Yumiko
Igarashi au
pays de Candy |
EXERGUE : "si
vous aimez
vraiment Candy, elle reviendra !"
Invitée d'honneur manga de
Japan Expo, Yumiko IGARASHI a signé deux grandes œuvres shôjo des
années 70-80 : Candy Candy et Georgie. Joviale, de nature enjouée,
elle était ravie de rencontrer pour la première fois ses fans français.
Pourquoi avez-vous décidé d'être
mangaka ?
J'aimais le
dessin. Quand j'étais toute petite, mes parents me
donnaient des feuilles blanches et lorsque je dessinais, je devenais
très calme. J'avais une petite sœur et vous savez, quand l'aînée est
tranquille, en général, les parents sont contents. Puis, j'ai commencé
à aimer lire les manga et ces deux passions m'ont finalement amenées à
devenir mangaka.
Quel
manga lisiez-vous
quand vous étiez plus jeune ?
Atom (Asto Boy, NDR) !
Je ne lisais pas vraiment de shôjo, mais
plutôt des shônen comme Wild 7 (célèbre manga de motards de Mikiya
MOCHIZUKI, NDR). Quand j'étais en quatrième ou en troisième, à l'âge de
13 ou 14 ans, j'ai rencontré M. Osamu TEZUKA et je lui ai même serré la
main ! J'étais très impressionnée. Je souhaitais déjà entrer dans
ce monde et cette rencontre m'a vraiment décidé à faire ce métier plus
tard.
Vous avez fait vos
débuts en 1968 dans le Ribon de Shûeisha. Comment avez-vous été
recrutée dans ce magazine ?
Quand j'étais en terminale à Sapporo (sur l'île de Hokkaidô), j'ai
passé des examens et je suis venue sur Tôkyô pour devenir mangaka. J'ai
frappé aux portes des éditeurs pour leur montrer mes dessins et c'est
ainsi que le magazine m'a embauchée.
Pourquoi êtes-vous
ensuite passée dans d'autres magazines comme le Shôjo Comic
(Shôgakukan) ou le Nakayoshi (Kôdansha) ?
A cette époque, ce n'est pas parce qu'on avait réalisé une série chez
un éditeur qu'il vous rappelait forcément ensuite pour un autre projet.
Je devais sans cesse faire de nouvelles propositions. Voilà pourquoi
j'ai aussi sollicité d'autres éditeurs, d'autant que parfois, c'était
eux qui me contactaient.
C'est dans le
Nakayoshi que vous obtenez le succès avec Candy Candy à partir de 1975.
Comment est né ce manga ?
Pour commencer, un contrat me liait avec ce magazine un peu plus
qu'avec les autres. Ce contrat se renouvelait tous les six ou douze
mois et, à chaque fois, on discutait de ce qu'on pouvait faire. À cette
époque-là a été diffusée à la télévision japonaise la série Heidi (en
1974, réalisée par Isao TAKAHATA, NDR). Mon tantô, la personne qui
coordonnait mon travail avec l'éditeur, était le père d'une petite
fille et toute la famille suivait ensemble ce dessin animé, chaque
semaine à la télévision. Il a donc demandé s'il était possible de créer
un manga pouvant être lu par deux générations : les petites filles
et leurs parents.
Que retenez-vous, plus
de 35 ans après, du succès de Candy Candy au Japon ?
Un des thèmes principaux abordés dans Candy Candy est l'histoire
d'une fille qui a un but dans la vie, devenir infirmière, et qui va
tout faire pour l'atteindre d'elle-même. Aujourd'hui, il y a énormément
de personnes qui ont voulu devenir infirmière au Japon, simplement
après avoir lu Candy Candy. J'ai eu notamment l'occasion de faire de
séances de dédicaces à la Croix Rouge et il y avait plus d'infirmières
que de patients !
Candy Candy a aussi
été adapté en dessin animé. Qu'avez-vous ressenti quand vous avez vu
bouger vos personnages ?
Non seulement ils bougeaient, mais ils parlaient, il y avait de la
musique, etc. C'était très émouvant pour moi. J'ai participé à la
création des personnages de l'anime, au début, notamment au niveau des
costumes. Il faut savoir que la personne en charge du character design
était un homme (Mitsuo SHINDÔ, NDR) et il ne comprenait pas toujours
comment se portaient les costumes que je lui envoyais. Je devais donc
souvent lui expliquer…
En 1982, c'est pour le
magazine Shôjo Comic que vous dessinez Georgie. Ce magazine s'adresse à
des lectrices plus âgées que le Nakayoshi. Aviez-vous envie de faire
quelque chose de plus adulte ?
Oui, complètement. Candy Candy s'adressant à des petites filles, on
n'allait pas beaucoup plus loin que de gentils petits bisous, hormis
une unique scène un peu enflammée avec Terry. Avec Georgie, on pouvait
décrire la passion et les sentiments de façon beaucoup plus directe. Je
souhaitais pouvoir raconter aussi ce genre de récits.
Vos histoires se
déroulent souvent dans un monde occidental : Europe, Etats-Unis,
Australie... Comment vous documentiez-vous pour illustrer vos histoires
dans les années 70-80 ?
Je fréquentais les
librairies spécialisées dans les ouvrages
occidentaux. J'achetais énormément de livres pour avoir une solide
documentation.
Est-ce difficile de
faire autre chose quand on a obtenu un tel succès. Les manga que vous
avez dessiné par la suite comme Mayme Angel ou Croque Pockle sont très
proches. Etait-ce les éditeurs qui vous demandaient de rester dans le
même registre ?
C'est une remarque qu'on me fait souvent : on dit que tous mes
personnages se ressemblent, mais c'est normal car ce sont mes dessins
et, forcément, ces personnages me ressemblent. C'est mon monde à moi.
C'est un peu comme une famille dont les membres auront forcément des
traits en commun. Je pourrais comprendre qu'on me reproche que mon
œuvre ressemble à celle d'un autre, mais que mes propres personnages
aient des ressemblances, je trouve cela logique, finalement.
Vous inspirez-vous
parfois de personnages réels pour créer vos personnages ?
Autrefois, on me disait souvent que je ressemblais à mes héroïnes,
mais il faut bien avouer qu'on ne me le dit plus beaucoup… (rires).
Travaillez-vous
seule ? Avez-vous des assistantes ?
Quand j'ai débuté, j'étais
seule mais une fois devenue
professionnelle, je me suis entourée d'une équipe, comme beaucoup. Ce
n'était plus possible de fournir 30 pages en 30 jours !
Que faites-vous
aujourd'hui ? Continuez-vous à dessiner des manga ?
Oui, toujours. Juste avant de venir en France, je travaillais sur un
projet de manga dont j'ai déjà dessiné environ 160 pages (Les Roses de
Joséphine, NDR. Voir News Japon p. XX). J'espère qu'il sera publié un
jour en France.
On sait que depuis des
années, vous êtes en froid avec la scénariste de Candy Candy, Kyôko
MIZUKI, et que cela bloque dans le monde entier la réédition de
l'œuvre. N'y a-t-il aucune chance que cela s'arrange entre vous ?
Je ne peux vous dire qu'une chose : si vous l'aimez vraiment et
que vous l'attendez, elle reviendra… L'œuvre de Candy Candy
n'appartient ni à moi, ni à la personne qui en a écrit l'histoire, mais
au public qui l'a aimée et qui en a fait son succès. Il y aura
forcément un jour où elle pourra revenir.
Traduction :
Aika Takei
Un grand merci à l'agence Warning ainsi qu'à Japan Expo