A NEW-YORK STORY
Par Mercurio

Traduit de l'espagnol par Srta.Pecas

Traduit de l’anglais par Fatalzmarion

 

Chapitre 2

Aaron Truman était né au milieu d'une prestigieuse famille. Son père, Gregory Truman était un riche et prestigieux avocat à la tête d’un des plus importants cabinets de Boston. Sa mère, Lucinda Aston, avant d'être Mme Truman, était une journaliste reconnue. Ils avaient été mariés pendant quinze ans. Leur relation avait été très passionnée au début, mais très vite leurs différences d'idées et leurs multiples engagements sociaux les avaient séparés et poussés tous deux vers un divorce à l’amiable.

La rupture de ses parents, bien que s’étant déroulée dans le calme, avait profondément touché le jeune Aaron, alors âgé de douze ans. L’ex-Madame Truman avait rapidement retrouvé l’amour, il avait eu du mal à l’accepter et avait décidé de vivre avec son père.

Depuis toujours, Lucinda était très libérale, voulait que son fils aussi vive dans un esprit libre et ne s’était pas opposée à sa décision

Mais cela n’avait pas aidé Aaron dans ses relations avec son père qui était toujours tellement occupé. Dès lors le jeune homme gardait en lui une profonde aversion envers ses parents et restait refermé sur lui-même, se tournant uniquement vers le confort que lui procuraient la peinture et le dessin.

La rupture définitive entre Aaron et son père survint quelques années plus tard, lorsque le jeune homme annonça qu'il voulait étudier l'art, surtout la peinture et le design.

M. Truman ne croyait qu'un homme de son statut pourrait se consacrer aux arts. Il considérait les artistes comme des parasites improductifs, des communistes et des agitateurs. C’est ce qu’il avait l'habitude de dire à son fils et l’idée que celui-ci voulait justement en devenir un le rebutait. Il était contre.

Par sa part, Lucinda, voyant une occasion de rétablir sa relation avec son fils, le soutenu. De cette façon, si la séparation entre les Truman avaient été civilisée et pacifique avant, la vraie guerre commença six ans après leur divorce lorsque Aaron fut inscrit à la School af Arts Tisch de New York. Soutenu financièrement par sa mère, il n’avait plus besoin de son père. Pour Grégory, cela marqua la rupture des liens avec son fils qui quitta sa maison en plein milieu de la nuit, emportant uniquement son porte-documents de dessins et sa moto, et parti furieux avec Lucinda.

Gregory n’oublia jamais la force et la détermination qui était apparue sur le visage de son fils à cette époque. Ses yeux bleu vert se transperçaient d’éclairs, alors qu'il mettait sa veste de cuir noir et son casque par-dessus sa longue chevelure couleur châtaigne. Quand le grondement du moteur de son Harley Davidson indiqua qu’il était prêt à démarrer, le jeune homme avait regardé en arrière, vers une fenêtre. C’était la seule fenêtre sans lumière de tout le manoir et Aaron savait que dans l’obscurité, son père le regardait. Il retira l’engin de sa béquille, fit demi tour et partit. Son père de le reverrait pas avant un long moment.

Pourquoi l’arrogant et fier Aaron avait-il accepté l'aide de sa mère? Eh bien, en vérité, il aurait voulu faire son chemin tout seul mais il n’en avait pas les moyens et dès lors, ses objectifs auraient été impossibles à réaliser. Au cours de ses études secondaires, Aaron avait été forcé d'étudier dans une école presbytérienne, dont les règles étaient très strictes et l'éducation traditionnelle étouffante.

Dissipé et ne s’adaptant pas à cet environnement, Aaron n’avait pas obtenu à proprement parler de bonnes notes, principalement car il manquait souvent les cours et qu’il se contentait d’obtenir des notes passables, ce qui pour lui était très facile. Il continua comme cela jusqu’à quelques mois avant d’obtenir son diplôme, quand il décida d’étudier l’art et qu’il se mit à regretter de n’avoir pas été plus discipliné et appliqué !!

S'il avait eu de bonnes notes, il pourrait avoir obtenu une bourse. Mais avec ses performances au lycée, même avec de l'argent, il lui était devenu difficile de se lancer dans l'école de son choix. Aaron du dont avaler sa fierté et de se tourner vers sa mère pour obtenir de l'aide afin de poursuivre ses études.

Après le retour d’Aaron, sa mère et lui finirent par briser la glace de leur relations tendues et à refermer leurs blessures.

C’est dans cet esprit que le jeune homme partit pour New-York où il commença à étudier et pour la première fois, il manifestait un intérêt sincère aux cours qu’il suivait.

Bientôt ses aptitudes commencèrent à s’épanouir et à se surpasser et il obtint même une certaine notoriété pour être l’étudiant qui obtenait sans effort les meilleures réalisations des cours en dessin, théorie de la couleur et peinture.

Le père de Lucinda mourut vers la fin de la première année d’étude d’Aaron et laissa une somme d’argent à son petit fils. Sans hésiter, le jeune homme utilisa ce petit héritage pour obtenir un petit appartement à Manhattan qu'il transforma bien vite en studio, provoquant la jalousie chez certains de ses camarades de classe, dans la mesure où ceux-ci logeaient dans des dortoirs, sans beaucoup de place pour déployer leur art et rendez-vous du week-end ! Ironiquement, Aaron n’utilisait pas ses privilèges de la manière dont ses camarades de classe l’auraient fait …

Il avait eu quelques relations mais plus par curiosité qu’autre chose et il avait l’habitude de dire qu’il était bien trop occupé pour perdre son temps ! Ses amis pensaient qu'il était fou de ne pas utiliser son appartement à son plein potentiel. Il avait de l'argent disponible de par sa mère et il était notablement attirant mais le jeune homme préférait conserver son attitude capricieuse et indifférente. C'était comme si chaque nouvelle fille qu'il rencontrait confirmait sa théorie selon laquelle il n’avait pas beaucoup de prédilection pour l'amour et l'amour n’avait pas beaucoup de prédilection pour lui. C'est du moins ce qu'il disait.

Mais ce jeune homme gardait en secret une sorte d’obsession qui le poursuivait depuis son enfance. Il ne se souvenait pas exactement comment ou quand cela avait commencé, mais cela se passait depuis des années, il souffrait du même rêve récurrent qui venait l’envahir plusieurs fois par mois et parfois même plus d'une fois par semaine. Il ne pouvait pas dire que c'était une compagne de nuit, la plupart du temps, il se réveillait avec cette sensation gênante, comme un vide, une frustration et une profonde tristesse qu'il ne pouvait expliquer.

Quand il était petit, le rêve commençait dans une chambre avec des meubles anciens, où lui-même alors âgé de dix ans était assis sur le bord d’un lit à lire un bouquin dont il ne parvenait pas à se souvenir du titre. Il entendait frapper à la porte mais quand il allait voir qui s’était, il n’y avait jamais personne. Puis il commençait à courir à travers les couloirs pour voir s’il trouvait quelqu’un pour finir par sortir de bâtiment qui sentait le cloître et la réclusion.

Une fois sorti de ce sombre bâtiment, l’ambiance changeait. Il y avait comme un soleil de matin d’été, il pouvait admirer le vol nerveux d’une libellule sur une vallée verdoyante qui sentait l’herbe fraîche comme un matin après la pluie.

Aaron entendait alors une voix appeler un nom qui n’était pas le sien et dont il ne se souvenait pas après le rêve. Mais dans son songe, Aaron savait que la voix l’appelait, lui, et il continuait ses recherches jusqu’à ce qu’il trouve une jeune fille environ un an ou deux plus jeune que lui. Elle se trouvait à distance, il pouvait à peine la voir. Elle avait des cheveux d’or et lui souriait avant de se retourner et courir vers les bois.

Aaron ressentait le besoin de courir après elle, comme s’il s’agissait d’une amie perdue depuis longtemps mais la jeune fille était beaucoup plus rapide que lui et il ne parvenait jamais à la rattraper. Le garçon se réveillait alors au milieu de la nuit, complètement décalé de toute notion de temps, allumait la lumière de sa chambre et attrapant papier et crayon se mettait à dessiner le visage de cette jeune fille qu’il pouvait à peine distinguer.

De cette manière, au fil des années, Aaron possédait une étrange collection de dessins d’une fille blonde au visage souriant.

Au fil du temps, le garçon avait grandi et la jeune fille du rêve avait changé elle aussi. Alors qu’il devenait un homme, elle ressemblait de plus en plus à une femme et avec le temps, il lui avait été possible de se rapprocher et de découvrir ce visage qui jusqu’alors était couvert d’un brouillard.

De cette façon, Aaron pouvait la dessiner plus en détail : ses cheveux blonds bouclés rebelles, ses yeux verts comme des émeraudes, son nez court et pointu et un immense et sincère sourire sur ses lèvres qui avec les années étaient devenus source de trouble chez le garçon. Elle avait une peau très pâle, le museau parsemé de tâches de rousseur qui se déplaçaient quand elle souriait.

Comme son talent artistique se développait de plus en plus, ses dessins devenaient étonnamment réels et ils s’étaient transformés en peinture de portraits d’une jeune femme portant toujours une robe couleur pêche. Sans qu’il s’en rende compte, la jeune femme de ses rêves le fascinait complètement et ce qu’il avait jusqu’alors ressenti pour tout autre femme n’était en rien comparable à ce qu’il ressentait pour elle.

Durant la dernière année, le rêve était devenu plus intriguant, voire douloureux. La jeune femme souriait encore pour commencer puis lorsqu’il commençait à courir après elle, il pouvait voir qu’elle pleurait. Elle se tournait vers lui et il pouvait voir son visage couvert de larmes jusqu’à ce que son rêve prenne fin.

Le jeune homme se réveillait et pleurait lui aussi amèrement et en ces moments, il était heureux de ne pas avoir un colocataire. Il se remettait à sa table de dessin et frénétiquement, se mettait à esquisser un nouveau portrait.

Les jours et les mois s’écoulèrent et une autre année toucha à sa fin. Michie et Faith étaient fort occupées avec la charge de travail scolaire, les émotions causées par les examens de fin d’année, les fêtes du week-end, la vie amoureuse agitée de la petite péruvienne dont Faith n’aurait jamais pu faire une liste, Faith qui ne se lassait pas d’interférer dans la vie des gens et même si c’était toujours avec les meilleures intentions cela n’était pas toujours bien perçu.

Michie et Faith avait pris possession de la « Chambre aux Trésors » qu’elles avaient transformée en salle d’étude et où elles passaient beaucoup de temps à la préparation de leurs cours et travaux scolaires. Même si avec le temps, elle avait fini par s’habituer à cet environnement, Faith éprouvait encore une étrange fascination envers cette chambre et tout ce qui s’y trouvait. Elle ne pouvait expliquer cet étrange sentiment qu’elle ressentait lorsqu’elle s’y trouvait et qui plus est si elle y était seule.

De plus depuis le premier jour où elle était entrée dans cette pièce secrète, pour une raison qu’elle ignorait et dans des conditions inexplicables, la jeune blonde avait commencé à ressentir d’étranges sensations en son corps. En ces moments bizarres, il lui semblait que son âme lui quittait le corps pour retourner en arrière, se noyer dans de vieux souvenirs qui lui étaient chers, des rêves, des espoirs et une tristesse enfouie.

Le plus étrange, c’est que Faith ne se sentait pas elle-même en ces instants, elle vivait pendant quelques secondes à travers des images qu’elle pouvait voir dans sa tête mais qu’elle ne pouvait comprendre.

La scène du jeune homme descendant l’escalier ne se cessait de se répéter encore et encore, lui laissant toujours une profonde sensation de mélancolie qui lui étranglait la gorge, comme si elle avait à jamais perdu quelqu’un de très important et cher à son cœur.

Après chaque manifestation de ces épisodes, la jeune femme restait plusieurs jours fort déprimée mais en raison de sa propre volonté et son énergie sans fin, elle finissait par reprendre le dessus pour porter secours plus aux autres qu’à elle-même.

Michie remarqua à plusieurs reprises la tristesse de la jeune fille mais mettait cela sur le compte de l’éloignement d’avec sa maman. Alors, elle essayait de la maintenir le plus possible en société, insistait pour qu’elles sortent s’amuser afin de lever les obscurs nuages de l’esprit de Faith.

Mais ce ciel imaginaire restait sombre et ses visions se produisaient de plus en plus souvent, toujours avec le même résultat.

Enfin, une nuit, les choses prirent une tournure inattendue …

Michie était sortie avec un étudiant en droit qu’elle avait rencontré à une fête et Faith était restée à la maison pour terminer un travail pour l’un de ses cours. L’appartement était plongé dans le plus grand silence et on pouvait entendre le bruit de la pluie sur les carreaux et les doigts de Faith taper énergiquement sur le clavier.

C’est à ce moment que cela se produisit … La foudre illumina tout l’appartement bien plus que la petite lampe que Faith utilisait et juste après, la chambre fut plongée dans le noir. La jeune fille se lamenta pour la centième fois de ne pas avoir une source d’alimentation extérieure qui lui aurait permit de continuer à travailler malgré la coupure de courant.

La jeune fille se leva de la table où elle travaillait, celle-là même qu’elles avaient découvert dans la Chambre aux Trésors. Elle allait se rendre à la cuisine à la recherche d’une bougie quand l’électricité revint. Elle retourna à l’ordinateur pour voir combien de pages avaient pu être sauvegardées.

A son plus grand bonheur, elle n’avait pas perdu une seule ligne, mais la bonne nouvelle retomba lorsque les yeux étonnés de la jeune fille se fixèrent sur la fin de la dernière page et qu’elle réalisa qu’une nouvelle ligne était mystérieusement apparue et plus encore, il s’agissait de mots qu’elle n’avait pas écrit.

Se frottant les yeux, elle relit l’écran ne pouvant croire ce qu’elle lisait. Face à elle, sur l’écran qu’elle utilisait, on pouvait lire clairement :

« Le fond caché du deuxième tiroir »

Faith pensa qu’elle était en train de devenir folle et en un réflexe pour retrouver sa sérénité, elle effaça le message qu’elle voulait considérer comme une mauvaise plaisanterie de Michie mais comme la jeune fille n’était pas dans la pièce, il était impossible pour elle de l’avoir fait.

La blonde secoua la tête essayant de garder son esprit clair et avec des doigts hésitants, essayé de continuer à écrire. Mais peu après, ses doigts ne répondirent plus. Ses yeux étaient comme fixés au second tiroir du bureau et prenant son courage à deux mains, elle l’ouvrit et le vida de son contenu avec une inexplicable anxiété.

« Le fond caché du deuxième tiroir »

Elle ne cessait de se répéter cela à elle-même alors qu’elle sortait crayons, trombones, gommes et autres objets jusqu’à ce que le tiroir soit vide.

« Le fond caché du deuxième tiroir »

Avec des mains tremblantes, elle toucha le fond du tiroir quand du bout des doigts, elle senti une rainure dans l’un des côtés. Elle poussa avec son index et la pièce de bois se déplaça facilement, laissant découvrir le contenu poussiéreux du fond caché.

Peut-être caché depuis de nombreuses années, elle découvrit un livre de cuir avec de grandes pages. La jeune fille le prit en mains et une autre vision lui apparut à l’esprit, celle de grandes mains écrivant nerveusement sur les pages du livre qu’elle venait de découvrir. Sa vision terminée, elle entreprit débarrasser le livre de sa poussière avec le chiffon qu’elle utilisait pour nettoyer l’écran de son ordinateur.

Faith ouvrit ensuite le livre et se rendit compte que c’était bien plus qu’un simple bloc notes. La première page manuscrite portait un poème :

Arrêtez les pendules, coupez le téléphone,
Empêchez le chien d'aboyer pour l'os que je lui donne,
Faites taire les pianos et sans roulement de tambour,
Sortez le cercueil avant la fin du jour.

Que les avions qui hurlent au dehors
Dessinent dans le ciel ces trois mots : Elle Est Morte,
Accrochez des voiles noires aux colonnes des édifices,
Gantez de foncé les mains des agents de police.

Elle était mon Nord, mon Sud, Mon Est et mon Ouest,
Ma semaine de travail, mon dimanche de sieste,
Mon midi, mon minuit, ma parole, ma chanson ;
Je croyais que l'Amour jamais ne finirait : je me trompais..

Que les étoiles se retirent ; qu'on les balaye ;
Démontez la lune et le soleil,
Videz l'océan, et arrachez la forêt ;
Car rien de bon ne peut advenir désormais. (*)

La jeune fille reconnu le poème pour l’avoir étudié en cours de littérature en secondaire, mais il ne l’avait jamais rendue si triste et si désolée. Subitement, c’était comme si l’immensité de ses interrogations et sentiments amers s’était ouverte pour laisser libre cours à une tristesse cachée qu’elle ignorait et qu’elle gardait enfermée en elle. Des déchirures apparurent à ses yeux et elle aurait aimé quitter la chambre, jetant au feu cet étrange livre dont le simple contact donnait une inexplicable et irrationnelle satisfaction à chagrin mais une force bizarre lui disait de continuer à lire les pages suivantes.

Sur la seconde page avec les mêmes lettres décisives, il était écrit une date : 02 Juillet 1923.

(*) Funeral Blues par WH Auden (états unis) Critique et poète – 1907 à 1973

 

Fin du chapitre 2 -  © Mercurio