Candy, la suite

par Edith

Chapitre 7

Un miracle n’arrive jamais seul

 

Terry gît sur le gazon. Un attroupement s’est reformé autour de lui. Suzanne, debout à côté du corps, s’est arrêté de hurler. Elle est en état de choc.

Voix d’homme (fort) : Ecartez-vous ! Veuillez vous écarter !

Les pompiers repoussent les gens à quelques mètres de Terry. L’un d’eux s’approche du jeune homme, l’observe et palpe son pou.

Le pompier près de Terry : Je croyais que c’était un enfant.

La mère d’Eddy (tenant toujours son fils contre elle) : Il a sauvé mon fils et il est tombé en redescendant. (Montrant Suzanne) la jeune femme est son amie.

Le pompier regarde Suzanne. Elle le regarde et semble revenir à elle.

Suzanne (articulant avec peine) : Est-ce qu’il est … mort ?

Le pompier : Non.

Deux autres pompiers arrivent avec une civière. Avec mille précautions, ils mettent Terry dessus.

Le premier pompier (à Suzanne) : Vous venez avec nous ?

Elle acquiesce.

Hôpital Jacob. Deux brancardiers entrent dans le couloir des urgences, portant Terry sur la civière. Le Dr Keller est avec eux. Ils se précipitent vers le bloc opératoire.

Suzanne entre à son tour dans le couloir et s’assoit sur un banc près du bloc opératoire.

Hôpital Jacob. Candy est dans un grand bureau, devant une armoire ouverte contenant de nombreux dossiers. Deux autres infirmières discutent, assises autour de la table, une pile de dossiers devant elles.

Dora entre en coup de vent.

Dora : On a un patient célèbre !

Une des infirmières assises : Ah oui ! Qui ça ?

Dora : Terrence Grandchester, l’acteur !

Candy laisse tomber le dossier qu’elle avait en mains.

Candy (d’une voix blanche) : C’est grave ?

Dora : Y a des chances. Il a fait une chute d’une dizaine de mètres. Il est arrivé dans le coma.

Candy chancelle. Dora se précipite vers elle et l’aide à s’asseoir sur une chaise.

Dora (lui tapotant la figure) : Candy, Candy. Mais qu’est-ce qui t’arrive ?

Candy : C’est que … C’est un ami …

Dora : Vraiment, tu le connais ?

Candy : On était ensemble au collège.

Dora : Je suis désolée. Si j’avais su, je ne l’aurais pas annoncé comme ça. Viens, il est au bloc opératoire. C’est le Dr Keller qui s’en occupe alors on peut avoir rapidement des nouvelles.

Candy se laisse entraîner.

Candy et Dora arrivent devant le bloc opératoire. Candy a enfilé un masque, une charlotte sur ses cheveux et les chaussons adéquats. Elles tombent sur Suzanne, toujours assise sur la chaise.

Suzanne (se levant) : Candy !

Candy : Suzanne, que s’est-il passé ?

Suzanne (pleurant) : On était dans le parc. Il a grimpé à un arbre pour aider un enfant. En redescendant, il a du glisser …

Candy : Glisser … J’ai vu Terry monter aux arbres des dizaines de fois. Comment a-t-il pu glisser ?

Dora : Ca arrive, Candy, c’est tout. Vas-y, maintenant.

Suzanne : Candy, vous viendrez me donner des nouvelles, n’est-ce pas ?

Candy : Bien sûr.

Candy disparaît derrière la porte du bloc opératoire.

Quand Candy entre dans le bloc opératoire, le Dr Keller est penché au-dessus de Terry mais apparemment, il n’a pas incisé. Le jeune acteur, un drap remonté jusqu’à la ceinture, a un bras bandé et de nombreuses plaies un peu partout. Le Dr Keller est entouré d’un autre médecin et de deux infirmières dont Caroline.

Dr Keller : Candy ? Je n’ai pas demandé une infirmière de plus.

Candy : Ah … Vous voulez que je m’en aille ?

Dr Keller : Maintenant que vous êtes là, restez. De toute façon, nous avons presque terminé. Il n’a rien.

Candy : Comment rien ?

Dr Keller (palpant toujours le patient) : C’est un miracle. Nous n’avons rien trouvé à part un bras cassé et des contusions. Je n’en reviens pas moi-même. Evidemment, il faut le surveiller. Et il faut qu’il se réveille. Mais le coma n’est pas trop profond alors j’ai bon espoir de le voir ouvrir les yeux dans quelques heures.

Bon, je vous le laisse. Finissez les pansements. Je vais parler à Melle Marlow.

Les deux médecins sortent.

Candy s’approche de Terry et le regarde.

Caroline (à Candy) : Puisque tu es là, tu vas terminer. Moi, on m’attend là-haut pour un soldat.

L’autre infirmière : Ca t’ennuie si je monte avec elle ?

Candy : Non, non, allez-y.

Une fois seule, Candy approche les instruments et les produits dont elle a besoin.

Candy (mettant une de ses mains sur une main du jeune homme) : Terry, c’est moi, c’est Candy. Je ne sais pas si tu as entendu mais tu n’as rien de grave. Le docteur s’est occupé de ton bras cassé. Moi, je vais mettre des pansements sur les contusions. Ca risque de piquer.

Elle se met au travail.

Candy (une larme coule sur ses joues) : Tu sais, j’aimerais vraiment croire que c’est un accident …

Toutes les plaies de Terry sont couvertes. Candy met la main au dernier pansement quand les brancardiers entrent dans le bloc opératoire.

Un brancardier : On l’emmène en 212.

Candy : Vous pouvez y aller, j’ai terminé.

Elle les regarde emmener Terry puis se met à ranger.

Soir. Suzanne est au chevet de Terry, toujours endormi. On frappe à la porte. Mme Marlow entre dans la pièce.

Mme Marlow : Viens Suzanne. Viens te reposer. Je te promets qu’on reviendra demain.

Suzanne : Je ne veux pas qu’il soit seul s’il se réveille.

Mme Marlow : Il ne sera pas seul.

Suzanne : Tu vois ce que je veux dire !

Mme Marlow : Sois raisonnable, Suzanne. Tu ne lui seras pas utile si toi-même tu es épuisée.

Elle s’approche de sa fille et l’aide à se lever. La fatigue se fait sentir. Suzanne boîte plus que d’habitude. Elles sortent toutes les deux de la chambre.

Nuit. Les couloirs de l’hôpital sont déserts. Candy va jusqu’à la chambre 212. Elle hésite à ouvrir la porte, retourne sur ses pas. Finalement, elle revient et entre.

Il fait sombre. Seule la lumière des réverbères à l’extérieur éclaire un peu la chambre.

Candy s’approche du lit et s’assoit là où était Suzanne.

Candy (se penchant au-dessus du jeune homme) : Terry, c’est Candy. Je voulais te dire … Je suis là … Si tu as besoin de quelque chose …

Terry (sans ouvrir les yeux) : Ah …

Candy : Terry, tu m’entends ?

Terry (n’ouvrant pas les yeux mais bougeant un peu la tête) : Mm …

Candy (passant doucement sa main sur son front) : Ch … Ca va aller. Tu as mal, c’est ça ? C’est normal, tu sais, tu as des plaies un peu partout.

Terry : …an ...i …

Candy : Je ne comprends pas.

Candy se penche et met son oreille près de la bouche de Terry.

Terry (très faiblement) : Candy …

Elle s’éloigne de lui et le regarde. Il a toujours les yeux fermés mais sur ses lèvres, elle peut encore lire « Candy, Candy ».

Candy (s’approchant à nouveau et prenant sa main) : Je suis là.

Matin. Terry est assis sur son lit d’hôpital. Il regarde fixement vers la fenêtre, à l’opposé de la porte de la chambre. Il a l’air épuisé.

Des pas et des voix dans le couloir. La porte s’ouvre sur Eliza. Elle ne ferme pas la porte derrière elle.

Eliza : Terry, tu es réveillé ! Je suis venue voir si tout allait bien, si tu n’avais besoin de rien.

Il ne bouge pas.

Eliza (s’approchant du lit) : Tu m’entends ?

Suzanne apparaît dans le couloir et entre dans la pièce, un peu surprise d’y trouver Eliza.

Eliza : On m’a dit qu’il n’avait rien de grave mais il n’a pas bougé depuis que je suis là.

Suzanne approche et regarde Terry.

Suzanne (à Eliza) : Vous voulez bien me laisser un instant seul avec lui ?

Eliza (tournant les talons et sortant) : Si vous croyez que vous obtiendrez plus que moi !

Suzanne va fermer la porte puis fait le tour du lit pour être dans le champ de vision de Terry.

Suzanne : Tu ne peux pas savoir comme je suis heureuse que tu sois réveillé. Comment te sens-tu, ce matin ?

Terry (croisant enfin son regard) : Je voudrais être seul.

Candy et Annie marchent dans le parc de l’hôpital Jacob.

Candy : Physiquement, il est de mieux en mieux. Mais moralement … Il ne parle à personne depuis 3 jours en dehors du stricte minimum. Il ne veut même pas voir Suzanne.

Annie : Tu devrais peut-être y aller. Avec toi, il a toujours été …

Candy : Mais ça n’est plus comme avant, Annie. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y allée le premier soir parce que j’étais inquiète. Mais maintenant, il est réveillé …

Annie : Candy, arrête cette comédie que tu te joues depuis des mois. Toi qui est toujours si honnête avec toi-même ! Les sentiments que tu éprouves pour lui sont toujours vifs, n’est-ce pas ?

Candy (butée) : Non. C’est de l’amitié, c’est tout.

Annie : Réveille-toi, Candy ! Après tout, vous ne devez rien à Suzanne. Tout ça n’est la faute de personne. Il est encore temps.

Candy (regardant Annie dans les yeux) : Je refuse de souffrir comme la dernière fois. Je suis passée à autre chose et je ne reviendrai pas en arrière … (apercevant Dora qui lui fait des grands signes) Excuse-moi, je dois te laisser. (Courant vers Dora) A bientôt.

Annie la regarde courir puis part en direction de la sortie.

Hôpital Jacob. Candy avance rapidement dans un couloir, les yeux baissés sur une feuille qu’elle tient dans ses mains.

Elle se heurte au Pr Bomann.

Candy : Veuillez m’excuser.

Pr Bomann : Il faut regarder devant soi quand on marche.

Candy : Je suis désolée, je lisais et …

Pr Bomann : Au fait, on vous a informé ?

Candy : informé ? De quoi ?

Pr Bomann : Le bateau part demain en fin de matinée. Vous devez être sur le port vers 11h.Vous serez prête ?

Candy : Oui, monsieur.

Pr Bomann (s’éloignant déjà) : Très bien.

Candy (restant un instant immobile) : Voilà, Candy, c’est fait, tu pars demain.

Hôpital Jacob. Soir. Du bout du couloir, Candy voit Suzanne quitter tristement la chambre de Terry. Elle rejoint sa mère qui attendait sur une chaise. Suzanne verse une larme. Sa mère la prend par les épaules et l’entraîne vers l’escalier.

Dans sa chambre, Candy fait ses bagages. Une fois la valise remplie, elle s’assoit sur son lit et reste un temps sans bouger. Brusquement, elle enfile un manteau léger par-dessus sa tenue d’infirmière, enlève sa coiffe et met des souliers de ville à la place de ceux de son uniforme.

Candy frappe doucement à la porte de la chambre 212. Son manteau cache entièrement sa robe d’infirmière. Elle attend quelques instants puis entre.

Terry est debout près de la fenêtre dans le noir, uniquement éclairé par la lumière du couloir provenant de la porte ouverte. Il regarde vers l’extérieur.

Candy : Je peux allumer ?

Terry (se tournant) : Candy !

Candy (allumant et fermant la porte) : Bonsoir.

Il porte une chemise blanche avec un pantalon de pyjama. Son bras cassé est maintenu en écharpe par un linge blanc.

Terry : Je te croyais rentrée à Chicago.

Candy : Albert avait encore quelques personnes à voir.

Silence.

Candy : Tu as eu une chance incroyable … Je suis vraiment heureuse de te voir sur pieds.

Terry : Tu repars bientôt ?

Candy : demain.

Terry : Ah … C’est une visite d’adieu, alors.

Candy reste silencieuse.

Terry : Albert doit t’attendre. Tu devrais y aller. Ne te fais pas de soucis pour moi. Tu vois, je ne vais pas tarder à sortir.

Candy (ouvrant la porte) : Prends soin de toi.

Terry : Toi aussi.

Elle sort.

Il s’adosse au mur et ferme les yeux.

Brusquement, il rouvre les yeux, fait le tour du lit et sort de la chambre.

Candy n’est plus dans le couloir. Terry prend l’escalier et descend aussi rapidement que ses blessures le lui permettent. Il arrive dans le hall de l’hôpital et gagne la sortie lorsque l’infirmière de nuit l’aperçoit.

L’infirmière : Monsieur ! (courant derrière Terry) Monsieur, où allez-vous ?

Terry : Prendre l’air. Je n’ai pas le droit ?

L’infirmière : Bien sûr mais vous pouvez passer par la porte intérieur pour aller dans le parc. Là, c’est la sortie de l’hôpital.

Terry : Mais je cherchais … quelqu’un qui a du passer ici il y a 5 mn.

L’infirmière : Ici ? Ca fait plus d’une demi-heure que je n’ai vu personne.

Terry : Ah bon. Merci.

Il s’apprête à remonter puis se ravise et prend la porte intérieure qui mène au parc de l’hôpital.

Dans le parc de l’hôpital, Terry suit une allée déserte. La lumière provient uniquement des réverbères et des fenêtres éclairées de l’hôpital.

A un détour de l’allée, il aperçoit la silhouette de Candy, assise sous un arbre sur la pelouse. Elle a posé son manteau à côté d’elle. Sa robe blanche d’infirmière est très visible à la lumière des réverbères. Elle regarde le ciel et ne voit pas Terry avancer vers elle.

Terry : Pourquoi es-tu en tenue d’infirmière ?

Candy (sursautant légèrement) : Décidément, tu veux que j’ai une attaque !

Terry (s’agenouillant à côté d’elle) : Tu travailles ici ?

Candy : Je suis en stage de formation.

Terry : Il n’y a pas de formations à Chicago ?

Candy : C’est pour apprendre à soigner … des pathologies particulières. Ici, ils sont spécialistes.

Terry : Quelles pathologies ?

Candy : C’est un interrogatoire ?

Terry : C’est pour les blessures de guerre, c’est ça ? Ne me raconte pas d’histoires, je connais bien cet hôpital. C’est ici que Suzanne vient pour sa jambe.

Candy (sur un ton léger) : Tu as deviné. Ne fais pas cette tête, c’est normal que nous nous préparions. De plus en plus de blessés vont revenir du front.

Terry (d’une voix blanche, la regardant dans les yeux) : Tu n’as pas l’intention d’aller sur le front alors ?

Candy (évitant son regard) : … Je ne sais pas …

Terry (atterré) : Ce n’est pas possible. Albert ne peut pas te laisser faire ça.

Candy (se redressant et se mettant à genoux, mains sur les hanches) : Albert n’a pas son mot à dire et toi non plus. C’est MA décision. Puisqu’on en est là, moi aussi, j’ai des questions à te poser. J’aimerais que tu m’expliques comment tu as pu glisser d’un arbre ?

Terry (sur le même ton): Il n’y a rien à expliquer. J’ai glissé, c’est tout.

Candy (la gorge serrée) : Tu peux essayer de faire croire ça à qui tu veux mais pas à moi. (criant presque) C’est comme ça que tu tiens la promesse que tu m’as faite il y a deux ans ?

Terry (criant aussi) : Et toi, tu la tiens ta promesse ? Ce départ en France au péril de ta vie, c’est parce que tu nages dans le bonheur ?

Candy (s’approchant de lui) : Tu n’avais pas le droit de faire une chose pareille ! (attrapant sa chemise et le secouant) Tu n’avais pas le droit !

Terry attrape les épaules de Candy et la maintient à distance, l’empêchant de bouger. Elle tient toujours sa chemise. Ils se regardent, comme figés.

Soudain, ils se lâchent puis tombent dans les bras l’un de l’autre. Candy met sa tête dans le cou de Terry et il enfouit son visage dans ses boucles.

Terry desserre l’étreinte. Il prend la tête de Candy dans ses mains et la lève vers lui. Il embrasse doucement son visage : le front, le nez, les joues. Ensuite, il prend les lèvres. Elle ferme les yeux et ils s’embrassent passionnément.

Ils se regardent à nouveau. Candy se met à trembler. Les larmes coulent sur ses joues. Terry aussi pleure.

Terry (la serrant dans ses bras et la berçant) : Mon amour … Le temps sans toi a été si long …

Candy ne peut plus contenir les sanglots. Le visage dans le creux de son épaule, elle libère le flot de larmes qu’elle retient depuis si longtemps.

Ils restent là un long moment, blottis l’un contre l’autre.

© Edith 2006