Retrouvailles dans le
tourbillon CHAPITRE 6 (gentiment traduit de l'anglais par Rémi) La fin d'un mythe
Comme toutes les femmes, Candy aurait voulu être élégante pour une telle rencontre .Mais malheureusement, la réalité était bien différente. Dans les bois, la résille qui attachait ses longs cheveux bouclés en un parfait chignon sétait certainement prise dans une branche et avait été déchirée. Ses cheveux tombaient maintenant en désordre sur son dos et sa poitrine et, mouillés, ils avaient pris la couleur jaune foncé du bronze poli. A la place de lune des jolies robes quelle possédait dans la demeure des André, Candy était vêtue de son uniforme bleu de tous les jours, dune jupe droite qui lui tombait sur les chevilles et dun gilet de laine noir. Ses bottes de cuir blanches ainsi que son gilet étaient trempés, victimes de la longue marche dans la neige. "je dois faire peine à voir" pensa-t-elle et elle aurait été effrayée si elle avait pu lire dans les pensées de Terry. Aux yeux du jeune homme, elle était la représentation la plus fascinante de la beauté quil avait vu de toute sa vie. "Alors sergent" dit le capitaine Jackson pour rompre le silence."Maintenant que vous ne prononcez plus que quelques mots, je vous serais reconnaissant de dire la vérité à propos de cette demoiselle. Par conséquent nous devons trouver un moyen de laider ainsi que tous les blessés quelle a dû quitter. Terry hocha la tête silencieusement mais ne put faire entendre une réponse audible car son attention sétait soudainement portée sur les vêtements de Candy. Elle était trempée et elle tremblait. « Mon dieu, elle est morte de froid »pensa-t-il. « Je pense que nous devrions dabord donner des vêtements secs à cette demoiselle, monsieur , suggéra Terry dune voix qui reflétait sa contrariété. Il sempara de son manteau posé sur une chaise et avança brusquement vers Candy.
- Je vais vous indiquer lendroit où vous pouvez vous changer, Candy » dit il doucement en inclinant sa tête vers la sienne. Confuse de la proximité de Terry, Candy se contenta dacquiescer tandis que le jeune homme la prit par lépaule dun bras possessif pour lemmener vers une autre tente. Dehors, loin du chauffage portable du Capitaine Jackson, Candy eut la sensation que la température était encore plus basse quavant. La neige tombait toujours avec persistance et Terry resserra son étreinte autour des épaules de Candy pour la protéger du vent froid bien que cela ne s'imposait pas. Ils sentaient tous deux une telle chaleur à lintérieur que les rafales glaciales nétaient pas aussi fortes que le battement de leur cur ; la peine intérieure avait mystérieusement disparu. Terry emmena Candy vers une grande tente. A lintérieur, une dizaine de soldats se levèrent immédiatement lorsque le couple entra, en partie parce quun officier était apparu mais aussi à cause de la présence inattendue dune femme dans le camp. Les hommes se regardèrent avec incrédulité, incapable de prononcer le moindre mot. Terry inclina simplement la tête vers ses hommes en dirigeant ses pas vers un coin de la tente pour prendre une chemise, une paire de chaussettes et un pantalon dans un sac à dos. Il hésita une seconde mais se ravisa à la vue des pieds de candy. Il prit également une paire de bottes noires qui traînait là, sous un des lits pliants. « Je sais que cest trop grand, dit il un peu embarrassé. Mais cest mieux que rien . - Ca ira, répondit-elle sadressant à lui pour la première fois de la soirée. - On va te laisser seul, dit le jeune homme en essayant désespérément de garder le contrôle de lui même. Puis, il se retourna pour constater les visages étonnés des soldats derrière lui. - Tout le monde dehors ! »ordonna-t-il clairement en quittant la tente avant eux, mais en attendant à lextérieur pour vérifier si tout le monde sexécutait et laissait la jeune fille seule. Candy regarda fixement les vêtements que Terry avait laissé pour elle sur le lit de camp. Elle commença à se déshabiller avec une nervosité incompréhensible Ce nétait pas sous le coup de la froide nuit, ou le grand danger quelle avait affronté durant sa marche sans but précis dans la forêt enneigée. Ce nétait même pas la situation précaire dans laquelle les blessés et leurs amis avaient été laissés Cette nervosité était dun autre genre et Candy savait très bien quelle en était la cause. Cétait une sensation unique dans son cur, une plaisante difficulté, une contraction des muscles, le rythme fou de son pouls. Une sensation quun seul homme sur terre pouvait lui faire éprouver. Et maintenant elle devait se déshabiller pour porter ses vêtements. Elle resta un instant immobile, tenant la chemise de Terry contre ses seins nus et laissant son essence de lavande envahir ses narines Mais la seconde suivante, limage de flammy et Julienne tourmenta ses pensées et elle dû interrompre les divagations de son cur comme elle commençait à enfiler luniforme. Alors, les effluves enivrantes de lavande enflammèrent sa peau et Candy eut la sensation que le jeune homme la soulevait comme il lavait fait dans le passé. « Bonté divine, Candy ! » gronda-t-elle alors quelle enfilait une paire de bottes trop grandes pour ses petits pieds, «ressaisis toi ma fille ! rappelle toi, rappelle toi de ta position, de sa position ! » Cette dernière pensée baigna son âme comme une douche gelée sur le cur. A lextérieur de la tente, une autre flamme brûlait dun éclat désespéré. Gardant cet endroit comme un sanctuaire, Terry attendait à lentrée. Les battements de son cur défiaient les lois médicales en galopant dans une course infernale. Même si cela semblait impossible, il était presque sûr de pouvoir entendre chaque vêtement tomber sur le sol alors quelle se déshabillait dans la tente. Etait-ce seulement son imagination qui lui jouait des tours cruels ? Le léger bruit était une torture lente, douce et agaçante à la fois. Lesprit de Terry avait laissé de côté les pensées concernant Candy, le fait est quelle se trouvait prés de lui après si longtemps. Plus rien sur la planète ne comptait pour lui comme si les obstacles immenses qui les avaient séparés avaient été effacés en un instant ;il était pris de vertige, encore enivré de ses retrouvailles avec elle. Lidée que, dun simple coup dil, il pouvait se délecter dune vision céleste, le séduisait. Pourtant, il ne bougea pas dun pouce jusquà ce que Candy apparaisse vêtue de son uniforme et de son manteau. « Je suis prête » dit-elle en évitant son regard. Il remarqua que quelque chose avait changé en elle comme si elle avait creusé une tranchée pour les séparer pendant quelle se changeait. Il avancèrent lentement jusquà la tente de Jackson en combattant leurs démons personnels, sans savoir quils partageaient les mêmes tourments. Jackson avait décidé quétant donné les conditions climatiques, la meilleure chose à faire était de rapatrier les blessés au camp pour quils se réchauffent jusquà ce que le temps leur permette de continuer leur marche vers Paris. Alors, il ordonna immédiatement à Terry daffréter deux camions pour retrouver les gens abandonnés. Evidemment, Candy dut se joindre à léquipe de sauvetage pour leur montrer le chemin. Pendant le court trajet, Terry avait les yeux rivés sur Candy sous le clair de lune. Il se sentit Terriblement chanceux de ne pas être celui qui conduisait le camion ; de ce fait, il pouvait apprécier les délices dune promenade mentale sur tous les traits de son visage. Il pensait quil avait pratiquement oublié limmense plaisir dadmirer ce petit nez retroussé, ces grands yeux verts entourés de longs cils noirs, ces lèvres qui accablaient son cur à chaque fois quils parlaient. Il était euphorique. Cétait un sentiment étranger à son âme emprisonnée par des ombres pendant presque trois ans. Soudain, les furtifs rayons de la lune se reflétèrent sur une surface brillante, ce qui le tira de son rêve inconscient. Cétait un scintillement sur la main droite de Candy qui montrait du doigt la route au conducteur, un diamant qui répandait son éclat lumineux dans la nuit noire. Lamère vérité- ou plutôt ce que Terry pensait être la vérité- le gifla, le forçant à admettre sa stupidité. « Un anneau, un diamant à son troisième doigt, accompagné dune bague, une alliance ! » se dit il. «avais-tu oublié, crétin ? Elle est mariée, il est défendu de lapprocher. Comment as-tu pu ignorer aussi facilement ce petit détail ! Cur stupide qui bat sauvagement et qui rêve tout le jour de lèvres qui ne lui appartiennent pas ! » « Tu vas bien ? demanda Candy pour mettre un terme à sa torture mentale. Tu as pali tout dun coup ,ajouta-t-elle avec une grande inquiétude. - Je vais bien » grommela le jeune homme en tournant la tête pour masquer son trouble. A partir de ce moment, Candy sentit que Terry avait érigé son propre mur contre celui quelle avait elle même construit en sortant de la tente avec ses vêtements. De plus, elle devait ladmettre, les frontières quelle avait établies étaient précaires et étaient presque tombées sous la persistance du regard de Terry pendant le voyage. « Cest mieux ainsi , pensa-t-elle tristement, je ne pourrais supporter son regard sans exprimer ce que je ressens tôt ou tard. » Cela ne leur prit que quelques minutes de plus pour finalement apercevoir le camion sur la surface enneigée. Dès que leur camion sarrêta, Candy en bondit la première pour courir avec acharnement vers ses amis. La portière arrière du camion abandonné souvrit sur une jeune femme avec une cape noire qui courait vers Candy en criant son nom. Les deux jeunes femmes se tombèrent joyeusement dans les bras à mi parcours. « jai pensé que je ne te reverrai plus mon amie » dit Julienne, trop excitée pour parler en anglais. « Tes prières ont été plus fortes que tes pensées » répondit Candy en riant. Terry observait les deux femmes avec délice malgré laigreur provoquée par la présence de lalliance sur la main de candy. « Tout le monde aime ma petite tache de son »dit il mais une voix intérieure le reprit « elle nest pas à toi, ne loublie pas. » « Oui je sais, répondit il à cette voix, mais cet homme ! » Un poison violent emplit le cur de Terry dune passion obscure, inattendue. Pour la première fois de la soirée ses yeux sétaient ouverts pour voir la réalité brutale dont il était témoin et ses traits dramatiques. Son esprit perspicace avait enfin réalisé que la femme quil aimait était là, au milieu du tourbillon mortel de la guerre, alors quil pensait quelle se trouvait à des kilomètres, en sûreté. Elle avait marché au crépuscule dans le froid piquant, risquant sa vie, et même pire, elle revenait du front ! Elle travaillait prés des tires ennemis ! Quel genre dhomme était son mari, lui qui permettait une chose aussi aberrante ?Est ce quun ange se promène en enfer ? Quel espèce de lamentable salaud quel espèce de con était il ? Terry était possédé dun mélange de folle jalousie et dindignation le mettant de si mauvaise humeur que si le supposé mari de Candy était ici, le jeune homme laurait étranglé jusquà ce que ce rival imaginaire trépasse. Cependant, sachant bien quil était impossible de tuer cet ignoble crétin , il expulsa sa colère en intimant des ordres à ses soldats avec une incroyable grossièreté qui étonna Candy et Julienne. Grâce à la soudaine manifestation d énergie de Terry, les soldats ne tardèrent pas pour transporter les blessés au camp où ils furent auscultés par le médecin de la troupe qui donna sa totale approbation au traitement que Candy dispensait à Flammy. La blonde ressentit un grand soulagement lorsquelle entendit le diagnostic du professeur qui lui assura que Flammy guérirait sans quune amputation soit nécessaire. Lorsquils furent tous installés dans une tente convenablement chauffée, et après que tout le monde se soit endormi, se laissant aller après les émotions fortes du voyage, Candy sortit de la tente, espérant que le crépuscule glacial laiderait à faire taire le tumulte de son esprit. Comment pouvait elle dormir avec les vêtements de Terry sur elle ? Néanmoins, elle nosa pas se changer pour revêtir son propre uniforme ressentant à contrecur la douce sensation de sa présence, malgré les principes qui lempêchaient déprouver ce genre démotion pour un homme quelle supposait marié. Les timides rayons du soleil levant caressait de leur chaleur les joues de Candy et les marquaient de rougeurs pourpres. La lumière violette se teint en nuances roses et dorées sur la couverture blanche entre le feuillage des arbres. Le vent entre les branches semblait répéter le nom quelle voulait oublier, lattirant par ses sifflements. Candy prit une grande bouffée dair frais. A lintérieur, sa gorge commença à souffrir dune irritation peu plaisante, preuve indéniable du rhume quelle avait attrapé durant sa marche dans la forêt. Ensuite, comme si elle avait été secoué par un séisme intérieur, son cur sentit une présence familière derrière elle. « Quest ce que tu fais là ? » demanda Terry, une inquiétude inexplicable dans la voix . Malgré sa grande frayeur, Candy tourna la tête face au regard le plus glacial quelle navait jamais vu, qui sous la lueur taquine de laube, virait du bleu au vert puis redevenait bleu avec une froideur irisée. Elle se souvint cette expression dans son regard auparavant, longtemps auparavant Terry était soudainement furieux et elle ne pouvait comprendre la raison de son bouleversement. « Je ne pouvais pas dormir, je suis sortie pour voir le lever du soleil ,répondit elle en baissant les yeux, incapable de soutenir son regard intense. - Ce nest pas la réponse que jattendais »laissa-t-il échapper avec acrimonie. Cette fois ci son ton la blessa. Elle était là, combattant le désir insupportable quelle éprouvait de se jeter à son cou et crier son amour pour lui, et lui la traitait comme une criminelle. Son cur fut blessé plus que jamais. Mais Candy avait affronté tellement de difficultés par le passé que sa personnalité avait développé une sorte de réaction dauto défense qui se mettait en place automatiquement. Cest ce mécanisme qui sactiva immédiatement et lui donna le courage de répondre avec une force égale aux provocations de Terry. « Quel genre de réponse attend tu alors ? » répondit elle brusquement. Cette fois cétait à Terry de ressentir cette peine persistante dans sa poitrine. Toutefois, il était déterminé à trouver la réponse dont il avait besoin. - Quest ce que tu fais ici, Candy, à la guerre, si loin de chez toi ? Tu trouves que cest un endroit pour une femme ? Ne pouvais tu pas rester chez toi ? » lâcha-t-il avec une violente inflexion. « Candy ouvrit grand les yeux. Cétait donc ça pensa-t-elle, une attaque sexiste ! Elle se gonfla dorgueil . Après tout, elle était de la génération des suffragettes et la moindre insinuation sur le fait que certains endroits et certains travaux étaient réservés aux hommes lindignait férocement. Si quelquun avait laudace dexprimer une opinion négative à propos des femmes, Candy brandissait un tas darguments pour défendre la femme et elle naurait pas fait dexception pour Terry malgré son amour pour lui. « Je ne savais pas que tu pouvais te montrer si arriéré, Terrence » répondit elle visiblement en colère, sans savoir que dans toute la phrase quelle avait prononcé, un seul mot avait suffi pour briser le cur de Terry. Depuis leurs retrouvailles inattendues la nuit précédente, Candy ne sétait jamais adressée au jeune homme en utilisant son nom, et maintenant elle avait lâché avec irritation son prénom à la place du surnom que seuls ses amis intimes utilisaient. « Terrence pensa-t-il. Maintenant tu mappelles Terrence ! est ce parce que la vie nous a séparé si loin lun de lautre que tu ne te souviens plus la façon que tu avais de mappeler, mon amour ? » Candy était si en colère quelle ne remarqua pas la lueur de tristesse qui traversa lil du jeune homme. Au lieu de ça, elle continuait de tenir un discours de rebelle. « Au cas où tu ne laurais pas remarqué, nous sommes au 20ème siècle. Les femmes ont prouvé quelles étaient capables de réaliser nimporte quel travail, si peu quelles aient reçu une formation et laisse moi te dire que je suis une infirmière efficace. » dit elle en une pluie darguments. Terry reçu chaque mot comme une douche froide. Ce nétait pas ce quil avait voulu dire. Ce quil se demandait, ce quil avait besoin de savoir de toute urgence cétait la raison pour laquelle lignoble salaud que Candy avait épousé lavait autorisé à venir en France comme infirmière de guerre pour risquer sa précieuse vie. « Ce nest pas ce que je voulais dire ! »cria-t-il désespérément et il regretta sa réponse pleine de colère. - Ah vraiment ? demanda-t-elle ironiquement. Quelle autre raison aurais tu de me demander des explications pour justifier de ma présence ici Terrence? » « Encore une fois elle ma appelé Terrence »pensa-t-il frustré en détournant son visage, contrarié. Un geste que Candy eut du mal à comprendre. « Je pourrais peut-être te poser la même question »continua-t-elle, exposant cette fois ci ses propres craintes quant à la sécurité de Terry. « Que fais tu ici Terrence ?pour lamour de dieu ! tu nes pas un soldat, tu tu es un comédien, un artiste ! Pourquoi risquerais tu ta vie dans ce combat dénué de sens ? Ce nest pas ta place non plus. » « Cest différent répondit Terry atteint lui aussi dans sa fierté dhomme. Je suis venu jusquici pour défendre notre pays. Cest une question dhonneur quune femme ne pourrait pas comprendre. » « Une question dhonneur ! notre pays ! dit elle avec un rire méprisant. Des bêtises ! ce nest pas une question de patriotisme, cest simplement un diabolique et stupide cauchemar créé dans lunique but de satisfaire les ambitions des politiciens et des hommes daffaires sans scrupules ! dit Candy avec véhémence en haussant le ton, le visage rouge dindignation, des jeunes hommes naïfs comme toi, enrôlés dans cette folie juste pour sacrifier le plus précieux des trésors, la vie, la donnant à ces maudits riches ! » « Je vois que ça te tient à cur, cest viscéral » répondit Terry dun air moqueur. A ce moment sa combativité était déjà prise au piège de la joute verbale et refusait de renoncer à lexcitation que cela procurait « Alors toi aussi tu soutiens cette folie comme tu lappelles puisque tu es ici. Tu as pensé à ça ma chère féministe ? » Il avait oublié à quel point les disputes avec Candy pouvaient être agréables. Elle avait toujours été la seule avec qui il pouvait se quereller et apprécier le sentiment que cela procurait. Cétait comme un jeu, un flirt quil trouvait presque érotique. « Même un aveugle verrait la différence !rétorqua-t-elle avec la même ferveur. Tu me demandes ce que je fais ici, et bien, je vais texpliquer comme si tu avais cinq ans, puisque tu ne sembles pas bien comprendre. Je suis ici parce que JE SUIS INFIRMIERE. Jai reçu une formation pour assister les médecins. Je suis ici dans le but de réparer ce que ces armes de malheur font aux hommes. Je suis ici pour sauver des vies, alors que toi tu es ici pour tuer et je ne vois aucun honneur là dedans ! » ajouta-t-elle. Ses joues avait rougi, ses yeux verts brillaient comme des sabres à la lumière du petit jour. A cet instant, Terry laima encore plus, écrasé par la manifestation naturelle de son esprit farouche. Cétait la femme qui lenchantait depuis ses années à lécole ! Son regard changea brusquement et lexpression moqueuse laissa place à une tendresse intime que Candy connaissait bien. Même si elle avait été blessée de le voir si emporté quelques minutes auparavant elle devait reconnaître quil était plus facile de faire face à sa colère. Sa tendresse en revanche était difficile à supporter. Elle baissa les yeux et recula, pétrifiée pendant un instant mais le charme se rompit en un millier de lueurs multicolores et elle neut pas dautre choix que de retourner à la tente en courant, fuyant cette force intense qui comme un aimant, lavait poussée dans les bras du jeune homme. Un endroit quelle croyait interdit ! Terry la regarda séloigner, encore paralysé par le pouvoir irrésistible de sa voix. La jeune fille mutine aux taches de rousseur du Collège Saint Paul sétait transformée en une femme splendide et rebelle, avec des idéaux qui pouvaient heurter mais aussi la rendre absolument séduisante à ses yeux. « Bon dieu regretta-t-il, cest la femme que jai bêtement perdu ! Une femme de cette trempe ! » Son esprit senvola vers le passé, vers une autre époque, une autre vie, un autre destin ; un couple lointain. Il était au volant de sa voiture dans les rues de New York , ses longs cheveux châtains flottant au vent de lété. Le regard distraitement perdu dans la circulation tandis quune silhouette tranquille assise à ses côtés posait sur lui un regard adorateur. Cette femme aux longs cheveux blonds qui retombaient sur son dos en dimpeccables mèches soyeuses était habillée avec goût dune fourrure et dune robe de mousseline qui se mariait idéalement avec ses yeux turquoises. Cétait sa fiancée, Suzanne Marlow. Sur le siège arrière, lorsquelle nétait pas distraite par les lumières de la ville ou par le quartier chic quils traversaient, Madame Marlow regardait son futur beau fils avec de temps à autre un air méfiant. La conversation sétait arrêtée laissant place à un silence inconfortable qui ne semblait pas déplaire à Terry. « Regarde cette belle maison Suzie », fit remarquer Madame Marlow en pointant un doigt désinvolte en direction dune immense résidence qui apparaissait derrière un grand jardin. « Cest justement lendroit où nous allons » dit sèchement Terry en tournant le volant pour se diriger vers la demeure. Ils se garèrent derrière une longue file dautomobiles en face de la résidence doù séchappaient le son dun orchestre, des voix et des rires. La fête à laquelle ils avaient été invités battait son plein. Terry descendit de la voiture et ouvrit le coffre pour prendre le fauteuil roulant de Suzanne. Il effectuait chacun de ses mouvements tel un automate, lesprit absent, le cur paralysé. Sa vie tout entière sétait transformée en une liste sans fin de rendez-vous, dobligations sociales, de répétitions, de représentations, de longues nuit dans une salle dattente dhôpital, de vide Encore lune de ces interminables soirées dans laquelle son esprit ferait une barrière à la contrariété que les babillements inutiles de Suzanne lui causaient, en senfermant dans son monde intérieur. Le son du fauteuil roulant annonça larrivée de lun des plus célèbres couples de Broadway. Le spectacle commençait et Terry devait une fois de plus jouer le rôle quil avait choisi. Ils savaient les gens inquiets de les voir ensemble depuis que Suzanne était restée plus dun mois à lhôpital lors dun des fréquents séjours dû à sa santé fragile. Maintenant quelle se sentait mieux, tout le monde attendait son apparition au bras de lacteur arrogant. Cette soirée chez Mr Charles Spencer, un banquier renommé et passionné par Shakespeare, nétait en aucun cas différente des autres soirées auxquelles Terry assistait ; ennuyante, frivole et pleine dintrigues qui rendaient Terry malade. Suzanne aurait pu se mêler à la foule et discuter avec dautres femmes mais elle restait planté à côté de Terry et quand le jeune homme la laissait pour aller discuter avec Mr Hathaway et dautres acteurs de sa troupe, elle lui jetait des regards à distance. Ce soir là, ils étaient ensemble et la conversation glissa vers un sujet inattendu : Les femmes devraient elle avoir le droit de vote ? « Je pense que cela ne nous concerne pas du tout dit une femme maigre à lunettes. Nous navons aucun intérêt pour la politique. Alors pourquoi devrions nous voter ? » « Eh bien Madame, lHistoire à prouvé que les femmes peuvent simpliquer avec succès dans la vie politique fit remarquer Mr Hathaway qui sirotait lentement son cognac. Prenez Elizabeth première et la Reine Victoria par exemple. » « Ce sont des cas exceptionnels dû au hasard dit une autre femme du groupe. Mais la plupart des femmes sont totalement ignorantes en ce qui concerne la situation politique, nous ne pourrions prendre part à une décision aussi importante que celle de choisir le président des Etats Unis dAmérique. Par exemple, je ne connais même pas la différence entre les partis Républicain et démocrate. » « Toutes les femmes ne sont pas ainsi suggéra avec un sourire narquois une jeune femme au long nez et à lair élégant. Beaucoup dentre nous sont concernées par les affaires de ce pays et revendiquent le droit de sexprimer en choisissant nos dirigeants, tout comme les hommes ». « Cest lune des plus grosses sottises que je nai jamais entendu, si les femmes ici présentes excusent ma franchise dit Mr Spencer, lhôte de la soirée. Si nous permettons cette absurdité, le monde sécroulera tôt ou tard. Où irons nous ensuite ? les femmes choisiront leur travail, refuseront de se marier et davoir des enfants. Imaginez des femmes avocats, ingénieurs, et qui sait, nous pourrions très bien avoir une femme à la Maison Blanche. » « Serait ce si mal ? demanda Terry en prenant part à la conversation pour la première fois, trouvant séduisante lidée de choquer cet auditoire. Cela ne sest encore jamais produit mais avoir une présence féminine dans le bureau ovale pourrait avoir quelque chose de séduisant. » Suzanne lui lança un regard foudroyant, lui reprochant des yeux la hardiesse de son intervention qui défiait les idées de leur hôte. « eh bien, Mr Grandchester, laissez moi vous dire que je moppose farouchement à une telle aberration répondit le vieil homme, visiblement irrité. Les femmes sont sensées être gracieuse pour illuminer la vie des hommes. Leur monde ne devrait être rempli que doccupations douces et féminines comme lart, la charité, les travaux ménagers et léducation des enfants. » « Je suis daccord avec vous Mr Spencer dit Madame Marlow avec un sourire pincé. Cest pourquoi jencourage ma Suzie à devenir actrice et malgré les dires de certaines personnes, je pense que cette profession est honorable et en accord avec la nature des femmes. Quelque chose en rapport avec lart, vous voyez. » « Cest exact, Madame dit Mr Spencer, en sachant très bien quil mentait poliment en prétendant quil considérait cette carrière comme honorable alors quen fait, comme la plupart des hauts membres de la société, il nétait pas disposé à la considérer comme telle. Je ne suis pas contre le travail pour les femmes mais il y a certaines situations extrêmes quil mest difficile à accepter. Durant mon dernier voyage daffaires, jai rencontré une très riche et excellente famille qui souffrait dune réelle tragédie. Une des femmes de cette famille, une véritable bête noire, avait poussé lindécence au point de vivre seule dans son appartement et, comme si cela ne suffisait pas, insistait pour travailler et payer ainsi elle même ses factures alors que sa famille était lune des plus aisées du pays ! » « Je ne vois rien de choquant là dedans » fit remarquer Terry une fois de plus malgré Suzanne qui lui pressait discrètement la main. « Je vois que vous avez tendance à être libéral, Mr Grandchester, répondit le vieux banquier et , sadressant à Suzanne qui était demeurée silencieuse depuis que la conversation avait pris cette tournure : Et quen pense votre fiancée ? aimeriez vous voter Mademoiselle Marlow ? » « Je ne suis pas très intéressée par tout ça Mr Spencer, répondit Suzanne dun ton timide en baissant les yeux. Je pense que nous pouvons laissez ces questions aux mains des hommes. Plutôt que de nous exposer au mépris des gens, de nous enchaîner à des réverbères ou de défiler devant la maison blanche, nous devrions consacrer notre vie à notre famille et à notre mari. Nous pouvons leur laisser la pensée. » « Cest la façon dont parle une vraie femme , Mademoiselle Marlow, dit Spencer avec un sourire approbateur. Oui, vous avez choisi la femme parfaite Grandchester, vraiment.» Terry acquiesça. Oui cest sur pensa-t-il, la fille la plus ouverte que jai pu trouver. Terry revint au présent, aux paysages enneigés de la France, et dans le froid glacial de ce matin de Décembre, il comprit avec la clarté la plus absolue quil aimait tout chez Candy même la plus infime partie de son âme. Il laimait de la même force qui lavait fait rejeter lennui et les manières conventionnelles de Suzanne. Pourquoi lavait il laissé partir alors quil savait pertinemment quelle était la femme de sa vie ? Il ne se létait jamais pardonné. * * * Cétait un merveilleux jour dhiver. Il avait neigé sur la maison pony et le lac était recouvert dune épaisse couche de glace qui invitait au patinage et à ces jeux que les enfants adorent. Albert et Archie était partis tester la résistance de la glace pour voir sil ny avait aucun risque pour les enfants tandis que Patty et Annie étaient restées dans la maison. Sur Maria et Mademoiselle Pony étaient occupées à préparer le petit déjeuner des enfants et les deux jeunes femmes regardaient le sapin de noël dans le salon. Annie regardait avec une admiration teintée de crainte le grand arbre quAlbert avait apporté pour les enfants. Cétait une délicate attention mais lidée de devoir décorer ce grand sapin lui faisait peur. On avait apporté une petite échelle pour les aider dans cette tâche et un millier de décorations était éparpillé sur le sol attendant dêtre placé sur les branches vertes. Patty regarda Annie dun il hésitant. Laquelle des deux allait grimper à léchelle et comment allaient elle placer les guirlandes dorées autour de larbre ? Ces questions étaient ancrées sur son visage, qui avait pris un air de distinction à lapproche du son dix-neuvième anniversaire. « Ne me regarde pas comme ça Patty, cria Annie avec des yeux effrayés. Je ne grimperai pas là dessus. » « Moi non plus alors répondit Patty riant de leur bêtise. Tu ne mavais pas dit que tu avais lhabitude daider Mademoiselle Pony et Sur Maria à décorer larbre quand tu vivais ici ? » Annie ouvrit les bras en un geste dexcuse. « Eh bien, premièrement, le sapin nétait jamais aussi grand et » la jeune fille sarrêta et une ombre traversa son visage. « Et ? » insista Patty qui, les yeux toujours posés sur le sapin navait pas remarqué le soudain changement dexpression dAnnie. « Cétait toujours Candy qui sautait sur tout ce qui se trouvait à côté du sapin pour placer létoile au sommet » dit Annie dune voix faible et le visage baigné de larmes. Patty regarda son amie et, incapable darrêter ses larmes la serra tendrement. « Oh Annie, elle me manque Terriblement à moi aussi murmura Patty en caressant les cheveux soyeux de son amie. Et bien nous devons garder la tête haute. Tu ne crois pas que cest comme cela quelle voudrait quon se comporte ? » « Oui Patty je sais, répondit Annie, toujours dans ses bras. Mais plus dun mois sest écoulé depuis sa dernière lettre. Je suis Terriblement inquiète »dit elle en sanglotant de plus belle. A ces mots, Patty sentit comme un poignard empoisonné lui transpercer le cur. Lorsque les lettres dAlistair cessèrent darriver à intervalles réguliers, cétait le premier signe qui avait annoncé sa mort tragique. Patty ne put éviter quune douleur aiguë ne lui traverse la colonne vertébrale lorsque son esprit fit une association pessimiste entre le cas dAlly et la situation actuelle de Candy. Ce fut une pensée fulgurante qui traversa son esprit et disparut aussitôt. Cependant, la dure leçon que la vie lui avait donnée lavait finalement rendue assez forte pour affronter ses craintes personnelles et savoir que son amie avait besoin de réconfort. Du coup elle mit de côté sa propre consternation. « Oh Annie dit elle sans relâcher son étreinte, Candy doit être trop occupée pour écrire ces jours ci. En plus, tu sais que le courrier narrive pas toujours à destination. Ses lettres se sont peut être perdues. » « Tu crois ? » répondit Annie, essayant de saisir la lueur despoir dans les mots de Patty. « Bien sur ma chérie ! répondit Patty, se faisant rassurante. Maintenant sèche ces larmes et arrête de déprimer. Candy serait très triste de te voir ainsi » ajouta-t-elle en tendant un mouchoir à son amie. Annie prit le mouchoir blanc brodé et sassit sur le fauteuil à bascule de Mademoiselle Pony tandis que Patty sinstalla par terre et prit la main libre dAnnie dans les siennes. Annie regarda distraitement par la vitre, ses yeux noisettes pleins de larmes. Au loin, on pouvait facilement apercevoir la cime dun vieil arbre couvert de neige. Pendant un instant, le bruit incessant des enfants disparut pour laisser place à un silence solennel inhabituel dans la maison. Cétait pourtant l étrangeté du moment qui avaient rassemblé le cur des deux amies les remplissant dune gêne inattendue. « Tu sais Patty murmura Annie dune voix claire.
Patty nen croyait pas ses oreilles. Depuis quatre ans quelle connaissait Annie, elle navait jamais entendu des propos aussi amères venant de la brunette.
Annie leva les yeux pour faire face à Patty. Dans leurs profondeurs, on pouvait y lire des vagues de regrets et de pain.
Patty, qui ne comprenait toujours pas, la prit dans ses bras, lui montrant quelle ne lui en voulait pas malgré lincompréhensible culpabilité quAnnie avait exprimé.
Patty était à présent face à Annie et la tenait par les épaules. Elle nen croyait pas ses oreilles mais après le premier choc causé par les révélations de la culpabilité dAnnie, elle réussit à articuler quelques mots de réconfort.
Annie retourna devant la fenêtre. Elle essuya la vitre et elles purent ainsi toutes les deux voir la colline et le vieil arbre au sommet.
Les deux filles demeurèrent là à regarder la colline blanche à travers létroite fenêtre, sans dire un mot. Le sapin de noël avait été laissé de côté Après tout, Candy nétait pas là pour mettre létoile au sommet. * * * * * Candy entra dans la tente à la hâte. Elle se rua sur sa valise qui était restée sur un lit de camp vide. Elle ouvrit nerveusement le bagage pour en sortir un uniforme blanc et sa dernière paire de bottes. Avec la même violence dans ses gestes elle ôta luniforme vert quelle portait sans ce soucier que ses patients dormaient dans la même tente et pouvaient se réveiller à tout moment. Cependant, il ny eut que Julienne qui fut réveillée par les bruits dénervement et la discussion que Candy avait avec elle même. Quest ce que JE fais ici? Quest ce que TU fais ici, crétin? Se demanda Candy à haute voix. Une question dhonneur, ah! Quel idiot! Julienne vit avec étonnement que les doigts de Candy tremblaient comme elle essayait de boutonner son uniforme et de lacer ses bottes. Une plainte incompréhensible adressée à son interlocuteur fictif accompagnait chacun de ses mouvements. Mais lorsquelle fût habillée, ses yeux sarrêtèrent sur les vêtements dhommes étalés sur le lit. Elle sasseya brusquement sur ce lit et prit la chemise dans ses mains et y plongea son visage en restant dans la même position, immobile pendant un instant. Lorsquelle enleva finalement le vêtement de son doux visage, ses yeux étaient pleins de larmes. * * * * * Le groupe resta un peu plus de deux jours dans le camp Américain. Pendant ce temps, Candy sétait cachée dans la tente réservée aux blessés pour prendre soin de la jambe de Flammy, et combattre désespérément son désir de revoir Terry. Mais comme elle était sûre quil était préférable pour son honneur et son cur brisé de rester éloignée de lui, elle résista à la tentation. De son côté, Terry essaya par différents moyens de la revoir mais après que Julienne lui ait rendu son uniforme et ses bottes, il crut que Candy était toujours en colère contre lui et par conséquent nosa pas lui rendre visite dans la tente quelle partageait avec ses patients. Une seule de ces manifestations de rejet envers lui avait été assez douloureuse pour lui. Trois jours après larrivée inopinée de Candy dans le camp, Le Capitaine Jackson ordonna daffréter un camion pour envoyer léquipe médicale à Paris. Le temps était un peu plus doux et il nétait pas prudent de perdre encore plus de temps. Jackson décida que depuis que le camion ambulance avait été totalement détruit, il était nécessaire de sen fournir un autre ainsi quun chauffeur qui pourrait en même temps conduire et escorter les dames pendant leurs déplacements. A la consternation de Candy, lhomme qui avait été chargé de les emmener à Paris nétait autre que Terry. Ce choix nétait pas fortuit. Terry en personne avait demandé laffectation à cette tâche et Jackson navait pas refusé cette faveur car il était particulièrement amusé par le changement radical de comportement du jeune homme. « Cest incroyable leffet quune femme peut faire à un homme » se dit il à lui même. Il était évidemment trop vieux pour ne pas sêtre rendu compte de ce qui était évident. Au matin du 18 décembre, les blessés furent transportés à larrière du camion mais la question était de savoir laquelle des deux infirmières sasseirait à côté du chauffeur. Cependant, létat de Julienne ne laissa pas le choix à Candy. Cette dernière ne se sentait pas bien non plus. En fait son rhume avait dégénéré en grippe et elle était en train de subir les effets dune température anormale. La toux de Julienne ne sétait pas arrangée et comme il y avait un petit chauffage à larrière du camion, le docteur lui avait conseillé de sy installer. Tout cela fit que Candy et Terry durent faire le voyage lun à côté de lautre pour le reste de la journée. Cette seule idée les fit frissonner mais pour différentes raisons. Au début cétait affreusement difficile de supporter le silence entre eux deux. Mais Candy savait quentamer une conversation pouvait les mener à une situation plus dangereuse encore. La dernière chose quelle désirait, cétait que Terry parle de sa vie. Elle ne voulait pas savoir comment il avait épousé Suzanne, ou même pire, quand ils avaient eu leur premier enfant. Alors, bien quelle fut Terriblement curieuse à propos de la raison qui lavait poussé à senrôler dans larmée, elle garda les lèvres closes et se contenta de fixer lhorizon. Terry, au contraire, voulait lui demander chaque détail, même ceux qui lauraient sûrement blessé, et spécialement la question qui le préoccupait et qui navait pas encore été élucidée. Malheureusement, après quil eut finalement rassemblé toutes ses forces pour briser le silence, il se tourna vers Candy qui sétait assoupie comme un ange. Terry soffrit alors le luxe darrêter un moment le camion pour se régaler à la vue de la femme qui le hantait depuis quil était adolescent. Ses cheveux légèrement en désordre nétaient plus retenus par la dentelle qui les attachait en queue de cheval et ses grand cils noirs faisaient apparaître une légère ombre sur ses joues. Terry pensa à cette iris verte et profonde que recouvraient ses paupières et en conclut que lémeraude de sa bague nétait quune pâle imitation des yeux irisés de Candy. Il avait rêvé si longtemps de regarder dans ces piscines pâles pour désaltérer la soif de son cur mais maintenant qu elle était si proche de lui il ne pouvait partager les sentiments qui inondaient son âme. Candy avait la tête posée sur son manteau noir au dessus de la vitre du camion et elle avait les bras croisés comme si elle enlaçait elle même. Terry pencha son torse doucement, ne prêtant pas attention aux centaines de cloches qui commençaient à sonner dans sa tête, comme un avertissement à ses mouvements audacieux. Il était assez proche pour voir une délicate veine bleue qui traversait sans heurt le cou de la jeune femme, assez proche pour inhaler léternel parfum de roses quil connaissait, assez proche aussi pour frotter son manteau de laine contre son épaule. Il leva mêmes ses mains pour chercher une sensation, très douce, vers ses joues pourpres. Mais avant que ses doigts natteignent la peau douce, sa voix intérieure cria plus fort que son désir et il avorta la caresse qui resta virtuelle. « Ce nest pas honorable » se condamna-t-il et il remit le contact pour reprendre le chemin de Paris. Sil avait osé touché les joues de Candy, il aurait su que la fièvre commençait à monter dans le corps de la jeune femme. Prés de deux heures plus tard, Candy se réveilla, ressentant une soif incroyable ainsi quune irritation dans ses yeux. Les bois étaient loin derrières et avaient laissé place à une vaste plaine. Le soleil commençait à briller au dessus de leur tête dans un ciel blanc. Latmosphère était si calme et irrésistiblement belle que Candy oublia sa colère et reprit des forces pour parler au jeune homme à ses côtés. « Quand penses tu que lon arrivera à Paris, Terry ? » demanda-t-elle doucement en ignorant leffet de ses paroles. Le jeune homme tourna lentement la tête vers elle. Une armée de papillons batifolait dans son estomac. « elle ma appelé Terry ! » scanda une voix intérieure avec une joie inattendue quil avait peine à contrôler. « Nous y serons ce soir, réussit il à dire dune voix rauque. Es tu anxieuse ? demanda-t-il dun ton désinvolte.
Candy baissa les yeux timidement, en partie à cause des paroles de Terry mais aussi parce quelle savait que les sourires de Terry étaient des joyaux rares quil noffrait quaux êtres les plus chers à son cur. « Je me souviens encore à quel point tu prenais soin de tes amis, ajouta Terry osant parler de leur passé. La fille timide et joufflue avec ses grands yeux et ses lunettes.
Le camion prit un virage et au détour de ce dernier, ils purent voir au loin, une étendue deau coulant doucement dans un courant énorme. Cétait la Seine, un signe évidant quils arrivaient prés de Paris. Le coucher de soleil en était à son plus bel instant. Le rose, le jaune, le violet, le orange et les lumières couleur pêche du soir coloraient le paysage blanc et le doux visage de Candy daccents multicolores. A lhorizon, le ciel bleu, presque en feu à cause de ladieu du soleil se mêlait aux profondeurs bleutées de la Seine. Les deux passagers furent piégés par la magie du moment .Un enlèvement quils ne pouvaient combattre. Ils savaient tous deux quils avaient vécus des moments similaires dans le passé, et pendant un instant ils crurent quils partageaient encore les sentiments dantan. « Cest dune beauté incroyable »pensa Terry et par un étrange tour de magie, ses pensées volèrent vers les oreilles de Candy dans lair hivernal. « Oui cest vraiment beau » répondit Candy avec un sourire. Le cur de Terry se souleva lorsquil réalisa que dans une expérience psychique elle avait atteint ses pensées sans sen rendre compte. Cela leur était arrivé auparavant ou du moins il le croyait. Cétait un soir en Ecosse. Il avait pratiquement oublié ce moment mais à présent cétait très clair. « Le regard fidèle, le sourire parfait, les mots précis pensa Terry. Pourquoi tout est parfait lorsque je suis avec elle. Ressent elle la même chose ? Ressent elle la même chose lorsquelle est avec moi ? » Son âme jouait encore un jeu cruel avec lui le repoussant dans le trou noir quil voulait éviter. Le soleil disparut finalement à lhorizon mais les lumières lointaines de Paris le remplacèrent. Candy et Terry se regardèrent lorsquils virent le scintillement des lumières de la ville. Ils savaient que le moment des adieux se rapprochait. Est ce que cette fois ci ce serait pour toujours ? Le cur de Terry battait si fort quil eut peur quelle sen aperçoive. Mais avec un regard plein de ruse jeté en sa direction il comprit quelle était trop absorbée par ses propres pensées pour prêter attention aux battements de son cur. « Demande lui maintenant ! cria une voix intérieure. Fais le maintenant ou bien tu ne sauras jamais et tu dois savoir ». « Candy, demanda-t-il finalement dune voix tremblante. Je je voudrais mexcuser davoir été aussi impoli lautre matin. Je crois que je nai simplement pas réussi à dire ce que je voulais vraiment dire ». Candy ouvrit de grands yeux, comme hébétée par les paroles de Terry. La dernière chose à laquelle elle sattendait fut que Terry présente des excuses pour son comportement. Ce nétait pas inhérent à la nature arrogante du Terry quelle connaissait. « Ce nest pas grave Terry, répondit elle. Je nai pas été tendre non plus.
Terry arrêta le camion brusquement en donnant un coup de frein de toutes ses forces.
* * * * * Candy réalisa soudainement que Terry avait remarqué les anneaux que le Docteur Duvall lui avait donnés avant sa mort. Pour une raison ou une autre, le jeune homme avait supposé que cétait ses propres bague de fiançailles et alliance. Mais ce quelle ne comprenait pas , cétait les raisons de son bouleversement. Elle avait déjà vu cette expression sur son visage quand était ce? « Terry tu as tort, se dépêcha-t-elle de lui faire comprendre. Ces anneaux ne sont pas à moi, un homme respectable qui est mort dans mes bras au front me les a données, dit elle en enlevant les bagues. Regarde linscription à lintérieur! » Terry, toujours prudent, prit lanneau que Candy lui tendait et regarda les lettres et les numéros gravés: "Marius et Lucille. 14 Avril 1893" Il sentit que sa tête tournait affreusement lorsquil retira ses yeux du bijou. « Comment cela se fait ? demanda-t-il abasourdi. Jétais certain que tu étais mariée depuis plus dun an, je lai lu! Dit il en rendant la bague.
De toutes les émotions qui traversèrent le visage de Terry, aucune ne reflétait lamusement. Imaginer Daniel courir après Candy navait rien damusant pour lui.
Candy vit à nouveau un éclair de fureur dans le regard du jeune homme et se souvint ainsi du moment où elle avait vu pour la première fois cette expression dans ses yeux. Cétait au zoo de Blue River, le jour où Terry a voulu en savoir plus à propos dAnthony.
Terry la regarda, encore trop étonné pour sexcuser davoir appelé Daniel « putain denfoiré » dans son anglais vulgaire. En fait il ne traiterait pas mieux un millier de Daniel ou un million denfoiré que cette terre pouvait porter. En vérité, le monde entier aurait pu sécrouler à cet instant précis et il navait pas remarqué quelle nétait attachée à aucun homme ! elle était libre ! Après toutes ces années, elle était encore disponible ! A cet instant, Terry ne savait pas sil devait rire ou pleurer.
Terry redémarra le camion et ils continuèrent leur chemin sous le ciel nocturne parisien. Une fois de plus, un profond silence accompagné dune grande tristesse les envahirent. Ils savaient très bien tous les deux que la fin de leur voyage ensemble approchait. Une fois dans la ville, Candy commença à indiquer à Terry la route vers lhôpital et dune manière ou dune autre lenthousiasme pour trouver le chemin détendit latmosphère. Candy sentit sa tête tourner, la fièvre envahit son corps mais la responsabilité quelle portait sur ses épaules la garda éveillée et vigilante. Elle était déterminée à ramener ses patients et amis dans un endroit en sécurité et aussitôt quils pourraient se reposer sur des lits chauds et doux avec des dautres infirmières et des docteurs pour soccuper deux, elle pourrait prendre tout le repos dont elle avait besoin. « Prends cette rue maintenant », dit elle. Nous y serons à pas dheure. Ils prirent une large rue et passèrent devant un parc tranquille ; cétait celui où Candy et Yves avait eu leur dernière conversation avant quelle ne parte pour le front. Finalement, deux blocs de maisons plus tard, ils aperçurent le grand bâtiment quils cherchaient. Candy ne savait pas si elle devait se sentir heureuse car son Odyssée touchait à sa fin ou Terriblement blessée par la séparation à laquelle elle allait être confrontée. Ils garèrent le camion et pendant que Terry descendait pour aller prévenir les passagers quils étaient finalement arrivés à destination, Candy courut vers lhôpital pour chercher de laide pour transporter les blessés. Après ce moment, tout se passa dans lurgence et la confusion. Terry se sentait presque inutile parmi larmée dinfirmiers et dinfirmières qui apparurent de nulle part pour emmener les patients du camion. Parmi la confusion, il put voir Candy appuyée sur le camion comme si elle allait sévanouir. « Est ce que ça va Candy ?demanda-t-il.
Candy continua avec une voix fatiguée :
Terry se mit à courir avec une Candy évanouie dans ses bras en direction de lhôpital. Il neut pas besoin dappeler à laide car il fut abordé par un jeune docteur qui se pressa pour aller à leur rencontre dans le hall. « Candy ! cria le docteur avec une joie mêlée dangoisse dans la voix. Mon dieu, que tes-t-il arrivé ? » se demanda-t-il sans même regarder Terry. En une seconde il avait attrapé la jeune femme dans les bras du jeune homme qui malgré sa répugnance dut la laisser aux bons soins du docteur sachant quil ne pouvait être daucun secours. Lhomme en blouse blanche disparut dans le labyrinthe blanc de lhôpital avec Candy dans ses bras et Terry resta dans le couloir, le cur agité, ne sachant que faire. Terry était dans la salle dattente depuis environ une heure quand un visage familier apparut en face de lui. Terry reconnut une des infirmières qui avait voyagé avec Candy, celle qui lui avait rendu ses vêtements. Cétait Julienne. « Tout ira bien sergent, dit elle timidement. Elle est encore fiévreuse mais elle est forte et elle recevra tous les soins nécessaires. Elle a passé du temps dans la neige et ce nest pas bon du tout.
Julienne ne put refuser, se sentant émue par le regard grave du jeune homme. Elle le regarda avec un sourire de sympathie.
Ils marchèrent un moment dans les immenses couloirs, le silence le plus total régnait tout autour, mais de temps à autre un gémissement dhomme venait briser la quiétude de la nuit. Ils arrivèrent dans un couloir étroit qui menait au dortoir des infirmières. Julienne sarrêta et pointa un doigt vers une porte pour indiquer où se trouvait Candy. « Elle doit sûrement dormir à cause du médicament que le docteur a donné, mais vous pouvez rester avec elle aussi longtemps que vous le désirez, dit gentiment Julienne. Maintenant si vous le permettez je dois soumettre un rapport sur nos blessés . » Elle acquiesça puis disparut dans les couloirs. Terry sapprocha de la porte et se rendit compte quelle était entrouverte. Il pouvait percevoir une douce voix dhomme qui venait de la chambre. Il parlait en français. Terry poussa doucement la porte et vit clairement une scène qui lui fit leffet dun coup de poignard dans le dos. Le même jeune docteur qui avait pris soin delle la veillait en tenant la main de la blonde endormie. « Mon amour, murmura lhomme avec tendresse. Tu iras bien, je vais te soigner avec cur et tu souriras à nouveau comme toujours ». Terry souhaita ne pas avoir compris ces mots et ne pas avoir vu lamour pur dans les yeux de lhomme, qui nétait autre quYves . Mais son père lui avait fait suivre des cours de français pendant de longues années et son cur savait reconnaître ce sentiment dérangeant lorsquun rival potentiel apparaît pour être capable de comprendre ce qui se passait en face de lui. Terry frappa à la porte pour signifier à Yves sa présence. Les deux hommes se regardèrent et pendant une seconde ils purent clairement lire le message inscrit dans leur regard. «"Excusez moi monsieur, dit Terry avec son regard le plus froid. Jaimerais savoir comment va Mademoiselle André." Yves sentit sa peau frissonner quand la voix grave de Terry se noya dans ses oreilles. Soudain, lhomme arrogant en face de lui semblait être la plus vile des créatures de la terre, quelquun quil devait garder éloigné de Candy, advienne que pourra.
Terry ressentit lirrésistible envie de pousser cet homme qui lui refusait le droit dêtre aux côtés de Candy quelques minutes avant son départ. Mais sa voix intérieure lui fit réaliser que même si un jour il avait eu des droits envers Candy, il était très probable que lhomme en face de lui était possédait à présent de tels privilèges. « Je ne suis fiancé avec personne »avait dit Candy pendant le voyage mais elle navait jamais mentionner les mots rendez-vous, sortir ou même aimer. Pourquoi un homme sadresserait de cette façon à une demoiselle sauf sil pensait quil était seul avec cette belle au bois dormant dans la petite chambre. Est ce que cet homme représentait quelque chose pour Candy ? Cette question martela la tête de Terry de battements si impitoyables quil lui était incapable darticuler le moindre mot. Il se contenta de tourner les talons pour reprendre son chemin vers la sortie. Alors quil marchait dans un couloir sans fin, Julienne accourut vers lui. Elle lappela : « Monsieur, comment lavez vous trouvé ? demanda-t-elle innocemment.
Il acquiesça et reprit son chemin dans la froide nuit.
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