le moment, souligna l’homme avec un regard mauvais. Elle ne risque pas de se poser des questions sur nos affaires. Nous sommes toujours en affaire, n’est-ce pas ?

- Je ne crois pas, non. Vous avez rempli la mission que je vous avais confiée, mais je n’ai plus besoin de vos services. »

Le détective afficha une mine contrite qui déplut souverainement à Terry. Il voulut ouvrir la portière, mais Mallone retint son bras. L’acteur se dégagea d’un geste brusque, comme si l’autre l’avait brûlé. Aussitôt le visage de l’homme se durcit.

« Il restait pourtant un point que nous n’avions pas éclairci. Je croyais que vous vouliez tout savoir sur les origines de la jeune femme. Il est vrai qu’elle n’était pas encore votre épouse au moment où vous m’avez engagé. Peut-être auriez-vous dû patienter. Ce que j’ai appris aurait pu influer sur votre décision, qui sait ?

- Cela suffit, Mallone, je n’aime pas vos insinuations ! Je sais tout ce que j’ai besoin de savoir et je vous demande de ne plus insister.

- C’est pourtant ce que je fais, Monsieur Granchester. Je tiens vraiment à vous réserver la primeur de mes informations. Bien sûr, si vous n’êtes pas intéressé, je ne me sentirais plus lié par notre contrat. »

Terry sentit la menace dans la voix du détective. Le seul moyen de savoir ce qu’il manigançait était d’accepter de le recevoir, mais il avait plus urgent à faire pour le moment. Avec un soupir, il proposa à Mallone de le rejoindre au théâtre après la représentation. Il s’accordait ainsi le temps de la réflexion et pourrait se décider sur la conduite à tenir devant l’insistance de l’enquêteur.

Avec une courbette servile, le détective recula de quelques pas. Le temps pour Terry de monter dans la voiture et il avait déjà disparu.

-----oooOooo-----

Candy essayait de se changer les idées en rangeant la nurserie pendant qu’Elisabeth se reposait. Pourtant une seule image occupait son esprit : le visage de son mari. Le regard qu’il avait posé sur elle ce matin était si froid ! Il semblait en colère contre elle, mais de quel droit ? N’était-ce pas lui qui la trompait ? Si quelqu’un aurait dû être en colère, c’était elle ! Mais la jeune femme n’avait pas la force de se fâcher. Elle se sentait si lasse de jouer la comédie. Peu importait ce que Terry avait pu raconter : Elle n’avait pas changé. Elle était désespérément amoureuse de lui. C’était la seule raison pour laquelle elle avait dit oui quand il lui avait proposé de l’épouser. Le scandale, la fortune des André, autant de considérations qui n’avaient même pas effleuré son esprit. Quelle naïveté de sa part ! Terry y avait pensé, lui ! Pour une raison qu’elle ne comprenait pas, l’amour qu’il avait autrefois éprouvé pour elle n’existait plus. Qu’est-ce qui avait changé ? Elle se trouvait toujours la même, mais son mari n’aimait pas ce qu’elle était. Son discours sur la vie qu’ils pourraient mener en bonne entente n’était que du vent. L’amitié de Terry n’intéressait pas Candy. Elle voulait plus, mais il n’était pas disposé à le lui donner.

Pire encore, c’est à une autre qu’il accordait désormais la tendresse qu’elle appelait de tous ses voeux. Imaginer son mari dans les bras d’une autre femme était encore plus douloureux que de l’avoir perdu.

Elle en était là de ses réflexions quand la jeune Cynthia vint lui annoncer qu’on avait déposé quelque chose pour elle dans sa chambre. Intriguée, Candy s’y rendit sans attendre. Elle reconnut immédiatement sa propre valise posée sur le lit. En l’ouvrant, elle y trouva trois de ses robes préférées ainsi qu’un de ses uniformes de rechange. Croyant que la domestique l’avait suivie, elle se tourna vers la porte pour demander :

« Qui a apporté mes affaires ?

- C’est moi, répondit une voix profonde qu’elle connaissait. »

Trop absorbée en entrant, elle n’avait pas réalisé la présence de Terry dissimulé dans l’encoignure de la porte. Il ferma le battant et s’y adossa.

« N’en veux pas à Cynthia d’avoir été aussi mystérieuse. Elle ne faisait qu’obéir à mes ordres, reprit-il avec un sourire.

- Depuis quand es-tu aussi cachottier, demandé Candy qui pensait à ce qu’il lui avait dissimulé d’autre.

- Je ne voulais pas que tu m’évites une nouvelle fois, comme à midi, quand tu as préféré déjeuner avec Elisabeth dans sa chambre, plutôt qu’avec moi. »

Elle se doutait qu’il ne serait pas dupe de sa pauvre ruse, mais elle n’avait pas eu la force de se retrouver seule avec lui. Pour se donner une contenance, Candy entreprit de ranger ses vêtements. Quand elle ouvrit l’armoire Terry aperçut la robe de soirée rouge qui y était pendue. Son accès de jalousie lui revint en mémoire.

« Je tiens à te présenter mes excuses pour mon attitude de l’autre soir. »

Il attendit une réaction de la part de la jeune femme, mais Candy lui tournait obstinément le dos. Pourtant Terry avait besoin de voir son visage. S’il pouvait y trouver le moindre signe de ce qu’elle éprouvait. Le plus petit détail qui prouverait qu’elle lui en voulait. Si son père avait raison et que la jeune femme souffrait de le croire infidèle, alors il pourrait lui avouer la jalousie qui l’avait dévoré.

Il s’approcha d’elle et souleva son menton du bout des doigts pour l’obliger à le regarder. Mais Candy venait de découvrir sous la dernière robe, les sous-vêtements qu’il avait déposés au fond de la valise. Gênée à l’idée que son mari soit à ce point au courant des détails de la vêture féminine, elle leva vers lui un visage rouge de confusion et se dégagea rapidement pour ranger sa lingerie sans se douter de l’effet provoqué par son attitude.

En la voyant se détourner de lui, Terry revécut la résistance qu’elle lui avait opposé la dernière fois qu’il l’avait embrassée, comme si elle ne voulait plus qu’il la touche. Les mots qu’il allait prononcer restèrent dans sa gorge. Il n’allait pas lui livrer son coeur alors qu’elle le rejetait une nouvelle fois. Sous l’effet de la déception, il ravala ses tendres sentiments tandis que la colère montait en lui.

« Si tu n’acceptes pas mes excuses, dis-moi ce que tu veux ! Qu’est-ce qui t’a pris de disparaître sans crier gare ? Quand je t’ai vue discuter avec mon père ce soir là...

- Tu as cru que je complotais quelque chose derrière ton dos ? Ne pouvais-tu me poser la question au lieu d’être aussi odieux avec moi ? Tu m’as traitée comme une... Une... »

Candy ne trouvait pas ses mots. Terry vint à son secours sur un ton dur.

« Une courtisane ? A quoi t’attendais-tu en portant une robe pareille ? Toi aussi tu aurais pu me la montrer avant, au moins j’aurais su à quoi m’attendre. Ceci dit, si j’avais été au courant, je t’aurais interdit de sortir dans cette tenue !

- M’interdire ! Pour qui te prends-tu pour me dire ce que je dois faire ou ne pas faire !

- Pour ton mari ! C’est aussi pour cela que je t’ai apporté ces vêtements : Tu es ma femme, et en l’absence de la duchesse, la maîtresse de maison, et tu te promène vêtue comme une domestique. »

Terry s’arrêta net en voyant l’expression stupéfaite qui se peignait sur le visage de la jeune femme. Le rouge envahit ses joues et elle se détourna avec une exclamation étouffée.

« Oh, balbutia-t-elle, je croyais... »

Intrigué, Terry s’approcha d’elle, décidé à pousser son avantage. Il entrevoyait enfin la possibilité de connaître les pensées de sa femme et de percer le mystère de son esprit tortueux. Était-ce le signe qu’il attendait ?

« A quoi penses-tu ? Dis le moi. »

Candy sentait sa présence derrière elle. Elle tressaillit quand il posa les mains sur ses épaules et que sa voix douce murmura à son oreille. Elle n’avait jamais pu résister à sa gentillesse et quelque chose se brisa en elle.

« J’ai cru que tu m’apportais cette valise pour me faire comprendre que je pouvais partir, avoua-t-elle dans un souffle. »

Le coeur du jeune homme se serra et une vague de froid se répandit dans son corps. Après ce qu’il avait vécu la nuit de sa disparition, comment pourrait-il la laisser partir ? Il avait fallu l’angoisse de ces heures d’incertitude pour qu’il admette enfin la réalité de ses sentiments. Après avoir lutté pendant des mois contre les douces émotions qui agitaient son coeur meurtri, il avait capitulé sans condition face à la force de son attraction pour elle. Elle était une partie de lui. Comment survivre si une partie de votre âme vous était arrachée ? Jamais plus il ne la laisserait le quitter.

Involontairement ses mains se crispèrent sur les épaules de Candy, lui arrachant une exclamation de surprise. Il l’obligea à se tourner vers lui et plongea son regard d’acier dans le sien.

« Quelle idée tordue a encore traversé ta petite tête de mule ? Nous sommes engagés l’un envers l’autre, Candy, même si les choses n’ont pas tourné comme je l’aurais voulu. Où serais-tu allée ?

- Je ne sais pas, avoua-t-elle, incapable de se détacher des yeux bleus qui la tenaient plus sûrement que les mains chaudes posées sur elle.

- Je ne suis pas le mari idéal mais ta place est auprès de moi. »

La jeune femme était au bord des larmes. Terry se sentait attiré par ses lèvres tremblantes mais il résista à la tentation de l’embrasser et la fit s’asseoir sur le lit.

« Nous avons fait pas mal de dégâts, n’est-ce pas ? Reprit-il en souriant. Je n’imaginais pas la réaction d’Albert aussi extrême. Mais même si ce fut de manière peu orthodoxe, tu es entrée dans la famille Granchester.

- Je ne suis qu’une pièce rapportée, comme d’habitude.

- Ne dis pas cela ! Sans toi elle n’existerait pas : Tu m’as réconcilié avec ma mère, et tu as conquis mon père au point qu’il m’accueille à nouveau dans sa maison. C’est une famille un peu bizarre, mais tu en fais partie intégrante maintenant. »

Candy eut un pâle sourire et serra la main qui tenait la sienne. Le jeune homme vint s’asseoir à ses côtés, la mine soucieuse.

« Pourquoi ne m’as-tu rien dit au sujet d’Elisabeth ? »

Elle lâcha les doigts de son mari et enfouit ses deux mains serrées entre ses genoux, les yeux baissés.

« Je n’ai pas trouvé comment aborder le sujet avec toi, reconnut-elle. Tu étais tellement tendu à cause de la pièce, ou d’autre chose... »

C’était le moment où jamais de lui poser des questions sur ses relations extraconjugales, mais la tendresse de Terry désarmait la jeune femme. Pour rien au monde elle ne voulait provoquer sa colère. Elle garda donc le silence. Il était déjà bien assez contrarié par ses cachotteries sur la santé de sa soeur.

« Étais-je odieux à ce point là ? Constata Terry avec un petit rire. Cette pièce représentait un gros risque et toute la troupe était tendue avant la première. Je me suis comporté comme un imbécile prétentieux et égocentrique ! Je n’ai pensé qu’à moi, alors qu’il y tant de choses plus importantes que ma petite personne ! »

Candy lui jeta un regard en coin et le vit prendre sa tête entre ses mains, les coudes sur les genoux.

« J’ai toujours adoré Elisabeth. C’est trop dur de la savoir aussi malade ! »

Le bon coeur de Candy prit le dessus sur son ressentiment et elle se rapprocha de lui pour lui caresser les cheveux d’un geste tendre. Aussitôt il l’attira contre lui et posa la joue sur sa poitrine.

« Il est si difficile de perdre ceux qu’on aime, avoua Terry en pensant autant à sa jeune soeur qu’à la femme qu’il tenait entre ses bras.

- Je sais, chuchota-t-elle dans ses cheveux. »

Son coeur battait à grands coups et le jeune homme se laissait bercer par cette douce musique. La nature généreuse de Candy transparaissait dans chacun de ses gestes. C’était cela qui l’avait attiré chez elle. Ce besoin inné d’aider et de soulager son prochain l’avait tout naturellement conduite vers la profession qu’elle avait choisie. Mais Terry voulait plus que de la consolation. A regret il releva la tête et resserra la prise de son bras pour ne pas perdre la chaleur du corps frêle qu’il sentait trembler contre le sien. Avant de pouvoir résister, il s’était déjà noyé dans les profondeurs du regard vert levé vers lui. Si seulement il avait pu effacer l’ombre qui subsistait au fond des ces eaux limpides. Les lèvres de Candy étaient si proches qu’il sentait son souffle léger sur les siennes, promesse de délices ensorcelantes. Il effleura la bouche humide de sa femme sans qu’elle proteste. Électrisé par ce simple contact, il hésita à s’aventurer plus loin mais il avait trop besoin de retrouver le vertige qu’elle seule savait provoquer en lui. Il répéta la caresse avec prudence et cueillit le soupir que laissa échapper Candy comme un trésor. Il sut qu’elle attendait son baiser autant qu’il désirait le lui donner. Bientôt tout serait éclairci entre eux. Une immense joie s’empara de lui comme il emprisonnait les lèvres tendres sous sa bouche avide.

Puis tout s’accéléra. Terry enregistra en une fraction de seconde le grincement de la porte, le recul de sa femme et un bruit de pas précipités. Du coin de l’oeil il ne put apercevoir qu’une petite silhouette blanche qui disparaissait en courant.

« Elisabeth ! »

Candy se précipitait déjà vers la porte et il eut juste le temps de la rattraper par le bras avant qu’elle ne sorte. Ses sourcils froncés indiquaient que le moment de grâce était passé, mais Terry ne pouvait en rester là.

« Attends, s’exclama-t-il. Ne pars pas !

- Je dois aller voir Elisabeth, argua la jeune femme pressée de lui échapper.

- J’ai beaucoup de choses à me faire pardonner. Comment veux-tu que j’y arrive si tu te sauves ?

- Je ne me sauve pas ! »

Candy voulut protester avec véhémence, mais en relevant la tête elle distingua sur le visage de son mari ce sourire enjôleur qui la faisait fondre. Il se moquait d’elle une nouvelle fois ! Le coeur encore battant après le moment de tendresse qu’ils venaient de partager, elle lui sourit en retour et le soleil se mit à briller pour Terry.

« Si je me dépêche de rentrer après la représentation, tu ne seras peut-être pas encore couchée ? »

Elle rougit mais ne baissa pas les yeux. Sans réfléchir elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un rapide baiser sur la joue de son mari.

« Tu verras bien ! » Répondit-elle en s’éclipsant.

Surpris mais ravi, Terry ne tenta plus de la retenir. Il partit pour le théâtre l’esprit plein de projets pour la soirée à venir, tous plus agréables les uns que les autres.

Fin du chapitre 26

CHAPITRE 27

Candy observait son image dans le miroir. Si Terry avait pensé à la chemise de nuit en préparant la valise, il n'avait pas choisi la plus chaude. Elle devait pourtant reconnaître que le tissu diaphane et la dentelle légère la rendaient séduisante. Elle fronça son petit nez et refusa d'imaginer à quoi il avait pu penser en choisissant celle-ci au fond du tiroir. Elle s'installa dans un fauteuil près de la cheminée pour profiter de la chaleur du feu et prit un livre pour tromper son attente. A cette heure la représentation était terminée et Terry n'allait pas tarder à rentrer.

Après avoir passé l'après-midi sur un nuage, les doutes revenaient l'assaillir dans le silence de la nuit. A le voir agir comme il l'avait fait dans l'après-midi, elle aurait pu le croire amoureux.

D'abord il y avait eu cette attention de lui apporter de quoi se changer alors qu'elle n'avait rien demandé. Il n'avait mis dans la valise que ses vêtements préférés. Candy n'avait jamais remarqué qu'il ait prêté attention à ce genre de détails. Connaissait-elle vraiment l'homme qu'elle avait épousé ?

Sa peau frissonna au souvenir du regard ardent qu'il avait posé sur elle. Elle se sentait si faible devant lui. La moindre de ses caresses la transportait dans un monde de félicité dont il était le seul à avoir la clef.

Elle savait depuis toujours que Terry n’avait pas un caractère facile. Il avait reconnu lui-même ne pas avoir été très agréable ces derniers temps. Mais il savait aussi se montrer tendre et dans ces moments-là, Candy aurait pu tout excuser. Enfin, peut-être pas exactement tout reconnut-elle.

Le temps passait et son mari n’était toujours pas de retour. Qu’est-ce qui pouvait bien le retenir si longtemps, ou qui ? N’avait-il pas promis de revenir vite ? Visiblement, les promesses faites à sa femme n’embarrassaient pas Terry outre mesure. Et s’il avait trouvé d’autres occupations plus divertissantes et l’avait reléguée au second plan de ses priorités ?

Candy revit le visage de la femme brune croisée dans les couloirs du théâtre. Elle était si élégante et sophistiquée ! Et il lui avait reproché à elle de s’habiller comme une domestique !

L’humeur de la jeune femme avait radicalement changé. Plus l’attente se prolongeait, et plus elle regrettait son instant d’abandon dans les bras de son mari. L’idée qu’il puisse se montrer tout aussi passionné avec d’autres femmes lui faisait mal, mais la colère l’aidait à résister à la souffrance. N’avait-il pas dit qu’il avait beaucoup de choses à se faire pardonner ? Et s’il avait eu plus d’une aventure ? A quoi serviraient ses excuses s’il ne pouvait résister au premier jupon qui passait ?

Incapable de tenir en place, Candy arpentait maintenant sa chambre de long en large. Ce n’était pas ainsi qu’elle imaginait un mariage. Mais le monde de Terry et le sien étaient si différents ! Quand ils s’étaient connus au collège, les différences n’étaient pas si flagrantes. Les élèves y étaient plus sensibles à la classe sociale que les religieuses qui avaient toujours mis un point d’honneur à traiter tous leurs pensionnaires de la même façon. Il avait fallu les années passées près d’Albert et de la tante Elroy pour que Candy réalise la rigidité des usages dans les bonnes familles. Terry avait été élevé dans cette ambiance. Il avait beau le nier, l’éducation qu’il avait reçue dans son enfance l’avait marqué à jamais. Ses nobles origines transparaissaient dans chacun de ses gestes. Sans cette classe folle, innée chez lui, aurait-il eu autant de succès sur les planches ?

Candy elle n’était qu’une orpheline sans racines. Ses premières années avaient été entourées d’amour, mais si on lui avait inculqué le goût du travail et la ténacité, elle savait que l’éducation reçue par la suite n’était qu’un vernis, comme un masque qu’elle porterait en public pour dissimuler sa vraie nature. Une personnalité aussi terne que la sienne avait fini par lasser Terry. Elle n’avait jamais pu devenir la jeune fille du monde que voulait la famille André, elle ne saurait pas plus se transformer en épouse soumise d’un mari volage, prête à fermer les yeux sur tous ses écarts de conduite.

Il n’y avait plus rien à espérer de sa relation avec Terry. Le coeur en miettes au bout de deux heures d’attente, Candy verrouilla sa porte et alla se coucher. Ce n’est que plus tard, alors que le sommeil la fuyait, qu’elle entendit des pas s’arrêter devant sa chambre et un grattement léger contre sa porte, mais elle refusa d’y répondre.

-----oooOooo-----

Terry ne s’attendait pas à trouver la jeune femme encore éveillée en rentrant à une heure aussi tardive, mais il fut surpris de découvrir qu’elle avait verrouillé sa porte. Il la savait si fatiguée depuis quelques temps qu’il ne pouvait lui en vouloir. De plus il avait l’esprit occupé par un problème plus épineux.

Il avait complètement oublié le rendez-vous donné à Mallone le matin même et c’est avec déplaisir qu’il l’avait vu se présenter dans sa loge alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez son père. Décidé à expédier l’affaire le plus vite possible, il s’était montré plus désagréable qu’il ne l’aurait voulu. Mal lui en prit car le détective n’était pas d’humeur très coopérative.

« Ne le prenez pas de haut avec moi, Monsieur Granchester, lui dit-il sur un ton désabusé.

- Votre travail est terminé, Mallone. Vous avez certainement d’autres enquêtes à mener.

- J’aime le travail bien fait, précisa l’homme avec fierté. Et ce que je tiens là est particulièrement intéressant. »

Le détective sortit de sa sacoche une liasse de papiers maintenue par un élastique. Résigné à devoir payer une nouvelle fois l’individu, Terry tendit la main vers les documents, mais l’autre se contenta de poser le dossier sur ses genoux.

« Comme vous vous en doutez, j’ai assez rapidement découvert l’identité de l’enfant sur laquelle vous m’aviez demandé d’enquêter, reprit l’homme sur un ton docte. L’héritière de la famille André ! Vous visez haut, Monsieur.

- Puis-je savoir ce que vous entendez par là ? Demanda Terry sur la défensive.

- Ma foi, force est de constater que votre prestige s’est trouvé rehaussé depuis que vous avez noué des relations avec la demoiselle. Sans vouloir vous blesser, votre carrière n’était pas très florissante jusqu’à présent. »

Terry sentait monter sa colère et une envie irrésistible de prendre le détective par le col pour lui administrer une correction. Son instinct l’avertit que celui-ci ne se permettrait pas de lui parler sur ce ton s’il n’avait pas un atout dans sa manche. Il prit donc sur lui pour écouter ce que le déplaisant individu avait à lui dire.

« Je n’ai pas encore eu l’occasion de vous présenter mes félicitations pour votre mariage. Vous avez réussi là un coup de maître.

- Je n’aime pas vos allusions, Mallone. Insinueriez-vous que je suis un coureur de dot ?

- Et bien, pas exactement. Si je ne me trompe, le père de la jeune dame n’a pas tout à fait répondu à vos attentes. Mais avec ceci, il pourrait se montrer dans de meilleures dispositions. »

Vif comme l’éclair, Terry s’empara du rapport que Mallone ne lui avait pas remis et commença à le feuilleter. Celui-ci détaillait son enquête minutieuse et les conclusions qu’il en avait tirées. Il ne contenait aucune preuve tangible, que des suppositions, mais elles étaient inquiétantes.

« J’ai établi ce rapport pour vous. Je dispose encore de toutes mes notes et de certains documents que je me contente de mentionner, mais que j’ai pris soin de mettre en lieu sûr. »

Terry avait de plus en plus de mal à se retenir de sauter à la gorge du détective. Il comprenait parfaitement où celui-ci voulait en venir, et cela le dégoûtait.

« Savez-vous que la jeune femme en question est loin d’être aussi innocente que sa famille le prétend ? J’ai découvert qu’elle avait été renvoyée d’un des plus célèbres collèges britanniques suite à une sombre histoire de coeur. Les mauvaises langues diraient qu’elle a hérité de sa mère; se compromettre ainsi avec un domestique...

- Vous dites n’importe quoi ! Espérez-vous faire chanter la famille André en leur révélant quelque chose qu’ils savent déjà ?

- Certes non, protesta le détective. Mais ils ne souhaitent sans doute pas que ce genre de secret soit étalé au grand jour. Vous savez à quel point la presse est friande de ce genre d’histoires ! »

Une sonnette d’alarme résonna dans la tête de Terry. Il se trouvait face à un maître chanteur et rien d’autre. Il devait à tout prix mettre un terme à ce qui menaçait de devenir une tragédie.

« Vous travaillez toujours pour moi, Monsieur Mallone ? »

L’homme se rengorgea d’entendre cet acteur arrogant lui donner enfin du « Monsieur » sans se douter que Terry avait décelé chez lui son avidité de reconnaissance et se servait de cette faiblesse pour l’amadouer.

« Je n’ai jamais eu à me plaindre de notre collaboration, Monsieur Granchester. C’est un plaisir de travailler pour vous. Mais les temps sont durs pour tout le monde, vous le savez. Nous pourrions vous et moi tirer le plus grand profit de ses renseignements. Mais vous savez ce qu’il en est des relations d’affaires... Si mes informations ne vous intéressent pas... »

L’acteur avait compris son erreur. Le détective engagé à l’origine pour une enquête de routine, avait flairé la grosse affaire, trop grosse pour lui sans doute. Mais l’appât du gain était le plus fort. Trop prudent pour faire chanter lui-même la puissante famille André, il s’adressait à lui pour tirer les marrons du feu. Si Terry acceptait de menacer Albert de révéler le scandale de la naissance de Candy, il pourrait en tirer un bénéfice substantiel qui compenserait la dot que le père de la jeune femme lui avait refusé. Et Mallone viendrait lui en réclamer sa part.

Terry respira profondément, essayant de chasser l’impression de dégoût qui lui emplissait la bouche. Il posa le rapport sur la table et demanda :

« Qu’est-ce qui vous dit que je suis encore intéressé par vos informations ?

- Vous êtes désormais le mari de la dame. Vous êtes concerné au premier chef. Mais si je me suis trompé, nous ne sommes plus liés par contrat, et je me trouverai dégagé du secret professionnel. »

Ainsi les choses étaient claires. Si Terry refusait d’entrer dans son jeu, l’homme était près à agir seul. Il était hors de question de le laisser faire. Le jeune homme avait l’habitude de faire la une des tabloïdes, et n’y prêtait plus attention. Mais laisser ces requins s’emparer de la vie de Candy... Il devait tout faire pour éviter que les journaux à scandale traînent son trésor dans la boue. Il cherchait désespérément une solution quand le détective lui tendit lui-même la perche.

« Peut-être souhaitez vous prendre le temps de la réflexion ? Je le comprends. Si vous désirez réfléchir au meilleur moyen de présenter la chose à M. André, je suis disposé à attendre. Pas très longtemps, car j’ai des frais moi aussi. Tout travail mérite salaire, n’est-ce pas ? »

L’allusion était claire et Terry sortit son carnet de chèques. L’homme prit la feuille qu’il lui tendait et la glissa dans sa poche non sans y avoir jeté un coup d’oeil rapide. Il grimaça.

« Je reprendrai bientôt contact avec vous, Monsieur Granchester, très bientôt. »

Terry resta encore un long moment seul dans sa loge à étudier les documents que lui avait remis Mallone. Il avait beau retourner les renseignements contenus dans les feuilles dans tous les sens, les conclusions du détective étaient imparables. Une seule personne pouvait avoir été assez proche de Rosemary pour conquérir son coeur et être le père de son enfant illégitime. Il se creusa la cervelle pour essayer de se souvenir de cet homme, mais il n’y parvint pas. Il n’avait eu l’occasion de le rencontrer qu’une seule fois et n’avait prêté aucune attention à lui.

Il quitta le théâtre sous les yeux ébahis du gardien de nuit qui ne s’était pas rendu compte qu’un des acteurs était encore là et traîna sans but dans les rues de la ville. Il finit sa promenade dans un bar mal famé du port où sa mise attira autant l’attention que son obstination à commander du café.

Une idée commençait à se dessiner dans son esprit, mais la personne qu’il recherchait ne se montra pas. Il se résolut donc à rentrer pour trouver la porte de Candy irrémédiablement close.

-----oooOooo-----

Déjà installé à la table du petit-déjeuner, Terry lisait le journal lorsque son père entra. La surprise se peignit sur le visage du duc. Pour l’avoir entendu rentrer la nuit précédente, il se doutait que son fils n’avait que peu dormi. La fatigue se lisait sur son visage ainsi qu’autre chose, un tourment dont il pensait connaître la cause.

« Bonjour Terrence.

- Bonjour père, répondit le jeune homme en posant le quotidien.

- Je suppose que Candy ne va pas tarder à nous rejoindre ?

- Je l’ignore. Je ne l’ai pas vue ce matin. »

La réprobation qu’afficha le duc rappela à Terry l’époque de son adolescence, où ce froncement de sourcils caractéristique annonçait invariablement que son père allait lui reprocher ses frasques.

L’arrivée de la jeune femme empêcha le duc d’exprimer son opinion. Il se contenta donc d’observer le jeune couple sans en avoir l’air.

Aucun d’eux ne fit honneur au petit-déjeuner et ils n’échangèrent que des banalités. Si Terry tenta plusieurs fois d’accrocher le regard de sa femme, celle-ci préféra garder la tête baissée, puis entreprit de feuilleter un journal pour éviter l’insistance du jeune homme. Le duc présagea de nouvelles difficultés et soupira, las du silence pesant qui s’était installé.

« Puisque vous êtes là tous les deux, autant vous annoncer la nouvelle, déclara-t-il. J’ai trouvé un passage pour l’Angleterre. Elisabeth et mon repartons demain.

- Déjà ! S’exclama Candy.

- Je suis touché, mon enfant, répondit Richard Granchester en souriant, mais il est inutile que nous nous attardions ici. Elisabeth a hâte de retrouver sa mère et je ne souhaite pas rester éloigné de mon pays plus que nécessaire en ces temps troublés.

- La guerre ne durera pas éternellement, père, intervint Terry.

- Tu as raison et je suis même persuadé que la fin de ce cauchemar est pour bientôt. Je tiens à célébrer la victoire avec mes compatriotes. Mais j’ose espérer que lorsque la paix sera revenue, vous accepterez tous les deux de nous rendre visite. »

L’insistance qu’il avait mise sur les mots « tous les deux » n’échappa ni à Candy ni à Terry, mais ils ne firent aucun commentaire.

« J’ai pris mes dispositions avec l’hôpital pour que vous puissiez vous occuper d’Elisabeth jusqu’à notre départ, si vous acceptez, bien sûr.

- Ce sera avec plaisir, répondit la jeune femme avec un sourire qui illumina son visage.

- Nous nous reverrons donc au dîner, conclut le duc en se levant. Maintenant je vous prie de m’excuser, mais j’ai quelques affaires à régler. »

Une fois seule avec Terry, Candy ne put une nouvelle fois éviter son regard de braise. Elle tressaillit tant la détermination y était perceptible.

« J’aime beaucoup ton père, annonça la jeune femme avec un air de défi.

- Je dois reconnaître qu’il gagne à être connu. Je l’ai peut-être mal jugé. »

Candy fut surprise de cet aveu. Elle avait espéré désamorcer la discussion qui s’annonçait en provoquant Terry au sujet de son père, mais la manoeuvre avait échoué. L’hostilité entre les deux hommes s’était atténuée.

« Nous avons à parler, Candy, reprit Terry.

- N’est-ce pas ce que tu as déjà dit hier ? Répliqua-t-elle d’un ton acerbe.

- Eh ! M’aurais-tu attendu ? Si j’avais su...

- Tu avais sans doute des personnes plus intéressantes à voir !

- Est-ce de la jalousie que je perçois dans ta voix, Miss Taches-de-son ? »

Ravi, Terry eut un large sourire. Si Candy était jalouse, c’est qu’elle tenait à lui. Si seulement elle acceptait de le reconnaître...

Mais Candy ignorait que son mari était passé par les mêmes tourments quelques jours plus tôt. Elle ne se souvenait que de la douleur qu’elle avait ressentie en découvrant qu’il la trompait, et elle était trop fière pour lui avouer ce pouvoir qu’il détenait sur elle. Elle ferma son coeur, résolue à lui cacher la vérité.

« Pourquoi devrais-je être jalouse, Terry ? Est-ce qu’il y a des raisons pour cela ?

- Cela dépend de plusieurs choses Candy. Si tu tiens à moi, d’abord. Si tu me fais confiance ensuite, répondit-il plein d’espoir.

- Désolée, Terry, mais la confiance se mérite. Toi, tu n’as fais que me mentir depuis que nous nous sommes retrouvés. Pas une seule fois tu ne m’as dit la vérité ! »

Elle leva vers lui un regard chargé de reproches et Terry serra les poings. Elle avait raison, bien sûr, mais ne pouvait-il pas lui opposer les mêmes arguments ? De quand datait la dernière fois où elle avait été sincère avec lui ?

« Elle l’a toujours été, imbécile ! Répondit l’agaçante petite voix de sa conscience. Elle ne sait pas mentir. C’est toi qui refuses d’écouter ! »

Face à son silence, Candy reprit :

« Dis-moi ce que tu as fait hier soir. »

C’était bien la seule question à laquelle il ne pouvait répondre. Comment lui avouer qu’il avait engagé un détective pour enquêter sur elle et que celui-ci s’était transformé en maître chanteur, menaçant de détruire sa réputation et celle de sa famille ? De plus, il la connaissait suffisamment pour savoir que si elle découvrait la vérité sur ses origines, elle ne lui pardonnerait jamais son silence à ce sujet.

Terry secoua la tête, abattu.

« Je suis désolé, Candy, mais je ne peux rien te dire pour l’instant. Je te demande juste de me faire confiance. Tu sauras tout dès que j’aurais réglé la situation.

- Dans ce cas, répondit la jeune femme en se levant, je crois que nous n’avons plus rien à nous dire. »

Terry la rattrapa avant qu’elle n’atteigne la porte, alarmé par ces paroles qui sonnaient comme un adieu.

« Que veux-tu dire par là ? Demanda-t-il en lui prenant le bras.

- Je vais voir si Elisabeth est prête. Tu as promis de lui faire visiter New York ce matin.

- Nous irons tous les trois, comme c’était convenu. La petite ne comprendrait pas que tu te défiles.

- Oui, tu as raison. Je viendrais... pour Elisabeth.

- Et demain soir nous rentrons chez nous, Candy. Toi et moi ! Nous sommes mariés, n’oublie pas !

- Non, murmura Candy en sortant. Je n’oublierai jamais. »

Fin du chapitre 27

© Dinosaura juillet  2008