A NEW-YORK STORY
Par Mercurio

Traduit de l'espagnol par Srta.Pecas

Traduit de l’anglais par Fatalzmarion

 

Chapitre 3

Faith senti son coeur se serrer dans sa poitrine. Nerveusement, elle regarda la date mentionnée sur le presse-papier en forme de pyramide qu’elle avait gardé depuis qu’elles avaient trouvé la chambre. Bientôt, elle trouva ce qu’elle cherchait, elle réalisa que les dates sur la base du presse-papier et sur le livre étaient identiques.

La respiration suspendue, la jeune fille tourna à nouveaux les yeux vers le livre et continua sa lecture de ce qui était écrit sous cette date, alors que son esprit, et même son for intérieur semblaient se briser lentement pendant qu’elle lisait ces mots qui ensemble formaient un texte dont elle ne pouvait se soustraire.

« En cet univers chaotique, il est certain que cela n’arrive qu’une fois, peu importe le nombre de vies que l’on pourra vivre. Ma certitude m’est apparue très vite et c’était tellement absolu, tellement irréfutable, tellement impérieux que jamais depuis cette nuit là je ne fus capable de le nier. Cette force a toujours été en moi, c’est la seule complète et pure vérité que j’ai vécue. Aujourd’hui, alors que ma conviction personnelle que le reste de mon existence ne sera qu’éternel chagrin, je commence ce journal par simple besoin de dire à quelqu’un ou quelque chose l’infinie mélancolie qui m’assaille. »

« A une époque, j’ai aimé et étais aimé, mais aujourd’hui cela n’est plus que le doux souvenir d’un lointain passé. Aujourd’hui je suis abandonné pour toujours dans la solitude éternelle d’avoir perdu celle qui restera vivante dans mon cœur. Aujourd’hui, j’ai voyagé dans la prison de mon esprit, j’ai vu ce que mes yeux n’auraient jamais cru voir, un cercueil couvert de fleurs blanches qui descendait lentement, l’arrachant de ce monde qui ne l’a jamais méritée et n’a jamais pu lui offrir ce qui lui était réservé. »

« J’aurais été en mesure de supporter un millier de morts pour qu’elle soit épargnée, un millier de balles auraient pu traverser mon corps mais pas le sien, j’aurais voulu lui offrir un millier de joies, mais aucun de ces souhaits ne me sera jamais accordé. Aujourd’hui c’est déjà trop tard et je me sens vieux alors que j’ai seulement vingt six ans. »

« Je ne peux en supporter plus. Je sais que je suis maudit, mais je ne peux comprendre les raisons de ces damnations, tout ce que je touche devient poussière, tristesse et malaise. L’Honneur serait-il un pêché ? A ce point, je ne sais même plus que penser ou dire … Tout ce que je sais, c’est qu’Elle est morte et que plus rien n’a d’importance. Mais je dois continuer car la vie est maintenant le châtiment, parce que cela sera pire que la mort elle-même. »

«  Aujourd’hui nous avons enterré son corps, mais je suis sûr que son âme est déjà dans un endroit plus joyeux, mais mon cœur brûle de peine car Elle, qui comme dirait Auden (**), était mon nord, mon sud, mon est et mon ouest, mon jour de travail, mon jour de repos, mon midi, mon minuit, ma parole et ma chanson, a quitté ce monde pour toujours. Je ne sais pas comment je peux encore respirer. »

(**) Critique et poète 1907 – 1973

 

Quand elle eut lu ces lignes de ses yeux verts, la jeune fille fondit en larmes, elle jeta le livre et couru hors de la chambre. Faith se jeta sur son lit, ne pouvant arrêter de pleurer, laissant couler ses pleurs jusqu’à ce que la nuit face place à l’aurore, et Michie rentra à la maison après son rendez-vous pour trouver sa colocataire dans son océan de larmes.

- Mais qu’est-ce qu’il se passe Faith ? – demanda la fille aux yeux bruns, surprise, étreignant son amie.

- Oh Michie – répondit la jeune fille, la voix brisée – quelque chose d’horrible est arrivé. Elle est morte et lui … il était si triste, comme s’il était mort à l’intérieur.

- Elle, lui ? – demanda Miche, confuse – Bon dieu Faith explique ! De qui parles-tu ?

- Le jeune homme de mes visions, Michie, celui du livre, celui de la chambre – dit Faith, visiblement choquée, rendant son amie encore plus confuse.

- Faith, attends, quel livre, quelle chambre et de quelles visions parles-tu ?

La blonde prit son front dans ses mains, réalisant que son amie ne pouvait pas comprendre si elle ne lui expliquait pas dans le calme ce qui était arrivé. Malgré son état émotionnel, elle rassembla ses forces pour raconter la situation. Elle expliqua pour la première fois à son amie les visions qu’elle avait d’un jeune homme aux cheveux couleur châtaigne, dont elle ne pouvait voir le visage et de quelle façon elle avait trouvé le journal dans le fond caché du tiroir du bureau.

Michie fut très surprise de ce qu’elle entendit mais après le premier choc, son scepticisme la força à trouver un sens logique aux évènements que lui narrait Faith.

- Attend une seconde Faith – dit-elle à son amie en lui tendant un mouchoir – Qui te dis que le gars de tes … hallucinations, est le même que celui qui a écrit le journal et qui vivait dans cet appartement, semble-t-il dans les années vingt ?

- Et bien, je … - marmonna Faith, sans trouver de réponse cohérente – Je pense que c’est la façon de … que tout est … que c’est un chemin que je … - elle s’arrêta.

- Que tu quoi Faith ? insista Michie qui regardait droit dans les yeux de son amie.

- C’est ce que je ressens – fut la seule chose que pu dire la jeune fille, presque en murmurant.

Michie lui lança un coup d’œil de doux reproche, se demandant en elle-même s’il était possible que le stress des examens de fin d’année la perturbe à ce point jusqu’à devenir si incohérente. Après tout, Faith travaillait souvent le double des autres afin d’approfondir le plus possible ses connaissances scolaires.

- Ecoute, voilà ce qu’on va faire – dit finalement la brune – Tu vas boire un thé que je vais préparer pour toi, le même qu’avait l’habitude de préparer ma grand-mère au Pérou, et avec cela tu pourrais pouvoir vraiment bien dormir. Demain, tu iras à la bibliothèque pour finir ce travail loin de cette chambre bizarre. Et ensuite on verra ce qu’on peut faire avec ce mystérieux livre qui semble tellement te perturber.

Faith qui était aussi fatiguée que si elle s’était trouvée sur un aviron aux côtés de Ben-Hur ne put qu’obéir à Michie, boire le thé et aller dormir. Néanmoins, ce thé n’eut pas tout à fait l’effet qu’elle avait escompté. L’image du même jeune homme continuait à envahir ses rêves.

Quelques jours passèrent avant que Faith et Michie s’aventurent à investiguer sur le livre qui avait été laissé dans un coin de la chambre.

Malgré les protestations de Michie, Faith reprit le livre dans ses mains et commença à lire à voix haute à sa colocataire. De cette façon, par la présence de son amie, la poursuite de la lecture lui semblait moins pénible.

Et voilà comment les filles découvrir celui qui avait écrit ce journal, rempli de désolés paragraphes, qui avait été le propriétaire de l’appartement au début du vingtième siècle. Il apparaissait comme un homme cultivé, non seulement par sa vaste collection de livres, mais aussi par son écriture, à la fois impeccable dans sa formulation poétique que dans sa composition, chose que Michie appréciait réellement.

Dans ces pages, l’homme laissait entendre qu’il s’était livré lui-même à certaines activités artistiques, ce qui n’était d’abord pas très clair pour les filles, mais il ne fit rapidement plus aucun doute qu’il s’agissait de théâtre en raison des mentions répétitives de répétitions, nuit de première, critiques de journalistes, autres choses de la sorte. Dernier mystère, les filles ne parvenaient pas à déceler si l’auteur du livre avait été un dramaturge, un directeur ou un acteur, car il ne parlait de son travail que très vaguement.

Apparemment, il était marié car il parlait de son « épouse » qui paraissait souvent malade ou alors était handicapée, car l’homme faisait mention d’une infirmière qui vivait avec eux pour prendre soin d’elle. Curieusement, ces mentions étaient très brèves et terriblement en contraste avec ce que l’auteur disait à propos d’ « Elle », une femme dont il n’écrivait jamais le nom, mais que Michie et Faith comprirent qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre que son épouse. Il avait l’air amoureux de cette autre femme presque de façon obsessionnelle et il l’avait enterrée en date du 02 juillet 1923, date à laquelle il avait commencé le journal.

L’homme n’écrivait pas dans le journal tous les jours. Cela semblait être pour lui un espace où déverser son chagrin et où il mélangeait indifféremment le passé et le présent. Dans cette désorganisation, Michie Faith tentaient de comprendre comment cet homme avait rencontré, alors qu’il était encore très jeune, une jeune fille dont il était tombé fou amoureux mais de laquelle il avait été séparé pour des raisons qu’il n’expliquait jamais clairement mais qui avaient à voir avec l’ « épouse ».

Le journal se poursuivait en décrivant des scènes domestiques et de la femme avec qui il vivait, dont il semblait prendre soin comme le ferait un frère. Plus loin, elles apprirent que l’auteur et son épouse avaient tenté d’avoir des enfants mais sans succès, et que malgré leurs efforts, l’adoption leur avait été refusée en raison du « handicap de son épouse » - expliquait-il – rendant clair que la femme de l’artiste souffrait d’une certaine incapacité physique.

Mais cela paraissait être des problèmes mineurs à son âme, à laquelle il semblait manquer comme une moitié, son âme semblait être morte, continuant sa vie indifféremment, ce qui était écrit à chaque ligne, et ne vivant pas un instant sans nostalgie et manque d’  « Elle ».

Michie et Faith mirent des jours et des jours à lire le journal et après sa première réaction de pragmatisme, la jeune péruvienne finit elle-aussi par pleurer à plus d’une occasion sur cette histoire tragique, couchée sur des centaines de pages.

« L’Artiste » - ainsi qu’elles l’avaient surnommé – s’était marié très jeune, il semble à l’âge de 21 ans et plus en vertu d’un sentiment de loyauté que d’amour auquel il fit allusion à diverses occasions, il avait du se sacrifier par devoir.

Il avait été séparé d’  « Elle » pour se marier à une autre femme qui était devenue son épouse et qui l’aimait profondément, mais sans pouvoir prendre la place de la femme absente. « Elle » était morte, dans semble-t-il de violentes circonstances dont il ne fit jamais état clairement, quelques années après son mariage.

Après sa séparation d’avec « Elle », l’artiste mentionna qu’il l’avait revue seulement une fois. L’après midi où Michie et Faith lurent ce passage, elles pensèrent que leurs larmes ne se tariraient jamais.


 « A mon retour à Chicago, je ne pouvais contrôler la nervosité horrible qui avait envahi ma poitrine dès que j’eus posé le pied sur cette gare où je l’avais attendue en vain un matin. Mon cœur voulait juste savoir si elle pouvait bien encore vivre en ville et si j’étais en train de respirer le même air qu’elle. Je me surpris moi-même à chercher son visage dans la foule pendant que la voiture me conduisait aux lieux où je devais me produire en public. Mais mes yeux ne purent trouver ces inoubliables yeux verts et je ne savais pas si je devais m’en sentir déçu ou soulagé, car je savais que de nouvelles retrouvailles seraient bien plus pénibles que plaisantes. Et malgré cette certitude, alors que ces interminables semaines passaient, mon esprit était consumé par cette obsession grandissante de la voir, même juste un instant, caché, sans qu’elle s’aperçoive de ma présence. Mais mon travail et cette foutue multitude de journalistes, fans et curieux qui entouraient l’hôtel où nous nous trouvions ne me permettaient pas de faire quoi que ce soit.

Finalement, notre engagement à Chicago prit fin, et cela correspondait à la fin de la tournée et le jour de la dernière représentation marquait le début de mes vacances. Tous mes collègues décidèrent de rentrer à New-York pour retrouver leurs familles et commencer leurs vacances, ou partir en voyage à l’étranger ou quelque chose comme cela. J’avais promis à mon épouse qu’à mon retour, je l’emmènerai en Californie ainsi elle pourrait voir l’Océan Pacifique, cette idée lui plaisait beaucoup. Je voulais lui offrir une chose à laquelle elle tenait beaucoup parce que je me sentais quelque peu coupable des tensions dans notre relation tout au long de l’année écoulée. Ainsi je pris le train en direction de la maison avec mes collègues mais mon cœur refusait de quitter New York si tôt, sans avoir accompli ce qu’il désirait si ardemment. Ainsi dès que nous arrivâmes à la première gare sur le chemin du retour, je ne pus contrôler ma première impulsion qui fut plus forte que ma raison, et sans réfléchir, je priai Robert de veiller sur mes bagages et d’expliquer à mon épouse que j’arriverai avec un jour ou deux de retard. Je prétextai que j’avais oublié à l’hôtel quelque chose qui était très important pour moi et que je ne voulais pas abandonné et que j’essayerai de récupérer par moi-même.

Je savais que c’était une mauvaise excuse et que peut-être mon épouse y verrait quelque chose de suspect mais soudainement, plus rien ne m’avait semblé avoir d’importance. Je repris le premier train en direction de Chicago et frappé d’un inexplicable besoin urgent, je me rendis à son ancienne adresse, espérant que peut-être le propriétaire pourrait me dire ce qu’Elle était devenue.

A ma grande joie sur le moment et à ma grande peine ensuite, le propriétaire savait où elle était. Elle ne vivait plus à Chicago mais à l’orphelinat, ce qui changeait beaucoup les choses. Si je voulais la voir, il serait fort difficile pour moi de le faire sans qu’elle s’en rende compte et puis j’allais devoir me rendre en Indiana ce qui allait encore retarder un peu mon retour à New York. Mais à ce moment, rien n’aurait pu me détourner de mon désir de la voir, alors je pris le train à La Porte, en direction d’un endroit que je n’avais pas vu depuis mon adolescence.

Pourquoi toutes ces folles tentatives ? Pourquoi risquer ma déjà chancelante relation avec ma malheureuse épouse ? Pourquoi chercher à la rencontrer « Elle », alors que peut-être « Elle » ne désirait pas me voir ? Telles étaient les questions qui martelaient mon esprit, et celles auxquelles mon cœur ne pourrait répondre que s’il lui était possible de voir ses yeux, ces mêmes yeux qu’elle avait refusé de me laisser voir une dernière fois la nuit où elle était partie. Je voulais en fait voir son sourire et être ainsi personnellement sûr qu’elle était heureuse, après tout ce temps ! Je voulais, je dois l’admettre, voir qu’elle était devenue une femme et emmener avec moi ce souvenir qui ferait partie de mes rêves, dernier reste de sensation de bonheur que j’avais gardé dans cette sombre existence. Maintenant, même après ce bonheur égoïste que cette rencontre me donnerait, je n’ai cessé de regretter d’avoir laissé mes impulsions prendre le dessus.

J’ai loué une voiture dès que je suis arrivé en ville, laissant ma montre en or en gage, et avec ce vieux modèle T, je suis allé jusqu’à l’orphelinat. Quand je suis arrivé à moins d’une demi mille de là, j’ai laissé la voiture dans une ferme des environs et ai continué à pied, en espérant ainsi être en mesure de me rendre là sans être vu, et que je pourrais l’observer à sans qu’Elle le sache.

Il était environs 5 heures de l’après midi lorsque je suis arrivé, et par chance les enfants jouaient dehors. Je les ai regardé pendant un moment d’une colline voisine, respirant l’air frais de ce lieu qu’Elle aimait tant. Un peu plus tard, la plus âgée des directrices de l’orphelinat sortit et avec elle se trouvait la femme que je voulais voir, même à distance. A ce moment, je ne pus trouver les mots exacts pour la décrire tant elle était belle, belle comme toujours, peut-être plus encore que ce dont je me souvenais. Plus belle encore dans son ignorance de sa propre beauté parce que ça j’en étais sûr, tout comme avant, elle ignorait elle-même combien elle était belle et comment la regarder pouvait être dévastateur pour un homme.

Je la regardai pendant longtemps pendant qu’elle jouait avec les enfants et pendant ce temps, je ne pus m’empêcher de penser à cet enfant qu’on aurait pu avoir ensemble et que j’aurais aimé de tout mon cœur, si la vie n’avait pas été si cruelle. J’étais si plongé dans mes pensées amères que je n’avais pas remarqué que les enfants à courir pour jouer vers la colline. Quand j’ai vu un groupe courir vers moi, j’ai essayé de me caché dans les buissons tout proches et je ne sais pas à quel moment j’ai complètement perdu mon bon sens mais au lieu de partir à l’instant où je le pouvais encore, je suis resté là pendant que les enfants escaladaient la colline.

Un instant plus tard, le jeu se déroulait à l’ombre d’un arbre centenaire et je savourais mon bonheur d’être encore plus proche d’Elle et d’avoir la preuve que cette femme du haut de ses vingt cinq ans était encore une petite fille espiègle capable de réjouissance et de rire avec les choses les plus simples de la vie. J’étais tellement absorbé dans mes pensées que je ne remarquai pas la présence d’un animal qui me regardaient avec méfiance. Il était trop tard, le gros chien mordait déjà la jambe de mon pantalon, grognant furieusement alors qu’une paire d’yeux couleur émeraude me regardait avec étonnement.  

En fait le chien avait senti ma présence et avait commencé à renifler, ensuite il m’avait attrapé et il ne fallut pas longtemps pour que les enfants et Elle s’approchent des buissons et me trouvent. Après quelques explications sommaires et les salutations d’usage, la joie que j’avais vue sur son visage alors qu’elle jouait avec les enfants fit place à la nervosité évidente d’une jeune femme qui ne savait pas quoi dire.

Je me sentais profondément coupable d’être la cause de son malaise et un peu triste en pensant que ma présence lui était peut-être désagréable. Elle m’en voulait peut-être et je ne pouvais pas vraiment l’en blâmer … Mais je ne pouvais pas l’imaginer, Elle, avoir de l’aversion contre quelqu’un, pas même un misérable comme moi.

Après les premières salutations, je lui donnai comme excuse stupide que je venais lui rendre visite, comme si n’existait pas cette règle tacite que nous avions établie de ne jamais nous revoir. Peut-être contrainte par la situation, elle m’invita dans la maison, et même si à cet instant, j’aurais préféré me sauver en courant, je savais, au vu des circonstances, que je devais jouer le jeu. Je passai donc les deux heures suivantes à discuter avec les deux dames qui dirigeaient l’orphelinat, pendant que mon esprit essayait de graver à jamais dans ma mémoire l’image de cette jeune femme vêtue d’une robe couleur pêche, qui garda le silence la plupart du temps, en dépit de son habitude d’être toujours trop bavarde.

Se pouvait-il qu’elle ait tellement changé ? Peut-être ne voulait pas me parler ? Je ne sais pas si mon regard me trahissait face à ces deux femmes, car la vérité est que je ne pouvais pas soustraire mes yeux de ce visage clair ni de ses longs cheveux bouclés qui couvraient son dos. Si avant cela, j’avais pu croire que mon cœur n’était plus capable d’éprouver le moindre sentiment, il me suffit de la voir pour comprendre que sa seule présence suffisait à me mettre dans un état émotionnel qui me donnait l’impression que mon cœur allait éclater hors de ma poitrine.

La religieuse, qui semblait être la plus perspicace des deux dames, dû lire sur mon visage les mots que j’avais du mal à maintenir. Au beau milieu de la conversation, remarquant que nous évitions tous soigneusement le sujet, la nonne me demanda sans la moindre hésitation :

« Et votre femme, est elle en bonne santé ? »

Je n’eus d’autre choix que de répondre aussi naturellement que je pus et ensuite de diriger la conversation vers une autre direction. Mais malgré mes efforts, la bonne femme avait atteint son objectif en me rappelant que quelque soit mes intentions au travers de cette visite inattendue, nous ne pouvions, surtout moi, oublier l’existence de ma femme, et les obligations qui me liaient à elle. Une fois encore, je maudis ma destinée, surtout quand je remarquai l’ombre qui couvrit ce beau visage que j’aimais tellement, et toujours avec la même intensité. Se pouvait-il qu’elle souffre encore de notre séparation, peut-être autant que moi ? Je ne pouvais savoir si je devais ressentir ce doute comme un sentiment de joie ou de tristesse.

L’autre dame comprit les intentions sous entendues de sa collègues car il prit alors l’initiative de continuer la conversation en commentant les le temps qui passe et la vitesse à laquelle les enfants grandissent.

- Je n’ai qu’à vous regarder vous et elle – dit la plus âgée – il me semble qu’hier encore vous étiez deux adolescents et regardez maintenant, vous êtes un homme comblé et chef de famille et elle qui va bientôt se marier.

- A ce moment, mes yeux cherchèrent les siens et je croisai son regard. Là je pus voir que c’était la vérité. Elle était sur le point de se marier, je me sentais tellement stupide ! Je mourais pour quelqu’un qui était sur le point de devenir la femme d’un autre homme, et je ne pouvais même pas le lui reprocher étant donné que j’étais déjà marié à une autre femme, et que j’avais choisi moi-même cette destinée.

Mais la succession de mes malheurs de cet après-midi ne s’arrêta pas là. Au travers de la conversation que continuèrent les deux dames, je découvris que le fiancé en question n’était autre que l’homme qui m’avait un jour sauvé la vie et que j’avais toujours considéré comme mon ami.

Comme jamais avant, je ne pouvais contenir ma nature jalouse et possessive. Ma première réaction interne dut un sentiment de colère et de ressentiment envers l’homme qui allait jouir de ce que je n’avais pas été capable de garder et de ses yeux verts, elle semblait me dire en silence qu’elle ressentait encore quelque chose pour moi, en dépit de ce mariage par lequel elle s’apprêtait à donner sa vie à un autre homme, un homme qui n’était pas moi. Mais bientôt ma colère se transforma en moi, je réalisai que mon meilleur ami pouvait lui offrir la stabilité et un amour sincère, alors que moi je m’étais engagé envers une autre femme.

Comment pouvais-je ressentir autre chose que de la joie en apprenant que finalement elle serait enfin heureuse ? N’était-ce pas ce que je voulais le plus, qu’elle soit heureuse ? Qui mieux que lui en était capable, je savais qu’il était l’une des personnes les plus nobles et les plus honorables que j’aie jamais rencontré ? Pourtant je ne pouvais m’empêcher de me sentir triste d’apprendre que finalement nous serions doublement séparés et cela pour le reste de nos vies.

La conversation continua sur différents sujets, mais je ne peux me souvenir de quoi que ce soit que j’aie dit. J’étais si perturbé par les différentes émotions qui m’envahissaient. Quand la nuit tomba, je m’excusai en disant que j’avais une longue distance à parcourir pour rejoindre ma voiture et la plus âgée des dames eut une bien mauvaise idée en suggérant qu’Elle m’accompagne jusqu’à la ferme voisine en prenant leur voiture car elle avait l’habitude de l’utiliser.

La dernière chose dont j’avais besoin était de me retrouver seul avec elle. Mais il semblait que les dames voulaient nous donner l’opportunité de nous dire un dernier au revoir, et cela après nous avoir rappelé à nos obligations au cours de la discussion, et que nous devions faire preuve de loyauté et tenir des promesses auxquelles nous ne pouvions pas tourner le dos.

Visiblement tendu, elle trouva la force de m’accompagner et je ne fus pas surpris de voir qu’elles avaient un moyen de transport, sachant Qui était SON fiancé. Je dis au revoir aux dames et nous avons commencé notre court voyage, il régnait un sentiment extrêmement nerveux. Je me souviens encore mot pour mot de la conversation que nous avons eue dans la voiture.

- Je suis contente que tu sois venu – dit-elle pour rompre le silence inconfortable et je pus voir que tous ses mots étaient sincères.

- Pour te dire la vérité, je n’avais pas prévu de venir ici. J’ai fait tout cela sur un coup de tête – avouais-je.

- Je comprends. Mais c’était agréable de te voir de toute façon – répondit-elle sans détacher les yeux de la route.

Ensuite le silence, régna à nouveau et durant quelques minutes, je réfléchis à la question qui me brûlait l’esprit. Je savais très bien qu’il ne fallait pas que je la pose, j’avais déjà fait suffisamment de trucs idiots pour ce jour là, mais il me manquait encore le plus insensé de tous, et peut-être le plus inoubliable !

- Je n’avais rien entendu au sujet de ton mariage avec Albert – lui dis-je sans pouvoir la regarder.

- Et bien – dit-elle et je pouvais dire que sa voix tremblait – nous avons toujours été très proche l’un de l’autre … et les choses … sont arrivées petit à petit. Il m’a demandé de l’épouser il y a quelques mois et j’ai dit oui. C’est tout.

- Tu seras alors l’épouse d’un millionnaire – lui dis-je pour un peu alléger l’atmosphère – Je n’arrive toujours pas à croire qu’il soit l’héritier des André.

- Comment as-tu trouvé l’identité d’Albert ? – me demanda-t-elle, maintenant ainsi la conversation sur des sujets moins dangereux.

- Par les journaux, il y a quelque temps – répondis-je avouant ainsi que malgré mon éloignement, je ne pouvais cesser de penser à la même chose – je suppose que ta vie va beaucoup changer maintenant.

- Seulement en partie – dit-elle avec une tristesse dans la voix, qu’elle pouvait cacher à tout le monde, mais pas à moi. Il a promis qu’il me garderait éloignée des obligations mondaines. Tu sais que je ne me suis jamais très bien sentie dans ce monde.

- Mademoiselle Tâches de Son gardera son côté rebelle même si elle devient une grande dame, je suppose – commentais-je en laissant échapper un petit rire qui me rappela le passé. Au moins cela, ni mon épouse ni son fiancé ne pouvait nous le prendre.

- Exactement comme un certain acteur que je connais – Elle riait pour la première fois de l’après midi et je sentis tout à coup une chaleur envahir mon âme. Son sourire avait toujours le même effet réconfortant.

- Je suppose que tu as raison, au fond je crois que nous resterons toujours les mêmes jeunes fous, malgré que … - J’hésitai et préférai garder le silence.

- Malgré que quoi ? – Demanda-t-elle et parfois je pense qu’il n’aurait pas fallu qu’elle pose cette question.

Je savais que j’aurais du me taire, ou inventer quelque chose, mais après les dernières émotions que mon cœur avait traversées ces dernières heures, celui-ci ne put résister à une soudaine atteinte d’honnêteté.

- Même si l’esprit souffre maintenant de tant de tristesse inoubliable – dit-je en la regardant alors qu’elle freina soudainement et que sans dire un mot, elle sortit de la voiture. Je la suivi sans penser à autre chose qu’aux larmes qui pouvaient sortir de ses yeux.

- Pourquoi es-tu venu ici ? – dit elle quand elle me sentit derrière elle – Tu ne te rends pas compte que ta femme pourrait l’apprendre et prendre mal les choses ?

- Je … - bégayais-je honteux – Je suis conscient que ce que je fais est mal, mais le fait d’être si près … Je n’ai pas pu résister à la tentation de te voir. Il n’était pas prévu que tu me vois. Je voulais juste te regarder mais ton chien a modifié mes plans.

Elle rit entre ses larmes et se retourna pour me faire face. Elle était encore plus belle avec ces larmes qui confessaient toute l’affection que sa bouche ne voulait pas avouer. Une fois encore, j’aurais du garder le silence mais le feu de la passion m’emporta, sans me laisser l’occasion de réfléchir à ce que je faisais.

- Dis moi, s’il te plait – la suppliais-je en me rapprochant – Dis moi que tu l’aimes comme tu m’aimais autrefois.

- Pourquoi veux tu entendre cela ? – me défia-t-elle - En tout cas, il me semble que si tu as été capable de l’aimer, elle, c’est que tu dois être heureux comme tu me l’avais promis.

- Alors je devrais répondre que je suis un bien piètre teneur de promesses – Lui confessais-je à seulement quelques pas d’elle – Si tu me posais des questions au sujet de mes sentiments pour elle, je te répondrais que je ressens de l’estime, de la gratitude et de la considération … mais la passion et l’amour absolu, comme j’éprouvais pour toi … comme j’éprouve encore pour toi … C’est bien ma chance ! … Il n’en sera jamais pareil pour elle. J’ai essayé pendant longtemps sans résultats – Et en lui disant la triste vérité, je pouvais sentir les larmes me monter aux yeux. Elle était la seule femme face à qui je pouvais pleurer.

- Oh mon Dieu – Fut tout ce qu’elle pu dire en cachant son visage dans ses mains et se retournant une fois encore – Je n’ai jamais voulu que tu sois malheureux. Dieu sait que je n’ai jamais voulu cela ! – sanglota-t-elle, et je ne pus m’empêcher de prendre ses épaules entre mes mains et de poser mon front sur sa crinière dorée.

- Ce n’est pas de ta faute. J’ai passé les meilleurs moments de ma vie avec toi – murmurais-je à son oreille, essayant de la consoler, oubliant ma propre douleur et la jalousie qui me tourmentait. C’est pour ça que je suis venu te voir, même si ma visite était incorrecte. J’avais besoin d’une dernière image en mémoire. Pardonne-moi d’être venu troubler la paix dans laquelle tu vis !

Elle resta immobile et silencieuse pendant un moment alors que mon âme reprenait vie au contact de nos corps, même de cette façon apparemment faible et anodine, ma tête était envahie d’une chaleur qui m’avait manquée durant longtemps, mais dont je craignais l’effet de tout mon être.

- Alors dis moi seulement que tu seras heureuse avec lui – La suppliais-je – Dis moi que tu l’aimes autant ou plus que moi, ainsi je pourrais repartir en paix, même si cela dois me briser jusqu’à l’âme à nouveau.

Elle se retourna et se jeta dans mes bras en pleurant de façon incontrôlable pour ensuite me dire entre deux sanglots :

- Je ne peux pas ! Je voudrais pouvoir te mentir mais je ne le peux pas. J’ai essayé une fois de t’écrire une lettre pour te dire que tout était oublié, mais je n’ai pas trouvé le courage de l’envoyer. Comment pourrais-je te dire maintenant que je suis amoureuse de l’homme qui va devenir mon mari, si ce n’est pas le cas ?

Sans savoir comment faire face aux sentiments mélangés qui explosaient en moi, je décidai simplement de l’enlacer contre moi, oubliant un instant qui nous étions, répétant son nom encore et encore, de nom qu’à présent, je n’ai pas le courage d’écrire, parce que le voir écrit sur ce papier me serait aussi pénible que d’entendre sa voix à nouveau. Une voix que je ne pourrais plus jamais entendre.

- Je l’aime – continua-t-elle – mais pas comme il en aurait besoin. Parce que cet amour intense qui nous envahit nau plus profond de notre, cet amour qui l’emporte sur notre volonté, je le ressens uniquement pour toi. Mais on ne peut pas, tu sais qu’on ne peut pas. Néanmoins, je pense que je peux être une source de bonheur pour lui et je prie pour qu’il ne découvre jamais tout cet amour que j’ai pour toi, de la même façon que j’espère qu’il n’apprendra jamais ce qu’il se passe à cet instant même – me dit-elle et les larmes ne pouvaient cesser de couler de nos yeux.

- Mais mon amour – l’appelai-je sans la moindre retenue, désespéré de voir qu’elle souffrait de cette façon – Pourquoi te maries-tu avec lui alors ? Je ... Je sais ce que c’est de vivre à côté de quelqu’un pour qui on éprouve seulement de l’affection mais pas de l’amour. Ne te condamne pas à l’enfer dans lequel je vis. Tu dois être heureuse, toi … - Je repris mon souffle sentant mon cœur se briser encore une fois face à la peine que les mots que je disais étaient en train de me causer – Tu dois … attendre de trouver un homme … tu peux aimer vraiment – les larmes coulaient sur mon visage et me brûlaient la peau comme des charbons ardents et l’anxiété m’étranglait la poitrine – un homme qui fera que tu m’oublieras pour toujours, celui qui pourra reprendre ton cœur, même si j’en suis fou de jalousie.

- Mais ce n’est pas possible – Sanglota-t-elle dans mes bras – Tu ne seras jamais effacé, tu ne quitteras jamais mon esprit ! Le jour où tu quitteras mon cœur sera celui où il ne battra plus. Tu ne comprends pas ? Mais … je veux me marier, peut-être que tu ne comprends pas …

Je la regardai … sa confusion et quand elle leva son visage, je vis les yeux verts les plus tristes que j’aie jamais vu.

- Je ne veux pas finir seule – Me dit-elle finalement avec la même tristesse dans les yeux – Je veux avoir des enfants, une famille, celle que je n’ai jamais eu. Peux-tu comprendre ?

Je ne sais toujours pas comme mon âme a pu survivre à ces mots qui m’étaient lancés à la face, notre amère vérité. Ce qu’elle voulait le plus dans la vie, j’aurais pu le lui donner … et à la fin, je n’avais pas pu le faire. Je me déteste encore plus depuis ce jour-là.

- Dieu ! Dieu ! – répondis-je d’une voix grave de douleur – Quelle faute ont bien pu commettre nos ancêtres pour que nous devions le payer ainsi ? Pourquoi cet amour si pur et bon, si intense que ni le temps ni la distance ne pouvaient briser, est-il devenu un péché ? Pourquoi ne peux tu pas être ma femme, alors que tu es au plus profond de moi la femme de mon cœur ? Pourquoi m’es-tu interdite ?

Après toutes ces confessions et l’ayant tellement proche de moi, je ne pus résister à la tentation de l’embrasser, un désir qui m’avait torturé cruellement tout l’après midi alors que je l’observais de loin. A ma plus grande joie et aussi ma grande tristesse, je reçus la preuve qu’elle en avait envie aussi, parce que pour la première et unique fois de nos vies, elle répondit à mes baisers sans retenir sa passion.

Je comprenais que ce que nous faisions était incorrect, que nous n’aurions pas du nous permettre cette liberté, mais alors que les années avaient passé, cette mémoire vibrait toujours en moi comme les souvenirs les plus ardents de ma vie. Jamais mes lèvres n’avaient touché celles d’une femme avec une telle intensité et une totale dévotion quand je l’embrassais. Jamais je n’avais pu sentir quoi que ce soit comparable à ce moment où ma bouche à trouvé la sienne et que l’humidité de ce baiser à envahi ma raison, avec ce doux goût, comme de fleurs sauvages. Je me plais à penser que grâce à ce baiser nous sommes restés plus unis que nous n’aurions pu l’être à nos époux, même après des années de vie conjugale.

Mais, le plaisir était décevant car après cet échange intime durant lequel ma bouche buvait à la sienne, mon corps réalisa qu’une fois encore cela resterait inachevé, que l’on ne pourrait jamais consommer l’amour que nos âmes demandaient et suivant cette certitude, une énorme amertume nous repris. Nos consciences ne pouvaient nous laisser oublier toute la notion de nos obligations, d’autant plus que les dames de l’orphelinat nous les avaient rappelées imperceptiblement. Nous avons fini par cesser de nous embrasser et nous sommes dit au revoir.

- Je crois que tu devrais partir avant que nous ne regrettions de faire plus que ce qui est déjà fait – me dit-elle, toujours en pleurant, avec son beau visage rougi par l’échange passionné dont nous venions de faire l’expérience.

- Oui – marmonnais-je sans savoir quoi dire d’autre. Je détournai mon visage pour essayer de voir les lumières de la ferme où j’avais laissé la voiture – Je pense que je peux marcher jusque là ; c’est seulement à quelques mètres.

- Bien – Répondit-elle en détournant les yeux.

Je me retournai, sans savoir que dire ou faire de plus, incapable de lui dire au revoir. Avec mon cœur et mon corps engourdi, je me mis à marcher une courte distance quand je réalisai qu’elle m’appelait et qu’elle courait vers moi.

- Attends – dit elle, agitée, quand elle fut à nouveau près de moi – Tu dois savoir quelque chose.

- Il n’est pas nécessaire que tu dises quoi que soit de plus – Lui expliquais-je en essayant de lui faire comprendre que cela faisait bien assez de confessions pour un seul jour.

- Si tu es venu jusqu’ici et nous avons osé ouvrir nos cœur – Dit-elle, énonçant chaque mot si lentement que ceux-ci résonnent encore à ma mémoire – alors tu dois savoir que je t’aime : hier, aujourd’hui, demain et pour toujours. Mon cœur me dit juste que nous ne nous reverrons plus pour le reste de nos vies ; tout du moins pas vivants.

- Ne dis pas … que … - Essayais-je de l’interrompre parce que sa certitude me blessait encore plus que ses mots.

- Je le sais, ce sera la dernière fois – dit-elle en me tenant la main – Mais je t’assure, que chaque seconde de chaque jour où je resterai en vie, mon cœur battra avec le tien, comme un seul. Je ne peux t’offrir plus que cela, la fidélité de mon âme.

- Et je t’assure – répondis-je ne comprenant à cette instant que ses mots seraient une prophétie – d’y répondre avec la même loyauté. Tu seras toujours la femme de ma vie. S’il devait y avoir d’autres vies, même si je dois encore être séparé de toi et traverser cette douleur immesurable une ou mille fois, je choisirai encore de t’aimer au premier regard.

- Au revoir – me dit-elle retenant un sanglot et elle lâcha ma main.

- Au revoir mon amour – lui répondis-je alors que je la regardais s’éloigner sa longue robe s’agitant dans le vent nocturne. Elle rentra dans la voiture et disparut pour toujours de ma vie dans l’obscurité de la nuit.

J’aurais voulu lui courir après et qu’on s’enfuie ensemble, tournant le dos à la destinée qui nous avait séparés. Mais comment pouvais-je revenir sur ma parole, et l’entraîner, elle qui était la chose la plus pure de mon existence, vers une vie honteuse, la soustrayant à la chance de mener une existence stable aux côtés d’un homme que nous ne pouvions pas trahir, pas seulement parce qu’il était son fiancé, mais aussi parce qu’il était le seul ami que j’aie jamais eu, pour traîner nos noms dans la boue et ternir nos âmes.

Je savais que je ne pouvais pas me permettre même juste de proposer quelque chose comme cela, ainsi nous nous sommes donc quittés à nouveau, nous perdant une fois encore, mais sachant qu’en dépit de nos obligations, nos cœurs garderaient pour toujours ces sentiments contre lesquels il n’y avait aucune loi. Les sentiments qu’au moins, nous avions pu nous avouer l’un à l’autre, grâce à ma folie, que je regrette car je sais combien elle l’a fait souffrir mais aussi à laquelle je suis reconnaissant d’avoir eu cette seule opportunité de nous dire l’un à l’autre ces mots qui signifient tout : Je t’aime. »

 

Fin du chapitre 3 -  © Mercurio