Encyclopédie - Anime

Rencontre avec Vincent Ropion, le 28 novembre 2009


 

Ce samedi 28 novembre 2009 est à marquer d'une pierre blanche sur le calendrier du site candyneige! ^^

Accompagnée de ma Candyreporter, Sandrine, nous bravons les intempéries parisiennes, traversons du sud au nord la capitale pour un rendez-vous avec Vincent Ropion, la voix d'Anthonyyyyyyyyyy dans un petit café du quartier de Pigalle. La tension monte d'un cran alors que l'heure du rendez-vous approche, quand finalement, alors que nous sommes plongées dans une conversion palpitante sur le moyen pour moi, de ne pas arriver en retard à l'aéroport, une voix familière nous interpelle : De taille moyenne, barbe de trois jours, son regard bleu malicieux nous observe tandis que nous nous animons un peu gauchement. Il nous embrasse, nous met tout de suite à l'aise, commande une bière. Il s'extasie devant la sophistication de mon équipement pour enregistrer notre entretien (un  Iphone qui contre toute attente enregistre très bien !) et nous pouvons commencer. Après un début maladroit, la conversation démarre et les questions s'enchainent, pas forcément dans l'ordre prévu, mais tout en gardant leur fil conducteur : son travail sur Candy ! ^^

Team Candyneige : Comment avez-vous débuté dans le métier ?

Vincent Ropion : C'est grâce à ma maman qui voulait, quand j'avais onze ans, que je fasse du théatre et de la figuration. J'ai été très très rapidement engagé au théatre. Vers l'âge de treize ans, elle a appelé les sociétés de doublage en me proposant et ça a marché très vite. J'ai aussi pris des cours à partir de seize/dix-sept ans. Et en ce qui concerne le rôle d'Anthony, je crois que j'ai dû faire des essais, et j'ai été choisi, oui. Mais je n'en suis plus très sûr. Cependant, il y avait très peu de comédiens de quinze-seize ans à ce moment là, il y en a beaucoup plus maintenant, et j'ai donc commencé à travailler très très vite. Je correspondais aux rôles de cet âge là.

TCN : Est-ce que le décès du personnage d'Anthony vous a choqué ?

VR :A l'époque non, pas du tout ! Ni même après. (rires)
Je me souviens en revanche de la série quand je la doublais, car à ce moment là, passait déjà Goldorak, et en tant que téléspectateur, j'appréciais énormément ce dessin animé que je trouvais underground, avec des plans très longs, sans bruit, très cinéma. Et à cette époque, j'aimais beaucoup le cinéma. Et quand j'ai doublé Candy, il y avait une violence dans Candy qui n'existait pas ailleurs, avec des paires de claques, des morts aussi. Et même maintenant, je pense que ça ne passerait pas car il n'y a pas très longtemps, j'ai fait un doublage d'un dessin animé, dans lequel on disait "il est mort", et on nous a dit "Non, il ne faut pas dire il est mort, il faut dire "il n'est plus là". Ce que je trouve ridicule parce que les enfants, il ne faut pas les prendre pour des imbéciles. Et puis, cela leur permet d'apprendre ce que c'est que la mort aussi. J'ai donc été très content de doubler Candy car cela me plaisait ce genre de dessin animé là, et puis j'étais déjà habitué avec le Prince Saphir. J''adorais ça quand j'étais môme, ensuite il y avait eu Goldorak. C'était tout à fait nouveau, cela faisait vraiment cinéma dans les plans. C'est pourquoi, la mort d'Anthony ne m'a pas choqué.

TCN : Aviez-vous entendu parler de la censure qui a été effectuée par la suite sur la série, qui visait à faire croire non pas au décès d'Anthony, mais à un simple accident de cheval ?

VR : Non. C'est ridicule. Mais cela augurait déjà de ce qui allait se passer par la suite. A présent, on ne peut plus parler de mort, dans les films policiers on ne peut plus parler de drogue, de cocaïne alors qu'on voit la poudre blanche à l'écran. Il y a certaines chaines qui refusent ces mots là, d'autres qui les acceptent. Tout est édulcoré.

TCN : Même dans Nicky Larson vous aviez dû subir la censure...

VR : Pour Nicky Larson, c'était incroyable ! C'était une série qui s'adressait à un public d'adolescents et de pré-adultes, qui passait à 19 heures au Japon. Ce n'était pas du tout destiné aux enfants, car il y avait des scènes érotiques en permanence. Ces scènes étaient coupées par les psys du Club Do qui avaient vu les épisodes avant, mais ensuite quand nous, nous voyions la série, pourtant déjà censurée, on se disait que c'était pas possible, et on faisait nos propres coupures, nos propres montages, car on se disait qu'ils avaient laissé passer des choses, qu'ils n'avaient rien vu. Il y avait des femmes qui enlevaient leur soutien-gorge dans leur bain, avec Nicky Larson qui regardait par le trou de la serrure. On pouvait pas laisser passer ça pour les enfants de 8/10 ans, le matin au petit-déjeuner.

TCN : D'où la raison pour laquelle l'hôtel était traduit par : restaurant végétarien.

VR : Oui, pendant tout un épisode on avait dû changer l'hôtel par restaurant végétarien. (rires) C'était très drôle ! On se marrait bien. Mais on a dû tout changer. Si vous avez l'occasion de voir la version japonaise, cela n'a rien à voir.

TCN : Justement, par rapport à Candy, il n'y avait donc pas d'improvisation...

VR : Non, il n' y avait pas d'impro, c'était bien écrit. Et puis, à seize ans, je n'étais pas là pour improviser. Pour Nicky Larson, c'était différent car j'avais 25 ans, et là, je faisais ce que je voulais.

TCN : Lors du doublage de Candy, vous doubliez seul ou vous étiez entouré d'autres comédiens ?

VR : Non, j'étais entouré de plein de comédiens, contrairement à aujourd'hui où de plus en plus les comédiens doublent seuls, parce-que maintenant on groupe les scènes, on fait travailler le comédien le moins longtemps possible. Je le regrette. Je préfère jouer avec un partenaire car on se répond. A l'époque de Candy, on travaillait à la boucle. (Une boucle est une longueur de bande qui correspond au temps pendant lequel un comédien peut travailler sans s’interrompre : une minute en moyenne. Le détecteur numérote ces boucles, pour qu’à l’enregistrement, l’ingénieur du son puisse facilement passer d’un point à l’autre du film en se basant sur les numéros de boucles. Plus d'infos sur les mécanismes du doublage sur wikipedia). On voyait d'abord la scène en japonais, on la voyait une deuxième fois en japonais, on la répétait puis après on enregistrait le temps que durait la boucle. Alors que maintenant, on valide une fois, puis on enregistre. Et c'est fait ! C'est plus rapide maintenant, mais avant, comme c'était des boucles, on convoquait les comédiens en même temps pour la scène.

TCN :Où enregistriez-vous le doublage de Candy ?

VR : Les premiers à Epinay-sur-Seine, puis ensuite à Deuil la barre

TCN : Vous étiez le "petit  jeune", le "petit dernier" dans l'équipe. Quelles étaient vos relations avec les autres comédiens pendant le doublage ? Vous étiez encadré, chapeauté ?

VR : Oui, je l'étais bien sûr ! Mais il y avait aussi d'autres jeunes comédiens, notamment celle qui faisait la méchante, Eliza, (Sylviane Bressy) et Fabrice Bruno, qui doublait Daniel. Il a aussi travaillé dans les Aristochats.

On avait du beau monde comme Henri Djanick qui faisait aussi la voix de Kojak, d'Anthony Quinn. Il doublait des premiers rôles de films, de séries, et il s'est retrouvé dans Candy. Alors que maintenant dans un dessin animé, on va hésiter à prendre des grands noms comme ça, ou ça va se faire en Belgique, et je trouve que c'est dommage, ça a perdu de son cachet parce que, l'air de rien, même si j'ai fait Candy, quand vous voyez le doublage de Goldorak, il y avait Jean-Claude Michel qui doublait Sean Connery ! Vous aviez des voix comme ça complètement incroyables qui vous plongeaient vraiment dedans. Si cela avait été des voix moins bonnes, cela n'aurait pas aussi bien marché. Parce-que même si vous avez regardé ça étant jeunes et moi aussi, il ne faut pas nous prendre pour des idiots. On n'aime pas tout quand on est jeune, on est aussi sensible au travail des ces gens là qui étaient des personnes incroyables. Par exemple, Pierre Trabaud qui faisait Daffy Duck, était un grand acteur de théâtre, il était ami avec Pierre Fresnay, il avait doublé Brando. C'étaient des gens incroyables !

Pour Candy, j'étais dirigé par Jacques Thébault qui faisait la voix de Steve McQueen et de James West dans "Les mystères de l'ouest". Je peux vous dire qu'il rigolait pas, lui ! C'était un vieux de la vieille, il avait connu le cinéma des années 40-50, et c'était le vrai métier là, c'est à dire que maintenant, quand vous avez un jeune acteur de 15-16 ans, on lui dit "Ecoute Coco, c'est pas grave, tu t'es trompé, on va la refaire". Ils ont tout leur temps, ils arrivent décontractés, en retard, c'est pas grave... A cette époque là, avec des gens qui avaient connu le cinéma d'avant et d'après guerre, si on commençait à se tromper, on se faisait rappeler à l'ordre, et moi, j'en menais pas large. Mais quand je faisais du bon boulot, il me prenait par l'épaule et me disait : "C'est bien mon p'tit, je suis fier de toi". Et il y avait une espèce de côté paternel et de parrainage qui était sensationnel. Ce parrainage exigeant m'a permis de tout apprendre. C'est pas de la rigolade, c'est un vrai métier. Il y a des tas de gens qui nous écoutent après, il y a aussi de l'argent mis en jeu, donc ce n'est pas de l'amateurisme ni de l'amusement. C'est pourquoi il faut faire en s'amusant tout en gardant à l'esprit qu'il faut le faire sérieusement. C'est du boulot. Et je crois que c'est très important d'avoir appris ce métier comme je l'ai fait.

TCN : Et vous vous amusiez alors sur Candy ?

VR : Non, je ne m'amusais pas beaucoup car j'étais paniqué à l'époque et pas très à l'aise. J'étais très timide. Je me suis amusé plus tard dans les doublages comme sur Nicky Larson car j'étais adulte. Il faut bien l'avouer, il n'est pas très marrant Anthony. Il plaisait aux filles, mais pour un jeune garçon comme moi, c'était ennuyeux à faire. J'aurais préféré faire Alistair ou Terry. C'était un marrant, Terry !

TCN : Combien de temps durait le doublage d'un épisode ?

VR : Une journée environ. En comparaison, pour Nicky Larson, on doublait trois épisodes en une après-midi ! On improvisait là, on voyait même pas la boucle avant ! (rires)

TCN : Malgré ces trente années qui se sont écoulées, vous rappelleriez-vous d'une anecdote sur le doublage de la série ?

J'ai un peu de mal à en trouver une car c'est loin tout ça. Mais je me rappelle que Sylviane Bressy, qui doublait Eliza, était d'une tristesse de faire la méchante ! (rires) Elle avait à peu près mon âge et elle avait peur que tout le monde la déteste. Chaque fois qu'une scène ignoble arrivait, elle disait "Oh non, je vais pas jouer ça ! C'est horrible !" Et elle le faisait très très bien d'ailleurs ! Et pourtant, elle était adorable, gentille comme tout ! J'adorais sa voix !

TCN : C'est vrai qu'elle avait une voix reconnaissable, qui a marqué.  C'était un doublage avec des voix très caractéristiques.

TCN : Votre phrase ou dialogue dans la série, celle dont vous vous rappelez le mieux ?

VR (L'air malicieux) : Tu es beaucoup plus jolie quand tu ris que lorsque tu pleures !

TCN : La phrase culte ! (rires)

VR  : Il y a un truc marrant aussi, c'est que comme j'écoutais d'abord la série en japonais, j'avais pris l'intonation de la voix japonaise d'Anthony, lequel prononçait Candy : "Kyandy". C'est pour ça que si vous faîtes bien attention, je ne prononce pas Candy comme tout le monde.  Et les gens sur le plateau me demandait tout le temps : "Mais comment tu dis Candy ?!!!" (rires)

TCN : C'était fait exprès alors ?

VR : Non, non. C'est parce que j'étais habitué à la version japonaise. Du coup, tout le monde se fichait de moi.

TCN : Et la série, vous l'avez revue ?

VR : Oui, je l'ai revue avec mes filles (il en a trois ! ^^) Les deux ainées l'ont regardée quand c'est repassé à la télé. Elles ont adoré.

TCN : Elles savaient que c'était vous ?

VR : Oui, mais elles ne s'en rendaient pas bien compte car elles étaient petites. Mais maintenant, elles en sont très fières. Les deux ainées font aussi du doublage, surtout la cadette, Joséphine qui a 19 ans. Cela marche bien pour elle.  

Ensuite, catastrophe, car on s'aperçoit que l'enregistrement s'est arrêté sans que l'on s'en rende compte !!!! Aaarrrgggg !!! Je vais donc tâcher de vous résumer au mieux la suite de la conversation.

Nous avons évoqué la grève des doubleurs qui avait eu lieu il y a quelques années. Nous lui avons demandé s'il y avait participé et s'il avait subi par la suite des représailles. La réponse fut positive. il nous a parlé de leurs revendications financières, comme quoi ils ne touchaient rien sur les multidiffusions des séries, et notamment les multidiffusions sur la TNT. Les comédiens doubleurs ne touchent que leur salaire et plus rien ensuite. Suite à la grève, il fut considéré persona non grata dans une société de doublage (qui a fermé depuis).

Autre nouvelle scandaleuse : il n'a pas été engagé pour le doublage de la suite de Nicky Larson, lequel se fera en Belgique. Une pétition existe à ce propos sur Facebook. Si vous souhaitez la soutenir, n'hésitez pas à vous inscrire !

Nous lui avons demandé ce qu'il pensait du doublage de dessins animés à gros budget effectué par des "people". Selon lui, si le doubleur est aussi comédien comme Seimoun ou Chabat, il n'y voit pas d'inconvénient, car cela reste de la qualité. Par contre, si c'est fait par des animateurs télé... Nous partageons d'ailleurs tout à fait son opinion.

Bien qu'il reçoive régulièrement du courrier de fans, il reste toujours autant surpris par l'engouement autour de son travail. Il a aussi confié que lorsqu'il avouait à de "jeunes damoizelles" qu'il était la voix d'Anthony, l'effet séduction était immédiat.  Il a toujours du mal à comprendre ce que l'on peut trouver dans ce garçon habillé comme une fille ! ^____^

Son actualité :

- Doublage de François dans Titeuf, et d'autres séries,
- Préparation d'une pièce de théâtre pour l'année prochaine,
- Site officiel en préparation.

Si vous souhaitez contacter Vincent Ropion, vous pouvez le faire via sa page Facebook, en attendant la mise en place de son site web.

Encore une fois, nous remercions Vincent Ropion pour sa gentillesse et sa disponibilité. Ce fut un entretien vraiment enrichissant et passionnant, où l'humour était au rendez-vous. La Team Candyneige n'est pas prête d'oublier ce moment, ni la petite fille qui sommeille en moi d'aileurs, laquelle n'aurait jamais pu imaginer pouvoir un jour discuter avec "Anthony"... ^____^

Je remercie aussi ma Candyreporter, Sandrine, qui m'a été d'une aide logistique précieuse, et qui m'a surtout permis de réaliser une interview tonique et captivante grâce à la pertinence de ses questions. Merci encore ma Sandrinette ! ^^

© Team Candyneige - 2009 : Sophie et Sandrine