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Le commentaire de Rémo

 

Il est de deux chose l'une : la consommation d'un produit et l'analyse de sa production. Lorsqu'on boit du coca-cola, on peut se passer d'en connaître la composition. Lorsqu'on porte des Nike Air, on peut se passer de connaître les conditions de travail des enfants qui les ont fabriquées à Guam ou au Pakistan. Il en est de même pour les films et les dessins-animes. Mais lorsque l'on s'intéresse a un produit ou une oeuvre particulière, il est parfois nécessaire de comprendre les mécanismes qui ont abouti à la création de l'oeuvre. Et le fait d'avoir posté l'analyse de Maryvonne Guigonnet était à la fois intéressant et tout à l'honneur de ce site. 

Lorsqu'on analyse un phénomène, un texte, ou quoique ce soit, la première chose à faire est de mettre de coté ses sentiments et ses préférences pour tendre vers une analyse complète et objective. Après nous avoir présenté les grands traits de l'histoire de CC, l'auteur tente quelques commentaires. Ceux-ci aurait été plus compréhensible d'ailleurs si les parties de l'analyse avait été mieux distinguées dans le texte et mieux individualisées. Mais il y avait peut-être des impératifs de taille dans la revue. 

Le mérite de Maryvonne Guigonnet est de replacer CC dans son contexte : celui d'une création artistique dans le Japon des années 1970, par une auteur Japonaise. L'analyse présente tient par ailleurs plus de la démarche de Bruno Bettelheim (Cf. "Psychanalyse des contes pour enfants") que de la démarche freudienne en particulier. Le rapprochement entre Blanche Neige (conte largement diffusé dans le japon de l'après guerre) et CC serait d'ailleurs à souligner, surtout que l'on assiste apparemment à la même évocation du passage de la jeune fille a la jeune femme avec l'épisode du doigt qui saigne... Ce qui serait intéressant de voir dans CC, c'est la façon dont un auteur à la culture radicalement différente (Mizuki) interprète et réinterprète ce conte occidental, reprenant grosso modo l'enjeu (jeune fille - prince charmant et passage à l'age adulte), mais à sa sauce, avec ce qu'elle connaît de l'occident : la période du 19e au 20e siècle (C-a-d justement la période où le Japon s'ouvre sur l'occident), les Etat-Unis (pays de référence lorsqu'il s'agit d'occident au Japon), et bien sur la jeune fille blonde, au yeux bleus, indépendante, puisque c'est ainsi que les masses japonaises se représentent la femme occidentale. 

CC serait donc d'abord le produit d'un vision japonaise de l'occident. On peut imaginer un auteur européen inventant un conte japonais d'après les bribes qu'il reçoit du japon. (il existe : Madame Butterfly). Mais si CC est sensée certainement pour Mizuki représenter la femme occidentale (en modèle ? les femmes japonaises commencent a s'émanciper justement dans les 70's), c'est une représentation au prisme de la société japonaise et la, Maryvonne Guigonnet a tout a fait raison de souligner le poids du rôle accepté de la femme au Japon. Particulièrement le passage jeune fille - femme mariée et l'opposition que représentent les deux statuts dans la société japonaise. Un antagonisme dont Misuki a à mon avis fortement conscience, elle pour qui certainement (C'est toujours le cas au Japon contemporain) la femme occidentale représente la compatibilité entre une vie de femme qui ne renonce ni a sa féminité ni a son indépendance et la vie de mère (femme mariée = mère au Japon et mère = perte de la féminité) au sein d'une famille. 

Mais CC semble aussi reproduire les schémas comportementaux des rapports hommes-femmes au Japon : violence masculine, rôle éducateur de la femme, incompatibilité entre mariage et autonomie féminine. Maintenant le reproche que l'on peut faire à Maryvonne Guigonnet c'est de ne pas pousser assez loin l'analyse sociologique du japon des années 1970, et de ne pas citer de références*. Pourtant il y a de très bons ouvrages sur la question des femmes au Japon, autant chez les auteurs occidentaux (surtout américains, la masse de recherche est énorme) et japonais. Il ne suffit en effet pas de clamer "au Japon les femmes ...." mais de le prouver ou de citer. Mais il y avait peut être des notes dans l'article ?

Rémo

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*Références générales : 
"L'Etat du Japon" (découverte), 
"Le Japon" (documentation française), également, mais à prendre avec des pincettes les ouvrages traduits en Français de Nakane Chie.