Retrouvailles dans le
tourbillon Chapitre 2 Les lettres de Candy
Au cours des jours qui suivirent le départ de Candy, Albert dut se résigner à annoncer la mauvaise nouvelle à la famille. Après mures réflexions, il se décida à appeler ses parents les plus proches, ainsi que les Legrand et Annie pour les informer de ce qui sétait passé. Ils lattendaient déjà quand il entra dans son bureau de limmense demeure de Chicago. La grand Tante Elroy était assise dans un fauteuil de cuir raffiné, son préféré. A côté delle, se trouvaient Annie et Archie, assis dans un luxueux canapé bleu indigo. Eliza et sa mère se tenaient côte à côte dans un grand sofa qui concordait avec le reste du mobilier, placé près dune fenêtre recouverte de lourds rideaux de soie. Daniel et son père restaient debout, aux côtés des deux femmes. Mr Legrand manifestait son impatience tandis que son fils regardait dun air absent vers la fenêtre. Eliza était occupée à arranger sa coiffure et à s'admirer dans le miroir de son poudrier : il ne fallait en aucun cas manquer une occasion de paraître à son avantage devant le plus puissant des André, qui était par ailleurs très séduisant. - Je suis heureux de vous voir tous réunis ici - commença Albert tout en faisant intérieurement une prière pour lui même. - Bon, laisse-moi te dire que jai dû annuler un rendez-vous très important ! Jespère que cela en valait la peine ! - conclut Mr Legrand. Jessaierai dêtre bref, alors - répliqua Albert à son oncle. - Jaimerai dabord savoir pourquoi Candy na pas été invitée à cette réunion - demanda Archibald sur un ton irrité - Tu sais bien quelle fait partie de la famille. - Devant la loi uniquement ! - souligna Eliza avec dédain. - Bon - dit Albert en faisant semblant de navoir rien entendu - Il y a une bonne raison pour que Candy ne soit pas parmi nous. En fait, cette réunion a quelque chose à voir avec elle. A ces mots, Daniel revint immédiatement à la réalité, et fixa Albert de ses yeux marron clair. Albert alla sasseoir dans son fauteuil, derrière un grand bureau de bois et invita les personnes restées debout à limiter. Puis, il fit une pause, sollicitant laide de Dieu pour lui donner le courage de commencer. - Le fait est - commença-t-il - que Candy ne vivra pas à Chicago pendant un certain temps. - Quoi ? - fit Annie qui ouvrait la bouche pour la première fois de laprès-midi - elle ne ma jamais parlé de vouloir quitter la ville. - Ahlala!!! On dirait que notre Candy est pleine de surprise ! - sécria Eliza dun air moqueur. Une fois de plus, Albert ne sabaissa pas à répondre et reprit son explication. - La vérité est que Candy nen a parlé à personne, ni même à moi. - Mais, pourquoi une telle attitude de sa part ? - demanda Archibald visiblement inquiet. - Japprécierais que vous gardiez tous votre calme pendant que je vous expose notre problème - dit calmement Albert. - Pourquoi devrions-nous rester calme William Albert ? - sinterrogea Madame Legrand, prenant la parole pour la première fois - Est-ce si grave que cela que Candy ait déménagé ? - Vous allez le savoir ma tante, mes amis... Candy a quitté Chicago car elle a décidé de sengager comme volontaire dans larmée. Un souffle muet séchappa de la bouche dAnnie , tandis quAlbert cherchait à récupérer des forces. - A lheure quil est, elle doit être en chemin pour la France. Albert sarrêta et regarda la réaction de lassistance, satisfait intérieurement dêtre parvenu à annoncer le plus mauvais côté de la nouvelle. - Quest-ce que tu veux dire ? - sexclama Daniel avec colère, serrant fortement les poings - Serais-tu en train de nous dire quelle est en chemin vers la mort comme Alistair ? - Tais-toi ! - interrompit Mr Legrand en remarquant lénervement de son fils. - Non père, je ne vais pas me taire ! - lui répondit-il, puis il ajouta en sadressant à Albert - Comment se fait-il que tu naies rien fait pour len empêcher ? Nes-tu pas le tuteur et protecteur de Candy ? - Je le suis - répondit Albert avec la plus grande maîtrise - mais elle na parlé de ses projets à personne. On peut partir très vite quand on le veut. - Tu es un incapable Albert ! Je ne sais comment tu peux être en charge de cette famille ! - lança Daniel avec rage, visiblement disposé à se jeter sur Albert et le frapper, si son père et létat débriété dans lequel il était ne lavaient empêché. Le silence sinstalla dans la pièce durant des secondes interminables, dérangé seulement par les sanglots dAnnie, le visage caché dans ses mains, alors quArchibald, faisant abstraction de son entourage, restait immobile et stupéfait, incapable de consoler sa fiancée. - Cette fille est une malédiction pour notre famille ! - fit la Grand Tante Elroy, en rompant le silence. - Ce nest pas vrai, ma Tante - répliqua fermement Albert - Je nai pas honte de la décision de Candy, mais au contraire fier de son courage et de sa noblesse. Elle a agi comme une adulte, et bien que cela nous blesse, nous devons accepter sa décision. Je vous ai fait venir car je voulais que vous soyez informés de la situation et que cela soit bien clair pour vous tous : Candy est partie pour la France pour soccuper de nos hommes sur le front, et si la presse ou quiconque dautre minterroge sur ce sujet, je serai très fier de leur en parler. Si vous avez honte, cest que vous êtes aveugles devant la vertu même. - Je ne peux en entendre plus - fit Daniel - Si tu ne fais rien pour len empêcher, je le ferai ! Le jeune homme, malgré son ébriété, quitta bruyamment la pièce. - Daniel ! - hurla Mme Legrand, visiblement embarrassée - Reviens ici, tout de suite ! - Cest déjà trop tard ma tante, il ne pourra rien faire. Jai déjà essayé de mon côté - dit Albert - Très vite il se rendra compte combien nous sommes impuissants dans cette histoire. Laissez-le partir. Mme Legrand soupira avec résignation et chercha instinctivement les yeux de son mari en quête dun soutien. - Maintenant, je vous serais gré de me laisser seul avec Archibald et Annie - dit Albert en sadressant à la Grand Tante Elroy et aux Legrand. - Bien sûr très cher, pas de problème ! - répliqua Eliza, une étrange expression se dessinant sur son visage. "Quy a-t-il de si amusant ?" se demanda Albert. Le visage de la jeune femme sétait visiblement illuminé en apprenant que sa plus ancienne rivale était partie en terres lointaines. Au fond de son coeur obscur, elle était très heureuse. "Quelle chance jai !" - pensa-t-elle - "Encore un peu plus, et une balle perdue me débarrassera de cette maudite pour toujours" Les Legrand et la Grand Tante sortirent de la pièce en silence. Archibald attendit quils furent tous les trois, seuls, pour vider ce quil avait sur le coeur depuis un long moment. - Quallons-nous faire Albert ? - demanda-t-il avec colère, son désespoir se manifestant à chacun de ses mots - Te rends-tu compte de ce que cela signifie ? Ne sais-tu pas les souffrances terribles que connaissent les gens pendant la guerre ? Des choses qui me font trembler de peur rien que dy penser... - Je le sais très bien. Jy ai été, loublies-tu ? - répondit Albert avec véhémence, désormais incapable de se contrôler. - Mais cest une femme ! Te rends-tu compte de ce quil pourrait lui arriver...? - Archibald sarrêta subitement, horrifié devant la scène infâme qui se formait dans son esprit. Il posa une main sur son visage, quil remonta nerveusement vers le front, puis dit après un moment : "Mon Dieu ! Cette seule idée me glace le sang !" - marmonna-t-il. - Cela suffit, Archibald, je ten supplie ! - hurla Annie, laissant échapper de sa gorge les sanglots quelle retenait, expression de son immense tristesse - Oh Albert, tout ceci est de ma faute - dit-elle en pleurant. - Que veux-tu dire, Annie ? - demanda Albert, le coeur plein de compassion devant la peine évidente du coeur fragile de la jeune fille. - Je suis sa meilleure amie... Et je nai pas su me rendre compte de ses intentions, jaurais dû le lire dans ses yeux, dans la façon quelle me regardait et quelle me serrait contre elle la dernière fois où...Mais jétais aveugle...Je... Jaurais pu la retenir alors... - Sottises ! - fit Archibald en sadressant à elle avec une irritation inhabituelle - Rien na jamais pu retenir cette excentrique ! Rien ni personne ! Dis-moi, en as-tu été capable quand elle a quitté le collège St Paul ? Elle tavais parlé de ses intentions à ce moment là ? Non, bien sûr que non, elle ne la pas fait, et même si elle lavait fait, tu naurais pu rien faire, car aucun de nous nest jamais parvenu à la persuader ! - Archibald ! - fit Annie, sanglotant de plus belle. - Assez, maintenant Archibald ! - commanda fermement Albert, admiratif intérieurement devant la réaction du jeune homme. - Cest évident que nous en sommes incapables - poursuivit-il frénétiquement, ignorant les suppliques dAlbert - Sais-tu pourquoi Annie ? Parce que sur cette maudite terre, seules deux personnes auraient pu la retenir dans sa stupidité, mais malheureusement, une de ces personnes est morte, quant à lautre... Nom de... ! Cet abruti est sain et sauf à New-York sans se soucier de ce qui peut arriver à Candy, tandis que nous autres... - Assez je tai dit ! - rugit Albert. Archibald fut lui même surpris de ses propres paroles et quitta la pièce sans un mot. Annie qui se tenait debout depuis un moment, saffala sur le sofa, pleurant des sanglots déchirants qui brisèrent le coeur dAlbert. Il sapprocha delle et posa sa main sur son épaule. - Sil te plaît Annie, ne pleure plus - murmura-t-il - Archibald ne pensait pas tout ce quil a dit, il est seulement bouleversé par ce qui arrive. Je suis sûr quil pensait à Alistair. Archibald doit croire quil pourrait arriver la même chose à Candy mais je ne suis pas daccord avec lui. La situation de Candy est différente. Elle est infirmière et non soldat. - Mais il y a des infirmières militaires qui meurent aussi ! - parvint à dire Annie entre deux sanglots. - Jai pris mes précautions pour sa sécurité - dit Albert. - Tu es sérieux ? Que veux-tu dire ? - demanda-t-elle intriguée. - Je te le dirai dans une minute quand Archibald reviendra. Je vais dailleurs aller le chercher. Albert sortit de la pièce, laissant Annie pleurer toute seule. Il trouva Archibald sur le balcon de la pièce contiguë, le regard perdu vers lhorizon lointain. - Archibald ? - Albert - répondit-il honteux de son comportement précédent - Je..., je regrette sincèrement. Je ne sais pas ce quil ma pris. Cest que cest si difficile à accepter - balbutia-t-il avec amertume. - Ne crois-tu pas que ça lest aussi pour moi ? - fit remarquer Albert, dévoilant à son tour un peu de son désespoir - Candy est ma protégée et je laime profondément. Au cours de ces années, elle est devenue la personne la plus proche de moi. Depuis la mort de ma soeur, personne navait eu aussi dimportance à mes yeux. - Je te comprends. Je sais ce quelle représente pour toi... Mais, Albert, ce que je ressens est différent... Je... - Chuuuttt ! - fit Albert en lui faisant signe de se taire, et baissant dun ton jusquà ce que sa voix devienne un murmure que seul Archibald pouvait entendre - Je le sais. Il y a des sentiments quun homme dhonneur doit garder au fond de son coeur pour ne jamais les laisser sortir, ni même les avouer à soi-même, car cela rendrait les choses encore plus difficiles. Tu naurais jamais dû prononcer ces choses que tu as dites à Annie. - Tu crois quAnnie ?... - senquit Archibald. - Non, ne crains rien. Elle est suffisamment occupée à se culpabiliser du départ de Candy pour se rendre compte de quoi que ce soit. Maintenant, retourne dans mon bureau et redevient le charmeur que tu as toujours été. Annie a besoin de toi, encore plus quavant. Cest ainsi que Candy voudrait que les choses soient. Les deux hommes retournèrent au bureau en silence, leurs craintes intérieures pesant lourdement sur leurs épaules. Une fois tous les trois réunis, Albert expliqua à ses amis les nouvelles précautions quil avait prises pour protéger Candy malgré la distance. Durant son séjour en Afrique, Albert avait rencontré un officier français du même age que lui. Ils étaient devenus très bons amis, ayant de nombreux points communs. Des années plus tard, quand Albert retrouva la mémoire, il essaya de contacter son ancien ami, et ses recherches sétaient finalement couronnées de succès. De ce fait, les deux hommes avaient conservé des liens réguliers. Ce jeune officier était le neveu dune personne très importante en France, le Maréchal Foch en personne, un homme qui jouera un rôle important dans la guerre. Cest pourquoi, Albert sétait empressé de contacter son vieil ami et lui demander duser de son influence auprès de son oncle pour que Candy ne participe à aucune équipe médicale pour travailler en avant garde. Cet ami lui avait immédiatement répondu pour lui assurer que Melle Candy Neige André ne serait jamais envoyée en mission sur le front. A cette nouvelle, Annie et Archibald se sentirent un peu soulagés, et trouvèrent le courage nécessaire pour lire la lettre que Candy leur avait envoyée. Ils ignoraient cependant que ni les relations dAlbert, ni linfluence du Maréchal Foch, ne pourraient empêcher Candy daller vers son destin. * * * * * Deux mois après la scène à laquelle nous avons assisté, Albert recevait la première lettre de Candy.
29 Juin 1917 Cher Albert, Nous sommes enfin arrivés à Paris. Cest la première lettre que jai pu técrire depuis mon départ. Je devine que mon départ tas causé bien des problèmes. Cela na pas dû être facile pour toi de devoir annoncer ma décision à tout le monde. Je regrette beaucoup de tavoir laissé cette responsabilité, mais tu étais la personne la plus à même de réaliser cette tâche. Jespère que tu comprends mes raisons bien quelles puissent te paraître étranges, à toi comme aux autres amis. Tu te rappelles quand tu es parti pour lAfrique. Cétait quelque chose dont tu avais toujours rêvé. Quelque chose que tu devais faire pour continuer à vivre. Ma décision de venir en France est du même acabit. Je devais venir ici. Cest comme si jétais née pour une occasion comme celle-ci. Je ne veux pas dire que je fais des choses extraordinaires ici, mais je sais que je devais y être. Tu sais, jai déjà trouvé de nombreuses raisons pour être là. Dautre part, ce nest pas aussi horrible que ce que les gens disent. Tous sont très aimables avec moi. Il est vrai que le travail est très pénible, mais ils sont tous si touchés par la douleur dans lhôpital que la plus grande partie des bons sentiments flotte dans les airs et atteint le coeur de chacun. Nous travaillons dur car le personnel nest pas suffisant pour soccuper de tout les blessés qui arrivent chaque jour du front occidental, mais nous sommes aussi récompensés quand nous nous rendons compte que nous avons pu sauver une vie. Une chose me dérange profondément. La fréquence avec laquelle on effectue les amputations. Parfois, je trouve que les docteur décide trop rapidement de couper un bras ou une jambe. Cest si triste de voir ces hommes, parmi lesquels certains sont très jeunes, souffrir horriblement quand ils saperçoivent quon leur a coupé un membre. Je me rappelle lannée dernière être allée à une convention médicale, à lhôpital Johns Hopkins, et quelques docteurs y testaient un nouveau procédé, lirrigation, pour sauver un membre dune amputation imminente. Les résultats avaient été convaincants là-bas, et jespère pouvoir trouver ici un moyen de suggérer lutilisation du traitement par irrigation. Mais cela ne va pas être facile car les docteurs nont jamais confiance en leurs infirmières pour diagnostiquer des traitements. Pour passer à des sujets plus agréables, je dois te dire que jai rencontré une ancienne collègue. Tu te rappelles de Flanny, qui était à lécole dinfirmière avec moi ? Elle est ici, et devine quoi , cest linfirmière en chef ! Tu peux le croire ? Je sais que je tai dit une fois quon ne sentendait pas très bien, mais je suis sûre que notre relation va saméliorer. Je me rends compte que cest une âme solitaire et jaimerais beaucoup être son amie. Croise les doigts pour moi. Sil te plaît, dis à Annie que Paris est bien comme elle me lavait décrit une fois. La ville est belle à vous couper le souffle. Bien sûr, je nai pas beaucoup de temps pour la visiter, mais toutes les deux semaines, jai un jour de libre, en fait seulement dix heures. Jutiliserai ce temps pour tout voir et tout connaître, mais il semble que cette guerre durera encore un moment. Ainsi, jen profiterai pour connaître Paris. Comme je suis très occupée, je nai pas le temps de raconter dautres choses. Ma prochaine lettre sera pour Annie, puis pour Archibald, puis la Melle Pony et Soeur Maria, puis finalement à toi, cest pourquoi sois patient, et racontez-vous le contenu de mes lettres. Mais sil te plaît, ne parle pas à Annie des amputations. Je ne veux pas quelle soit triste à cause de cela. Affectueusement, Candy P.S.: Jai eu 19 ans le mois dernier pendant le voyage. Alors noublie pas de macheter un cadeau et de le garder bien enveloppé jusquà mon retour. * * * * * 6 Août 1917 Chère Annie, Je ne sais comment commencer ma lettre. Albert ma dit comment tu tes sentie après mon départ. Annie ! il ny a aucune raison pour que tu te sentes coupable ainsi ! Cette décision naurait jamais pu être changé que ce soit par la force ou pour la raison. Cest quelque chose que je devais faire et je ne le regrette pas, bien que je ne voudrais pas que vous en souffriez. Il y a beaucoup de bonnes choses ici, bien plus que tu ne le limagines, crois moi . J e commence à connaître des gens sympathiques, comme une fille très agréable qui sappelle Julienne, et qui partage ma chambre. Elle est plus âgée que toi et moi, peut-être de 9 ou 10 ans de plus, et elle est mariée, imagine ! Son époux est au combat sur le front, cest pourquoi elle a décidé de proposer ses services comme volontaire, et en fait, elle se révèle être une excellente infirmière. Julienne est très gentille avec moi depuis le début, elle a un grand sens de lhumour et elle fait beaucoup defforts pour apprendre un peu danglais et pouvoir ainsi parler avec moi. Tu ne trouves pas cela gentil de sa part ? Japprends de mon côté un peu de français mais je crains de ne pas être très douée pour le prononcer. Il y a aussi un garçon très aimable que jai rencontré il y a quelques jours, un jeune docteur de lhôpital. Il sappelle Yves et il est très gentil. Tu sais pas ? Je lai rencontré par accident dans la rue, son chien courrait après un chat et ma renversée. Maintenant que je me la rappelle, cétait une situation très comique. Cest bizarre que je nai pas remarqué ce garçon auparavant, alors que nous travaillons dans le même hôpital. Depuis cet accident, je lai revu plusieurs fois, ayant même travaillé ensemble puisque nous étions en charge de patients communs. Cest vraiment un bon docteur. Aaaah, bien sûr, tu dois timaginer dans ta petite tête des choses romantiques entre lui et moi, mais je dois te dire que bien que je le trouve très agréable, JE NE SUIS PAS DU TOUT INTÉRESSÉE PAR LUI ! Alors tu peux déjà oublier ce qui est en train de penser. Je dois men aller maintenant car mon tour arrive et Flanny se met en colère après moi si je narrive pas à temps. Jenverrai cette lettre demain. Sil te plaît, lit la prochaine lettre que jenverrai à Archibald. Je pense très fort à toi. Candy * * * * * 24 Septembre 1917 Cher Archibald, Infirmière Candy Neige André, membre orgueilleux de la FEA, cest à dire, Force dExpédition Américaine. Jai le plaisir de vous informer, Monsieur, que je vais très bien. Trop formel ? Jespère que non, car je nai jamais été sérieuse, cela na jamais correspondu à ma personnalité. En vérité, les choses semblent saméliorer ici pour les alliés, comme tu as dû lapprendre par les journaux. Quand je suis arrivée ici, on préparait une grande offensive pour récupérer les Flandres. Des milliers de blessés nous furent amenés à lhôpital. De plus, une partie du personnel de lhôpital a été désigné pour une expédition sur le front afin dy soigner les blessés. Malgré les efforts des Anglais et des Français, la région reste encore sous le contrôle des Allemands, mais beaucoup de gens pensent que les alliés vont unir leurs forces pour tenter une grande attaque en même temps. Nous espérons tout que cela fera reculer les Allemands et quon pourra libérer la région. Nos garçons, je veux dire nos soldats, ne sont pas vraiment encore entrés en action. Ils ont seulement porté de laide à Belfort. Cependant, ils continuent à arriver et à sentraîner ici. Ainsi Paris, où je vis, est très bien surveillée. Avec laide de Dieu, tout ceci se terminera peut être plus rapidement que je ne le crois et je pourrai rentrer. De toute façon, il ny a aucune raison pour que tu te fasses du souci pour moi. Au contraire, il faut que tu te consacres à soutenir Annie. Tu sais combien elle est fragile et combien elle a besoin de toi. Quand je rentrerai, nous nous moquerons de cette période difficile, et je vous raconterai tous les événements heureux qui me sont arrivés ici. Autre chose, noublie pas que Noël est dans trois mois. Sil te plaît, demande un peu dargent à Albert pour quil achète quelque chose de ma part à Annie. Trouve quelque chose de beau et luxueux, et comme toujours élégant.... Bien, jai confiance en ton goût raffiné. Affectueusement, Candy * * * * * 1er Octobre 1917 Chères Melle Pony et Soeur Maria, Cest la première lettre que je vous écris depuis mon départ des États-Unis, il y a déjà six mois de cela. Je sais que ce nest pas bien décrire si peu, mais mes obligations ici ne me permettent pas de le faire plus souvent. Vous mavez toujours appris quil fallait dabord terminer ce que lon avait commencé. Ici, il y a tellement de gens qui ont besoin de mon soutien et de mon aide, que je ne peux marrêter. Je ne veux pas que vous vous fassiez du souci pour moi. Je vais très bien, mais priez sil vous plaît Dieu pour toutes ces personnes qui meurent chaque jour dans mes bras. Parfois, je ne peux rien faire pour elles si ce nest réciter les prières que vous mavez apprises et pleurer en silence sur cette frustration. Vous qui avez toujours été si proches de Dieu, demandez-lui darrêter cette folie meurtrière. Je ne comprendrai jamais pourquoi les gens ont besoin de se faire souffrir aussi horriblement. Cest indigne de lhomme ! Parfois, jai envie de courir et de rentrer à la maison, en Amérique auprès de vous. Mais jai compris que ma place est ici désormais. Les gens ont besoin de moi autant que les enfants de lorphelinat ont besoin de vous. Je nai raconté à personne la peine chaque fois croissante que je ressens quand je rencontre un nouveau patient. Une fois de plus, ne vous faites pas de souci pour moi, et ne parlez à personne des choses tristes que je vous ai racontées, mais priez, priez pour eux. On pense quune attaque importante va avoir lieu dans le Nord. De nombreux camions, remplis de jeunes soldats, ont traversé la ville en direction de la frontière nord de la Belgique. Quand vous penserez à moi, pensez aussi à ces jeunes soldats , qui peut être ne retourneront pas chez eux. Mais je vous promets que je rentrerai. Quelque chose au fond de moi me permets de le croire. Je suppose que Patty est de retour à Chicago depuis cet été. Dites à Annie de la serrer très fort dans ses bras de ma part. Cette personne, si soucieuse des autres, est certainement là-bas pour uniquement tenir compagnie à Annie, jen suis sûre. Patty a très grand coeur ! Vous devriez tous les inviter à lorphelinat pour fêter Noël comme au bon vieux temps. Jai déjà envoyé à Albert toutes les instructions pour quil vous fournisse tout le nécessaire pour la fête et les jouets pour les enfants. Avec tout mon amour, Candy.
- Ma gentille petite fille - dit Melle Pony en achevant de lire la lettre, des larmes coulant sur son visage - Elle est loin là-bas, travaillant jour et nuit, souffrant de carences dont elle ne nous parle pas, mais elle ne peux sempêcher de penser aux autres, même au repas de Noël et aux cadeaux pour les enfants. - Cest toujours la même Candy, mais chaque fois meilleure, plus forte et plus attentionnée - répondit la soeur en sapprochant de Melle Pony, avec un mélange dorgueil et de tristesse. - Cest vrai, nous pouvons être très fières delle. - Melle Pony ? - demanda Soeur Maria, son regard clair sassombrissant - Vous ne ressentez pas un sentiment étrange ? - Que voulez-vous dire Ma Soeur ? Melle Pony et Soeur Maria avaient passé tant dannées à travailler ensemble, et traversé tant de pénuries en commun, quelles pouvaient distinguer chaque changement dhumeur de lune ou lautre. Le ton de voix de la Soeur était chargé dune crainte qui ne plaisait pas à Melle Pony. - Peut-être ce nest que mon imagination, mais quand vous lisiez la partie de la lettre dans laquelle Candy nous demande de prier pour ses malades. Jai... - commença la soeur, sa voix se réduisant à un murmure - jai ressenti quelque chose qui me fait penser que nous devons prier, mais prier pour elle. - Soeur Maria ! - Notre Candy court un grave danger. Je peux le sentir comme seule une mère peut le faire - dit-elle en se mettant à pleurer silencieusement. Le vent glacial de cette saison dautomne entra dans la pièce, remuant les feuilles du calendrier. Cétait le 1er Novembre. Des pages dune revue se soulevèrent aussi sur le bureau de Melle Pony, sur lesquelles on pouvait lire en titre "Une grande vedette est partie défendre la patrie sur le front Français".
Fin du chapitre 2 A suivre.... © Mercurio 1999 |